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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 14 décembre 2012, n° 10-00511

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

La Commune du Lamentin

Défendeur :

PI Medias (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deryckere

Conseillers :

Mmes Subieta-Foronda, Triol

Avocats :

Mes Manville, Joyaux

TGI Fort-de-France, du 20 avr. 2010

20 avril 2010

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Saisi par la société PI Medias d'une demande tendant à faire sanctionner la Ville du Lamentin pour rupture abusive de la convention de réalisation et commercialisation d'espaces publicitaires du magazine bimestriel Dialogue pour le compte de la commune, le Tribunal de grande instance de Fort de France, a par jugement du 20 avril 2010, rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité du maire à représenter la commune, dit que le contrat est exempt de nullité, constaté que la Commune du Lamentin est responsable de la rupture du contrat, condamné la commune à payer à la société PI Medias la somme de :

- 158 400 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 29 juillet 2010, la Commune du Lamentin a formé appel du jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées le 25 janvier 2012, l'appelante reprenant le moyen de nullité de l'assignation introductive d'instance qui avait été rejeté par le juge de la mise en état par ordonnance d'incident du 16 décembre 2008, fait valoir que l'inexistence de la personne morale appelée en justice par la société PI Medias est insusceptible d'être couverte, de sorte que c'est l'ensemble de la procédure initiée à l'encontre de la "Ville du Lamentin" qui doit être annulée. Au fond, elle fait valoir que la rupture de la convention a été annoncée par son courrier du 9 février 2006 invoquant une condition potestative entraînant la nullité intégrale de l'acte, qu'il s'agit d'une nullité d'ordre public, et que la rupture du contrat pour ce motif ne peut dès lors être abusive. Elle ajoute qu'aucune faute ne peut être retenue contre la commune, et que la base de calcul du préjudice retenue par les premiers juges est fausse, puisque la commune n'aurait été tenue qu'à la différence entre le coût de réalisation des publicités et les recettes publicitaires si elles ne dépassaient pas 14 000 euro. Elle insiste sur le caractère exorbitant des demandes, portant sur 16 magasines alors que du seul fait de PI Medias seulement 2 numéros ont pu sortir, et alors au surplus qu'il n'appartient qu'à cette dernière de faire en sorte que le seuil de 14 000 euro de recettes ne soit pas atteint, ainsi que cela s'est produit pour ces deux seuls magazines que la commune a dû payer 9 900 euro chacun, alors que PI Medias avait vanté son réseau de liens commerciaux comme étant suffisant pour permettre une publication à coût zéro. Elle conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de toutes les demandes adverses, et sollicite 3 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société PI Medias, dans ses dernières conclusions en réponse déposées le 10 mai 2012, indique que dans le cadre des relations contractuelles, elle était chargée du démarchage publicitaire, de la mise en page, l'impression et l'édition, et qu'elle conservait la charge des frais de réalisation à partir de 14 000 euro de recettes publicitaires. La Commune de son côté devait fournir en temps voulu tous les éléments nécessaires à la conception du prochain numéro. Les retards de la part de la commune ont cependant été tels qu'elle n'a été en mesure d'assurer que deux parution, ce qui la décrédibilise vis-à-vis des annonceurs. Elle soulève in limine litis la nullité de la déclaration d'appel faite par une société d'Avocats non encore inscrite au barreau à cette date. Sur l'assignation introductive d'instance, elle répond que l'erreur sur l'identification du requis n'a été source d'aucune confusion ni grief, puisque la commune s'est immédiatement constituée. En revanche, le maire, faute d'avoir été habilité par le conseil municipal à la date de sa constitution, est irrecevable en son intervention pour défaut de qualité. Sur le fond, elle ne voit pas en quoi les modalités de financement de la production du magazine, parfaitement contrôlables en fonction des espaces publicitaires vendus peuvent être potestatives. Elle soutient en revanche que c'est l'attitude fautive de la commune qui lui a causé une perte d'image et d'honorabilité, évaluée à 30 000 euro et un préjudice financier résultant des recettes manquées qu'elle calcule à hauteur de 158 400 euro pour la première période triennale. Elle demande en outre :

- 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la déclaration d'appel, elle a été formée le 29 juillet 2010 par Me Manville, avocat inscrit au barreau de Martinique depuis le 21 février 1990, comme représentant la Selarl Inter-Barreaux Amcor Juriste & Associés, elle-même inscrite depuis le 13 mars 2010. Ce moyen d'irrecevabilité n'étant pas davantage explicité, sera donc rejeté.

Sur l'assignation introductive d'instance, la Commune ne peut sans se contredire soutenir qu'elle aurait été délivrée à une personne morale inexistante, alors que dans tous les courriers, conventions et y compris dans le corps de ses conclusions, elle se dénomme elle-même "la Ville" ; qu'elle sait donc très exactement à qui s'applique cette dénomination, pour laquelle elle s'est immédiatement constituée. L'erreur ou l'approximation dans les termes employés pour désigner une personne morale qui a une existence réelle et incontestable, ne constitue qu'une irrégularité de forme qui ne peut servir de base à une demande de nullité sans grief, lequel fait totalement défaut en l'espèce.

Sur le moyen d'irrecevabilité de l'intervention [sic] du maire, il convient de répondre que dans la pureté des principes juridiques, le Maire de la Commune n'est pas intervenu à l'instance, il est l'autorité statutairement habile à représenter la personne morale de droit public qu'est la Commune. La société PI Medias est d'autant plus mal avisée de soulever un tel moyen que qu'elle avait rédigé son assignation introductive d'instance validée ci-dessus, à destination de la ville du Lamentin "prise en la personne de son représentant légal, le Maire".

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la convention litigieuse, qu'aucune des parties n'a jugé utile de joindre à ses pièces pour la soumettre à la cour, et dont une copie est opportunément restée au dossier de première instance joint au dossier d'appel, il n'apparaît pas expressément qu'il ait été convenu que les frais de la publication périodique de la commune devaient être entièrement couverts par les recettes publicitaires, de façon à assurer la gratuité de ce service que la commune se proposait d'apporter à ses administrés. Il est cependant légitime que ce soit l'objectif de gestion que le représentant de la commune ait poursuivi. Mais au cas où ces recettes seraient insuffisantes, il était inenvisageable, tant pour la Commune qui doit pouvoir justifier de toutes ses sources de financement, que pour la société devant réaliser des bénéfices, que la libéralité vienne de la société de droit privé PI Medias. Eviter ce risque, est très exactement l'objet de la clause relative au financement de la publication. En ce sens, elle ne peut être qualifiée de potestative.

Cependant, le fait que dès le premier numéro, cette clause ait entrainé une dépense imprévue pour la commune, qui s'est répétée sur le second numéro, a mis en évidence la difficulté de mise en œuvre du système conçu par les parties, et a pu justifier la décision du maire de résilier la convention selon les termes de son courrier du 9 février 2006.

Par ailleurs, il est également démontré que la mauvaise collaboration des services de la mairie à la réalisation du magazine, explique qu'aucun délai n'a pu être tenu, et que finalement jusqu'à la date de résiliation par la commune, seulement deux numéros ont pu sortir. Or, pour vendre des espaces publicitaires, il est indispensable de convaincre les annonceurs de ce qu'ils sont assurés d'une régularité d'émission du support qu'ils paient. Il doit en être retenu que la commune est en partie responsable de la défection des annonceurs qui a généré des frais pour la société PI Medias, au final répercutés sur la commune.

La convention n'est donc pas nulle mais elle a été résiliée lorsqu'il est apparu que les parties ne parvenaient pas à la mettre à exécution convenablement dans leur intérêt mutuel.

Aucune faute ne peut être retenue davantage à la charge de l'une ou de l'autre. Par ailleurs, la société PI Medias ayant été défrayée comme elle l'a demandé pour les deux magazines qu'elle a réalisés, sans justifier avoir exposé d'autres frais, ni démontrer le préjudice moral qu'elle invoque, elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts, le jugement étant infirmé sur ce point.

Elle conservera la charge des entiers dépens mais aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de quiconque dans cette affaire. De la même façon, l'action intentée par la société PI Medias ne peut être qualifiée d'abusive, la commune ne s'expliquant pas sur sa demande de dommages-intérêts fondée de ce chef, qui sera dès lors rejetée.

Par ces motifs : Rejette le moyen d'irrecevabilité de la déclaration d'appel ; Infirme le jugement querellé, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société PI Medias relative à la qualité pour agir du Maire, et dit que le contrat du 22 mars 2005 est exempt de nullité. Statuant à nouveau sur le surplus, et y ajoutant ; Rejette le moyen de nullité de l'assignation introductive d'instance ; Constate la résiliation de la convention litigieuse aux torts partagés ; Déboute la société PI Medias de ses demandes ; Déboute la Commune du Lamentin de sa demande de dommages-intérêts ; Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société PI Medias aux entiers dépens ; Autorise la Selarl Amcor Juristes & Associés représentée par Me Manville à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.