CA Nancy, 2e ch. civ., 14 février 2013, n° 12-00933
NANCY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dion, Guerroudj
Défendeur :
Dépôt Vente Autos (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Claude-Mizrahi
Conseillers :
M. Martin, Mme Guiot-Mlynarczyk
Avocats :
SCP Begel Guidot Bernard Jurek, Mes Dupleix, Malagou
Exposé du litige
Le 6 juin 2009, les époux Xavier et Christiane Dion ont acquis pour un prix de 7 500 euros, auprès de la SARL Dépôt Vente Autos, un véhicule d'occasion Peugeot 406 HDI, mis en circulation depuis le 5 mars 2002 et ayant déjà parcouru 106 200 kilomètres. L'acte de vente prévoyait une garantie contractuelle de "trois mois ou 5 000 kilomètres".
Dès le 12 juin 2009, les époux Xavier et Christiane Dion ont signalé à la SARL Dépôt Vente Autos, par lettre recommandée avec AR, divers défauts et dysfonctionnements constatés sur le véhicule.
Par acte d'huissier du 8 juin 2011, les époux Xavier et Christiane Dion ont fait assigner la SARL Dépôt Vente Autos devant le Tribunal d'instance d'Epinal, afin de la voir condamner, sur le fondement de la garantie des vices cachés, à leur payer les sommes de 2 128,38 euros au titre des réparations du véhicule, de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 1 000 euros.
La SARL Dépôt Vente Autos a conclu au rejet des demandes et à la condamnation des époux Xavier et Christiane Dion à lui payer le sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour action abusive et de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement rendu le 9 février 2012, le Tribunal d'instance d'Epinal a jugé que le véhicule litigieux n'était atteint d'aucun vice caché, il a débouté les époux Xavier et Christiane Dion de toutes leurs demandes, il a débouté la SARL Dépôt Vente Autos de sa demande de dommages et intérêts et il a condamné les époux Xavier et Christiane Dion au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal a motivé sa décision en relevant qu'il n'est pas démontré que la fuite d'huile dont se sont plaints les époux Xavier et Christiane Dion soit un vice caché plutôt qu'un problème apparu postérieurement à la vente.
Les époux Xavier et Christiane Dion ont régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 10 avril 2012. Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner la SARL Dépôt Vente Autos à leur payer la somme de 2 128,38 euros au titre des réparations du véhicule, celle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de leur appel, ils exposent :
- que les différents problèmes affectant le véhicule revêtent la qualification de vices cachés, à la garantie desquels la SARL Dépôt Vente Autos est tenue, car il s'agit notamment de fuites d'huile, de fuites sur le toit ouvrant et de la défaillances des freins, c'est-à-dire des défauts graves, qui rendent le véhicule impropre à son usage et qui ne pouvaient être détectés par un non-professionnel,
- que d'autres vices existaient aussi dès avant la vente (à savoir : défectuosité de l'avertisseur sonore, usure importante des pneumatiques, dysfonctionnement du commodo des phares et mauvaise fermeture de la trappe à essence), puisqu'ils s'en sont rendus compte sur le trajet entre le lieu d'achat et leur domicile.
La SARL Dépôt Vente Autos conclut à la confirmation de la décision du premier juge et à la condamnation des époux Xavier et Christiane Dion à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- qu'un contrôle technique a été réalisé le 6 juin 2009, soit le jour-même de la vente,
- que le problème de la sur-consommation d'huile n'est pas établi,
- que le changement de la biellette et des plaquettes de frein, le 7 août 2009, relève de la simple usure,
- que l'expertise que les époux Xavier et Christiane Dion ont fait réaliser l'a été alors que le véhicule avait parcouru plus de 20 000 kilomètres depuis la vente,
- qu'au surplus l'expert a conclu seulement que la fuite d'huile relevait d'un événement à caractère fortuit, ce qui exclut la garantie des vices cachés.
Motifs de la décision
Vu les dernières écritures déposées le 10 juillet 2012 par les époux Xavier et Christiane Dion et le 8 octobre 2012 par la SARL Dépôt Vente Autos,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 octobre 2012.
Sur l'action en garantie des vices cachés
L'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Dans les ventes de véhicules d'occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en jeu la garantie, car l'acheteur doit s'attendre, en raison même de l'usure dont il est averti, à un fonctionnement d'une qualité inférieure à celui d'un véhicule neuf.
En l'espèce, le véhicule Peugeot 406 que les époux Xavier et Christiane Dion ont acheté le 6 juin 2009 à la SARL Dépôt Vente Autos avait fait l'objet le jour même d'un contrôle technique, dont le rapport leur avait été remis et qui n'avait mis en exergue qu'un seul défaut à corriger : le déséquilibre arrière du frein de service.
Les époux Xavier et Christiane Dion disent avoir constaté dès le 6 juin 2009, sur le trajet de retour à leur domicile, les défauts suivants qu'ils ont dénoncés par lettre recommandée du 12 juin 2009 :
- le klaxon ne fonctionnait pas,
- la trappe à gas-oil ne s'ouvrait pas,
- le commodo fonctionnait mal,
- "le joint" était "coupé côté chauffeur",
- il manquait de l'huile-moteur,
- le toit ouvrant fuyait.
Ils se sont plaints également de l'usure des pneus.
Or, seule la fuite dans le toit ouvrant et la fuite d'huile sont susceptibles de constituer des vices cachés. Les autres vices dénoncés sont des vices apparents, immédiatement repérables, même par un non-professionnel.
Concernant les fuites d'huile, les époux Xavier et Christiane Dion ont fait réaliser une expertise amiable. L'expert, qui a examiné le véhicule le 8 février 2010, a fait la constatation suivante : "Sur le pont élévateur après dépose du carénage moteur, pas d'anomalie notable en terme de défaut d'étanchéité." Si l'expert a néanmoins constaté une présence d'huile en quantité importante sur la partie avant de la culasse et si cette présence d'huile a provoqué la "vétusté avancée" de "la courroie accessoire", il impute cette anomalie à un 'événement fortuit'. Il n'est donc pas possible, au vu de ces constatations, d'imputer la fuite d'huile à un vice pré-existant à la vente, d'autant que l'expertise a été réalisée, non contradictoirement, plus de huit mois après la vente et après que les époux Xavier et Christiane Dion ont parcouru plus de 20 000 kilomètres.
Concernant la fuite sur le toit ouvrant, son existence ne résulte d'aucun constat contradictoire. L'expert que les époux Xavier et Christiane Dion ont saisi n'y fait pas la moindre allusion. En outre, ils produisent l'attestation d'un ami, monsieur Guy Masson, qui lui non plus ne fait pas la moindre allusion à ce désordre. Dès lors, la preuve de ce vice n'est pas rapportée.
Enfin, les époux Xavier et Christiane Dion demandent le remboursement d'une facture de 147,61 euros au titre du remplacement d'une biellette de barre stabilisatrice et de plaquettes de frein. Toutefois, il s'agit de pièces soumises à l'usure normale que génère l'utilisation d'un véhicule. L'usure de ces menues pièces est un vice qui n'est pas de nature à rendre impropre l'usage d'un véhicule, ni même d'en diminuer tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus (le coût de la biellette est de 30,67 euros HT ; celui du jeu de plaquettes de frein est de 50,11 euros HT).
Par conséquent, aucun des prétendus vices cachés allégués par les époux Xavier et Christiane Dion n'est avéré. Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré qui les a déboutés de leur demande de remboursement des réparations.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Les époux Xavier et Christiane Dion, échouant dans leur tentative de prouver l'existence de vices cachés affectant leur véhicule, ne pourront qu'être déboutés de leur demande tendant à se voir indemniser des troubles de jouissance qui seraient résultés desdits vices cachés.
Le droit d'agir en justice ne dégénère en faute qu'en cas d'abus caractérisé ou d'intention de nuire, lesquels ne sont pas établis au cas présent. En effet, les époux Xavier et Christiane Dion échouent en leur demande parce qu'ils se sont mépris sur la définition juridique du vice caché, sans que leur mauvaise foi soit établie pour autant. La demande en dommages et intérêts formée par la SARL Dépôt Vente Autos pour procédure abusive sera donc rejetée.
La décision du tribunal sera confirmée sur ces deux chefs de demande.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les époux Xavier et Christiane Dion, qui sont les parties perdantes, supporteront les dépens et seront déboutés de leur demande de remboursement de leurs frais de justice irrépétibles. Mais l'équité n'exige pas pour autant qu'ils soient condamnés, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à payer plus que l'indemnité de 500 euros déjà allouée par le premier juge et dont la décision sera confirmée sur ce point.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute les parties de leurs nouvelles demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les époux Xavier et Christiane Dion aux dépens.