CA Aix-en-Provence, 17e ch., 5 mars 2013, n° 12-00250
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roussel
Conseillers :
Mmes Verhaeghe, Hermerel
Avocat :
Me Marielle
Monsieur X a été embauché le 1er juillet 2007 en qualité de pâtissier, chef de partie, par Madame Y exploitant un commerce de pâtisserie, chocolaterie, traiteur à Cannes.
Après convocation à un entretien préalable, Monsieur X a été licencié pour faute grave par lettre du 11 mai 2010, ainsi rédigée : "vous n'ignorez pas que le commerce dans lequel vous travaillez exerce également l'activité de traiteur. J'ai donc été particulièrement choquée de trouver des prospectus et des cartes de visite (dont les couleurs reprennent de surcroît celle de ma propre carte de visite) que vous aviez rédigé et dans lequel vous proposiez d'effectuer un service de traiteur et de pâtissier à domicile. Lors de l'entretien préalable, je vous ai d'ailleurs montré ces documents. Vous comprendrez que je ne peux pas concevoir d'être concurrencée par les salariés, et ce d'autant plus que votre prospection de clientèle a été effectuée à Cannes. Votre conduite met bien évidemment en cause la bonne marche de l'entreprise (...). Je vous informe en conséquence, que j'ai décidé de vous licencier pour faute grave".
Contestant ce licenciement, M. X a saisi le Conseil de prud'hommes de Cannes, lequel statuant par jugement en date du 16 décembre 2011 a dit qu'il était justifié par une faute grave et rejeté l'ensemble des demandes dont il était saisi.
Appelant, M. X demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner Madame Y à lui payer la somme de 7200 euro à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, 4700 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 940 euro au titre de l'indemnité de licenciement, 989 euro au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée, la somme de 1185,33 euros, au titre du paiement des jours fériés pour les années 2007 à 2009 et 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme Y fait valoir que M. X perçoit une pension d'invalidité, ce qui l'empêche de travailler à temps complet, pour ne pas risquer d'en perdre le bénéfice ; qu'elle l'a embauché par contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2007 ; qu'à la fin du mois d'avril 2010, elle a appris qu'il prospectait la clientèle dans les environs de la (...) pour développer un service de traiteur, concurrent de sa propre activité et qu'à cette fin il distribuait des menus ainsi que sa carte de visite reprenant son Code couleur marron et vert ; qu'elle a aussitôt décidé de lui notifier une mise à pied à titre conservatoire puis l'a licencié pour faute grave.
Elle conteste le fait allégué par M. X que son licenciement lui a causé des difficultés ayant abouti à une situation de surendettement et se réfère à une pièce numéro 9, dont elle indique qu'elle fait la preuve que l'intéressé disposait des ressources suffisantes lui permettant de faire un voyage en Inde. Elle affirme aussi qu'à cette époque elle a été victime de dégradations sur la devanture de son commerce et d'appels téléphoniques malveillants.
Elle demande à la cour de dire que M. X a manqué à son obligation de loyauté et de fidélité en créant une activité concurrente à la sienne et en distribuant ses prospectus à proximité de son commerce, de juger que M. X a été, à juste titre, licencié pour faute grave, de dire qu'il n'avait pas deux années d'ancienneté lors de ses arrêts maladie et que son arrêt maladie a été déclaré à l'organisme de prévoyance AG2R Prévoyance ; qu'il ne prouve pas qu'il a travaillé durant les jours fériés et en conséquence de rejeter sa demande de garantie de salaire durant son arrêt maladie, de rejeter sa demande présentée au titre des jours fériés travaillés, de confirmer le jugement entrepris, de le condamner à lui payer la somme de 1 000 euro en réparation du préjudice qu'il lui a causé par son manquement à l'obligation de loyauté et de le condamner également aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces et aux conclusions déposées et oralement reprises.
SUR CE, LA COUR,
A titre liminaire, la cour observe que M. X ne réclame plus aucune somme au titre de la garantie de salaire durant un arrêt maladie, question à laquelle la partie adverse consacre pourtant des développements dans ses conclusions.
Ces derniers ne seront donc pas examinés.
1. M. X fait valoir que Madame Y lui reproche une simple intention de créer une activité commerciale ; qu'il a ailleurs expliqué au cours de l'entretien préalable qu'il n'avait rien mis en œuvre concrètement, hormis les prospectus; qu'en toute hypothèse, travaillant à temps partiel pour Madame Y, il lui était possible d'exercer une autre activité ; que si Madame Y voulait s'assurer l'exclusivité de ses services, elle aurait alors dû l'employer à temps complet, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'en réalité, lors de l'entretien préalable, l'employeur a fait part des difficultés économiques de l'entreprise et de son intention de diminuer son taux horaire et son temps de travail; que Madame C, salariée de Madame Y en atteste ("je confirme que le samedi 17 avril 2010, Mme Y nous a informé Monsieur X et moi-même, des difficultés économiques et financières que traversait son entreprise et qu'elle allait procéder à des modifications des contrats de travail") ; que, dans ce contexte il savait que la pérennité de son emploi était menacée et qu'il avait tout intérêt à concrétiser son projet de travailler à son compte ; que, par ailleurs, il est faux de soutenir qu'il a utilisé des couleurs identiques à celles de l'employeur sur ses cartes de visite, ces dernières ayant été imprimées et choisies sur un site Internet spécialisé Vistaprint ; qu'au surplus, ces cartes de visite mentionnent que la prestation devait être réalisée au domicile des clients, ce qui constitue une différence importante avec le commerce de Madame Y.
Mais, le contenu de l'attestation du conseiller du salarié, au cours de l'entretien préalable, est contesté par Mme Y et il n'existe aucun élément permettant de retenir que celui-ci fait la preuve de ce qui y est relaté.
Quant à l'attestation de Madame C, elle est effectivement sujette à caution en raison des liens démontrés qu'elle a avec le colocataire de M. X.
Mais, surtout, elle est objectivement démentie par l'attestation de l'expert-comptable, laquelle démontre que l'entreprise de Mme Y a eu une activité stable durant les périodes janvier et juin 2009 et janvier et juin 2010.
Il n'est donc pas établi que le licenciement pour faute de M. X n'est qu'un licenciement pour motif économique déguisé.
De fait, au vu des éléments produits devant la cour, Mme Y est fondée à soutenir que le salarié a manqué à son obligation de loyauté, lui interdisant de concurrencer son employeur, puisqu'en effet, il a débuté une activité concurrençant la sienne, pendant la durée du contrat de travail.
En effet, il distribuait des menus en qualité de traiteur, proposant des plats et des pâtisseries, soit les mêmes produits que ceux vendus par Mme Y dans son commerce, qui proposait aussi des plats du jour et de la pâtisserie.
La concurrence est d'autant plus réelle que M. X utilisait des cartes de visite avec le code couleur qu'elle utilisait elle-même, notamment un vert d'une nuance quasi-identique, ces pièces suffisant à établir que son activité avait dépassé le stade d'un projet.
Cette activité concurrentielle déloyale à laquelle s'est livré M. X à quelques centaines de mètres du commerce dont il était le salarié, comme en témoignent les prospectus et cartes de visite produits devant la cour et l'attestation de Monsieur Roger V. ("je soussigné (...) déclare avoir trouver le prospectus et la carte de visite de M. X se présentant comme traiteur est pâtissier chez la fleuriste Rive Gauche (...) mi-avril"), constitue une faute d'une gravité suffisante n'ayant pas permis son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
En conséquence, le jugement qui a dit que le licenciement était fondé sur une faute grave sera confirmé.
2. M. X affirme avoir travaillé les jours fériés suivants :
- 2007 : samedi 14 juillet, jeudi 1er novembre et dimanche 11 novembre
- 2008 : jeudi 1er mai, jeudi 8 mai, samedi 1er novembre et jeudi 25 décembre
- 2009 : jeudi 1er janvier, vendredi 8 mai, jeudi 21 mai, samedi 15 août, dimanche 1er novembre et vendredi 25 novembre.
Il fait valoir que la convention collective de la pâtisserie prévoit pour l'année 2007 le chômage des 11 jours fériés légaux autres que le 1er mai et donne droit en cas de travail d'un de ces 11 jours, soit un repos payé d'une durée égale au nombre d'heures travaillées, soit au paiement des heures effectuées, soit une majoration de 100 % au choix du salarié.
Il indique que les pâtisseries n'étaient pas préparées la veille et que lorsque le jour férié tombait le jeudi il n'était pas présent dans l'entreprise la veille de ce jour comme le prouvent ses bulletins de paye, puisque s'il avait été présent il aurait été payé en heures supplémentaires.
Pour 2007 il sollicite le paiement de la somme de 267,70 euros, correspondant à deux jours à cinq heures et à un jour à 4 h 50 ; pour 2008 il réclame la somme de 370,76 euros et pour 2009 la somme de 546,87 euros.
Toutefois, ces affirmations ne sont pas étayées.
Par ailleurs, M. X ne s'explique pas sur le fait, allégué par Mme Y, qu'il était titulaire d'une pension d'invalidité, ce qui l'incitait à limiter au maximum les dépassements horaires pour continuer à bénéficier du versement de la pension.
D'autre part, Mme Y décrit l'organisation de son commerce pour les jours fériés, sans être sérieusement contredite, indiquant que l'établissement n'ouvre que le matin des jours fériés et que les pâtisseries vendues ces jours-là sont toutes préparées la veille par elle-même et vendues par elle-même, seule, le jour férié considéré.
En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X de ce chef.
3. Mme Y considère que, du fait de sa déloyauté caractérisée par la distribution de cartes de visite et de prospectus pour promouvoir une activité concurrente à la sienne dans le même quartier, M. X lui a causé un préjudice qui doit être réparé.
Mais elle ne communique aucun élément permettant d'apprécier la nature, la réalité et l'étendue de ce préjudice.
En conséquence, sa demande sera rejetée.
Partie perdante, M. X sera condamné aux dépens, sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 sera rejetée et il devra payer à Mme Y la somme de 1 000 euro, sur le fondement de cet article.
Par ces motifs statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel, Confirme le jugement entrepris, Rejette toute autre demande, Condamne M. X à payer à Mme Y la somme de 1 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Le Condamne aux dépens.