CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 mars 2013, n° 10-22444
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gymnauniphy NV Division Fitvib (Sté)
Défendeur :
Fitforme France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Luc, M. Vert
Avocats :
Mes Teytaud, Maleterre, Pamart, Allouche
Vu le jugement rendu le 28 septembre 2010 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire, condamné la société Gymnauniphy NV Division Fitvib à payer à la société Fitforme France la somme de 150 000 euros pour manquement à son engagement d'exclusivité, celle de 200 000 euros pour rupture abusive, et enfin celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 19 novembre 2010 par la société de droit belge Gymnauniphy NV Division Fitvib et ses conclusions du 29 octobre 2012 afin que soit infirmé le jugement rendu en première instance et que la société Fitforme France soit condamnée à lui payer la somme de 567 014 euros au titre de la baisse des commandes, ainsi que celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société Fitforme France enregistrées le 18 décembre 2012, tendant à la confirmation partielle du jugement entrepris sur la qualification des préjudices et en revanche, à son infirmation quant au montant des dommages-intérêts alloués et tendant à ce que la société Gymnauniphy NV Division Fitvib soit condamnée à lui payer la somme de 396 058,49 euros au titre de la perte de marge commerciale de 2006 à 2009 et celle de 496 432,66 euros pour rupture abusive du contrat, de 20 000 euros pour préjudice moral et enfin, celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et, par ailleurs, que la société Gymnauniphy NV Division Fitvib soit déclarée irrecevable en ses demandes ;
SUR CE
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
Par contrat du 1er juin 2005, la société de droit belge Gymnauniphy NV Division Fitvib (ci-après Gymnauniphy) a concédé à la société Fitforme France la distribution exclusive en France des appareils de vibrotonie corporelle fitvebe 600, fitvebe medical, fitvebe medical pro et fitvebe xcel (outre fitvebe xcel pro par avenant du 6 janvier 2006), sur les segments de marché médical, du fitness, du bien-être et des particuliers.
Durant les premiers mois de l'année 2006, la société Fitforme a constaté que des appareils de ce type étaient distribués en France par d'autres canaux, et a assigné la société Gymnauniphy devant le Tribunal de commerce de Paris.
Des tentatives d'arrangement n'ayant pas abouti, la société Gymnauniphy a notifié à la société Fitforme, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 février 2009, la résiliation du contrat du 1er juin 2005 avec prise d'effet le 1er juin 2009, selon l'article 12-2 du contrat.
C'est de ce jugement dont il a été interjeté appel.
Sur la violation de la clause d'exclusivité :
Considérant que la société Gymnauniphy soutient que les prétendues violations constatées relevaient en réalité d'exceptions à la clause d'exclusivité, conformément à l'article 2 du contrat, qui autorisait les ventes "par d'autres parties internationales pénétrant le segment de marché et/ou le pays (...) depuis l'étranger" et que l'exclusivité ne recouvrirait pas le secteur des solariums personnels et professionnels de la société Ergoline ou encore les soins esthétiques de la société Innov Esthétique ;
Mais considérant que la société Fitforme produit, au soutien de ses prétentions, deux constats d'huissier datés du 16 février 2006, qui établissent que deux sociétés, Ergoline et Innov Esthétique, distribuent en France, les appareils couverts par l'exclusivité consentie à la société Fitforme (établissement de devis et fourniture des prix des produits en cause) ; qu'elle verse aux débats des attestations de sociétés rapportant avoir été démarchées par la société Ergoline pour ces produits ; que ces deux sociétés, IInnov Esthétique et Ergoline œuvrent toutes deux dans le "fitness", secteur couvert par l'exclusivité ; qu'un avenant au contrat, daté du 10 janvier 2006, comporte un point 3 disposant que Gymnauniphy essaiera de convaincre Ergoline d'acheter les produits en cause directement auprès de Fitforme, reconnaissant ainsi implicitement qu'elle n'a pas fait respecter son engagement d'exclusivité à l'égard de Fitforme ; que la circonstance que la société allemande JK Sales puisse vendre directement en France les produits exclusifs depuis l'Allemagne, les ventes directes depuis l'étranger étant autorisées selon le contrat, ne justifie pas que les deux sociétés Ergoline et Innov Esthétique distribuent en France ces produits à partir des approvisionnements de la société JK Sales ; que le tribunal relève à juste titre qu'une telle interprétation de la clause d'exclusivité et de ses exceptions la viderait de sa substance et rendrait sans objet le contrat de distribution exclusive ;
Considérant, par ailleurs, que la société Fitforme n'a pu établir l'étendue de la violation litigieuse ni n'a démontré que sa perte de marge de 396 058,48 euros serait due à cette seule circonstance ; que c'est par une motivation pertinente que la cour adopte que les premiers juges ont évalué son préjudice à la somme de 150 000 euros ;
Sur la rupture abusive du contrat de distribution :
Considérant que si la société Gymnauniphy soutient qu'elle n'a fait qu'user de sa faculté de non-reconduction du contrat de distribution et qu'aucune commande ou client n'a été détourné par elle durant le préavis, la société Fitforme allègue, quant à elle, que la résiliation du contrat de distribution est infondée, abusive, brutale et déloyale et justifie son indemnisation à hauteur de 496 432, 66 euros ;
Considérant que la société Gymnauniphy prétend avoir visé à tort l'article 12-2 du contrat prévoyant la résiliation pour faute, par suite d'une erreur de plume ; qu'elle soutient avoir, en réalité implicitement visé l'article 12-1 qui l'autorisait à ne pas renouveler le contrat, moyennant un préavis de trois mois avant la fin de la période contractuelle, sans avoir à justifier d'aucune faute de la société Fitforme ;
Mais considérant que les Premiers Juges ont à bon droit considéré que cette résiliation, intervenue le 6 février 2009, pendant la procédure devant le tribunal de commerce, a été décidée en réaction à l'assignation de Fitforme ; que si, formellement, un préavis de trois mois a été accordé à Fitforme, ce qui rapprocherait cette fin de contrat du cas de non-renouvellement et si aucune faute n'a été reprochée à Fitforme dans cette lettre signifiant la fin du contrat, l'envoi, dès le 5 mars 2009, d'un courrier circulaire aux clients de Fitforme les informant qu'"à compter du 1er juin 2009, la société Fitforme France n'interviendra plus comme notre distributeur exclusif pour la France" ne pouvait que vider de toute portée l'octroi de ce préavis ; que le jugement déféré sera donc aussi confirmé en ce qu'il a déclaré abusive la rupture intervenue ; qu'au regard des chiffres d'affaires réalisés par la société Fitforme et de sa création spécifique pour distribuer les produits Gymnauniphy, les premiers juges ont justement évalué à 200 000 euros le préjudice découlant de la rupture abusive ;
Sur la demande subsidiaire de la société Fitforme :
Considérant que la société Fitforme demande l'application du point 3 de l'avenant du 10 janvier 2006 et à être indemnisée de 5 % du chiffre d'affaires réalisé par la société Ergoline sur la vente de produits Fitvibe ;
Mais considérant que la société Fitforme calcule son préjudice sur la base du quota d'achats de la société JK Sales, sans démontrer que ce quota aurait bien été respecté et quelle proportion de ce quota aurait été revendue à Ergoline, puis vendu sur le territoire français, en violation de la clause d'exclusivité ; qu'ainsi, sa demande sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;
Sur le préjudice moral de la société Fitforme :
Considérant que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société Fitforme pour préjudice moral, faute de toute justification ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Gymnauniphy :
Considérant que la société Gymnauniphy, qui a elle-même violé son engagement d'exclusivité, ne saurait reprocher à son distributeur exclusif d'avoir vendu les produits sous exclusivité en plus faible quantité que prévu et de ne pas avoir respecté son quota ; que sa demande sera également écartée ;
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris, y ajoutant, Déboute la société Gymnauniphy NV Division Fitvib de sa demande reconventionnelle, La Condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, La Condamne à payer à la société Fitforme la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.