CA Versailles, 12e ch., 15 janvier 2013, n° 11-03403
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Martin, Euro Telecom (SARL)
Défendeur :
Réseau Clubs Bouygues Telecom (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mmes Brylinski, Orsini
Avocats :
SCP Bommart-Minault, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod, Mes Lelourd-Thegarid, Bourgeon
FAITS ET PROCEDURE
La société Réseau Clubs Bouygues Telecom (RCBT), anciennement dénommée DRB, est une filiale de la société Bouygues Telecom qui lui a confié l'animation du réseau de distribution à l'enseigne "Club Bouygues Telecom" qui commercialise des services de téléphonie proposés par la société Bouygues Telecom et les produits nécessaires à l'utilisation de ces services (téléphones, cartes SIM, coffrets, (...)) ; ce réseau réunit des points de vente spécialisés appartenant à des distributeurs propriétaires de leur fonds de commerce, signataires d'un contrat type de "consignation-vente Club Bouygues Telecom" proposé par la RCBT.
DRB a signé le 30 janvier 2004 avec Monsieur Stéphane Martin/Euro Telecom propriétaire d'un fonds de commerce situé 62, avenue Jean Giono à Manosque (04) un contrat de "consignation-vente Club Bouygues Telecom".
Ce contrat initialement conclu à durée déterminée du 1er février 2004 au 30 avril 2007 prévoyait en son article 9 son renouvellement par période de 2 ans sans formalité avec la précision que "la partie qui ne souhaiterait pas renouveler le contrat, que ce soit à l'issue de la première période contractuelle ou des éventuelles périodes suivantes devra le dénoncer 5 mois avant son échéance par lettre recommandée avec accusé de réception".
Le contrat a été tacitement reconduit jusqu'au 30 avril 2009.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 juillet 2008, RCBT a informé la société Euro Telecom de son intention de ne pas renouveler le contrat à son échéance du 30 avril 2009, tout en proposant une poursuite des relations jusqu'au 31 juillet 2009 ; la société Euro Telecom a accepté cette proposition par courrier du 13 novembre 2008.
RCBT, par courriers des 29 mai et 25 juin 2009, a rappelé à la société Euro Telecom l'échéance des relations fixée d'un commun accord au 31 juillet 2009.
A compter du 29 mai 2009, Euro Telecom a cessé de reverser à RCBT les sommes encaissées pour le compte de cette dernière à l'occasion de la commercialisation des produits de téléphonie ; par ailleurs, lors de l'inventaire contradictoire de fin de contrat effectué le 3 août 2009, il a été relevé un écart de 3 531 TTC entre les produits qui lui avaient été livrés et les produits restitués par ses soins, qui n'a pas été apuré.
Deux mises en demeure datées des 10 août 2009 et 10 septembre 2009 étant restées sans effet, la société Réseau Clubs Bouygues Telecom a assigné la société Euro Telecom, en référé, en paiement de la somme provisionnelle de 21 703,94 ; la société Euro Telecom et Monsieur Martin agissant solidairement ont assigné la société Réseau Clubs Bouygues Telecom au fond en paiement d'une indemnité de rupture, se prévalant de la qualité d'agent commercial ; la société Réseau Clubs Bouygues Telecom renvoyée à se pourvoir au fond a formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 21 703,94 .
Le Tribunal de commerce de Nanterre, par jugement rendu le 29 mars 2011 assorti de l'exécution provisoire, a :
- débouté la société Réseau Clubs Bouygues Telecom de sa demande en irrecevabilité de l'assignation ;
- débouté Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom de leur demande visant à leur voir reconnaître le statut d'agent commercial et en conséquence de leur demande en paiement ;
- débouté Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom de leur demande visant à voir soumettre à la cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle ;
- condamné la société Euro Telecom à payer à la société Réseau Clubs Bouygues Telecom la somme de 21 703,94 TTC avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2009, date de la première mise en demeure ;
- condamné solidairement Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom au paiement, à la société Réseau Clubs Bouygues Telecom, de la somme de 15 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom ont interjeté appel et, aux termes de leurs dernières écritures en date du 21 novembre 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour, sous le visa de l'article 1 du protocole annexe 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de la directive communautaire 86-653 du 18 décembre 1986, des articles 1134 et 1135 du Code civil, L. 134-1 et suivants et L. 441-3 du Code de commerce, de :
- reformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- condamner la société anonyme Réseau Clubs Bouygues Telecom à payer à Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom, avec solidarité active entre eux, la somme de 406 373,77 , avec "intérêts de droit" à partir du 4 juin 2010, date de l'assignation ;
- ordonner la capitalisation des intérêts échus, par application de l'article 1154 du Code civil ;
- rejeter l'appel incident et l'ensemble des prétentions de la société Réseau Clubs Bouygues Telecom ;
- condamner la société Réseau Clubs Bouygues Telecom au paiement, à Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom avec solidarité active entre eux, de la somme de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.
La société Réseau Clubs Bouygues Telecom, aux termes de ses dernières écritures en date du 19 novembre 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :
- sur son appel incident, réformer le jugement dont appel et dire Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom irrecevables en leurs demandes formées contre la société Réseau Clubs Bouygues Telecom avec solidarité active entre eux ;
Sur l'appel principal de Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom, subsidiairement,
- débouter Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom de leur demande en paiement de l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la cessation d'un contrat d'agent commercial prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- condamné la société Euro Telecom à payer à la société Réseau Clubs Bouygues Telecom la somme de 21 703,94 TTC en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2009, étant précisé que la société Euro Telecom pourra s'acquitter de cette condamnation en deniers ou quittances ;
- condamné solidairement Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom à payer à la société Réseau Clubs Bouygues Telecom la somme de 15 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile et, y ajoutant condamner solidairement Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom au paiement d'une somme supplémentaire de 15 000 sur le même fondement ;
- condamner Monsieur Stéphane Martin et la SARL Euro Telecom solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISCUSSION
RCBT conteste la recevabilité de l'action de Monsieur Stéphane Martin et Euro Telecom qui revendiquent une solidarité active ; le tribunal a dit que l'absence de solidarité ne rendait pas l'action irrecevable.
Le contrat du 30 janvier 2004 a été conclu avec "Stéphane Martin, né le 2 juillet 1973 à Manosque, de nationalité française, dont le domicile et sis 4 avenue du Quair 04860 Pierrevert, inscrit au registre du commerce et des sociétés de Manosque sous le numéro 421 506 585 dont le siège social est situé 62 avenue Jean Giono à Manosque, agissant en qualité d'exploitant du point de vente sous l'enseigne Euro Telecom, représentée par Monsieur Stéphane Martin en qualité de gérant".
Le numéro 421 506 585 est le numéro d'immatriculation personnel de Monsieur Stéphane Martin lorsqu'il exerçait son activité de commerçant à titre individuel exploitant divers fonds de commerces dont notamment à l'adresse du 62 avenue Jean Giono à Manosque, alors sous le nom commercial "Tandem" ; Euro Telecom est le nom d'une SARL constituée et immatriculée le 4 février 2003 sous le n° 445 060 924, ayant commencé son activité le 1er janvier 2003, dont le siège est 62 avenue Jean Giono à Manosque, ayant pour gérant son associé unique Monsieur Stéphane Martin, à laquelle ce dernier a fait apport par acte en date du 17 novembre 2003 de l'ensemble des fonds de commerce lui appartenant.
La désignation du cocontractant de DRB est certes peu rigoureuse ; mais le contrat a pour objet la commercialisation de produits de téléphonie Bouygues dans le fonds de commerce situé 62 avenue Jean Giono à Manosque appartenant exclusivement à la SARL Euro Telecom, et Monsieur Stéphane Martin est considéré en qualité d'exploitant du fonds gérant d'Euro Telecom.
Au regard de ces éléments le titulaire du contrat de "consignation-vente Club Bouygues Telecom" ne pouvait être que la SARL Euro Telecom, représentée par son gérant Monsieur Stéphane Martin, ce dont ce dernier avait nécessairement parfaitement conscience. Même si DRB devenue RCBT a pu ensuite adresser certains courriers à "Monsieur Stéphane Martin", ou à "Sté Martin Stéphane-Euro Telecom à l'attention de Mr Stéphane Martine", les courriers et actes ayant pour objet la réalisation de l'inventaire en fin de contrat a bien été adressé à Euro Telecom, et c'est à l'encontre de cette dernière seule que RCBT dirige son action en paiement de somme restant due au titre d'un solde de compte de fin de contrat.
Il n'existe aucune raison de droit ni aucune circonstance de fait permettant de justifier une solidarité active entre Monsieur Stéphane Martin à titre personnel et la SARL Euro Telecom au titre d'une créance revendiquée sur le fondement du contrat de "consignation-vente Club Bouygues Telecom" et du statut d'agent commercial qui pourrait en découler.
Ainsi que l'a justement relevé le tribunal, cette absence de solidarité n'a pas pour conséquence de rendre l'action exercée par ces deux personnes juridiques distinctes irrecevable, elle a pour conséquence de priver de tout fondement l'action telle qu'engagée par Monsieur Stéphane Martin à titre personnel.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé, en ce qu'il a déclaré l'action recevable mais débouté Monsieur Stéphane Martin de l'ensemble de ses prétentions.
L'article L. 134-1 du Code de commerce, résultant de la loi du 25 juin 1991 transposant en droit interne la directive communautaire 86-653 du 18 décembre 1986, définit l'agent commercial comme un mandataire qui à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; l'article L. 134-4 dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties.
La simple lecture du contrat, intitulé "contrat consignation-vente Club-Bouygues Telecom", dans lequel Stéphane Martin/Euro Telecom est désigné sous la qualification de "distributeur", fait ressortir que pour intégrer le réseau, il devait être d'ores et déjà exploitant d'un point de vente fixe sur lequel il est titulaire d'un bail commercial, ce local commercial devait présenter des superficies et longueur de façade minimales, et en dehors de celui-ci tout acte de démarchage ou de vente à distance sous quelque forme que ce soit était interdit; le "distributeur" était tenu de faire usage de la signalétique et du mobilier spécifique imposé et fourni par DRB, ainsi que d'un matériel informatique dédié fourni par cette dernière, et de consacrer 80 % de la surface de vente de son fonds de commerce et la totalité de sa vitrine à la présentation des produits et services Bouygues.
Tous les contrats présentés par le "distributeur" étaient directement établis au seul nom de DRB/RCBT et le "distributeur" était tenu de commercialiser des produits, qui restaient la propriété de DRB, et de présenter les produits et services aux strictes conditions de définition et de prix telles que fixées par DRB/RCBT y compris dans le cadre du renouvellement ; il était également tenu au respect des procédures précisément définies par DRB/RCBT pour toutes ses interventions de toute nature, d'une charte de renouvellement des terminaux définissant les éléments composant la grille tarifaire, laquelle était communiquée régulièrement par Bouygues Telecom de façon précise.
L'article 15 de ce contrat "nature des relations entre les parties" stipule que "le distributeur est un commerçant indépendant, qui intervient en qualité de courtier pour la présentation du(es) service(s) afin de mettre en relation des clients et Bouygues Telecom afin que ces derniers puissent le cas échéant conclure un contrat. Il n'est en aucun cas autorisé à conclure ou négocier, au nom et pour le compte de Bouygues Telecom, le contrat de service ou le coupon de retour que doit remplir le client pour souscrire au(x) service(s).
Concernant la commercialisation des produits et cartes SIM seules délivrées par DRB, le distributeur intervient en qualité de consignataire à la vente. A l'issue du contrat celui-ci ne constituant pas un mandat d'intérêt commun, le distributeur ne peut se prévaloir d'aucune indemnité de ce chef, et notamment d'aucune indemnité de clientèle".
L'obligation pour le "distributeur" d'être commerçant, l'absence de toute faculté d'autonomie et d'initiative dans l'organisation et l'exercice de son activité, la négation affirmée de tout intérêt commun, cohérente avec l'ensemble des stipulations du contrat définissant les obligations des parties, et l'interdiction formelle de toute négociation, excluent que le statut d'agent commercial puisse être reconnu au titre du "contrat consignation-vente Club-Bouygues Telecom" signé le 30 janvier 2004.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé, en ce qu'il dénie à la société Euro Telecom le bénéfice du statut d'agent commercial et a débouté celle-ci de l'ensemble de ses prétentions.
Le jugement n'est pas critiqué en ses dispositions motivant et prononçant la condamnation de la société Euro Telecom au paiement la somme de 21 703,94 TTC avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2009, et sera confirmé de ce chef.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance ; en cause d'appel, Monsieur Stéphane Martin et la société Euro Telecom supporteront les dépens, mais il n'y a pas lieu de prévoir l'allocation d'une indemnité de procédure, l'indemnité allouée en première instance étant suffisante pour l'ensemble de la procédure.
Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Déboute la société Réseau Clubs Bouygues Telecom de sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne Monsieur Stéphane Martin et la société Euro Telecom in solidum aux dépens d'appel, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.