CA Douai, 1re ch. sect. 1, 10 octobre 2011, n° 10-03536
DOUAI
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Merfeld
Conseillers :
Mmes Metteau, Doat
Par jugement rendu le 10 mars 2010, le Tribunal d'instance de Roubaix a :
débouté M. Hakim H de l'ensemble de ses demandes,
dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision,
condamné M. Hakim H aux dépens.
M. Hakim H a interjeté appel de cette décision le 18 mai 2010.
RAPPEL DES DONNEES UTILES DU LITIGE :
M. Lamir B a acheté en juin 2009 un véhicule Citroën Xsara pour un prix de 2 700 euros.
Le 11 septembre 2009, il l'a revendu à M. Hakim H pour une somme de 4 800 euros.
Après la vente, M. H a fait effectuer un entretien du véhicule par le garage M. avant de le déposer à la concession Citroën de Tourcoing.
Indiquant qu'il avait appris par ce biais que le kilométrage de la voiture avait été modifié à la baisse, qu'il a tenté de contacter par téléphone son vendeur, en vain, qu'il lui a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception le 20 octobre 2009 sans obtenir de réponse, M. Hakim H a fait assigner M. Lamir B devant le tribunal d'instance de Roubaix aux fins d'obtenir la résolution de la vente, le remboursement du prix, la condamnation du vendeur à lui payer 148,61 euros au titre de la facture d'entretien et 4,36 euros de frais de recommandé outre 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La décision déférée, estimant qu'aucune pièce ne permettait de démontrer le kilométrage visible sur le compteur du véhicule au jour de la vente, a été rendue dans ces conditions.
Par arrêt avant dire droit du 28 mars 2011, la cour d'appel de Douai a invité les parties à conclure sur le défaut de conformité de la chose vendue en application de l'article 1604 du Code civil.
Dans ses dernières écritures, M. Hakim H demande à la cour de :
réformer le jugement en toutes ses dispositions,
en application des articles 1604 et 1184 du Code civil :
prononcer la résolution de la vente du véhicule Citroën Xsara immatriculé AB 232 TW,
condamner M. Lamir B à lui payer la somme de 4 800 euros en remboursement du prix de vente,
le condamner à lui payer la somme de 148,61 euros en remboursement de la facture d'entretien M., 4,36 euros de frais de recommander et 645 euros en remboursement du coût de l'assurance,
le condamner, à titre de dommages et intérêts complémentaires, à lui payer une somme de 20 euros par jour à compter du 16 septembre 2009 jusqu'à l'arrêt à intervenir au titre de la perte de jouissance et d'immobilisation du véhicule,
le condamner à venir reprendre gratuitement le véhicule, 91 rue des maraîchers à Tourcoing, lieu de son stationnement depuis la vente,
le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Il explique qu'il a acheté le véhicule au frère d'un de ses amis, que la transaction s'est faite chez ses parents, à Tourcoing, qu'au moment de la vente M. B lui a indiqué qu'il avait oublié le contrôle technique mais qu'il lui a fait confiance, ce document ne lui ayant, toutefois, jamais été remis par la suite. Il indique que suite aux indications du concessionnaire, il a contacté l'un des précédents propriétaires du véhicule, M. R., qui lui a remis une facture de 2003 sur laquelle le kilométrage de la voiture est de 168 000 km. Il affirme que le compteur kilométrique affichait lors de son achat 143 000 km, qu'il n'a jamais été mis en possession du livret d'entretien ni du contrôle technique de sorte qu'il n'a pas pu prendre conscience du kilométrage réel de la voiture lors de la vente.
Il estime que l'erreur sur le kilométrage affiché constitue un défaut de conformité de la chose vendue, au sens de l'article 1604 du Code civil, et ajoute que le défaut de remise du certificat de contrôle technique, accessoire substantiel à la vente, représente un défaut de délivrance. Il demande donc la résolution de ce contrat.
Il précise que la preuve que le contrôle technique lui a été adressé par courrier le lendemain de la vente n'est pas rapportée alors que M. B verse aux débats une photocopie de ce document, et non un duplicata, ce qui tend à démontrer qu'il a encore l'original en sa possession.
Il précise qu'il apporte la preuve que le véhicule lui a été vendu avec un kilométrage de 143 000 km, par différents témoignages. Il prétend que l'attestation établie au nom de M. Chérif B n'est pas de la main de ce dernier et constate que n'y figurent pas toutes les mentions légales.
Il ajoute que le vendeur est de mauvaise foi lorsqu'il fait état d'une annonce parue sur le site Internet du "bon coin" dans la mesure où la transaction ne s'est pas faite par l'intermédiaire de cette annonce mais du fait de son lien d'amitié avec le frère du vendeur.
Il relève que si M. B lui avait dit quel était le kilométrage réel de la voiture, cet élément aurait été porté sur le certificat de cession.
M. Lamir B sollicite la confirmation du jugement, de débouter M. H de ses demandes, de le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que M. H a pris contact avec lui pour l'achat du véhicule litigieux suite à une annonce qu'il a passée sur le site Internet "au bon coin", annonce dans laquelle est mentionné le kilométrage élevé de la voiture (autour de 180 000 km). Il affirme que l'acquéreur a donc été informé du kilométrage réel lors de la vente et ce d'autant que le carnet d'entretien du véhicule lui a été remis et que le contrôle technique passé au mois de juillet 2009 (sur lequel figure ce kilométrage) lui a été adressé par la poste, le lendemain de la transaction.
Il conteste l'ensemble des attestations produites affirmant qu'aucune des personnes apportant son témoignage n'était présente lors de la vente.
Il estime que M. H n'a pas voulu garder la voiture estimant l'avoir payée trop cher et s'étonne du manque de précautions prises par ce dernier lors de l'achat s'il n'a pas, comme il l'affirme, vérifié le kilométrage.
En tout état de cause, selon lui, en matière de résolution de vente, il appartient à l'acheteur de rapporter la preuve de la non-conformité à la commande du matériel livré. Or, il constate que cette preuve n'est pas rapportée, la production d'une facture du 14 septembre 2009, soit trois jours après la vente, étant insuffisante pour justifier qu'au moment de la cession, le kilométrage affiché était de 143 712.
Il précise qu'en matière de non-conformité, la réception sans réserve de la chose vendue couvre les défauts apparents, en particulier le kilométrage d'un véhicule, élément facilement vérifiable par l'acquéreur au moment de l'opération.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article 1603 du Code civil dispose que le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. Selon l'article 1604, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. L'article 1615 précise que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel.
Aux termes de l'article 5 bis du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978 modifié par le décret du 5 mars 1986 puis par le décret du 19 juillet 1994, "tout vendeur professionnel ou non professionnel d'un véhicule automobile soumis à la visite technique prévue par les dispositions de l'article R 323-22 et 323-26 du Code de la route remet à l'acheteur non professionnel, avant la conclusion du contrat, le procès verbal de la visite technique établi depuis moins de six mois ainsi que les procès verbaux des éventuelles contre-visites".
Il découle de ces dispositions que le vendeur d'un véhicule doit remettre à son acquéreur le certificat de contrôle technique daté de moins de 6 mois, ce document étant par ailleurs nécessaire à l'immatriculation au nom de l'acquéreur de la voiture et constituant dès lors, un accessoire au sens de l'article 1615 du Code civil.
En application de l'article 1315 du Code civil, il lui incombe de rapporter la preuve de cette remise.
Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que le procès verbal de contrôle technique du véhicule litigieux n'a pas été remis à M. H le jour de la vente, M. B ayant indiqué l'avoir oublié à son domicile. Ce dernier ne rapporte pas la preuve d'un envoi ultérieur de ce document à l'acquéreur.
Ce défaut de remise d'un document accessoire du véhicule constitue un manquement à l'obligation de délivrance pesant sur le vendeur et justifie à lui seul de prononcer la résolution de la vente.
A titre surabondant, il convient de relever que :
- M. B a acquis le véhicule litigieux en Belgique, le 12 juin 2009, le compteur affichant 180 000 km.
- cette indication du kilométrage figurait sur l'annonce parue sur "au bon coin" le 10 septembre 2009. Cependant, il n'est nullement établi que M. H, qui connaissait le frère du vendeur, ait pris connaissance de cette annonce avant la vente intervenue le 11 septembre 2009.
- de même, il est fait mention du kilométrage du véhicule sur le procès verbal de contrôle technique dressé le 6 juillet 2009. Cependant, il n'est pas contesté que ce document n'a pas été remis à l'acquéreur le jour de la vente.
- dès le 14 septembre 2009, (soit trois jours après la vente) lorsque M. H a emmené le véhicule pour une révision au garage M., le kilométrage affiché au compteur était de 143 712 km.
- les attestations concordantes et précises de Mme F. et Mme B indiquent que le véhicule remis à M. H avait 140 000 km au compteur le jour de la vente et que le livret d'entretien n'a pas été remis à l'acquéreur.
- si l'attestation de M. Chérif B, frère du vendeur, vient affirmer que les deux témoins n'étaient pas présents lors de la remise du véhicule, il convient cependant de constater qu'elle ne comporte aucune indication sur le kilométrage affiché au compteur. Outre le fait que les mentions exigées indiquant que le témoin a connaissance du fait qu'une fausse attestation l'expose à des sanctions pénales n'est pas retranscrite, cette attestation apparaît peu fiable au regard de celles de Mesdames F. et B qui sont affirmatives et excluent la présence de M. Chérif B lors de la transaction.
Il découle de ces éléments que M. H s'est vu remettre, le 11 septembre 2009, un véhicule Citroën Xsara avec 143 000 km affichés au compteur, sans qu'il ne soit justifié qu'il ait pu avoir connaissance du kilométrage effectif et réel du véhicule lors de son achat.
Alors que compte tenu des indications portées au compteur du véhicule (le kilométrage étant un élément facilement vérifiable par un acquéreur et nécessairement entré dans le champ contractuel), M. H pensait acquérir une voiture de 143 000 kilomètres, le véhicule qui lui a été remis ne correspondait pas à cette prévision. M B a donc également manqué à son obligation de délivrance conforme sur ce point.
En conséquence, il convient de prononcer la résolution de la vente et d'ordonner le remboursement du prix soit 4 800 euros par M. B. Ce dernier pourra venir rechercher le véhicule litigieux sur son lieu de stationnement actuel indiqué par M. H.
Le jugement sera donc réformé en toutes ses dispositions.
M. H sollicite, en outre, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. En effet, M. B a commis une faute en ne l'informant pas sur le kilométrage réel du véhicule. M H justifie qu'il a exposé des frais pour le véhicule à hauteur de 148,61 euros au titre de la facture d'entretien M. et de 4,36 euros de frais de recommandé. Il a également fait face au paiement d'une assurance de 645 euros.
Il sollicite également 20 euros par jour à compter du 16 septembre 2009 invoquant un préjudice de jouissance. Cependant, alors qu'il est en possession du véhicule, il ne rapporte pas la preuve qu'il ne l'a pas utilisé (au contraire, il ressort de l'attestation de M. K que le kilométrage affiché au 7 décembre 2009 était de 145 575 km soit 1 863 kilomètres parcourus depuis la vente). La demande de ce chef sera donc rejetée.
En définitive, M. B sera condamné à lui payer la somme de 797,97 euros à titre de dommages et intérêts.
M. Lamir B succombant, il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à M. Hakim H la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. M. Lamir B sera condamné à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire : Infirme le jugement ; Statuant à nouveau : Prononce la résolution de la vente du véhicule Citroën Xsara immatriculé AB 232 TW vendu par M. Lamir B à M. Hakim H; Condamne, en conséquence, M. Lamir B à payer à M. Hakim H la somme de 4 800 euros en remboursement du prix de vente ; Dit que, suite au remboursement du prix, M. Lamir B pourra venir rechercher, à ses frais, le véhicule Citroën Xsara immatriculé ab 232 TW, (...) ; Condamne M. Lamir B à payer à M. Hakim H la somme de 797,97 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne M. Lamir B aux dépens de première instance et d'appel ; Dit que la SCP T L, Avoués, pourra recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ; Condamne M. Lamir B à payer à M. Hakim H la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.