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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 15 mars 2013, n° 11-04929

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Partner (SARL)

Défendeur :

Camif Habitat (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martin-Pigalle

Conseillers :

Mmes Chassard, Salducci

Avocats :

SCP Musereau Mazaudon Provost-Cuif, Mes Thibault, Bris, Briand

T. com. Niort, du 27 juill. 2011

27 juillet 2011

Faits et procédure :

La société Camif Habitat a pour activité principale la réalisation de travaux de bâtiment en ce compris la construction de maisons individuelles, de travaux de rénovation, réhabilitation avec intervention sur existants et tous travaux liés au bâtiment. N'étant pas constructeur-réalisateur elle confie notamment la maîtrise d'œuvre, le suivi financier des travaux et la sélection des entreprises à des professionnels désignés architectes et/ou maîtres d'œuvre agrées.

Dans ce cadre elle a conclu des conventions de partenariat notamment avec la société Partner, qui intervenait en qualité d'architecte/maître d'œuvre, d'une durée de 1 an, se renouvelant par tacite reconduction.

Soutenant que la société Camif Habitat aurait brutalement, sans aucun préavis et de manière abusive mis fin par un courrier du 29 octobre 2010 aux relations commerciales qu'elles entretenaient avec la société Partner depuis 1985 et plus spécialement au contrat de partenariat signé le 28 février 2010 celle-ci l'a faite assigner devant le Tribunal de commerce de Niort, qui par jugement du 27 juillet 2011, a sous le bénéfice de l'exécution provisoire notamment :

- débouté la société Partner de sa demande tendant à constater le caractère fautif de la résiliation,

- constaté que la société Camif Habitat avait résilié le contrat de partenariat la liant à la société Partner avec effet au 31 décembre 2011,

- condamné la société Camif Habitat à payer à la société Partner la somme de 7 410 euro en réparation du préjudice financier et 1 euro en réparation du préjudice de considération et moral, outre 1 200 euro correspondant à l'étude avant travaux réalisée pour le compte des époux Vedrenne,

- condamné la société Partner à payer à la société Camif Habitat la somme de 1 euro de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi.

LA COUR :

Vu l'appel interjeté le 18 novembre 2011 par la société Partner.

Vu ses dernières écritures signifiées par RPVA le 9 janvier 2013 suivant lesquelles, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, elle demande qu'il soit dit par application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ou en référence aux dispositions contractuelles que la société Camif Habitat a rompu brutalement, unilatéralement, sans qu'il soit caractérisé de faute à son égard les relations contractuelles les unissant et sollicite en conséquence la condamnation

- à titre principal de la société Camif Habitat à lui payer 120 000 euro au titre de son préjudice financier et 50 000 euro au titre du préjudice de considération et moral,

- à titre subsidiaire ou infiniment subsidiaire les sommes de 61 747,51 euro au titre du préjudice financier, 50 000 euro au titre du préjudice de considération et moral et 1 200 euro HT correspondant à l'étude avant travaux réalisée pour le compte des époux Vedrenne, outre 3 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions signifiées le 17 avril 2012 par la société Camif Habitat suivant lesquelles poursuivant l'infirmation du jugement déféré, elle demande qu'il soit jugé qu'elle a résilié à bon droit le contrat de partenariat la liant à la société Partner et que celle-ci soit condamnée à lui payer 193 428 euro à titre de dommages et intérêts outre 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motifs et décision :

1) Sur les conditions de la résiliation de la relation commerciale entre la société Camif Habitat et la société Partner :

Attendu que la société Partner se prévalant de l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce soutient qu'elle entretenait avec la société Camif Habitat des relations commerciales remontant à plus de 25 ans, qu'elle a rompues brutalement, unilatéralement et sans préavis ;

Attendu que la société Camif Habitat ne conteste pas que la société Partner était un partenaire de longue date, que cette assertion est en outre corroborée tant par le paiement le 14 mars 1986 par la société Camif Habitat à la société Partner d'une facture correspondant à la réalisation pour le compte des époux Mirouze de travaux de pose d'un chauffage à eau tempérée que par l'attestation du 29 janvier 2010 émanant de M. Rudy Beauchard sous l'entête Camif Habitat responsable de réseau qui précise que la société Partner a depuis le 8 février 1997 réalisé 227 chantiers pour le compte Camif Habitat, sans qu'aucun sinistre ne soit déclaré à l'assureur Covea Risk, qu'il découle de ces observations que la société Partner est fondée à se prévaloir de l'application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ; étant observé que la société intimée se contente d'affirmer qu'elle n'a rien à voir avec la SA Camif dont elle n'était qu'une filiale jusqu'en 2007 et qu'elle n'a débuté une activité de constructeur qu'en 1997 ;

Attendu que de son côté la société Camif Habitat soutient que la société Partner a détourné sa clientèle et est passée outre les procédures contractuellement mises en place pour traiter avec les clients ;

Attendu en tout état de cause qu'aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce il est précisément prévu la faculté de résiliation sans préavis d'une relation commerciale établie, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ; qu'il convient donc de déterminer si la société Partner a manqué aux obligations à sa charge ;

Attendu que la société Camif Habitat fait en premier lieu grief à la société Partner d'avoir au mépris notamment des articles 4-1.4 des contrats des 20 juin 2003 et 6 juin 2005 et de l'article 2 de celui signé le 28 février 2010 traité directement - hors cadre Camif - avec des contacts transmis par elle, détournant ainsi à son profit la clientèle de son partenaire; si bien qu'elle estime avoir été fondée à résilier sans préavis le contrat du 28 février 2010, par application de son article 14 ;

Attendu qu'elle reproche à la société Partner d'avoir effectué en 2007 et 2008 - hors procédure Camif - des travaux pour le compte des consorts Bourgeais et Marchandon, qui lui avaient été présentés par son intermédiaire début 2005 ;

Attendu que la société Partner conteste ce détournement de clientèle et oppose "qu'à cette époque et en application de la convention signée en 2005, les maîtres d'œuvres avaient pour instruction émanant de la société Camif Habitat, si un client leur proposait de travailler directement avec eux après avoir rejeté les offres comprenant la commission Camif Habitat de suivre ce qui avait été appelé à l'époque la procédure hors Camif, alors que Camif Groupe était dans une situation financière très précaire, (ayant des effets) sur son image de marque et sa crédibilité" qu'elle fonde son argumentation sur diverses attestations émanant notamment d'architectes ;

Attendu qu'il résulte de l'examen des attestations concordantes rédigées par Mrs Martin du Bosc, la Hausse de Louvière, Molle, Lotz, Jouve et par Mme Laurence Boccard que dans les années 2005-2007 a été mise en place une procédure permettant au maître d'œuvre de traiter des contacts en direct dès lors que ces clients ne voulaient pas traiter le marché de travaux avec Camif Habitat, que dans ce cas un document notifiant la volonté du client de passer hors procédure était signé par le client indiquant clairement sa volonté de ne pas poursuivre avec la société Camif Habitat et la dégageant de toute responsabilité contractuelle ;

Attendu qu'il découle de ces attestations qu'en dépit de l'engagement pris aux termes de l'article 4-1.4 des contrats des 20 juin 2003 et 6 juin 2005 seuls applicables au cas d'espèce, la société Partner avait la possibilité de traiter directement avec un client, qui lui avait été présenté par la société Camif Habitat, à la seule condition que soit rempli un document destiné à la dégager de toute responsabilité; et sans que cette procédure "hors Camif" soit subordonnée à l'accord de la société Camif Habitat ;

Attendu que dans ce contexte il importe peu que M. W. Bourgeais ait en définitive le 6 décembre 2006 aux termes de la signature d'une pièce intitulée "procédure hors Camif" confié ses travaux de rénovation à la société Partner avec laquelle il avait aux termes de la fiche contact du 25 janvier 2005 établie par la société Camif Habitat été mis en relation par l'intermédiaire de cette dernière, et après avoir le 29 novembre 2006 refusé, le devis "Camif habitat" compte tenu de son coût trop élevé, dès lors qu'il découle de l'examen de la pièce du 6 décembre 2006 que le maître de l'ouvrage renonçait expressément à mettre en jeu la responsabilité de la Camif ;

Attendu en tout état de cause qu'il convient d'observer que ce seul prétendu détournement de clientèle qui remontait à près de 4 ans à la date d'envoi de la lettre de résiliation du 24 octobre 2010 ne suffit pas à caractériser l'existence d'un manquement aux obligations incombant à la société Partner ;

Attendu que la société Camif Habitat invoque par ailleurs "le taux de transformation" catastrophique (soit le ratio entre le nombre de clients adressés par la société Camif Habitat et le nombre de chantier exécutés) de la société Partner ;

Mais attendu qu'à supposer que la pièce n° 17 communiquée par la société Camif Habitat atteste qu'en 2008-2009 ce taux de transformation n'ait été que de 2,8 %, il résulte de celle n° 37 produite par la société Partner (et non contredite par l'intimée) que pour les autres années ce taux oscillait entre 28,07 et 59,26 % et qu'il a généré au profit de la société Camif Habitat des commissions non négligeables de 2006 à 2010 ainsi qu'illustrées par les pièces n° 38 à 41 produites par l'appelante, étant au surplus observé que M. Sokol responsable régional Camif Habitat pour la région Atlantique a dans son courriel du 14 septembre 2007 adressé à la société Partner relevé - une baisse du chiffre d'affaires sur la région Atlantique - par rapport à 2006 sans que soit alors mise en cause l'attitude déloyale de la société Partner ;

Attendu que la société Camif Habitat soutient encore que la société Partner a procédé à une double facturation, qu'elle lui fait grief d'avoir le 13 janvier 2010 fait signer à Mme Piquionne un devis appliquant un honoraire de 6 % sur le coût total des travaux s'élevant à la somme de 97 112,93 euro en ce compris les travaux des lots électricité, plomberie sanitaire et chauffage central que la cliente s'était réservée, alors que ladite commission de 6 % était déjà incluse dans la somme de 75 585,14 euro HT correspondant aux travaux négociés avec la société Camif Habitat, qu'elle précise qu'ainsi la société Partner "a tenté d'extorquer à Mme Piquionne" une somme de 4 784,54 euro ;

Mais attendu qu'à défaut d'établir que la société Partner (en dépit de l'erreur affectant ce qui n'était qu'un devis) a bien - indûment - perçu de Mme Piquionne la somme sus visée, la société Camif Habitat n'établit pas que celle-ci a commis une faute grave ;

Attendu que la société Camif Habitat reproche également à la société Partner d'avoir en méconnaissance du II des clauses du cahier des procédures annexé au contrat du 28 février 2010 adressé aux époux Vedrenne le 14 avril 2010 un devis descriptif et estimatif supérieur de 30 % au budget dont ces maîtres de l'ouvrage disposaient; rappelant que le budget détermine l'étendue et la nature des travaux à réaliser et non l'inverse; qu'elle soutient que la société Partner était tenue de lui reverser la somme de 1 200 euro dès lors que les époux Vedrenne ont en définitive renoncé à traiter avec la société Camif Habitat ;

Mais attendu qu'il résulte de la lecture de l'article précité que la seule obligation à la charge du maître d'œuvre est de définir à l'issue de la visite avant travaux la faisabilité du projet dans le cadre Camif Habitat, compte tenu notamment de l'adéquation du programme avec le budget, qu'afin de répondre à cette obligation il appartient au maître d'œuvre de dresser la liste exhaustive du programme de travaux en lien avec le projet envisagé afin de permettre au maître de l'ouvrage de faire un choix éclairé soit en privilégiant dans le programme de travaux soumis ceux qu'il entend faire réaliser ou encore en renonçant comme en l'espèce à ce programme ;

Attendu que contrairement à ce qu'observe la société Camif Habitat il n'y a pas lieu de se référer au contrat d'étude avant travaux soi-disant en vigueur dans le réseau Camif Habitat dès lors qu'il n'est pas établi que cette procédure est contractuellement opposable à la société Partner ;

Attendu qu'à défaut de rapporter la preuve des griefs qui fonde son argumentation relative à une concurrence déloyale ou au parasitisme, la société Camif Habitat qui ne justifie pas davantage "de la contrefaçon du business model" n'est pas fondée à soutenir que la société Partner a porté atteinte à son image ;

Attendu qu'en définitive infirmant le jugement déféré il y a lieu d'accueillir la demande de la société Partner et de dire que la société Camif Habitat a rompu unilatéralement les relations commerciales l'unissant à la société Partner et ce sans que soit caractérisé à son encontre un quelconque manquement à ses obligations ; de telle sorte que la société Camif Habitat doit être déboutée de ses différentes demandes d'indemnisation ;

2) Sur le préjudice subi par la société Partner :

Attendu que la société Partner sollicite l'allocation d'une somme de 120 000 euro à titre d'indemnisation de son préjudice financier faisant valoir qu'elle a cessé d'obtenir tout nouveau contact depuis juillet 2010, alors que 40 à 50 % de son chiffre d'affaires était généré par les contacts apportés par la société Camif Habitat ;

Mais attendu qu'il découle non seulement des termes de la lettre de résiliation du 29 octobre 2010 proposant de terminer les huit chantiers en cours et de réaliser les études et contacts en cours mais encore de l'examen du chiffre d'affaires 2011 réalisé dans le cadre de son partenariat avec la société Camif Habitat et s'élevant à la somme de 349 992 euro (bien supérieure à celle réalisée dans ce même cadre en 2010 s'élevant à la somme de 192 180 euro) ; que contrairement à ce que soutient la société Partner la résiliation nonobstant l'arrêt de partenariat mentionné dès juillet 2010 sur le site Internet permettant d'identifier les entreprises disponibles pour effectuer des travaux, n'a pas été brutale, que de fait les relations se sont poursuivies conformément aux termes précisé au § 3 relatif à la durée du contrat de partenariat, qu'en conséquence elle n'est pas fondée par application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce à solliciter l'indemnisation d'un quelconque préjudice financier ;

Attendu par ailleurs qu'au regard du caractère aléatoire et fluctuant du chiffre d'affaires généré par le partenariat conclu avec la société intimée tel que rappelé par l'article 2 du contrat du 28 février 2010 qui stipule : "Camif Habitat est libre de confier un nombre de contacts plus ou moins importants ainsi qu'un nombre de marchés plus ou moins importants au maître d'œuvre" suivant de nombreux critères eux aussi évolutifs dépendant d'éléments notamment liés à la qualité de la prestation fournie par le maître d'œuvre comme à sa disponibilité, la société Partner ne peut en extrapolant considérer qu'elle a du fait de la résiliation été privée d'un nombre de missions égal à celui confié au cours de l'année en 2009 ;

Attendu dans ces conditions qu'infirmant le jugement déféré il y a lieu de la débouter de sa demande au titre du préjudice financier comme au titre du préjudice moral ou de perte de considération, qui n'est pas étayé et qui en définitive aux termes des écritures de la société appelante concerne son ancien gérant ;

3) Sur la somme de 1 200 euro HT :

Attendu qu'à défaut pour la société Partner d'avoir respecté les prescriptions de l'article 954 alinéa 1er du Code de procédure civile, la présente juridiction est dans l'incapacité de retrouver à quel contrat (au surplus non daté) s'applique le renvoi en page 23 in fine de ses dernières écritures au § intitulé "réalisation des études préalables à la signature du contrat" si bien qu'elle ne peut vérifier que le coût de l'étude pour le chantier Vedrenne au demeurant du 14 avril 2010 (et donc réalisée à une époque où s'appliquait le contrat de partenariat intervenu le 28 février 2010 qui ne contient aucune disposition à ce sujet) était bien à la charge directe des maîtres de l'ouvrage pas plus qu'elle ne dispose des éléments permettant de vérifier si comme soutenu "la société Camif Habitat a débité le compte de la société Partner de la somme de 1 200 euro HT montant de l'étude de faisabilité", qu'en conséquence infirmant le jugement déféré il y a lieu de débouter la société Partner de la demande à ce titre ;

Par ces motifs : Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau : Dit que la société Camif Habitat a rompu unilatéralement les relations commerciales l'unissant à la société Partner et ce sans que soit caractérisé à son encontre un quelconque manquement à ses obligations ; Déboute les parties de toutes leurs prétentions ; Dit que chacune d'elles conservera à sa charge les dépens par elle exposés en première instance comme en appel.