Livv
Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 30 mars 2007, n° 05-17563

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Alice (SARL)

Défendeur :

Garage de Chevry (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mme Delmas-Goyon, M. Laurent-Atthalin

Avoués :

SCP Fanet-Serra-Ghidini, SCP Petit-Lesenechal

Avocats :

Mes Hascoet, Jourdain

T. com. Evry, 3e ch., du 1er juin 2005

1 juin 2005

Le 28 juin 1998, la société Alice a conclu avec la société garage de Chevry un contrat de location de vêtements de travail par lequel elle mettait à sa disposition 17 combinaisons et 2 sacs à linge et en assurait l'entretien, moyennant un coût mensuel forfaitaire de 579,91 francs, ce contrat étant conclu pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction à défaut de préavis donné six mois avant l'expiration du terme ; il s'est renouvelé au mois de juillet 2001 ;

La société garage de Chevry s'étant opposée à l'exécution du contrat au début de l'année 2002, la société Alice l'a mise en demeure de respecter ses obligations contractuelles par lettres des 22 février et 10 avril 2002, puis a constaté la rupture du contrat à ses torts exclusifs le 18 juin 2002, avec application des conditions de résiliation prévues dans les conditions générales de location ;

C'est dans ces conditions que la société Alice a assigné la société garage de Chevry devant le Tribunal de commerce d'Evry qui, par jugement du 1er juin 2005, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à celle-ci la somme de 300 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Au soutien de sa décision, le tribunal a essentiellement retenu que,

la société Alice, à qui il appartient de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention, ne justifie pas par des bons de prise en charge, bons de livraison ou de mise à disposition de linge, ou tout autre élément de preuve, avoir exécuté ses obligations contractuelles, en sorte que l'inexécution contractuelle lui est imputable,

la société garage de Chevry était donc en droit de ne plus respecter ses obligations de paiement, en sorte qu'il n'y a pas lieu de faire application de la clause pénale conventionnelle ;

Vu les conclusions déposées le 11 juillet 2006 par la société Alice, appelante, aux termes desquelles elle demande à la cour, infirmant ce jugement, de condamner la société garage de Chevry à lui payer les sommes de 4 994,54 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2002, 1 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Elle fait essentiellement valoir que la société garage de Chevry était pleinement informée de l'évolution du stock de vêtements mis à sa disposition par des bordereaux de mouvements de stock accompagnés d'avenants prenant les mouvements en compte pour modifier le forfait ;

Qu'aucune réclamation ne lui est parvenue, alors que les conditions générales de location précisent que pour être recevable, toute réclamation doit être adressée dans un délai de deux jours, l'inexécution par elle de ses obligations contractuelles, invoquée devant le tribunal, n'étant pas démontrée,

Vu les conclusions déposées le 3 avril 2006 par la société garage de Chevry, intimée, par lesquelles elle demande à la cour de,

déclarer abusives les clauses des articles 10 et 11 des conditions générales de location de la société Alice et la débouter de ses demandes,

confirmer le jugement entrepris,

à titre subsidiaire,

constatant que la société Alice ne justifie pas avoir exécuté son obligation de mise à sa disposition permanente de combinaisons, dire qu'elle était en droit de ne plus assurer ses propres obligations,

constatant que la société Alice a d'office réduit ses prétentions du chef de l'indemnité de rupture à la somme de 750 euro et qu'elle ne justifie d'aucun préjudice du fait de la rupture, dire n'y avoir lieu à une quelconque indemnité de rupture,

en tout état de cause, condamner la société Alice à lui verser une indemnité de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur ce, la cour,

Considérant que pour un exposé complet des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement déféré et aux écritures ci-dessus visées ;

Considérant que la société Alice verse aux débats des bordereaux de mouvements de stocks accompagnés d'avenants modifiant le montant du forfait hebdomadaire à payer, qui permettaient à la société garage de Chevry de suivre les livraisons qui lui étaient faites et la facturation correspondante, et qui sont de nature à justifier que des combinaisons propres pour son personnel ont bien été mises à sa disposition ;

Qu'en outre, les conditions générales de location acceptées par la société garage de Chevry prévoyaient à l'article 2, qui décrit le fonctionnement du service, que pour être recevable, toute réclamation doit être adressée dans un délai de deux jours ;

Qu'il n'est pas justifié, ni même allégué, par la société garage de Chevry qu'elle ait jamais dénoncé auprès de la société Alice l'absence de ramassage des combinaisons sales ou de livraison des combinaisons propres, alors qu'elle a payé les factures correspondant au service rendu jusqu'au début de l'année 2002 ;

Considérant, en conséquence, qu'il est suffisamment justifié par la société Alice de l'exécution de ses obligations contractuelles ;

Que l'initiative prise par la société garage de Chevry de résilier unilatéralement le contrat en dehors des cas de résiliation contractuellement définis, ce qu'elle ne conteste pas, était susceptible d'entraîner l'application des dispositions de l'article 11 des conditions générales de location ;

Considérant, cependant, que la société garage de Chevry soutient que constitueraient des clauses abusives les articles 10 et 11 du contrat de location, aux termes desquels la durée du contrat ne peut être inférieure à trois ans et celui-ci se renouvelle automatiquement pour une durée égale, sauf dénonciation six mois à l'avance, dans les cas où le client romprait le contrat en dehors des conditions prévues ou ne respecterait pas l'un quelconque des engagements qu'il a souscrits, notamment non-paiement des factures ou entrave volontaire au fonctionnement du service de location, le contrat étant, dans ce dernier cas, résilié à ses torts et griefs ;

Qu'elle fait valoir qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion, que la société Alice était en mesure d'imposer à ses cocontractants petits commerçants du fait de sa position économique, dont l'économie ne se justifie pas, la clause pénale précitée, qualifiée de "monstrueuse", devant être réputée non écrite en application de l'article 1135 du Code civil ;

Mais considérant que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation relatives à la protection des consommateurs contre les clauses abusives ne s'appliquent pas aux contrats conclus entre professionnels, ce qui est le cas en l'espèce, la fourniture et l'entretien des combinaisons de travail de son personnel étant à l'évidence en relation directe avec l'activité de la société garage de Chevry ;

Que la société garage de Chevry ne fournit aucune démonstration des circonstances de fait qui l'auraient conduite à se voir imposer les clauses critiquées, ni des raisons pour lesquelles ces clauses seraient contraires à l'économie du contrat ;

Que les dispositions de l'article 11 des conditions générales de location sont applicables en l'espèce ;

Qu'il n'est pas non plus démontré que la clause pénale telle qu'acceptée par la société garage de Chevry en signant le contrat serait manifestement excessive et qu'il conviendrait de la modérer ;

Qu'enfin, la société garage de Chevry ne saurait se prévaloir de la proposition qui lui a été faite par la société Alice d'une indemnité de résiliation d'un montant inférieur lors de sa tentative d'aboutir à un accord transactionnel, à laquelle elle n'a pas souhaité donner suite ;

Considérant qu'il s'ensuit que la société garage de Chevry doit être condamnée à payer à la société Alice la somme de 4 994,54 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2002, date de la mise en demeure de payer, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée étant rejetée en l'absence de préjudice établi ;

Considérant, par ailleurs, qu'en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, il convient de condamner la société garage de Chevry à payer à la société Alice une indemnité de 2 500 euro pour les frais exposés par elle, tant en première instance qu'en appel ;

Que la société garage de Chevry sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs : Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la société garage de Chevry à payer à la société Alice la somme de 4 994,54 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2002, ainsi que 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société garage de Chevry aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.