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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 28 mars 2013, n° 12-02863

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Park and Fly (SARL)

Défendeur :

Société de gestion de l'aéroport de la région de Lille, Selarl Perin Borkowiak (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Valay-Briere, Barbot

Avocats :

Mes Deleforge, Despieghelaere, Vanlerberghe, Laforce, Malle

T. com. Lille, du 24 nov. 2010

24 novembre 2010

Vu le jugement contradictoire du 24 novembre 2010 du Tribunal de commerce de Lille qui a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par l'EURL Park and Fly ;

Vu le jugement contradictoire du 16 février 2011 du Tribunal de commerce de Lille, assorti de l'exécution provisoire, qui a débouté la SAS Sogarel de sa demande en réparation d'un préjudice d'image du fait de l'utilisation du nom commercial "Aéroport de Lille" ou "Lille Aéroport", constaté que l'EURL Park and Fly a commis des actes de concurrence déloyale, acté que l'EURL Park and Fly s'est engagée à cesser la distribution de tracts sur la voie publique, condamné l'EURL Park and Fly à payer à la SAS Sogarel la somme de 10 000 euro au titre de son préjudice commercial ainsi que 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, enjoint à l'EURL Park and Fly de cesser tout comportement de parasitisme et de concurrence déloyale sous astreinte de 1 000 euro par campagne publicitaire sous toute forme de publicité comparative autre que celle portant entre le parking P1 de la Sogarel et celui de l'EURL Park and Fly avec rappel des services offerts, de 500 euro par jour d'affichage ou par opération de distribution de tracts constatée contraire aux réglementation en vigueur et ce à compter de la publication du jugement, enfin débouté les parties de leurs autres demandes ;

Vu l'appel de ces deux jugements interjeté le 15 mars 2011 par la SARL Park and Fly ;

Vu les actes de signification de déclaration d'appel et d'assignation en date des 20 mai et 20 juin 2011 délivrés à la requête de la SARL Park and Fly à la Société de gestion de l'aéroport de la région de Lille ;

Vu les conclusions déposées le 21 octobre 2011 pour la SARL Park and Fly ;

Vu les conclusions déposées le 8 février 2012 pour la Société de gestion de l'aéroport de la région de Lille exerçant sous l'enseigne Sogarel ;

Vu l'ordonnance d'interruption d'instance en date du 21 mars 2012 ;

Vu la demande de réinscription au rôle reçue le 11 mai 2012 et les conclusions d'intervention volontaire et de reprise d'instance déposées le 4 mai 2012 pour la Selarl Perin Borkowiak, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Park and Fly désignée par décision du 20 février 2012 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 10 janvier 2013 ;

La SARL Park and Fly demande, à titre principal, qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de l'Autorité de la concurrence, à titre subsidiaire, qu'il soit constaté qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale, l'infirmation du jugement entrepris sur ce point ainsi que sur la cessation de la diffusion de tracts et de publicité et corrélativement de l'astreinte, qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu de faire cesser l'affichage pratiqué, le rejet des demandes, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Sogarel à lui payer la somme de 150 000 euro pour faits de concurrence déloyale outre 15 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il soit enjoint à la société Sogarel de supprimer sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter du prononcé du jugement (sic) à intervenir le lien http://park-fly.eu ainsi que toute forme de harcèlement des clients des sociétés Park and Fly et Park & Fly et toute forme de publicité désignant ses services de stationnement comme "officiels".

La société Sogarel sollicite le rejet des demandes de l'EURL Park and Fly, l'infirmation du jugement quant à l'utilisation de la marque "Lille Aéroport" et "Aéroport de Lille", qu'il soit jugé que toute utilisation des mots Lille Aéroport ou Aéroport de Lille en dehors d'une volonté de situation géographique, c'est-à-dire, précédé de "près de" ou de "à proximité de" relève d'une utilisation anormale de la marque, la condamnation de l'EURL Park and Fly à cesser sous astreinte de 1 000 euro par infraction, l'utilisation de tout nom de domaine comportant les termes Aéroport de Lille ou Lille Aéroport, la confirmation du jugement déféré sur la condamnation en paiement de dommages et intérêts et d'une astreinte mais d'en porter le montant à 1 000 euro par jour d'affichage ou par opération de distribution de tracts constatée contraire aux réglementations en vigueur, 1 000 euro par utilisation sous forme d'affichage de site Internet, de tracts publicitaires, de sérigraphie sur véhicules ou sur remorques des termes Lille Aéroport, Aéroport de Lille, Aéroport Lille Lesquin autrement que pour désigner sa situation géographique, à savoir précédé de "près de" ou de "à proximité de", 1 000 euro par jour d'utilisation au greffe du tribunal ou sur tout document publicitaire de l'allégation fausse d'une situation sur "Lille Lesquin" ou "Lille Aéroport", la condamnation de l'intimée à lui payer 10 000 euro pour la couverture de ses frais irrépétibles.

Dans ses conclusions d'intervention volontaire et de reprise d'instance, la Selarl Perin Borkowiak s'est contentée de solliciter le renvoi de la procédure à une audience ultérieure pour lui permettre de déposer de nouvelles conclusions en réplique, ce qu'elle n'a finalement pas fait.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens selon ce qu'autorise l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE

La propriété et la compétence pour aménager, entretenir et gérer l'aéroport de Lille ont été transférées au Syndicat mixte des aéroports de Lille-Lesquin et Merville qui en a concédé l'exploitation à partir du 1er janvier 2009, et pour dix ans, à la société Sogarel. Outre les activités de service public aéroportuaires proprement dites, la société Sogarel a développé des activités annexes, notamment en matière de stationnement automobile à destination des usagers de l'aéroport, sur lesquelles elle est en situation de concurrence.

L'EURL Park and Fly a été créée le 1er juillet 2010 avec pour activité la mise à disposition d'emplacements de stationnement pour véhicules automobiles destinés aux usagers de l'aéroport de Lille. Pour ce faire, elle louait sur la commune de Vendeville, limitrophe de Lesquin et en dehors du périmètre de la concession, un terrain sur lequel elle a aménagé un parking de 100 places, ses clients étant transportés en navette directement à l'aéroport situé à deux kilomètres. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à son égard le 20 février 2012.

Dans le cadre de cette procédure, la SAS Sogarel a déclaré le 15 mai 2012 une créance de 4 946,59 euro, rectifiée à hauteur de 133 446,59 euro par lettre recommandée avec avis de réception reçue par le liquidateur le 17 avril 2012.

Il y a lieu de constater que la Selarl Perin Borkowiak, ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL Park and Fly, n'a développé aucun moyen ni formé aucune demande à l'appui du recours exercé par cette dernière à l'encontre de la décision déférée, puisqu'elle n'a pas conclu au fond postérieurement à la reprise d'instance.

Cependant, l'EURL Park and Fly peut dans le cadre d'une action en concurrence déloyale faire valoir seule un droit propre, étant précisé toutefois qu'en cas de succès le produit de l'action devra être attribué à la liquidation judiciaire.

Il est observé par ailleurs que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet dès lors que l'Autorité de la concurrence, saisie par l'EURL Park and Fly a, par décision en date du 16 novembre 2011, dit qu'elle n'était pas compétente pour apprécier la pratique de restriction d'accès à la "voie réservée aux professionnels" de l'aéroport de Lille et dit qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure s'agissant des autres pratiques dénoncées par la saisine.

Les parties se reprochent mutuellement des actes de concurrence déloyale.

1- Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à l'EURL Park and Fly

* L'utilisation du nom commercial

Il est justifié que les marques "Aéroports de Lille" et "Lille Aéroports" ont été déposées à l'INPI par le Syndicat mixte des aéroports de Lille-Lesquin et Merville.

Par suite, il ne s'agit pas d'un terme générique comme allégué par l'EURL Park and Fly qui ne pouvait en faire usage sauf à faire précéder ces mentions de précisions indiquant qu'il s'agissait d'une situation géographique.

Le fait que des prestataires de services limitrophes de l'aéroport et notamment des hôtels aient recours à ces termes ne peut autoriser la société Park and Fly à les utiliser.

La société Sogarel excipe par ailleurs de l'existence d'un cahier des clauses et conditions générales des conventions d'occupation temporaire du domaine public aéronautique délivrées par la Société de gestion de l'aéroport de la région de Lille (Sogarel) pour dénier à l'appelante le droit d'utiliser ces noms. Celui-ci n'autorise leur emploi que par les occupants du domaine public de l'Aéroport de Lille-Lesquin, ce qui n'est pas le cas de l'EURL Park and Fly qui se situe en dehors de ce domaine.

La société Park and Fly ne conteste pas l'utilisation de ces expressions.

Cependant, si la société Sogarel invoque avoir subi un préjudice du fait de l'utilisation de ces marques par la société Park and Fly, elle ne fait état d'aucun élément chiffré sur ce point. Au surplus, les termes "Lille Aéroport" ou "Aéroport de Lille" présentent un caractère géographique, même s'ils ne sont pas précédés des mots "près de" ou de "à proximité de", de sorte que leur emploi n'est de nature de créer aucune confusion et ne relève pas, en l'espèce, d'une utilisation anormale. C'est donc à raison que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.

* Sur la publicité comparative et mensongère

La publicité comparative diffusée par la société Park and Fly sur son site Internet et sur ses tracts consistait d'une part, à comparer les tarifs des quatre parkings exploités par la société Sogarel avec les siens, d'autre part à se présenter comme le parking le moins cher sur le site et surveillé 24 h sur 24 par plusieurs caméras.

Or, si les prestations offertes par la société Park and Fly étaient comparables avec celles du parking P1 de la société Sogarel, elles ne l'étaient pas avec celles des autres parkings qui offrent des services et prestations de surveillance, de couvert ou de proximité qui ne sont pas comparables. Il est constant que cette publicité a donné lieu à un procès-verbal dressé par la DIRECCTE.

Pour autant, cette publicité qui comparait deux services sans en détailler les caractéristiques essentielles, pertinentes et représentatives autres que les prix, est en contradiction avec les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation et constitue un acte de concurrence déloyale.

En outre, il résulte des prix produits que, pour le parking P1, seul comparable, la SAS Sogarel était moins onéreuse que la société Park and Fly au-delà du onzième jour. Il est également établi par le constat dressé le 7 décembre 2010 par Maître Candas, huissier de justice, que la seule caméra installée sur le site ne fonctionnait pas.

Il était donc faux pour la société Park and Fly de prétendre que son parking était surveillé et qu'elle exploitait, d'une façon générale, le parking le moins cher.

Le grief étant établi, la SAS Sogarel a droit à la réparation de son préjudice commercial qui sera toutefois ramené à la somme de 1 000 euro, laquelle sera fixée au passif chirographaire de la société liquidée.

Il n'est pas contesté que la distribution de tracts avait cessé avant même la délivrance de l'assignation. Par ailleurs, le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Park and Fly survenu depuis le jugement déféré, qui a entraîné l'arrêt de toute activité, rend sans objet toutes les demandes tendant à interdire à cette dernière, sous astreinte, toute publicité quelle qu'en soit la forme ou le support.

2 - Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à la SAS Sogarel

* Le harcèlement et le dénigrement

Les allégations de dénigrement de la société Park and Fly ne sont pas prouvées par les deux attestations versés aux débats qui, pour l'une, émane de la mère du dirigeant de ladite société rédigée sous son nom de jeune fille et sans preuve de l'utilisation des services de cette société et, pour l'autre, ne relate aucun propos dénigrant.

Au demeurant, le caractère général de la condamnation demandée tendant à interdire toute forme de harcèlement des clients des sociétés Park and Fly et Park & Fly ne peut conduire qu'au rejet.

* Les parkings dits "officiels"

La société Park and Fly demande qu'il soit enjoint à la SAS Sogarel de cesser de qualifier ses parkings d'"officiels" au motif que cela dénigre les autres offres de stationnement proposées.

Cependant, du fait de l'arrêt de son activité, l'appelante, qui n'offre plus d'aires de stationnement, ne peut présenter cette demande pour le compte d'autres prestataires dont l'existence n'est pas même démontrée.

* La création d'un site Internet "d'hameçonnage"

Il ressort de la décision de l'Autorité de la concurrence que la SAS Sogarel a créé un faux site Internet dont l'adresse s'inspirait de celui de Park and Fly, http://park-fly.eu, qui renvoyait à la page "parkings" de l'aéroport de Lille et dont l'objet était de détourner la clientèle de la société Park and Fly.

Cependant, la demande tendant à enjoindre à la société Sogarel de supprimer ce lien sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir est également sans objet dès lors qu'il est avéré que ce lien est déjà désactivé depuis le 14 mars 2011.

En outre, la SARL Park and Fly ne produit aucun élément démontrant l'existence d'un préjudice résultant de cette pratique.

Le jugement sera donc infirmé sauf sur l'indemnité procédurale allouée.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles en cause d'appel et non compris dans les dépens.

Par ces motifs : LA COUR, statuant après débats publics, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, Constate que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet ; Infirme le jugement du 16 février 2011, sauf sur l'indemnité procédurale allouée à la société Sogarel ; Statuant à nouveau, Fixe à 1 000 euro la créance chirographaire de la SAS Sogarel au passif de la SARL Park and Fly ; Constate que toutes les autres demandes des parties tendant à faire ou à cesser de faire, sous astreinte le cas échéant, sont devenues sans objet ; Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles, Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.