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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 31 octobre 2012, n° 11-05054

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Puma France (SAS)

Défendeur :

Rugby Club Toulonnais (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallens

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Boucon, Anstett, Roussel, Mino

TGI Strasbourg, du 20 sept. 2011

20 septembre 2011

La société Puma a conclu avec la société Rugby Club Toulonnais (RCT) plusieurs contrats de parrainage dont un dernier le 1er juillet 2010 pour une durée de 3 saisons sportives, et venant à expiration le 30 juin 2013. Ce contrat contient une clause de résiliation anticipée. Le 3 mars 2011 RCT a adressé à Puma une lettre recommandée aux fins de résiliation du contrat avec effet au 30 juin 2011. Invoquant la mauvaise foi et le mal fondé de cette décision de rupture, Puma a assigné RCT devant le juge des référés commerciaux du Tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de voir condamner RCT à exécuter le contrat de parrainage sous peine d'une astreinte et à lui verser à titre de provision sur dommages et intérêts une somme de 850 000 euro outre 10 000 euro pour les frais irrépétibles, avec publication de la décision.

Par une ordonnance du 20 septembre 2011, le premier juge a constaté l'existence de contestations sérieuses et rejeté la demande de Puma. Celle-ci en a interjeté appel et réitère ses prétentions. Puma expose : RCT a rompu le contrat de parrainage en raison d'un accord similaire conclu dans des conditions plus rémunératrices dès le mois d'octobre 2010 avec un autre équipementier la société Burrda ; elle a résilié le contrat sans offrir de verser la clause pénale prévue soit 450 000 euro ; elle n'a pas invoqué le droit de résiliation prévu par l'article 5 A, al. 2 du contrat mais des manquements de Puma ; or elle ne peut invoquer de tels manquements ; la résiliation est fautive et abusive ouvrant droit à réparation ; la résiliation n'a pas été précédée d'une mise en demeure comme le prévoit l'article 5 B du contrat ; les doléances de RCT concernent le contrat conclu pour la période antérieure de 2006 à 2010 ; sa créance de dommages et intérêts est donc incontestable ; RCT n'a pas informé Puma de son projet de changement d'équipementier, l'a dénigrée par voie de presse et a supprimé la référence Puma sur son site ; la demande reconventionnelle de RCT n'est pas justifiée.

Puma réclame en conséquence une provision de 850 000 euro à titre de dommages et intérêts, avec les intérêts capitalisés, la publication par extraits de l'arrêt à intervenir, sa publication sur le site Internet de RCT et l'autorisation de communiquer la décision et l'allocation d'une indemnité de procédure de 25 000 euro.

La société Rugby Club Toulonais sollicite le rejet de l'appel et des prétentions de la société Puma et par voie de "demande reconventionnelle", le paiement de sommes de 113 709, 74 euro au titre de royalties impayées et de 5 000 euro pour les frais irrépétibles. RCT fait valoir : plusieurs contrats successifs ont lié les parties depuis 2002 ; le contrat de parrainage de 2010 a été dénoncé pour de justes motifs ; Puma a été informée des difficultés rencontrées et de sa recherche d'un autre équipementier ; la clause de dédit contenue dans le contrat constituait une condition essentielle de son accord ; la résiliation lui a été notifiée le 3 mars 2011 pour la fin de la saison au 30 juin 2011 ; elle est justifiée par plusieurs manquements de Puma notamment quant au paiement de la prime de résultat, des royalties semestrielles, à la fourniture de maillots de jeux et à l'exploitation du sigle RCT sans son autorisation ; il lui reste du selon elle différents montants au titre des royalties à hauteur de 113 709,74 euro.

Sur ce, la Cour,

Il est constant que la société RCT a rompu le contrat de parrainage par anticipation le 3 mars 2011 pour la fin de la saison en cours, au 3 juin suivant alors que le contrat était conclu pour une durée ferme de 3 ans jusqu'au 30 juin 2013. Le contrat prévoyait cependant la possibilité d'une résiliation anticipée, soit à l'initiative du club (art 5-A), soit à l'initiative de la société (art 5-B). De plus, l'article 5-A du contrat contenait aussi une clause prévoyant l'éventualité d'un changement de partenaire, clause qui parait applicable à l'espèce : " au cas où le club change de marque d'équipements sportifs en cours de contrat, (Puma) sera en droit de lui réclamer une pénalité d'un maximum de 450 000 euro ". La société RCT a justifié son initiative par plusieurs griefs formulés contre la société Puma dans la lettre de résiliation, mais a dénoncé le contrat pour se lier aussitôt avec un autre fournisseur, la société Burrda, avec laquelle il apparaît qu'elle était en pourparlers depuis plusieurs mois.

Les deux motifs cependant peuvent coexister si l'aboutissement des pourparlers avec un nouvel équipementier ont été concrétisés en raison des différends avec le précédent partenaire.

Il y a lieu ainsi de relever que chacune des parties verse aux débats des éléments de fait laissant apparaître un désaccord significatif entre elles : la société Puma reproche au club d'avoir délibérément rompu son contrat et dénigré son ancien partenaire, tandis que la société RCT invoque de son côté des griefs concernant le paiement des redevances prévues au contrat, l'aménagement d'une boutique de vente, l'exploitation non autorisée par Puma d'un graphisme du club et un défaut de livraison de maillots commandés.

La question de savoir si la société RCT a rompu à cause de ces différends ou a pris prétexte de ceux-ci pour bénéficier sans tarder des conditions financières plus favorables offertes par le nouveau partenaire, ce qui semble résulter des conditions nouvelles obtenues, relève d'une appréciation du fond du litige.

Il s'agit là d'une interprétation des motifs de la rupture et des mobiles de la société RCT.

De plus, la société Puma réclame une provision à hauteur de 850 000 euro sans se prévaloir de la clause de dédit stipulée au contrat qui limitait l'indemnisation à hauteur d'un maximum de 450 000 euro. Elle ne réclame pas non plus la poursuite du contrat. Enfin, elle ne justifie pas non plus du montant de la provision réclamée.

Il est vraisemblable que la société RCT sait qu'elle doit indemniser la société Puma des conséquences de la résiliation, puisqu'elle a fait insérer dans le contrat conclu avec la société Burrda une clause prévoyant la prise en charge de l'indemnisation qui serait due à la société Puma. Mais ce fait ne peut être invoqué comme un aveu de responsabilité devant le juge des référés.

Faire droit à la demande de provision reviendrait à statuer sur la responsabilité encourue par la société RCT. Il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur les responsabilités encourues en l'absence d'une obligation non sérieusement contestable.

La demande de la société Puma se heurte donc à des contestations sérieuses qui la font échapper à la juridiction des référés. L'ordonnance déférée doit être en conséquence confirmée.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme l'ordonnance déférée, Condamne la société Puma à payer à la société Rugby Club Toulonnais une indemnité de 1 000 euro mille euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Puma aux dépens.