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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 9 février 2012, n° 10-13409

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Olympique de Marseille (SA)

Défendeur :

Algeco (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mmes Durand, Elleouet-Giudicelli

Avoués :

SCP Ermeneux-Champly-Levaique, SCP de Saint Ferreol, Touboul

Avocats :

Mes Abega, Croset

T. com. Marseille, du 30 avr. 2010

30 avril 2010

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 30 avril 2010 par le Tribunal de commerce de Marseille ;

Vu les conclusions déposées le 12 novembre 2010 par la société Olympique de Marseille, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 28 février 2011 par la société Algeco, intimée ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;

Attendu que la société Algeco, spécialisée dans la construction de bâtiments modulaires, a construit deux bâtiments pour le compte de la société Olympique de Marseille, dont le siège social ; qu'ont été à cette occasion conclus deux contrats, le premier sous forme d'un protocole du 27 août 2004 qui a consenti à la société Algeco pour une durée de cinq ans un parrainage publicitaire moyennant versement d'une redevance et le second, sous forme d'un avenant du 29 juin 2006 prorogeant la validité du protocole jusqu'au 30 juin 2010 sans contrepartie financière supplémentaire ; que par contrat en date du 29 juillet 2009 la société Olympique de Marseille a cependant conféré le titre de partenaire officiel à la société Touax, également spécialisée dans la construction de bâtiments modulaires, laquelle on a fait usage immédiatement à des fins publicitaires ; que, se prévalant du contrat du 27 août 2004 et de son avenant, la société Algeco, se plaignant du choix de la société Touax, a saisi le Tribunal de commerce de Marseille d'une demande en résiliation du contrat de parrainage, en remboursement de la contrepartie financière de ce contrat et en paiement de dommages-intérêts ; que par le jugement attaqué le tribunal saisi, considérant que la société Algeco se prévalait à juste titre de l'exclusivité du parrainage publicitaire et que cette exclusivité n'avait pas été respectée, que la contrepartie financière versée devait être remboursée, et que le préjudice se limitait à la privation d'un préavis qui devait être fixé à quatre mois, a constaté la résiliation du contrat aux torts de la société Olympique de Marseille et condamné celle-ci à payer à la société Algeco une somme de 116 311 euro au titre du remboursement de la contrepartie financière du contrat de parrainage ainsi qu'une somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales ;

SUR CE,

Attendu que, entendant voir prévaloir l'économie et l'esprit sur la lettre, la société Olympique de Marseille soutient que le protocole contient, d'une part la concession à titre onéreux d'un droit de louage partiel de bâtiment, d'autre part une concession concomitante de droits extra patrimoniaux d'utilisation de l'image de ce bâtiment, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un contrat de sponsoring classique mais que les droits protégés sont exclusivement ceux attachés au bâtiment siège de l'Olympique de Marseille ; que, les droits concédés ayant selon elle pour unique but d'empêcher toute entreprise extérieure de faire des opérations de communication à partir du siège et de brouiller le message pour lequel la société Algeco a payé une redevance, elle en déduit que le partenariat officiel accordé à la société Touax, dont l'objet est différent, ne porte pas atteinte aux droits de la société Algeco et qu'une interdiction générale conférerait à cette dernière un avantage anormal ;

Attendu que la société Algeco s'est vue reconnaître par le protocole du 27 août 2004 le droit d'apposer sur la façade du siège de l'Olympique de Marseille une plaque agrémentée d'un texte de son choix, de disposer d'un espace dans le bâtiment, de l'inaugurer et de le faire visiter ; que ces droits sont qualifiés d'objet du parrainage publicitaire dont l'élément substantiel est défini comme l'engagement de l'Olympique de Marseille de promouvoir le savoir-faire et l'image de la société Algeco ; qu'en considération de ces qualifications l'Olympique de Marseille a autorisé la société Algeco à faire référence dans toutes ses publicités, affiches, documents commerciaux ou techniques, à l'attention de ses clients et du grand public, au bâtiment Algeco construit, à l'espace Algeco et à la plaque ; que pour sa part l'Olympique de Marseille s'est interdit de commercialiser "son image" à des concurrents de la société Algeco sauf accord exprès de cette dernière et également de commercialiser des opérations promotionnelles auprès des mêmes concurrents ; que les concurrents sont définis comme "les entreprises qui ont une de leurs activités présentes sur le marché de la location et/ou de la vente des bâtiments modulaires et industrialisés à caractère temporaire événementiel ou définitif" ;

Attendu que de ces définitions il ressort que la société Algeco ne s'est effectivement vue reconnaître que le droit d'utiliser à des fins publicitaires et promotionnelles les représentations et évocations du bâtiment construit, de sa plaque et de son espace ; que la contrepartie acceptée par l'Olympique de Marseille, résidant dans l'interdiction de commercialiser son image à des concurrents, n'est cependant pas limitée à l'utilisation, par ces concurrents, à des fins promotionnelles, du bâtiment, de la plaque et de l'espace de la société Algeco, mais à l'entière image de l'Olympique de Marseille ; que l'étendue de cette interdiction s'explique aisément par l'inévitable collision entre une publicité fondée sur un thème autre que le bâtiment Algeco effectuée par un concurrent de cette dernière au sens du protocole, et celle effectuée par la société Algeco elle-même dans les limites assignées par le protocole, dès lors que toutes deux auraient pour objet l'exploitation de l'image de l'Olympique de Marseille au profit d'une entreprise œuvrant dans le domaine de la construction modulaire et que par suite, quel que soit le support de la publicité du concurrent, la portée du message de la société Algeco s'en trouverait altérée ; que, contrairement à ce que soutient l'Olympique de Marseille, l'avantage ainsi conféré à la société Algeco n'est pas anormal dans son étendue dès lors que l'interdiction est limitée aux concurrents directs et que par suite, un parrainage officiel pouvait être conclu avec n'importe quelle entreprise non directement concurrente ;

Attendu que dès le 31 juillet 2009 la société Touax, concurrent direct de la société Algeco dans le domaine de la construction modulaire, s'est prévalue sur internet à des fins publicitaire de son partenariat avec l'Olympique de Marseille pour la saison 2009/2010, mettant en avant sa spécialité et la présence de sa marque sur les manches des maillots des footballeurs de l'équipe professionnelle ; que ce partenariat a été confirmé à l'occasion d'un constat d'huissier du 7 août 2009 ; qu'il est concrétisé par un protocole d'accord conférant à la société Touax, pour toute communication interne ou externe dans le cadre de l'activité de location et/ou de vente de bâtiments modulaires, l'utilisation mondiale du label "Touax partenaire officiel de l'OM" ainsi que de l'image collective de cette dernière, de ses noms, insignes et logos ; qu'à juste titre dès lors, en considération des rapports de concurrence entre les sociétés Algeco et Touax, et peu important le montant de la contrepartie financière versée par la société Algeco, librement négociée et acceptée par l'Olympique de Marseille, les premiers juges ont considéré que cette dernière avait violé les dispositions du protocole et de son avenant et confirmé la résiliation du contrat aux torts de l'Olympique de Marseille dans les termes du contrat ;

Sur le préjudice de la société Algeco et les restitutions.

Attendu que le contrat résolu venait à expiration le 30 juin 2009 ; que selon protocole en date du 29 juin 2006 les parties sont convenues d'en proroger les effets pour une année jusqu'au 30 juin 2010 compte tenu de l'absence de contrepartie aux redevances antérieures ; qu'elles ont, par la même occasion, transigé sur des travaux supplémentaires exécutés par la société Algeco laquelle a été reconnue créditrice d'une somme de 32 419 euro, ainsi que d'une somme de 23 000 euro à titre d'indemnité complémentaire ; que l'Olympique de Marseille estime que la résiliation du contrat du 27 août 2004 a anéanti la transaction du 29 juin 2006 et les concessions réciproques qui la fondent, qu'il faut revenir au stade antérieur et procéder à la restitution des prestations réciproques, et que par suite doit être déduite de la contrepartie financière de la dernière année de validité du contrat d'un montant de 76 800 euro HT la somme versée de 55 419 euro, de sorte qu'elle ne doit restitution le cas échéant que d'une somme de 21 380 euro HT ; que ce moyen, nouveau mais recevable par application des dispositions de l'article 563 du Code de procédure civile, n'est pas fondé en ce qui concerne la restitution de la somme de 55 419 euro, la résiliation n'emportant pas annulation et ne produisant effet que pour l'avenir, de sorte qu'elle est sans incidence sur les effets passés définitivement acquis du protocole transactionnel ;

Attendu qu'en contrepartie de l'exclusivité dont elle bénéficiait, la société Algeco s'est engagée à verser à l'Olympique de Marseille une somme totale de 389 000 euro à raison de 38 900 euro à la signature, de 38 900 euro lors de l'inauguration des locaux construits, et de 311 200 euro en quatre annuités de 77 800 euro chacune ; que, la dernière annuité étant celle couvrant la période du 30 juin 2009 au 30 juin 2010 par l'effet de la transaction du 29 juin 2006, l'Olympique de Marseille estime que la somme à restituer ne peut être que celle de 77 800 euro alors que la société Algeco met en compte le quart du total de la contrepartie stipulée, soit 97 250 euro HT ; que, la société Algeco ayant été en droit d'espérer un égal retour de son investissement pour chacune des années de validité du contrat, et l'échéancier convenu pour l'entière période de validité du contrat n'empruntant pas à sa mesure à celle de la contrepartie, c'est à juste titre que, la contrepartie n'ayant pas été fournie pendant un an, les premiers juges ont accordé le remboursement de la somme de 97 250 euro HT, soit 116 311 euro TTC ; qu'il n'y a pas lieu à minoration de cette somme en considération du maintien prétendu de la publicité de la société Algeco sur Internet dès lors, d'une part que la page invoquée est relative à l'année 2007 et se trouve à priori enfuie dans les profondeurs des résultats à un emplacement tel qu'elle est devenue inefficace, d'autre part que la violation de l'exclusivité suffit en toute hypothèse à rendre la contrepartie de la société Algeco sans cause ;

Attendu que la société Algeco réclame la restitution de l'intégralité de la contrepartie financière versée de 348 933 euro TTC en soutenant que la violation de la clause d'exclusivité par l'Olympique de Marseille a anéanti son investissement ; qu'elle met en compte également une somme de 500 000 euro en réparation du préjudice pour perte d'image consécutif à la communication d'un concurrent à destination des mêmes clients à partir du même support ; que la demande en restitution des sommes versées a été rejetée à juste titre, la contrepartie en termes d'image en ayant été obtenue avant la résiliation du contrat ; que, si aucune pièce comptable n'établit la réalité d'une perte financière consécutive à la communication de la société Touax à destination des mêmes clients avant le terme du contrat du 27 août 2004, il n'en demeure pas moins que la substitution brutale de l'image de la société Touax à celle de la société Algeco a occasionné à cette dernière un nécessaire préjudice d'image qui mérite l'octroi d'une somme de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; qu'entre dans le champ d'application de ce texte la relation commerciale revêtant un caractère suivi, stable et habituel de sorte que la victime de la rupture pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial ;

Attendu que, soutenant que dès 2009 la plupart des commandes de bâtiments modulaires ont été adressées par l'Olympique de Marseille à la société Touax, et qu'elle n'a pas même été invitée à soumissionner à partir du mois d'août 2009, la société Algeco, compte tenu du chiffre d'affaires et des marges réalisés, réclame pour une année une indemnité de 66 953,71 euro HT ; que pour démontrer qu'elle est en droit de se prévaloir du texte précité, elle produit le compte client de la société Olympique de Marseille dont elle ne met aucune écriture en exergue et qui comporte une multitude de postes ; que cette relation peut être partiellement appréhendée à travers les contrats produits, au nombre de quatre en 2005, dont trois contrats de transport pour des montants inférieurs à 100 euro et un contrat de location pour une somme de l'ordre de 500 euro, au nombre de cinq en 2006, dont trois contrats de location pour des montants inférieurs à 350 euro, au nombre de trois en 2007 pour des sommes d'un montant total de l'ordre de 34 000 euro, et au nombre de quatre en 2008, dont une fourniture de vestiaires pour 68 770 euro et une fourniture de hangars pour 38 870 euro ; que l'Olympique de Marseille, certainement au vu de son compte client dont elle connaît intimement les postes, ne conteste cependant pas le chiffre d'affaires annuel moyen avancé de 48 589,05 euro HT au titre des locations et de 97 500 euro HT au titre des ventes et pas davantage l'existence d'une relation suivie stable et habituelle permettant d'anticiper une continuité de flux d'affaires ; que, cette continuité ayant pu être escomptée par la société Algeco à tout le moins pendant l'année précédant le terme ultime du contrat du 30 juin 2010, et les relations ayant cessé un an avant, la somme TTC réclamée de 80 076,64 euro, correspondant à la marge brute annuelle, sera accordée ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement attaqué quant aux dépens et aux frais irrépétibles et en ce qu'il a condamné la société Olympique de Marseille à payer à la société Algeco une somme de 116 311 euro TTC à titre de remboursement de la contrepartie financière de la dernière année de validité du contrat du 27 août 2004. Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau, Condamne la société Olympique de Marseille à payer en sus à la société Algeco à titre de dommages-intérêts une somme de 30 000 euro pour perte d'image et une somme de 80 076,64 euro pour rupture abusive d'une relation commerciale établie. Rejette les demandes des parties pour le surplus. Condamne la société Olympique de Marseille aux entiers dépens d'appel. La condamne à payer à la société Algeco une somme de 6 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel. Accorde à l'avoué de la société Algeco le bénéfice de distraction de l'article 699 du Code de procédure civile.