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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 13 novembre 2012, n° 11-01429

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pagnotta (EARL)

Défendeur :

Faupin (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jourdier

Conseillers :

MM. Plantier, Besson

Avocats :

SCP Didier Petit, SCP Bergeret-Bouilleret

T. com. Dijon, du 19 mai 2011

19 mai 2011

Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties :

La société Faupin a acquis les 12 et 13 juin 2008 auprès de l'EARL Pagnotta un tracteur-enjambeur d'occasion dont le moteur avait été refait.

La société Faupin a ensuite cédé à l'un de ses clients ce véhicule, qui est tombé en panne dès son enlèvement.

Le véhicule a alors été remorqué dans les locaux de la société Faupin, qui a fait procéder à ses frais au remplacement du moteur, afin de satisfaire son client.

Une expertise du moteur endommagé a ensuite été organisée de façon contradictoire entre la société Faupin et l'EARL Pagnotta, qui a révélé que deux avaries mécaniques du moteur s'étaient produites en 2006 et 2007, ayant justifié l'intervention d'un réparateur en la personne de la société RGCA.

La société Faupin a alors adressé à l'EARL Pagnotta sa facture de réparation puis, à la demande de la société Groupama, assureur de l'EARL, et de la société RGCA à laquelle cet assureur avait adressé une indemnité correspondant au montant de la réparation effectuée, refait sa facture à l'ordre de cette dernière.

C'est ainsi que la société Faupin, invitée à déclarer sa créance au redressement judiciaire de la société RGCA ouvert le 8 octobre 2009, a fait assigner la société Pagnotta devant le Tribunal de commerce de Dijon, afin de la voir condamner à lui payer notamment :

- sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil, la somme de 12 003,06 euro en principal, outre intérêts aux taux contractuel ;

- ainsi que celle de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 19 mai 2011, le tribunal de commerce a :

- condamné l'EARL Pagnotta à payer à la société Faupin la somme de 12 003,06 euro avec intérêts aux taux légal à compter du 2 avril 2010 ;

- débouté la société Faupin de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné l'EARL Pagnotta a payer à la société Faupin la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement ;

- débouté les parties de toutes autres demandes, jugées mal fondées ;

- et condamné l'EARL Pagnotta aux entiers dépens.

À la suite de l'appel qu'elle a interjeté de ce jugement l'EARL Pagnotta a déposé le 12 juin 2012 d'ultimes écritures récapitulatives au terme desquelles elle demande à la cour, au vu de l'assignation délivrée le 2 avril 2010 par la société Faupin et des pièces n° 1 a 3 que celle-ci produit :

- de juger que "l'action en vices cachés est forclose" ;

- de juger que l'action fondée sur l'article 1603 du Code civil est irrecevable ;

- de juger en toute hypothèse que les prétentions de la société Faupin sont mal fondées en fait et qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le préjudice invoqué et le manquement supposé de l'EARL ;

- d'infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- et de condamner la société Faupin à lui payer une somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile.

Au terme de ses dernières écritures en réponse transmises le 26 juin 2012, la société Faupin demande à la cour :

- de constater, au vu notamment des éléments contractuels précisant qu'elle a acquis de l'EARL Pagnotta un tracteur "avec moteur refait" - donc en très bon état - des opérations d'expertise contradictoires et du rapport en date du 16 avril 2009 versé aux débats, qu'en fait ce moteur était atteint d'un vice caché ;

- au vu des articles 1134 et suivants, 1603 et suivants et 1641 et suivants du Code civil, de condamner l'EARL Pagnotta à lui payer la somme de 12 003,06 euro avec intérêts au taux légal a compter du 2 avril 2010 ;

- et de la condamner en outre à lui payer la somme de 3 500 euro au titre de sa résistance abusive, ainsi que celle de 2 000 euro, à hauteur de cour, en application de l'article 700 du Code de procédure civile .

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 juin 2012.

La cour d'appel se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, à la décision déférée ainsi qu'aux écritures d'appel évoquées ci-dessus.

Motifs de l'arrêt :

Sur la recevabilité des demandes en appel fondées sur l'obligation de délivrance et la garantie des vices cachés :

Attendu que l'EARL Pagnotta conclut à l'irrecevabilité des demandes de la société Faupin fondées sur l'inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance et sur la garantie des vices cachés, en faisant valoir qu'elles ne tendent pas aux mêmes fins que l'action en responsabilité contractuelle et constituent ainsi des "actions nouvelles" au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'article 563 de ce Code autorise les parties à invoquer pour la première fois en appel, au soutien de leurs prétentions émises devant le premier juge, des moyens nouveaux ;

Qu'il s'ensuit que la société Faupin est recevable à se prévaloir à hauteur de Cour, au soutien de sa demande réitérée en paiement de la somme en principal de 12 003,06 euro, initialement fondée sur les dispositions des articles 1134 et suivants du Code civil, du manquement allégué de l'EARL Pagnotta à son obligation de délivrance, et de la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur à raison des défauts cachés de la chose vendue ;

Sur l'obligation de délivrance :

Attendu que la société Faupin soutient en premier lieu que l'EARL Pagnotta a manqué à son obligation de lui délivrer une chose conforme à ce qui était convenu entre les parties ;

Qu'elle explique à cet égard que l'inexécution de cette obligation est avérée dès lors que l'EARL, en lui cédant un tracteur dont le moteur avait été "refait", devait lui remettre un engin muni d'un moteur "en bon état de fonctionnement", alors pourtant qu'il est tombé en panne peu après la vente ;

Attendu qu'il est en effet acquis au débat que le moteur équipant le tracteur-enjambeur vendu les 12 et 13 juin 2008 par l'EARL à la société Faupin a été affecté d'une panne après cette transaction ;

Mais attendu qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que le moteur défaillant n'avait pas été "refait à 4 500 heures", ainsi qu'il est indiqué sur la facture émise le 13 juin 2008 par l'EARL Pagnotta ;

Qu'il en résulte que la société Faupin échoue à démontrer que l'EARL ne lui a pas délivré une chose conforme à ce qui avait été convenu entre elles, en sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 1604 du Code civil ;

Sur la garantie des vices cachés :

Attendu, selon l'article 1648 du Code civil, que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ;

Que l'EARL Pagnotta oppose en premier lieu à la société Faupin la forclusion de son action en faisant valoir qu'elle n'a agi à son encontre - sur le fondement de la garantie des vices cachés - qu'au terme de conclusions signifiées le 15 décembre 2011, soit plus de deux ans après qu'a été révélé le défaut allégué, au terme d'une expertise datée du 17 avril 2009 ;

Mais attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;

Et attendu qu'il ressort des éléments de la procédure, particulièrement de l'assignation introductive d'instance délivrée le 2 avril 2010 à la requête de la société Faupin, que cette société a assigné l'EARL Pagnotta en paiement de la somme de 12 003,06 euro sur le fondement certes "des articles 1134 et suivants du Code civil", mais en soulignant particulièrement que l'engin qu'elle avait acquis de cette dernière, et qui était tombé en panne peu après la vente, avait auparavant subi deux avaries mécaniques et qu'une expertise contradictoire avait révélé que cette panne avait pour origine l'intervention antérieure de la société RGCA à laquelle l'EARL avait naguère confié la réparation de ces deux avaries ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que la société Faupin, dès lors qu'elle a assigné l'EARL Pagnotta dès le 2 avril 2010 pour obtenir l'indemnisation du dommage qui est résulté pour elle de l'achat d'un bien dont elle affirmait qu'il était affecté d'un défaut antérieur à la vente, a interrompu le délai de deux ans qui lui était imparti pour agir sur le fondement des articles 1644 et suivants du Code civil, peu important qu'elle n'ait expressément invoqué ces textes que dans ses écritures ultérieures ;

Qu'il s'ensuit que son action est recevable ;

Attendu que l'EARL Pagnotta soutient en second lieu que la société Faupin, tout d'abord, admet que le véritable responsable de la panne ayant affecté le bien vendu est la société RGCA et que le vendeur n'a pas commis de faute, ensuite, que sa cocontractante a décidé seule du remplacement du moteur en panne sans même en envisager contradictoirement la réparation, enfin, que ce moteur a nécessairement été endommagé au cours des 32 heures pendant lesquelles il a fonctionné après avoir été cédé à la société Faupin ;

Mais attendu, sur le premier point, que le vendeur d'une chose affectée d'un défaut caché est tenu de garantir l'acheteur à raison de l'impropriété de cette chose à son usage, peu important que le défaut de la chose ne soit pas imputable à sa faute ;

Attendu, sur le deuxième point, que l'EARL Pagnotta n'est pas fondée à reprocher à la société Faupin d'avoir fait procéder au remplacement du moteur défaillant, plutôt qu'à sa réparation, alors que l'indemnité de 12 003,06 euro qu'elle réclame en remboursement des frais exposés pour cette opération est quasi équivalente à la somme hors taxes de 9 787 euro évaluée par le cabinet d'expertise Cadexa au contradictoire des deux parties ;

Et attendu, sur le dernier point, que le cabinet Cadexa a conclu de façon formelle que la panne ayant affecté le moteur du tracteur-enjambeur vendu à la société Faupin avait pour origine "le calage non conforme des pompes [ayant] eu pour effet de modifier l'avance, de créer un mauvais débit et provoquer un échauffement sur le haut moteur" et que ceci était consécutif à l'intervention de la société RGCA, responsable de cette malfaçon ;

Qu'il apparaît ainsi, dès lors que l'EARL Pagnotta ne produit aucun élément concret de nature à étayer sa thèse contraire - d'ailleurs non soumise à l'expert - selon laquelle la panne du moteur trouverait son origine dans un usage postérieur à la vente, que l'engin qui a été vendu était affecté d'un grave défaut caché antérieur, en sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui l'a condamnée à payer la somme de 12 003,06 euro assortie des intérêts aux taux légal à compter du 2 avril 2010;

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par la société Faupin :

Attendu que la société Faupin, invoquant la résistance abusive de l'EARL Pagnotta, sollicite sa condamnation à lui verser une somme de 3 500 euro de dommages-intérêts ;

Mais attendu que l'intimée ne caractérise pas en quoi l'appelante aurait abusivement résisté à sa prétention, et ne démontre, ni même n'allègue, qu'elle subirait un préjudice autre que le retard de remboursement qui sera compensé par l'octroi d'intérêts moratoires ;

Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer également de ce chef la décision déférée, qui a rejeté sa demande de dommages-intérêts ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable, au vu des éléments de la cause, de mettre à la charge de l'EARL Pagnotta une part des frais irrépétibles exposés par la société Faupin pour les besoins de la procédure d'appel ;

Qu'il y a lieu, par conséquent, d'allouer à l'appelant l'intimé aux appelants intimés une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur les dépens :

Attendu qu'il convient de laisser à l'EARL Pagnotta, qui échoue en ses prétentions, la charge des dépens d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare la société Faupin recevable en sa demande en paiement de la somme en principal de 12 003,06 euro en tant que fondée sur les manquements allégués de l'EARL Pagnotta à ses obligations de délivrance et de garantie des vices cachés ; Écarte la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en garantie des vices cachés ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Ajoutant : Condamne l'EARL Pagnotta à verser une somme de 1 500 euro à la société Faupin sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux dépens d'appel.