CA Aix-en-Provence, premier président, 26 février 2013, n° 12-02190
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gardin-Charpentier
Avocats :
Mes Follana, Picot
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Marseille en date du 19 janvier 2012 et l'ordonnance subséquente sur commission rogatoire rendue le 20 janvier 2012 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Toulon notifiées le 26 janvier 2012 à la SAS X représentée par son directeur, M. Y qui a reçu l'acte,
Vu le procès-verbal de visite et de saisie du 26 janvier 2012 dans les locaux de la SAS X, <adresse> La Valette du Var,
Vu l'appel de cette ordonnance par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Marseille, le 3 février 2012, effectué par Me Follana, avocat au barreau de Draguignan, au nom de la société les Lignes du Var SAS et muni d'un pouvoir spécial, au visa de l'article L. 450-4 du Code de commerce,
Vu la réception de cet appel au greffe de la cour d'appel le 7 février 2012 et son enregistrement à cette date sous le numéro RG 12-2190,
Vu les conclusions d'appel et les conclusions récapitulatives et en réplique déposées et notifiées au nom de l'appelante pour demander :
à titre principal, d'annuler avec toutes conséquences de droit l'ordonnance du 19 février 2012 en ce que le juge n'a pas vérifié que la demande d'autorisation qui lui était soumise était fondée, contrairement aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce,
à titre subsidiaire, d'annuler avec toutes conséquences de droit ladite ordonnance en ce que l'autorisation de visites et saisies est disproportionnée :
dès lors que l'Administration aurait pu recueillir toutes les explications sur les éléments qu'elle a apportés à l'appui de sa requête par laquelle utilisation de ses pouvoirs tirés de l'article L. 450-3 du Code de commerce,
et dès lors en toute hypothèse que l'ordonnance ne contient aucune présomption de nature à justifier la mesure ordonnée,
à titre très subsidiaire, d'annuler l'ordonnance en ce que l'autorisation de visites et saisies excède le domaine des prétendues présomption retenues,
et en conséquence d'annuler l'ordonnance du 20 janvier 2012 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Toulon en ce qu'elle a été adoptée, en vertu d'une commission rogatoire donnée par l'ordonnance du 19 janvier 2012 entachée de nullité.
condamner la Direccte de Provence Alpes Côte d'Azur et la Brigade Interrégionale des Enquêtes de Concurrence (BIEC) aux dépens.
Vu les conclusions de la Direccte de Provence Alpes Côte d'Azur qui réplique aux différents moyens invoqués par l'appelante et sollicite le rejet de la demande d'annulation de l'ordonnance rendue le 19 janvier 2012 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Marseille ; l'Administration demande enfin de condamner la société X aux dépens,
Les parties ont été entendues à l'audience en leurs observations orales conformes aux écritures échangées et déposées.
Vu l'avis écrit de Monsieur le Procureur général qui demande la confirmation de l'ordonnance du 19 janvier 2012.
Sur ce,
Aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel n'est invoqué ; celui-ci a été effectué dans les formes et délais prescrits par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de sorte qu'il sera déclaré recevable.
La demande en nullité de l'ordonnance du 19 janvier 2012 et de l'ordonnance subséquente du 20 janvier 2012 est fondée sur les moyens ci-après :
Sur l'absence de vérification par le juge des libertés et de la détention du bien-fondé de la requête,
Contrairement à ce que prétend la société appelante, le juge s'est accordé un délai suffisant de 48 heures pour statuer sur la requête de la Direccte et prendre connaissance des pièces annexées, sachant qu'aucun délai pour statuer n'est imposé par l'article L. 450-4 du Code de commerce et que rien ne démontre que le juge n'a pas eu la possibilité matérielle d'examiner les pièces jointes à la requête ; de plus l'ordonnance est motivée et il est sans portée sur l'effectivité de la vérification du juge que les motifs retenus soient ceux qui ont été proposés par l'Administration dans le projet d'ordonnance joint à la requête, dès lors qu'en datant et signant l'ordonnance, le juge s'en approprie le contenu qui est donc réputé établi par lui.
Sur la disproportion, alors que les explications demandées auraient pu être obtenues au visa de l'article L. 450-3 du Code de commerce, sans visite domiciliaire qui doit être exceptionnelle en raison du caractère attentatoire aux droits fondamentaux d'une telle mesure coercitive et sur l'absence de présomptions suffisantes puisque les affirmations de l'Administration ne sont que de " simples supputations ",
Mais les éléments caractérisant des présomptions de pratiques anti-concurrentielles et donc illicites susceptibles de mettre en évidence une concertation préalable des opérateurs économiques pouvant répondre à l'appel d'offre, devaient conduire à écarter la mise en œuvre d'une enquête économique contradictoire selon les dispositions de l'article L. 450-3 du Code de commerce et justifiaient donc la demande d'autorisation de visite domiciliaire exceptionnelle. En particulier, l'Administration a produit les rapport d'analyse et les mémoires techniques pour les marchés de transport en vue de la manifestation annuelle intitulée " Printemps des lycéens et apprentis " passés de 2007 à 2011 qui ont permis au juge de constater des similitudes de présentation, alors que les mêmes erreurs matérielles étaient contenues dans le dossier présenté par un seul candidat en réponse à l'appel d'offre du Conseil Régional Paca, outre la présentation de candidatures non finalisées par des opérateurs pourtant particulièrement habitués à répondre à ce type d'appel d'offres des collectivités locales.
Malgré ce qu'affirme la SAS X, la Direccte pouvait légitimement rechercher d'autres documents que les factures de ses prestations nécessairement insuffisantes à étayer les présomptions invoquées.
La disproportion entre la mesure de visite domiciliaire dans l'entreprise et la recherche d'éléments de nature à étayer ces présomptions ne peut résulter des simples affirmations de l'appelante qui élude toute analyse des éléments de fait rapportés par l'Administration dans sa requête, dans ses conclusions et à la barre, en se contentant de les qualifier de simples supputations, alors que les éléments de concordances de présentation des documents de réponse aux appels d'offre invoqués sont mis en évidence à l'examen des pièces annexées à la requête qui rapportent des faits concrets dont l'effet cumulé est à prendre en considération, à savoir la présence d'un interlocuteur unique et commun aux sociétés soumissionnaires, l'identité de rédaction dans les mémoires techniques et l'unicité de candidature dans un secteur concurrentiel quoi qu'en dise la SAS X, même si l'appel à la sous-traitance s'avère nécessaire compte tenu de la nature particulière de la prestation concernée.
Les faits ainsi rapportés sont des anomalies qu'il ne parait pas pertinent de qualifier de fortuites. Les éléments de preuve des pratiques anticoncurrentielles ainsi présumées sont par nature dissimulés et reposent sur d'éventuels documents confidentiels qui justifient donc la mesure de visite domiciliaire sollicitée.
C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que les présomptions étaient suffisantes pour justifier la recherche de preuves rendant pertinente la demande d'autorisation de visite domiciliaire, par application de l'article L. 450-4 du Code de commerce. Enfin, il ne revient pas au juge des libertés et de la détention de caractériser les infractions mais seulement les éléments de présomption et sur ce point, l'ordonnance querellée est particulièrement argumentée.
Sur l'étendue de l'autorisation qui excèderait le domaine " des prétendues présomptions retenues ".
Le juge des libertés et de la détention a ciblé son autorisation dans le cadre de l'enquête tendant à vérifier l'existence de pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce susceptibles d'être relevées dans le secteur des transports de voyageurs par autocar en Région Paca, en relevant que les soupçons de pratiques anticoncurrentielles résultant des faits ci-avant relatés à propos du marché de transport pour la manifestation annuelle " Le printemps des Lycéens et apprentis " impliqueraient que la maîtrise de l'attribution de ce marché à une seule entreprise du secteur masque des accords de compensation sur d'autres marchés, les cas relevés dans la requête apparaissant comme des illustrations de pratiques anticoncurrentielles prohibées.
Le fait de donner l'autorisation dans un secteur économique et un espace géographique circonscrits est justifié en droit alors que les éléments de présomptions retenus ne sont pas exhaustifs et que les faits visés apparaissent légitimement comme des illustrations étayées d'une pratique plus large qu'il est pertinent de chercher à établir.
La présomption d'entente organisée supposant une répartition illicite des parts de marché justifie donc l'autorisation d'investigation délivrée, sans qu'il soit porté atteinte au principe de proportion, sachant que les noms et adresses des entreprises concernées ont été précisément définies et limitées à celles qui ont à tour de rôle candidaté avec les contenus similaires et à la Fédération Nationale des Transports de Voyageurs Paca qui aurait pu avoir un rôle central, l'ensemble dans un secteur économique et d'attractivité précis.
La demande d'annulation de l'ordonnance du 19 janvier 2012 sera donc rejetée et il en est de même pour l'ordonnance subséquente, sur commission rogatoire du 21 janvier 2012.
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Déclarons l'appel recevable et mal fondée, Confirmons l'ordonnance déférée rendue le 19 janvier 2012 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Marseille, Disons que les dépens seront à la charge de l'appelante.