CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 5 mars 2013, n° 09-12987
PARIS
Ordonnance
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Coujard
Avocat :
Me Henriot-Bellargent
Vu l'ordonnance rendue le 2 octobre 2008 par le juge de la liberté et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris qui, en substance :
" a autorisé Jacques Martelli, directeur interrégional à Marseille, chef de la BIEC Provence Alpes Côte d'Azur Languedoc Roussillon Corse, habilité par l'article L. 450-1 du Code de commerce et l'arrêté du 22 janvier 1993, à procéder ou à faire procéder, dans les locaux de X <adresse>, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les points 2, 3 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce relevés dans le secteur du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée,
" lui a laissé le soin de désigner, parmi les enquêteurs habilités par l'article L. 450-1 du Code de commerce et les arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux placés sous son autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées,
" a dit que Jean-Marcel Marcillesi, directeur interrégional à Paris, chef de la DNECCRF, habilité par l'article L. 450-1 du Code de commerce et l'arrêté du 22 janvier 1993, qui désignerait parmi les enquêteurs habilités par l'article L. 450-1 du Code de commerce et les arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux placés sous son autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées, lui apporteraient leur concours, en tant que de besoin,
" a désigné Yohann Margerard, lieutenant de police, pour assister aux opérations de visite et de saisie dans le lieu situé dans son ressort et le tenir informé de leur déroulement,
" a dit que X pourrait, à compter de la date des visites et des saisies dans les locaux, consulter la requête et les documents susvisés au greffe de sa juridiction,
" a dit que l'organisation professionnelle visée par l'ordonnance pouvait se pourvoir en cassation dans un délai de cinq jours francs à compter de sa notification, quel qu'en soit le mode,
" a dit que l'organisation professionnelle visée par l'ordonnance pouvait le saisir en vue de faire trancher toute contestation relative au déroulement des opérations de visite et de saisie durant leur exécution et également dans les deux mois à compter de la notification de l'ordonnance, en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce,
" a dit que l'ordonnance serait caduque si les opérations de visite et saisie n'étaient pas effectuées avant le 30 octobre 2008.
Vu l'appel formé le 12 décembre 2008 par X et ses conclusions déposées le 15 février 2013 et développées oralement à l'audience, par lesquelles elle demande :
- l'annulation de l'ordonnance du 2 octobre 2008 en toutes ses dispositions,
- l'annulation de tous les actes de procédure subséquents,
- qu'il soit dit que les documents saisis ne pourraient être utilisés par les autorités poursuivantes,
- la restitution de ces documents,
Vu l'ordonnance rendue le 27 mai 2010 par cette juridiction, ayant sursis à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de cassation à intervenir sur les pourvois formés par les sociétés Y et Z contre les ordonnances rendues par le premier président de la Cour d'appel de Montpellier rejetant le recours formé par ces sociétés contre l'autorisation de visite domiciliaire les concernant,
Vu la note déposée le 11 septembre 2012 par laquelle la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes conclut à la régularité de la procédure,
Après avoir entendu les explications des parties à l'audience,
Motifs :
X fait grief à la décision déférée :
- d'avoir violé les droits de la défense en n'ayant pas garanti la présence d'un avocat lors des opérations de visite et de saisie ordonnées,
- d'avoir fait une appréciation erronée des éléments en sa possession,
- d'avoir rendu une décision disproportionnée, au regard de ces éléments.
Sur la violation des droits de la défense
L'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, qui a instauré la présence d'un conseil lors des opérations de visites domiciliaires et de saisies n'a pas d'effet rétroactif et l'article L. 450-4 du Code de commerce, en vigueur à la date de l'ordonnance déférée, était muet sur l'assistance d'un conseil au cours des opérations de visites domiciliaires et de saisies.
Celles-ci étaient, certes, susceptibles de porter atteinte à la vie privée et familiale, parfois au domicile et à la correspondance, protégés par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, et de nature à permettre le recueil d'éléments de preuve préjudiciables aux sociétés visitées, mais la loi prévoit que de telles atteintes peuvent, dans certains cas, être justifiées pour prévenir des atteintes à l'ordre public ou rechercher les auteurs d'infractions.
C'est pour cette raison que l'autorisation de ces opérations doit être donnée par un juge indépendant ayant les pouvoirs de suivre effectivement leur cours, de régler les éventuels incidents et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment. Leur régularité et la pertinence des preuves découvertes, au regard de l'objet de l'enquête, font l'objet d'une discussion contradictoire ultérieure et ces preuves peuvent, le cas échéant, être écartées.
Le contrôle de la régularité des opérations de visite domiciliaire ne saurait donc être regardé comme prétendant substituer un juge à un avocat dont l'intervention était seulement différée.
Quant aux principes du droit européen, essentiellement centrés, en la matière, sur l'exigence du procès équitable consacré par l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, et de ses corollaires parmi lesquels l'exercice des droits de la défense, s'ils imposent le droit à l'assistance effective d'un avocat lors de l'audition d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction et retenue contre son gré, cette exigence ne s'impose pas, dès lors que la personne soupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte.
Les visites domiciliaires n'entraînant aucune retenue des personnes contre leur gré, elles ne sauraient être assimilées à des mesures de contrainte nécessitant la mise en œuvre des principes sus évoqués.
Ce moyen sera donc écarté.
Sur l'erreur d'appréciation
La société requérante fait grief à l'ordonnance déférée de s'être fondée sur des motifs hypothétiques et inopérants équivalent à une absence de motivation, faute par elle de préciser en quoi les éléments saisis seraient de nature à étayer les soupçons de pratiques anticoncurrentielles et en se livrant à un raisonnement purement abstrait, dénué d'éléments concrets, sans aucune précision sur le caractère stratégique des éléments recherchés.
Mais la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait observer à juste titre que plusieurs documents saisis à l'occasion des précédentes opérations du 22 avril 2008 dans les locaux des sociétés Y et Z, ont servi de fondement à sa nouvelle requête ayant donné lieu à l'autorisation querellée, ce qui résulte des quatorze tableaux versés aux débats, selon lesquels étaient illégalement échangées des informations stratégiques relatives aux parts de marché de la société Y et des autres verriers de X par zone syndicale et par marché.
Il était, dès lors, hautement probable que l'origine de ces informations confidentielles irrégulières provienne de X ainsi présumée se livrer à des pratiques anticoncurrentielles.
C'est d'ailleurs par des motifs propres et repris que le premier juge a, sur ce point, fondé sa décision.
Ce moyen sera donc rejeté.
Sur la disproportion
X fait enfin grief à l'ordonnance déférée d'avoir autorisé une mesure disproportionnée, alors qu'une simple demande de communication de documents aurait suffi, relativement à des informations qu'elle diffuse très officiellement.
Mais il résulte des dispositions de l'article L. 450-3 du Code de commerce que les agents mentionnés à l'article L. 450-1 ne peuvent demander que la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels, à l'exception de tous autres documents.
En l'espèce, les preuves recherchées ne pouvaient être contenues dans ces documents professionnels, s'agissant d'une présomption d'entente horizontale nécessairement secrète.
Dans ces conditions, seule une visite domiciliaire était de nature à découvrir les informations recherchées.
Ce moyen sera donc, lui aussi, rejeté.
Par ces motifs : Déboute X de son appel, Confirme, en toutes ses dispositions d'ordonnance rendue le 2 octobre 2008 par le juge de la liberté et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris, Condamne X aux dépens de la présente instance.