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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 22 novembre 2012, n° 11-01258

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Chauvry

Défendeur :

Oz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mmes Beuve, Boissel Dombreval

Avocats :

SCP Grammagnac-Ygouf Balavoine, Levasseur, Mes Houdan, Aubert

TI Caen, du 10 févr. 2009

10 février 2009

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 4 février 2008, Yasin Oz a vendu à Brigitte Chauvry un véhicule de marque BMW d'occasion.

Prétendant que le véhicule était tombé en panne quelques jours plus tard en raison d'un vice caché de la chose vendue, Madame Chauvry fit, par acte du 10 décembre 2008, assigner Monsieur Oz devant le Tribunal d'instance de Caen en résolution de la vente, restitution du prix et paiement de dommages-intérêts.

Estimant que l'expertise amiable ne permettait pas d'établir l'existence d'un vice antérieur à la vente, le premier juge a, par jugement du 10 février 2009, débouté Madame Chauvry de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Madame Chauvry a alors convaincu le juge des référés d'ordonner, par décision du 11 juin 2009, une mesure d'expertise judiciaire, puis, après le dépôt du rapport de l'expert Roussel en date du 21 décembre 2009, elle a, par acte du 19 février 2010, à nouveau saisi le tribunal d'instance d'une demande "d'annulation" de la vente fondée sur l'article 1641 du Code civil, de restitution du prix et de dommages-intérêts.

Par un second jugement du 9 septembre 2010, le premier juge a rejeté ces demandes en considérant qu'elles se heurtaient à l'autorité de chose jugée attachée à la première décision.

Madame Chauvry a relevé appel de ces deux jugements le 14 octobre 2010.

Dans la procédure d'appel contre le jugement du 9 septembre 2010, le conseiller de la mise en état a sursis à statuer.

La procédure d'appel contre le jugement du 10 février 2009 a été radiée le 8 avril 2011 pour défaut de diligence de l'appelante.

Après rétablissement de l'affaire le 15 avril 2011, Madame Chauvry a demandé à la cour de :

"Vu les articles 1641 et suivants du Code civil, sinon, à titre subsidiaire, les articles 1116 et suivants du Code civil,

Ordonner l'annulation du contrat de vente en date du 4 février 2008 portant sur le véhicule BMW 320 1, immatriculé 3679 XL 72, au prix de 3 400 euros ;

Condamner subséquemment Monsieur Yasin Oz au paiement à Madame Chauvry de la somme de 3 400 euros correspondant au prix d'achat du véhicule, et en contre partie de la reprise de celui-ci ;

Condamner Monsieur Yasin Oz au paiement à Madame Chauvry de la somme de 4 784 euros toutes taxes comprises, provisoirement arrêtée au 29 septembre 2009, au titre des frais de gardiennage, outre au paiement d'une indemnité journalière de 10 euros + TVA à courir jusqu'à reprise effective du véhicule ;

Condamner en outre Monsieur Yasin Oz au paiement à Madame Chauvry de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts toutes autres causes confondues ;

Condamner Monsieur Yasin Oz au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire".

Assigné le 15 avril 2011 par remise de l'acte à l'étude de l'huissier, Monsieur Oz n'a constitué ni avoué, ni avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Madame Chauvry le 28 janvier 2011.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Ainsi que l'a pertinemment relevé le premier juge, il résulte du rapport de l'expert amiable que les dommages situés sur le soubassement arrière central du véhicule sont imputables au remorquage du véhicule postérieur à la vente, de sorte qu'ils ne constituent pas un vice caché de la chose vendue.

De même, l'expert judiciaire Roussel a écarté l'existence d'une prétendue défectuosité du joint de culasse signalée par le garagiste réparateur et invoqué à tort par l'acquéreur comme vice caché.

Enfin, s'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la panne survenue le 9 février 2009 est imputable à une rupture de durite du circuit de refroidissement, rien ne démontre que cette rupture soit en lien avec un vice de la durite antérieure à la vente, l'expert ayant souligné que celle-ci était en état d'usure normale et n'avait subi aucun choc.

En revanche, l'expert Roussel a relevé que le véhicule avait subi des transformations affectant notamment les jantes, la suspension et l'échappement, non conformes aux normes du constructeur et de nature à influer sur la tenue de route et le comportement du véhicule.

Ces défauts de conformité aux normes du constructeur antérieurs à la vente constituent des vices cachés du véhicule, dès lors qu'ils rendent celui-ci impropre à son usage, ou en tous cas qu'ils en diminuent tellement l'usage que, eu égard à l'importance des travaux de remise aux normes à effectuer, l'acquéreur ne l'aurait pas acquis au prix convenu.

Il y a donc lieu de prononcer la résolution de la vente, et non son "annulation" comme le demande improprement Madame Chauvry, en application de l'article 1641 du Code civil.

La résolution entraîne la remise en état des parties dans leur situation antérieure à la vente, de sorte que Monsieur Oz devra restituer le prix de vente, soit 3 400 euros, et reprendre le véhicule.

Madame Chauvry sollicite également le remboursement des frais de gardiennage du véhicule ainsi que l'allocation d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondus.

Elle n'établit cependant pas avoir effectivement réglé des frais de gardiennage du véhicule et ne précise pas en quoi consiste les préjudices "toutes causes confondues" dont elle demande réparation.

Surtout, elle n'établit pas que Monsieur Oz, dont il n'est pas allégué qu'il soit un professionnel de la vente d'automobiles, connaissait l'existence des vices cachés du véhicule.

Elle se borne en effet à reprendre les supputations de l'expert qui émet l'hypothèse que ces modifications non conformes aux normes du constructeur affectant les jantes, les suspensions et l'échappement étaient connues de Monsieur Oz pour avoir été signalées lors d'un contrôle technique effectué le 20 décembre 2007.

Cependant, l'expert admet qu'il n'a pu consulter le rapport de contrôle technique et ne fait que supposer, par conjecture, que la prescription de contre-visite à effectuer avant le 20 février 2008 résultait du constat par le contrôleur technique de modifications des jantes, suspensions et échappement non conformes aux normes du constructeur.

En outre, il ressort du rapport d'expertise que Monsieur Oz n'est lui-même devenu propriétaire du véhicule que le 24 janvier 2008, soit postérieurement au contrôle technique du 20 décembre 2007, de sorte que rien ne démontre qu'il ait eu connaissance de son contenu sans le révéler à Madame Chauvry, et moins encore qu'il soit à l'origine des modifications litigieuses.

Il s'en évince que Monsieur Oz ne sera, conformément à l'article 1646 du Code civil, tenu qu'à la seule restitution du prix de cession, étant observé que Madame Chauvry ne peut davantage solliciter le paiement de dommages-intérêts sur le fondement, subsidiairement invoqué, du dol puisque celui-ci suppose aussi la démonstration, non administrée, de la dissimulation à l'acquéreur d'informations connues du vendeur.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de Madame Chauvry l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de la procédure et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement rendu le 10 février 2009 par le Tribunal d'instance de Caen en toutes ses dispositions ; Prononce la résolution de la vente du véhicule BMW immatriculé 3679 XL 72 intervenue le 4 février 2008 entre Monsieur Oz et Madame Chauvry ; Condamne Monsieur Oz à payer à Madame Chauvry la somme de 3 400 euros au titre de la restitution du prix de vente ; Déboute Madame Chauvry du surplus de ses demandes ; Condamne Monsieur Oz à payer à Madame Chauvry une somme de 1 200 euros en application de l' article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Oz aux dépens de première instance et d'appel, Accorde à la société civile professionnelle Grammagnac-Ygouf, Balavoine et Levasseur le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.