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Décisions

Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-28.393

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Fortier price (SARL)

Défendeur :

Zadig et Voltaire France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gérard (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Canivet-Beuzit

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

SCP Boullez, SCP Hémery, Thomas-Raquin

Paris, pôle 5 ch. 5, du 22 sept. 2011

22 septembre 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2011), que la société Fortier Price (la société Fortier), qui a pour activité la mise en relation d'entreprises étrangères de textile avec des sociétés françaises, se plaignant de la dégradation de ses relations avec la société ZV France (la société ZV), l'a assignée en paiement de diverses sommes au titre de commissions et dommages-intérêts consécutifs à une rupture brutale des relations contractuelles ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Fortier fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande de condamnation de la société ZV à payer les factures des marchandises livrées par les sociétés Hongtex et Rolls group, en particulier le montant de ses commissions, alors, selon le moyen : 1°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société Fortier a expressément souligné dans ses conclusions qu'elle a seulement agi en paiement des commissions rémunérant son mandat à l'exclusion du prix de la vente qui avait été directement payé par la société ZV à ses mandants, les sociétés Hongtex et Rolls group ; qu'en décidant que la demande de la société Fortier était irrecevable dès lors qu'elle tendait au paiement des factures établies par ces sociétés, à défaut d'établir qu'elle ait reçu un mandat exprès de recouvrement, quand la société Fortier a seulement réclamé le paiement de la commission, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'il s'ensuit que la qualité pour agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en retenant, pour décider que la société Fortier ne justifiait pas de sa qualité pour agir, qu'elle ne rapportait pas la preuve qu'elle ait reçu de la société Hongtext ou de la société Roll group un mandat exprès de recouvrement des factures établies en leur nom, quand l'existence du droit est une condition de succès de l'action mais non de sa recevabilité, la cour d'appel a violé l'article 31 du Code de procédure civile ; 3°) que l'ouverture d'un crédit documentaire au profit du mandataire du vendeur sur ordre de l'acheteur établit à elle seule que le bénéficiaire de la lettre de crédit est créancier du donneur d'ordre en exécution du contrat de base prévoyant l'ouverture d'un crédit documentaire à son profit ; qu'en énonçant, pour décider que la société Fortier n'avait pas qualité pour agir, que les factures n'ont été émises par ses soins que pour les besoins de la documentation bancaire aux fins de paiement par lettre de crédit transférable sans que les sociétés venderesses lui aient donné mandat d'agir en recouvrement du prix des marchandises dont elles seraient seules créancières au lieu de rechercher, comme elle y était invitée, si l'ouverture d'un crédit documentaire au profit de la société Fortier sur instructions de l'acheteur, la société ZV, n'était pas de nature à établir la créance que la première détenait sur la seconde, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la société Fortier réclamait le paiement de la somme de "26 767,55 euros au titre des factures impayées pour produits prêts à expédier et le manque à gagner des commissions", c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel a retenu que celle-ci fondait son action sur le paiement de factures ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que cette société ne justifiait pas d'un mandat de recouvrement de ces factures, émises au nom de sociétés tierces, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle n'avait pas qualité à agir ;

Attendu, enfin, que si, dans ses conclusions, la société Fortier a indiqué que les factures étaient payables par le moyen de la lettre de crédit transférable dont elle a décrit le mécanisme, elle a soutenu qu'en établissant des relations directes avec les vendeurs, la société ZV avait supprimé ce moyen de paiement et, partant, lui avait fait perdre ses commissions ; que, par suite, le grief fait à l'arrêt de ne pas avoir recherché si l'ouverture d'un crédit documentaire n'établissait pas la créance de la société Fortier sur la société ZV est nouveau et mélangé de fait et de droit ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société Fortier fait grief à l'arrêt d'avoir écarté son action en responsabilité contre la société ZV afin d'être indemnisée du préjudice constitué par la perte des commissions auxquelles elle aurait pu prétendre en conséquence de la cessation brutale des relations contractuelles, alors, selon le moyen : 1°) que le mandat conclu avec un mandataire agissant dans l'exercice de sa profession habituelle ouvre droit à une rémunération qu'il appartient au juge de déterminer selon le travail fourni, le service rendu et les usages lorsque le montant n'en a pas été convenu entre les parties ; qu'en décidant que l'opacité des relations et le processus de double facturation ne lui permettaient pas d'établir que le montant de sa commission était constitué par la différence entre ce qu'elle encaissait de l'acheteur sous la forme de l'émission d'une lettre de crédit transférable et ce qu'elle reversait aux fabricants, quand il appartenait à la juridiction du second degré de déterminer le montant de la commission à laquelle la société Fortier pouvait prétendre, la cour d'appel a refusé d'exercer le pouvoir souverain qu'elle tient de la loi ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'il résulte des conditions générales de la société Fortier qu'elle "intervient comme agent commercial du fabricant et à l'émission de cette commande comme agent de l'acheteur pour l'année en cours et deux années suivant l'année en cours pour toute commande effectuée par l'acheteur ou toute autre société affiliée" ; qu'en décidant que la stipulation précitée ne concerne que la commande passée et qu'elle n'établit pas les conditions de la relation contractuelle, quand elle impose à la société ZV d'avoir recours à ses services pour toute commande passée auprès d'un des fournisseurs étrangers, pendant une durée de deux ans courant à compter de chaque confirmation de commande, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conditions générales ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans dénaturer la clause, dont elle s'est bornée à préciser la portée, que la cour d'appel a retenu que cette disposition ne concernait que les commandes passées, mais n'établissait pas les conditions de la relation contractuelle invoquée ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la société Fortier ne fournit pas d'éléments permettant d'apprécier la durée de ses relations avec la société ZV ni le volume d'affaires généré par celles-ci ; qu'il retient encore que si des relations s'étaient instaurées en 2005 à l'occasion de la délocalisation des productions de la société ZV, celle-ci avait écrit, le 14 octobre 2005 que, "faute de trouver un terrain d'entente (...)" elle n'entendait pas se "soumettre à des conditions qui n'auraient pas été négociées librement avant de passer commande" ; que de ces constatations et appréciations, dont elle a pu déduire l'absence de relations commerciales établies, et rendant inopérant le grief de la première branche, la cour d'appel, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.