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Décisions

Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-21.150

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocat :

Me Haas

Rennes, du 1er juill. 2011

1 juillet 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juillet 2011), que M. X. a été engagé le 29 janvier 2008 par la société Secomat ingenierie industrielle en qualité d'ingénieur cadre ; que son contrat de travail stipulait une clause de non-concurrence dont il pouvait être libéré par l'employeur " soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée " ; que le salarié a démissionné le 12 novembre 2008, la fin de son préavis devant intervenir le 12 février 2009 ; que l'employeur a accepté que le salarié quitte l'entreprise le 23 janvier 2009 et a, par courrier du 6 février 2009 adressé le 9 février suivant, libéré celui-ci des obligations de la clause de non-concurrence; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du Code de procédure civile : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et des congés payés afférents, alors, selon le moyen : - 1°) que l'exécution du contrat de travail se poursuit, en principe, pendant la durée du préavis ; que, selon le contrat de travail, l'employeur pouvait libérer le salarié de la clause de non concurrence, " soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat de travail soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée " ; que cette stipulation claire et précise autorisait l'employeur à exercer sa faculté de renonciation au moins tout au long de l'exécution du contrat de travail et, partant, pendant l'intégralité du préavis ; que, dès lors, en considérant que cette clause, qu'elle a tenue pour ambigüe, devait être interprétée comme interdisant à l'employeur à renoncer à la clause de non-concurrence au-delà d'un délai raisonnable suivant la notification à l'employeur de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 2°) que l'inexécution du préavis n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat de travail prend fin ; qu'en considérant que l'employeur avait notifié tardivement au salarié sa renonciation à la clause de non-concurrence, après avoir relevé que sa renonciation était antérieure à la date à laquelle le préavis, partiellement inexécuté, aurait dû expirer et que le contrat prévoyait que le contrat pouvait être rompu tout au long de l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-4 du Code du travail et 1134 du Code civil ; 3°) que lorsqu'un salarié démissionne, le préavis, dont l'exécution constitue pour celui-ci une obligation, a pour objet principal de permettre à l'employeur de pourvoir à son remplacement ; qu'en considérant, pour apprécier le caractère raisonnable du délai dans lequel l'employeur avait notifié au salarié sa renonciation à la clause de non-concurrence, que le préavis avait pour objet de permettre au salarié démissionnaire de rechercher un nouvel emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires ;

Attendu que l'arrêt a relevé que, si le préavis s'achevait le 12 février 2009, l'employeur avait accepté que le salarié quitte l'entreprise le 23 janvier 2009 et ne l'avait libéré de son obligation de non-concurrence que par courrier du 6 février 2009 posté le 9 février suivant ; qu'il en résulte que la renonciation de l'employeur à l'exécution de l'obligation de non-concurrence était tardive, et que le salarié avait droit au paiement de la contrepartie financière ; que, par ce motif, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

Sur le second moyen : - Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, alors, selon le moyen : 1°) que dans sa lettre du 19 février 2009, l'employeur indiquait au salarié qu'il avait renoncé à la clause de non-concurrence dans un délai raisonnable suivant l'expiration du contrat de travail correspondant au dernier jour travaillé du délai de préavis ; que, par la suite, il a défendu, tant en première instance qu'en appel, exactement la même thèse ; qu'en considérant, pour retenir une résistance fautive de la part de l'employeur, que celui-ci avait, dans un premier temps, admis que sa renonciation doive intervenir dans un délai raisonnable suivant la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé cette lettre, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la défense à une action en justice ne constitue pas, sauf abus qu'il appartient au juge de caractériser, une faute ; qu'en se déterminant par des considérations impropres à établir une résistance abusive à la demande du salarié, fondée sur une clause du contrat de travail dont elle avait relevé le caractère ambigu, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que le moyen ne tend, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation et de violation de la loi, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond par laquelle ceux-ci ont estimé que la résistance de l'employeur à exécuter son obligation de payer la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence avait occasionné au salarié un préjudice dont ils ont évalué l'étendue ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.