Cass. com., 26 février 2013, n° 12-12.203
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Répertoire des sociétés et des indépendants (SAS)
Défendeur :
Direction départementale de la protection des populations de Paris, Caisse nationale du régime social des indépendants
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, SCP Lesourd
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2011), que depuis octobre 2010, la société Répertoire des sociétés et des indépendants (la société RSI), ayant pour sigle "RSI", commercialise à l'intention des professionnels des insertions publicitaires sur des sites Internet ; que pour prospecter ses clients, elle procède par publipostage, en envoyant par courrier des offres commerciales assorties d'un bulletin d'adhésion ; qu'estimant que ce bulletin était similaire à un document émanant de l'organisme de sécurité sociale "Régime social des Indépendants", dont le sigle est aussi RSI, et qu'il donnait l'impression au destinataire que la réponse et le paiement étaient obligatoires, le directeur départemental de la protection des populations de Paris (le DDPP), a le 17 juin 2011, fait assigner la société RSI en référé afin qu'il soit mis fin à cette pratique ; que la Caisse nationale du régime social des indépendants est intervenue volontairement en cause d'appel au soutien de la demande ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société RSI fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de justification par le DDPP de ce qu'il avait avisé le procureur de la République de son action, alors, selon le moyen : 1°) que c'est seulement après en avoir avisé le procureur de la République que l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut agir devant la juridiction civile, pour demander au juge d'ordonner des mesures de nature à mettre un terme à des pratiques commerciales trompeuses ; qu'en se contentant de se fonder, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de justification par le DDPP de ce qu'il avait avisé le procureur de la République de son action contre la société RSI, sur la production de deux lettres simples prétendument adressées à ce dernier, sans exiger de preuve de l'effectivité de leur envoi et de leur réception avant l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du Code de la consommation ; 2°) que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, elle demandait à la cour d'appel de " dire M. Jean-Bernard Baridon ès qualités de Directeur départemental de la protection des populations de Paris irrecevable et mal fondé en ses demandes, fins et conclusions " ; que la cour d'appel, en énonçant, pour rejeter la fin de non-recevoir, que celle-ci n'était pas reprise dans le dispositif des conclusions contrairement aux dispositions de l'article 954, dernier alinéa, du Code de procédure civile, a dénaturé les conclusions de l'intimée et ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement constaté, par motifs propres et adoptés, que le DDPP, avant d'agir, en avait avisé le procureur de la République par une lettre datée du 7 juin 2011, réceptionnée avant la saisine, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les prescriptions de l'article L. 141-1 du Code de la consommation avaient été respectées ;
Et attendu, d'autre part, que, la cour d'appel ayant statué sur la fin de non-recevoir soulevée par la société RSI, la seconde branche attaque des motifs surabondants ; d'où il suit qu'inopérant en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société RSI fait grief à l'arrêt de lui ordonner, sous astreinte, de cesser d'envoyer et d'utiliser le document intitulé bulletin d'adhésion comportant le sigle RSI, alors, selon le moyen : 1°) qu'au sens de l'article L. 121-1, I, 1°, du Code de la consommation, une pratique commerciale n'est trompeuse que dans la mesure où elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que la Caisse nationale avait considéré que l'activité de la société RSI n'était pas similaire à la sienne, ce dont il résultait que cet organisme et cette société n'étaient pas des concurrents, a néanmoins jugé, au visa de l'article L. 121-1, I, 1°, du Code de la consommation, que la pratique commerciale de la société RSI, consistant en l'envoi de bulletin d'adhésion portant notamment le sigle RSI, était manifestement illicite, a violé ce texte et l'article 809 du Code de procédure civile ; 2°) qu'au sens du 2° du même texte, une pratique commerciale est encore trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que le bulletin d'adhésion de la société RSI portait en haut à gauche le sigle RSI suivi en dessous de la mention " Répertoire des Sociétés et des Indépendants ", qu'il comportait au verso des conditions générales de vente de prestation publicitaire indiquant en gras souligné que la prestataire est " une société privée ", que l'" offre n'est pas obligatoire ", qu'il s'agit de " souscrire à une offre publicitaire " ou " que le service proposé n'a aucun lien direct ou indirect avec un organisme officiel " et que la " prestation n'a aucun caractère officiel et est destinée à un but publicitaire ", que le logo de la société RSI n'avait pas le même graphisme que celui de l'organisme social qui utilise le même sigle, que ce sigle était utilisé par d'autres sociétés, que l'imitation frauduleuse avait été écartée par l'organisme social lui-même, ce dont il résultait que le bulletin d'adhésion utilisé par la société RSI n'était pas manifestement trompeur pour les professionnels auxquels il était destiné, a néanmoins jugé que la pratique commerciale visée était manifestement illicite, a violé les articles L. 121-1 du Code de la consommation et 809 du Code de procédure civile ; 3°) qu'une pratique commerciale trompeuse implique que la décision d'achat du produit ou service par les consommateurs auxquelles elle s'adresse soit susceptible d'être altérée ; qu'en se bornant à relever, pour estimer manifestement trompeuse la pratique commerciale de la société RSI, que de nombreuses plaintes, dont certaines visaient d'autres sociétés que celle-ci, avaient été reçues par la DDPP et la caisse, sans préciser le nombre ou la part de professionnels qui aurait effectivement été trompé par le bulletin d'adhésion litigieux et ainsi conduit à souscrire sans le comprendre aux services de la société RSI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du Code de la consommation et 809 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir décrit le bulletin d'adhésion envoyé par la société RSI aux sociétés et professionnels indépendants et mis en balance les indications trompeuses qu'il comporte et celles informant le destinataire de la véritable nature de la prestation proposée, l'arrêt retient que, malgré ces informations, ce document, par sa présentation, est de nature à créer une confusion avec le Régime social des indépendants, régime de sécurité sociale utilisant également le sigle RSI et auquel l'adhésion est obligatoire pour les travailleurs non-salariés de professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales, et qu'il induit en erreur sur le service rendu moyennant paiement ; qu'il ajoute que, même si le logo utilisé par la société RSI a un graphisme différent de celui de la Caisse nationale du régime social des indépendants, un professionnel normalement attentif, notamment lorsqu'il vient de créer son entreprise, peut être amené à croire qu'il s'agit d'une adhésion au régime obligatoire de sécurité sociale et non d'un bon de commande d'une prestation de service publicitaire ; qu'il relève encore que le DDPP a produit les nombreuses plaintes et signalements de professionnels visant la société RSI et que la Caisse nationale du régime social des indépendants a versé aux débats des témoignages de ses directeurs régionaux faisant état des courriers en ce sens reçus des assurés ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, d'où il ressort que le bulletin d'adhésion adressé par la société RSI comportait des indications ou présentations de nature à induire en erreur sur la nature du service proposé et susceptibles d'altérer, de manière substantielle, le comportement économique des consommateurs qu'elle visait, la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a pu retenir que la société RSI se livrait à des pratiques commerciales trompeuses, génératrices d'un trouble manifestement illicite ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.