CA Versailles, 3e ch., 21 février 2013, n° 11-02091
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Guellerin
Défendeur :
Devos, Magnier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valantin
Conseillers :
Mmes De Martel, Deletang
Avocats :
SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod, Mes Schlosser, Dumeau, Bracka, Ricard, Letailleur, Franck
Madame Coralie Devos a fait l'acquisition le 9 mars 2008 d'un camion d'occasion de marque Citroën, type C 35, pour un prix de 9 200 euro.
Le 4 avril 2008, le véhicule a été déposé au garage du Petit Ligny à Violaines (62) pour y réaliser une vidange.
A cette occasion, il a été constaté des perforations sur le châssis du véhicule dues à une importante corrosion.
L'Eurl Darnal Expertise - Bruno Dupire a été missionnée aux fins de procéder à une expertise amiable contradictoire et a rendu un rapport le 25 mars 2008.
Par acte en date du 20 février 2009, Madame Coralie Devos a assigné Madame Pascale Guellerin devant le Tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir ordonner la résiliation de la vente du 9 mars 2008, paiement de la somme de 9 200 euro au titre de la restitution du prix ainsi que celle de 1 397,76 euro au titre du préjudice matériel, outre 3 000 euro à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'immobilisation et 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure.
Par acte du 17 septembre 2009, Madame Pascale Guellerin a assigné Monsieur Yannick Magnier en intervention forcée et demande à être relevée et garantie de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Par jugement en date du 28 janvier 2011, le tribunal a :
- mis hors de cause Monsieur Yannick Magnier,
- prononcé la résiliation de la vente du véhicule de marque Citroën type C35 immatriculé 7108 YA 62 intervenue le 9 mars 2008 entre Madame Coralie Devos et Madame Pascale Guellerin,
- condamné Madame Pascale Guellerin à restituer à Madame Coralie Devos la somme de 9 200 euro au titre du prix perçu et à lui verser 324 euro de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi et 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Madame Pascale Guellerin aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Madame Pascale Guellerin a interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la cour le 16 mars 2011.
Madame Coralie Devos et Monsieur Yannick Magnier ont constitué avocat.
Dans ses conclusions en date du 28 septembre 2011, Madame Pascale Guellerin demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- à titre principal :
- constater qu'elle n'était pas la véritable propriétaire du véhicule Citroën au moment de la vente conclue avec Madame Coralie Devos,
- la mettre hors de cause et débouter en conséquence Madame Coralie Devos de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Madame Guellerin,
- à titre subsidiaire,
- constater l'absence de vices cachés et débouter Madame Coralie Devos de l'ensemble de ses demandes fondées à ce titre,
- à titre infiniment subsidiaire,
- condamner Monsieur Yannick Magnier à lui payer la somme de 9 200 euro en raison de son enrichissement sans cause,
- condamner Monsieur Yannick Magnier à la garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- en tout état de cause,
- condamner Madame Coralie Devos à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de son préjudice moral,
- condamner Madame Coralie Devos à lui payer la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Monsieur Yannick Magnier à lui verser la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame Pascale Guellerin explique que Monsieur Yannick Magnier a négocié la vente et s'est fait remettre un chèque de banque à son nom pour le paiement du prix ; qu'il s'est donc présenté comme le propriétaire du véhicule auprès de Madame Devos et qu'elle ne peut restituer une somme qu'elle n'a pas perçue.
Madame Guellerin indique n'être intervenue que d'un point de vue administratif, étant détentrice de la carte grise du véhicule. Toutefois, selon elle, ce document administratif n'apporte qu'une présomption de propriété. Elle prétend avoir cédé le véhicule à Monsieur Magnier et de ne pas avoir signé la carte grise au moment de la vente pour éviter à ce dernier des frais.
Subsidiairement, Madame Guellerin fait valoir que les conditions nécessaires à la garantie des vices cachés ne sont pas réunies dès lors que Madame Devos connaissait l'existence du vice ainsi que son étendue ; qu'en effet, la corrosion du châssis était mentionnée sur le contrôle technique qui lui a été remis lors de la vente.
A titre infiniment subsidiaire, Madame Guellerin soutient que l'enrichissement de Monsieur Magnier serait sans cause dès lors que celui-ci a perçu le prix du véhicule mais ne serait pas tenu à la restitution du prix de vente.
Dans ses conclusions en date du 26 octobre 2011, Madame Coralie Devos demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Madame Guellerin,
- l'en débouter,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule litigieux intervenue le 9 mars 2008 et ordonné la restitution à Madame Devos de la somme de 9 200 euro,
- l'infirmer pour le surplus,
- condamner Madame Guellerin et/ou Monsieur Magnier à lui verser 1 397,76 euro en réparation de son préjudice matériel,
- condamner Madame Guellerin et/ou Monsieur Magnier à lui verser 3 000 euro en réparation subi du fait de l'immobilisation du véhicule,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame Coralie Devos expose pour l'essentiel qu'étant profane, elle ne pouvait pas déceler l'ampleur de la corrosion, ni ses conséquences. Elle soutient que le vendeur est tenu à garantir les vices cachés affectant le véhicule et qu'elle est fondée à solliciter la résolution de la vente et obtenir restitution du prix conformément aux dispositions de l'article 1641 du Code civil.
Elle précise qu'elle a subi divers préjudices, matériels et moral, dont elle réclame l'indemnisation sur le fondement de l'article 1645 du Code civil. A ce titre, elle rappelle qu'elle a procédé au remplacement des pneumatiques et des balais essuie glaces pour un montant de 439 euro et qu'elle a dû s'acquitter des frais de changement de carte grise pour un montant de 324 euro. En outre, l'impossibilité d'utiliser le véhicule ne lui a pas permis de se rendre à des compétitions d'équitation.
Elle observe par ailleurs que concernant les préjudices allégués par Madame Guellerin, aucune faute ne saurait lui être reprochée. Elle s'oppose en conséquence à la demande en paiement de dommages et intérêts formée à son encontre.
Sur ce,
Considérant que selon l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;
Que la mise en œuvre de cette responsabilité du vendeur, suppose l'existence de vices cachés, c'est-à-dire de vices dont un acheteur profane ne pouvait se convaincre par lui-même ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise de L'Eurl Darnal Expertises que Madame Devos a acquis le véhicule litigieux alors que celui-ci était déjà affecté d'une importante corrosion au niveau du châssis, le vice s'étant révélé alors que l'acquéreur voulait faire procéder à une vidange ;
Attendu qu'il apparaît également qu'au regard de l'importance de la corrosion présente sur le véhicule, l'expert indique ne pouvoir se prononcer sur sa tenue dans le temps et conclut qu'il est impropre à la circulation, précisant en outre qu'une remise en état serait d'un coût supérieur à celui du véhicule ;
Qu'il en ressort que compte tenu du bref délai s'étant écoulé depuis l'acquisition du véhicule et les constatations de l'expert, le véhicule était endommagé avant même qu'il ne soit acquis par Madame Devos ;
Qu'au regard de l'ampleur du vice constaté par l'expert, le véhicule est manifestement impropre à sa destination ;
Qu'il n'était décelable que par un professionnel averti ;
Qu'il convient à cet égard de relever que le véhicule a fait l'objet d'un contrôle technique en date du 18 décembre 2007 et d'une contre visite le 24 janvier 2008 ;
Que le procès-verbal émanant du contrôleur fait mention, au titre des "défauts à corriger sans obligation d'une contre-visite : "6.1.5.1.2. Passage de roues, pare boue : corrosion perforante, AVD (avant droit), AVG (avant gauche), ARD (arrière droit), ARG (arrière gauche)
6.1.7.1.2. Infrastructure/soubassement : corrosion perforante multiple' ;
Que toutefois, ainsi que l'a mentionné l'expert, les observations relevées sur le contrôle technique se limitent à signaler des points de corrosion sur le châssis sans préciser leur gravité, lesdites observations relevant de mentions type sur lesquelles le contrôleur ne peut pas intervenir ;
Qu'en l'absence de description sur le procès-verbal du 18 décembre 2007 de l'état du châssis, il n'a pas été possible pour Madame Devos, acheteur non professionnel, de constater l'ampleur de cette corrosion et les risques de rupture qui en découlaient ;
Qu'il ne saurait être reproché à Madame Devos de s'être abstenue de procéder à des investigations complémentaires aux fins de déterminer l'étendue de la corrosion affectant le châssis du véhicule avant de procéder à l'acquisition du véhicule litigieux ;
Que l'existence d'un vice caché antérieur à la vente est ainsi amplement démontrée et il s'agit indéniablement d'un vice rédhibitoire ; que les premiers juges ont donc, à juste titre, prononcé la résolution de la vente et la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant l'acte annulé ;
Que sur la propriété du véhicule, il résulte des pièces produites que seule Madame Guellerin doit être considérée comme le propriétaire et vendeur du camion, eu égard au fait qu'elle a rempli et signé l'acte de cession en son nom propre, et que le certificat d'immatriculation la mentionne comme propriétaire ; que le fait que le chèque de vente ait été établi au nom de Monsieur Magnier est insuffisant pour affirmer que celui-ci était propriétaire du véhicule au moment de sa vente à Madame Devos ;
Qu'il convient dès lors de mettre hors de cause Monsieur Yannick Magnier et de tenir Madame Guellerin pour seule responsable des vices cachés dont était affecté le véhicule et qui l'ont rendu impropre à l'usage auquel il était destiné ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Que le tribunal ayant condamné Madame Guellerin à payer à Madame Devos la somme de 9 200 euro au titre du prix perçu, il conviendra également d'ordonner en contrepartie à Madame Devos de restituer à Madame Guellerin le véhicule litigieux ;
Considérant que la bonne foi de Madame Pascale Guellerin n'est pas contestée ; qu'il s'ensuit que Madame Devos ne peut valablement invoquer les dispositions de l'article 1645 du Code civil envers Madame Devos ;
Considérant que Madame Guellerin doit en, vertu de l'article 1646 du Code civil, rembourser les frais occasionnés par la vente, qui s'entendent des dépenses directement liées à la conclusion de la vente ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame Guellerin au remboursement des frais afférents au changement de carte grise ;
Qu'en revanche, le coût de l'assurance du véhicule, lié à son usage, ainsi que les frais de changement des pneumatiques et essuies-glace engagés postérieurement à la vente ne répondant pas à la définition de l'article 1646 susvisé, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande en paiement de Madame Devos comme étant mal fondée ;
Considérant qu'il convient également de confirmer les dispositions du jugement ayant débouté Madame Devos de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice, celle-ci ne rapportant pas la preuve de l'annulation de compétitions d'équitation du fait de l'immobilisation du véhicule ;
Considérant enfin que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont rejeté la demande de Madame Guellerin au titre de l'action de in rem verso, faute pour celle-ci d'établir l'absence de cause légitime ; qu'il conviendra seulement d'ajouter que comme 'victime' d'un appauvrissement du fait de l'obligation dans laquelle elle se trouve désormais de restituer le prix de vente à Madame Devos, cet appauvrissement aurait alors pour origine sa propre faute, puisqu'elle a accepté que Monsieur Magnier vende le véhicule litigieux et en perçoive le prix alors même qu'elle a continué à se comporter comme le propriétaire du véhicule en signant le contrôle technique et son acte de cession au profit de Madame Devos, nonobstant la cession qu'elle prétend avoir effectuée antérieurement au profit de Monsieur Magnier ;
Considérant que le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
Qu'il y a lieu de mettre à la charge de Madame Pascale Guellerin les frais irrépétibles d'appel supportés par Madame Coralie Devos à hauteur de 1 500 euro et ceux supportés par Monsieur Yannick Magnier à hauteur de 1 000 euro ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, Y ajoutant : Ordonne la restitution du véhicule par Madame Coralie Devos à Madame Pascale Guellerin, Condamne Madame Pascale Guellerin à payer à Madame Coralie Devos la somme de 1 500 euro et à Monsieur Yannick Magnier la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais d'appel, Condamne Madame Pascale Guellerin aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.