CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 février 2013, n° 09-17003
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Charlet Nautic (SA), Selarl Vincent Mequinion (ès qual.)
Défendeur :
SPBI (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Luc, M. Vert
Avocats :
Mes Olivier, Porcher, Fisselier, Misserey
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat du 25 novembre 1996, la société anonyme Chantiers Beneteau a concédé la distribution exclusive des bateaux qu'elle fabrique à la société anonyme Charlet Nautic spécialisée dans le vente et la maintenance de bateaux de plaisance, pour les Landes (sauf Capbreton), le Gers et le Lot et Garonne.
Le 6 juillet 2006, la société Chantiers Beneteau a mis fin au contrat de concession.
Estimant que la rupture a été effectuée abusivement et lui cause un préjudice, la société Charlet Nautic a assigné la société Chantiers Beneteau devant le tribunal de commerce pour obtenir réparation.
Par jugement du 17 juin 2009, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Charlet Nautic de ses demandes d'indemnisation formées contre la société Chantiers Beneteau,
- condamné la société Chantiers Beneteau à lui payer la somme de 259,30 euros au titre d'une facture impayée et débouté la société Charlet Nautic du surplus de ses demandes,
- condamné la société Charlet Nautic à payer à la société Chantiers Beneteau la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Charlet Nautic aux dépens.
La société Charlet Nautic a interjeté appel
Par conclusions du 3 décembre 2012 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé plus amples des prétentions et moyens, la Selarl Vincent Mequinion administrateur à la sauvegarde de la société Charlet Nautic demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- débouter la société SPBI qui vient aux droits de la société Chantiers Beneteau de toutes ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 678 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice financier, la somme de 100 000 euros pour le préjudice d'image, la somme de 100 000 euros pour le préjudice moral, outre les intérêts au taux légal sur ces sommes et la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1354 du Code civil,
- de la condamner à lui payer la somme de 1 670,53 euros au titre de diverses factures demeurées impayées, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- de la condamner à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de son recours, la société Charlet Nautic fait valoir, au visa de l'article 1147 et de l'article 1134 du Code civil, qu'elle a été entretenue dans l'illusion que le contrat serait "renouvelé", que la rupture avait pour but de réserver la concession à un autre distributeur, qu'elle-même n'a commis aucune faute.
Par conclusions du 18 décembre 2012 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé plus ample des prétentions et moyens, la société SPBI qui vient aux droits de la société Chantiers Beneteau demande à la cour de :
- confirmer la décision,
- débouter la société Charlet Nautic de ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros pour indemnité pour frais irrépétibles,
- de la condamner à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Chantiers Beneteau fait valoir que le contrat signé par les parties refuse toute indemnité au concessionnaire lorsque la rupture est faite dans le respect des termes de l'article 13 du contrat ; elle ajoute qu'il n'y a pas abus, ni brutalité ni attitude vexatoire de sa part, qu'elle n'avait pas à motiver la rupture même si elle aurait pu le faire, que la signature d'un contrat de concession avec un autre distributeur est intervenue un an après la rupture, que la procédure de sauvegarde est liée à la rupture des concours.
SUR CE
1) Sur la rupture du contrat de concession :
Considérant qu'un contrat de concession a été signé entre la société anonyme Chantiers Beneteau et la société anonyme Charlet Nautic le 25 novembre 1996 ; que l'article XIII du contrat précisait :
" 1 - Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée. Chacune des parties peut y mettre fin par notification avec préavis de quatre mois.
" 2 - Aucune indemnité ne pourra être réclamée par l'une des parties à l'autre pour avoir mis fin au contrat dans les formes mentionnées au n° 1 ci-dessus.
Considérant que la société Chantiers Beneteau a par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2006 fait connaître à la société Charlet Nautic son intention de mettre fin au contrat de distribution, avec un délai de préavis de quatre mois courant la date de réception de la lettre,
Considérant que la société Chantiers Beneteau a résilié régulièrement le contrat dans les conditions fixées par l'article XIII ; qu'elle n'avait pas l'obligation de donner les raisons pour lesquelles elle mettait fin au contrat,
Considérant que le contrat précise qu'aucune indemnité n'est due lorsque la fin des relations a eu lieu dans les formes précisées par le contrat,
Considérant toutefois, que si, au regard des circonstances, la résiliation a été abusive, brutale, vexatoire, une indemnisation reste possible,
Considérant que le courrier du 6 février 2006 adressé par la société Chantiers Beneteau à la société Charlet Nautic, qui se borne à définir les objectifs de la saison qui va commencer, ne peut entretenir la société Charlet Nautic dans l'illusion que le contrat sera "renouvelé",
Considérant encore qu'il ne peut être sérieusement soutenu que la société Chantiers Beneteau a pu appréhender "sans bourse délier" les efforts commerciaux de la société Charlet Nautic au profit d'un autre distributeur alors que l'intimée a signé le 17 juillet 2007, soit neuf mois après l'expiration du préavis, un contrat de distribution avec un autre concessionnaire qui opérait déjà sur le département de la Gironde et sur Arcachon ; que le remplacement dans de telles conditions du distributeur évincé par un autre n'a rien de fautif,
Considérant enfin que la privation de distribuer les bateaux de la société Beneteau n'est que la conséquence de la rupture, qui ne peut être vexatoire pour ce motif, que la société Charlet Nautic a pu écouler encore pendant plusieurs mois les bateaux Beneteau qu'elle avait en stock,
Considérant en définitive que rien ne caractérise l'abus de droit dans la rupture,
2) sur la demande en paiement de factures de la société Charlet Nautic :
Considérant que la société Charlet Nautic demande le paiement de la somme de 1 670,53 euros correspondant à l'addition de quatre factures, que la société Chantiers Beneteau reconnaît devoir trois d'entre elles pour la somme de 1 440,09 euros, contestant devoir la somme de 229,63 euros correspondant à la facture 46245 qu'elle dit avoir réglée,
Considérant que pour cette dernière facture, la société Chantiers Beneteau justifie avoir établi un chèque de 229,63 euros au profit de la société Charlet Nautic après avoir émis un bon à payer, que toutefois, elle ne justifie pas de l'encaissement du chèque émis, qu'elle sera condamnée pour la somme que demande la société Charlet Nautic,
Considérant que la somme a été demandée non dans l'assignation mais dans des conclusions du 22 septembre 2008, que les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter de cette date,
3) sur les frais irrépétibles et les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu à indemnité pour frais irrépétibles,
que la société Charlet Nautic qui succombe supportera les dépens,
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré en ce qui concerne la condamnation au paiement des factures, Statuant à nouveau, Condamne la société SPBI qui vient aux droits de la société Chantiers Beneteau à payer à la société Charlet Nautic la somme de 1 670,53 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2008, Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Confirme le jugement pour le surplus, Dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles, Condamne la société Charlet Nautic aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.