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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 janvier 2013, n° 11-03907

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vieillard, RS Auto Occasions

Défendeur :

Martin, Centre de Contrôle Technique Auto (SARL), Allianz Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

Mme Beneix, M. Augey

Avocats :

SCP Thierry Cazes, SCP Marbot-Crepin, SCP Alquie Vincent, Mes Petit, Sesma Russo

TI Bayonne, du 19 oct. 2011

19 octobre 2011

M. Martin a acheté à M. Vieillard, négociant en automobile, un véhicule de marque Rover mis en circulation le 2 mai 2000 pour un prix de 5 100 euro.

Il a versé un acompte de 500 euro le 7 janvier 2010, et un procès-verbal de contrôle technique a été établi le 12 janvier suivant par la SARL Centre de Contrôle Technique Auto.

M. Martin a fait procéder à un nouveau contrôle technique de ce véhicule le 25 janvier 2010, qui a mis en évidence l'existence de plusieurs défauts non soumis à une obligation de contre-visite, portant notamment sur des phénomènes de corrosion du berceau, de l'infrastructure, de la carrosserie et du soubassement.

Par acte d'huissier du 22 juillet 2010, il a fait assigner M. Vieillard devant le Tribunal d'instance de Bayonne afin de résolution de la vente et de condamnation du défendeur à lui rembourser le prix d'achat du véhicule ainsi que des dommages-intérêts et une indemnité pour frais irrépétibles, en soutenant que le véhicule est affecté d'un vice caché tenant à une corrosion avancée de son soubassement, en s'appuyant sur le rapport de M. Meret, un expert qu'il avait consulté.

Par jugement du 19 octobre 2011, le Tribunal d'instance de Bayonne a jugé que le véhicule est atteint d'un vice caché, a prononcé la résolution du contrat de vente, et condamné M. Vieillard à payer à M. Martin la somme de 5 100 euro en restitution du prix, 1 164,19 euro à titre de dommages-intérêts, et une indemnité de 500 euro pour frais irrépétibles.

D'autre part le tribunal a débouté M. Vieillard de ses demandes présentées à l'encontre de la société de contrôle technique automobile ainsi que de la compagnie Allianz, et l'a condamné à payer à chacune d'elles une indemnité de 500 euro pour frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe du 2 novembre 2011, M. Vieillard a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures déposées le 13 juin 2012, il a conclu à la réformation de cette décision et à la condamnation de M. Martin au paiement d'une indemnité de 1 500 euro pour frais irrépétibles.

A titre subsidiaire il a conclu à la garantie de la compagnie Allianz, et sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il a acquis le véhicule litigieux le 11 janvier 2010 auprès d'une société de vente de véhicules, et que le contrat de cession à M. Martin a été établi le 19 janvier suivant, celui-ci réglant ce jour-là l'intégralité du prix d'achat, et ce après qu'il ait été porté à la connaissance de l'acquéreur le contenu du procès-verbal de contrôle effectué le 12 janvier 2010 par la société centre de contrôle technique auto qui ne mentionnait qu'un seul défaut à corriger sans contre-visite portant sur un déséquilibre du frein de service.

Il ajoute que les constatations effectuées par le cabinet Meret relatives à la corrosion du véhicule ne sont pas contradictoires et lui sont donc inopposables.

Dans ses dernières écritures du 19 avril 2012, M. Martin a conclu à la confirmation du jugement, et sollicité le paiement d'une somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier, ainsi qu'une indemnité de 1 000 euro pour frais irrépétibles.

Il soutient que la vente était parfaite dès le 7 janvier 2010, puisque les parties étaient d'accord sur la chose sur le prix, et que le rapport de M. Meret met en évidence le fait que ce véhicule présente une corrosion avancée du soubassement compromettant sa sécurité et donc son usage.

Dans ses dernières écritures du 16 mai 2012, la SARL Centre de Contrôle Technique Auto a également conclu à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de M. Vieillard au paiement d'une indemnité de 3 000 euro pour frais irrépétibles.

Elle soutient que la transaction est intervenue avant la présentation du véhicule au contrôle technique, et que sa responsabilité ne peut donc pas être engagée.

Dans ses dernières conclusions du 12 mars 2012, la compagnie Allianz a également conclu à la confirmation du jugement en faisant valoir que l'article 7 du contrat souscrit par M. Vieillard exclut les dommages survenus après la livraison du produit ainsi que ceux de nature immatérielle résultant d'une action en annulation de la vente, et ceux ayant leur origine dans une défectuosité connue du propriétaire lors de la livraison des produits.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2012.

Motifs de l'arrêt

M. Vieillard qui exerce la profession de négociant en automobile sous l'enseigne RS Auto Occasions déclare avoir fait paraître une annonce diffusée sur le site "Le Bon Coin" portant sur un véhicule d'occasion de marque MG, propriété de la concession automobile Slavi Mercedes.

Il a été contacté par M. Martin le 7 janvier 2010 qui lui a remis un chèque de réservation d'un montant de 500 euro.

L'annonce passée sur ce site n'a pas été versée aux débats, et la facture relative au versement du chèque "de réservation" mentionne la marque et le numéro minéralogique du véhicule, mais pas son prix.

En conséquence même si M. Martin l'affirme il n'y a pas eu d'accord des parties sur la chose et sur le prix le 7 janvier 2010, et dès lors les dispositions de l'article 1583 du Code civil ne sont pas applicables, et la vente ne peut pas être déclarée parfaite à cette date, d'autant que M. Vieillard a versé aux débats une facture d'acquisition de ce véhicule auprès de la société Slavi Mercedes datée du 11 janvier 2010, ce qui signifie donc qu'à la date du 7 janvier il n'était pas encore propriétaire de ce véhicule.

Le jugement sera donc réformé de ce chef, et la vente doit être déclarée parfaite au 19 janvier 2010 correspondant à la déclaration de cession du véhicule à M. Martin qui a réglé ce jour-là l'intégralité du prix d'achat soit 5 100 euro.

M. Martin a conclu à la résolution du contrat de vente au motif que ce véhicule est atteint de vices cachés le rendant impropre à son usage, à savoir la corrosion prononcée du soubassement.

Le 12 janvier 2010, la SARL Centre de Contrôle Technique Auto (SARL CCTA) a procédé au contrôle technique de ce véhicule, dont il résulte qu'il présente seulement "un déséquilibre avant du frein de service, sans obligation de contre-visite".

Le 25 janvier 2010, M. Martin a confié ce véhicule au garage Lacoste, agent agréé MG, qui a effectué des réparations pour un montant de 695,59 euro, et ce garagiste a signalé à M. Martin l'état de corrosion avancée dudit véhicule.

Il a alors fait procéder à un nouveau contrôle technique le 28 janvier 2010 par la SARL CCTA, dont il résulte que ce véhicule est affecté par une corrosion avant/arrière au niveau du berceau, ainsi qu'au niveau du soubassement (corrosion multiple) et de la carrosserie.

Il résulte des pièces du dossier que M. Martin s'est alors adressé à un cabinet d'expertise automobile, la SARL Meret, qui a établi le 31 mai 2010 un rapport dont il résulte que le véhicule présente "une corrosion importante au niveau du soubassement ; que les tubes de freins sont endommagés ; que la barre stabilisatrice avant et le berceau sont corrodés profondément".

L'expert a relevé que "cette oxydation et cette corrosion n'étaient pas visibles au moment de la vente pour l'acheteur, sauf en cas de levage sur un pont, et que dans l'état actuel des choses le véhicule n'est pas utilisable dans des conditions normales de sécurité, les risques de perforation des pièces de freinage, de refroidissement et de suspension étant importants".

M. Vieillard a soutenu que les conclusions de ce rapport d'expertise ne lui sont pas opposables.

Or il ressort du rapport de M. Meret qu'il a été convoqué à cette expertise par lettre recommandée avec accusé de réception.

M. Vieillard ne conteste pas l'existence de cette convocation, et il a indiqué dans ses écritures qu'il n'a pu s'y rendre en raison du fait qu'il est le seul salarié de son entreprise.

Dès lors les conclusions de ce rapport d'expertise lui sont opposables, et son contenu lui a été communiqué, et il était donc en mesure d'exprimer ses observations.

Les conclusions de ce rapport d'expertise qui corroborent les constatations effectuées par la SARL CCTA après la vente mettent en évidence de manière indiscutable l'existence de graves défauts qui n'étaient pas visibles par l'acheteur au moment de la vente, et qui ont été constatés très peu de temps après, et que dans la mesure où il s'agit d'un phénomène de corrosion, ils ne peuvent qu'être antérieurs à la vente.

L'expert a relevé que ce défaut important affecte la sécurité de la conduite du véhicule.

Il en résulte que les conditions édictées par l'article 1641 du Code civil relatif à la garantie des vices cachés sont réunies, et qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement prononçant la résolution de cette vente, ainsi que la condamnation de M. Vieillard à payer à M. Martin la somme de 5 100 euro représentant le montant du prix de vente de ce véhicule.

M. Vieillard est un vendeur professionnel, et il est donc réputé connaître les vices affectant le véhicule vendu.

Il y a donc lieu de faire application des dispositions de l'article 1645 du Code civil dont il résulte que le vendeur qui connaissait des vices de la chose est tenu de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, M. Martin justifie avoir fait procéder à des travaux d'entretien d'un montant de 695,59 euro, au contrôle technique du 28 janvier 2010 d'un montant de 50 euro, et il a dû s'acquitter des frais d'expertise de M. Meret, soit la somme de justifiée de 418,60 euro.

En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné M. Vieillard à lui payer la somme totale de 1 164,19 euro à titre de dommages-intérêts.

M. Vieillard a fait appeler en garantie la SARL CCTA.

Il lui appartient d'établir l'existence d'une faute commise par cette société dans le cadre de la mission de contrôle qu'il lui avait confiée.

La SARL CCTA d'Anglet a procédé au contrôle technique de ce véhicule le 12 janvier 2010, mentionnant seulement le défaut suivant à corriger sans contre-visite : frein de service : déséquilibre avant.

Le contrôle effectué le 28 janvier 2010 par cette même société dans son établissement de Bizanos a mis en évidence l'existence des défauts suivants :

- détérioration mineure de la canalisation de freins ;

- feu indicateur de direction : détérioration mineure ;

- berceau : corrosion avant et arrière ;

- infrastructure-soubassement : corrosion multiple ;

- superstructure, carrosserie : corrosion perforante et/ou fissure/cassures avant.

La simple comparaison de ces deux contrôles effectués à 16 jours d'intervalle met en évidence le fait que le premier contrôle du 12 janvier 2010 n'a pas été fait dans les règles de l'art puisqu'il est manifeste que tous les défauts décelés le 28 janvier suivant existaient déjà au moment de ce premier contrôle, notamment ceux relatifs à la corrosion importante du véhicule.

Or c'est le premier procès-verbal de contrôle technique qui a été remis à l'acquéreur le 19 janvier 2010.

La SARL CCTA a donc commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle vis-à-vis du vendeur, s'agissant de défauts pouvant être mis en évidence sans démontage de pièces, qui existaient le 12 janvier précédent, et qui ne pouvaient lui échapper en sa qualité de professionnel.

Elle devra donc garantir M. Vieillard du montant des condamnations prononcées à son encontre.

M. Vieillard a sollicité par ailleurs la garantie de son assureur, la SA Allianz Iard.

Celle-ci lui opposait une exception de non-garantie en invoquant à titre principal les dispositions de l'article 7.3.3 alinéa 3 des conditions générales du chapitre 2 qui stipulent que sont exclus du champ d'application de la garantie "les dommages immatériels non consécutifs résultant d'actions en annulation de vente et les actions en restitution ou en diminution du prix de vente des véhicules produits et leurs conséquences".

Les dommages immatériels sont définis dans le contrat au chapitre "Lexique" de la manière suivante : "tous préjudices économiques, tels que perte d'usage, interruption d'un service, cessation d'activité, perte d'un bénéfice, perte de clientèle. Ils sont qualifiés de "non consécutifs" s'ils ne résultent pas de dommages corporels garantis ou de dommages matériels garantis, ou encore s'ils surviennent en l'absence de tout dommage corporel ou matériel".

Cette stipulation ne s'applique donc pas au présent litige puisqu'il ne s'agit pas de réparation de dommages immatériels tels que définis précédemment.

D'autre part, cette clause est en contradiction avec les stipulations de l'article 7.2 du contrat dont il résulte que la compagnie Allianz garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que peut encourir l'assuré en raison "des dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui, dont vos clients, à l'occasion des activités de votre entreprise, telles qu'elles sont déclarées aux dispositions particulières".

Or, le dernier alinéa de l'article 7.3.3 des conditions générales a pour effet d'exclure du champ d'application de la garantie les dommages résultant des actions en annulation des ventes et en restitution ou en diminution du prix de vente des véhicules, lesquels constituent justement l'activité de l'entreprise de M. Vieillard.

A titre subsidiaire, la compagnie Allianz Iard a invoqué l'exception de non-garantie édictée par l'article 7.3.3 alinéa 5, dont il résulte que sont exclus du champ d'application de la garantie "les dommages ayant leur origine dans une défectuosité connue de vous lors de la livraison des produits ou de l'achèvement des travaux".

Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et cette présomption ne cède pas devant la preuve du caractère indécelable du défaut.

En conséquence, il y a lieu de juger que la compagnie Allianz Iard est en droit d'opposer à M. Vieillard cette exception de non-garantie, et le jugement sera donc confirmé de ce chef, mais par substitution de motifs, le tribunal ayant retenu l'application des dispositions de l'article 7.3.3 alinéa 3 des conditions générales.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Martin les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer à l'occasion de cette procédure ; M. Vieillard sera donc condamné à lui payer une indemnité de 2 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle de 500 euro allouée en première instance.

M. Vieillard et la SARL CCTA qui succombent dans cette procédure seront déboutés de leur demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA Allianz Iard les frais irrépétibles qu'elle a pu exposer à l'occasion de cette procédure ; elle sera donc déboutée de sa demande formulée à ce titre.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort. Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Bayonne du 19 octobre 2011 en ce qu'il a : - prononcé la résolution de la vente du véhicule de marque Rover MG ; - condamné M. Stéphane Vieillard à payer à M. Pascal Martin les sommes de 5 100 euro (cinq mille cents euros) en restitution du prix, 1 164,19 euro (mille cent soixante-quatre euros et dix-neuf centimes) à titre de dommages-intérêts, et une indemnité de 500 euro (cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; - rejeté les demandes présentées par M. Martin tendant au paiement de dommages-intérêts pour préjudice financier et moral ; - débouté M. Vieillard des fins de son appel en garantie dirigé contre la SA Allianz Iard. Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau : Dit que la vente du véhicule de marque Rover MG immatriculé 6388 QH 40 doit être déclarée parfaite au 19 janvier 2010 ; Condamne la SARL Centre de Contrôle Technique Auto à garantir M. Stéphane Vieillard du montant des condamnations prononcées à son encontre ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne M. Stéphane Vieillard aux dépens, sous la garantie de la SARL Centre de Contrôle Technique Auto ; Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.