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Décisions

Cass. com., 21 novembre 2006, n° 05-11.002

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ultralu (SA)

Défendeur :

Pierre Le Sausse (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rennes, 1re ch. civ., du 4 nov. 2004

4 novembre 2004

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, du 4 novembre 2004), que la société Ultralu a vendu deux échafaudages à la société Unikalo qui les a revendus à la société Pierre Le Sausse ; que de la rouille étant apparue sur les vis et les boulons, la société Ultralu a accepté de les changer et que, le processus de corrosion se poursuivant, la société Pierre Le Sausse a assigné la société Unikalo, qui a appelé en garantie la société Ultralu ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en sa première branche, qui est préalable : - Attendu que la société Unikalo reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à dédommager la société Pierre Le Sausse "d'échafaudages affectés de rouilles car utilisés pendant plusieurs années en milieu marin hautement corrosif", alors, selon le moyen, que l'aveu exige, de la part de son auteur, une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; qu'en l'espèce, la cour qui a déduit de la simple affirmation de la société Unikalo "qu'elle avait fait confiance à la documentation en sa possession", l'aveu qu'elle avait transmis à la société Pierre Le Sausse un document publicitaire émanant d'une société tierce, pour en déduire que ce document était entré dans le champ contractuel, a violé l'article 1356 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Unikalo a écrit dans ses conclusions que "tout comme la SARL Le Sausse elle a fait confiance à la documentation en sa possession", et que cette déclaration n'est pas contredite par les autres affirmations de la société Unikalo, car en affirmant "qu'à aucun moment la société Ultralu n'a indiqué que l'ensemble des pièces de son échafaudage seraient en aluminium et encore moins que ce matériel serait non susceptible d'oxydation", elle n'exclut pas que cette indication résulterait d'une autre source, et qu'en affirmant que "la SARL Le Sausse n'a jamais expressément demandé à ce que l'intégralité de l'échafaudage soit en aluminium", elle n'exclut pas que cette demande résulte implicitement de la réception du document émanant de la société Distel ; qu'en l'état de ces constations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir, sans encourir les griefs du moyen, que la preuve que le document émanant de la société Distel, garantissant l'absence totale de rouille sur les échafaudages, avait été transmis par la société Unikalo et était un document contractuel ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Ultralu et sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi provoqué de la société Unikalo, réunis : - Attendu que la société Ultralu et la société Unikalo reprochent à l'arrêt d'avoir condamné la société Unikalo à verser à la société Pierre Le Sausse la somme de 5 000 euros à titre et dommages-intérêts outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et d'avoir condamné la société Ultralu à garantir la société Unikalo de ces condamnations, alors, selon le moyen : 1°) que seul est juridiquement réparable le préjudice certain ; qu'en allouant à la société Pierre Le Sausse une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice, au motif que ce préjudice résidait simplement dans une durée de vie des échafaudages moins longue que celle escomptée, tout en relevant, d'abord, qu'aucune précision n'était fournie ni sur la durée des échafaudages livrés, ni sur celle qui était attendue d'échafaudages exempts de rouille, en constatant, ensuite, qu'il n'existait pas, en l'état actuel des connaissances techniques, d'échafaudages garantis totalement contre la corrosion, enfin que ceux de la société Pierre Le Sausse n'avaient, à aucun moment, été inutilisables, c'est-à-dire depuis 6 ans à la date à laquelle elle statuait, la cour d'appel a réparé un préjudice purement éventuel, en violation des articles 1604, 1147 et 1184 du Code civil ; 2°) qu'il incombe à celui qui se prévaut d'un préjudice d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour qui a octroyé des dommages-intérêts à la société Pierre Le Sausse, après avoir pourtant relevé qu'elle n'aurait pu nulle part acheter des échafaudages totalement garantis contre la corrosion, que les échafaudages acquis, qui avaient déjà servi de longues années, étaient toujours utilisables et qu'aucune explication n'avait été fournie, relativement à la durée de vie d'un échafaudage, a violé les articles 1147 et 1604 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Pierre Le Sausse pouvait s'attendre à un matériel plus résistant à la corrosion dès lors que la résistance des matériaux utilisés en milieu marin peut être renforcée et que cela n'a pas été fait, l'arrêt retient que le préjudice de la société Pierre Le Sausse réside dans une durée de vie des échafaudages moins longue que celle escomptée ; que la cour d'appel a ainsi relevé l'existence d'un préjudice certain subi par la société Pierre Le Sausse dont elle a souverainement apprécié l'étendue ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Ultralu reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir la société Unikalo des condamnations prononcées au profit de la société Pierre Le Sausse et à verser à la société Unikalo la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, que le fabricant n'est pas tenu de conseiller au revendeur, avec lequel il est en relations d'affaires suivies, un matériel spécialement traité pour résister à la corrosion dès lors que ce dernier ne lui a pas précisé que le client auquel les matériels devaient être revendus exerçait son activité en bord de mer dans un lieu exposé au brouillard salin ; qu'en considérant que la société Ultralu avait manqué à son devoir de conseil et d'information à l'égard de la société Unikalo, pour ne pas lui avoir conseillé le choix, pour les échafaudages aluminium commandés, de visseries spécialement traitées pour résister en milieu marin, alors que la société Unikalo n'avait pas informé la société Ultralu des conditions dans lesquelles le client auquel elle devait les revendre les utiliserait, ce que la société Unikalo ne soutenait d'ailleurs pas, la cour d'appel, qui a déduit ce manquement du simple fait que les matériels avaient été livrés à Lorient, a violé les articles 1135 et 1615 du Code civil ;

Mais attendu que l'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client sur l'adaptation du matériel vendu à l'usage auquel il est destiné existe à l'égard de l'acheteur professionnel dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause ; que la cour d'appel, ayant relevé que la société Unikalo avait notamment pour activité les peintures en bâtiment et que la société Ultralu savait que les échafaudages devaient être livrées à Lorient, a retenu exactement que cette dernière aurait dû conseiller à son cocontractant un autre matériel et qu'en ne le faisant pas, elle avait manqué à son devoir de conseil et d'information ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois, tant principal que provoqué.