CA Lyon, 1re ch. civ. A, 28 mars 2013, n° 11-08031
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
EGT Environnement (SAS)
Défendeur :
LBDI (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gaget
Conseillers :
MM. Martin, Semeriva
EXPOSÉ DU LITIGE
La société EGT Environnement est appelante du jugement la condamnant à payer à la société LBDI la somme de 3 000 euros en liquidation de l'astreinte ordonnée par jugement du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 6 mai 2011 et correspondant aux trois infractions commises, déboutant les parties de l'ensemble de leurs autres demandes, la condamnant à payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et mettant les dépens à sa charge.
Elle conclut à l'infirmation de cette décision, au débouté des demandes formées contre elle ainsi que contre M. B. et à la condamnation de la société LBDI à payer à ces derniers une somme de 10 000 euros pour procédure abusive, par suite de l'utilisation des procédures engagées et des décisions obtenues du tribunal pour dénigrer la société EGT à l'égard d'une clientèle potentielle ; elle réclame paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société LBDI conclut à la confirmation du jugement, sauf à prononcer condamnation à hauteur de 1 000 euros au titre de l'infraction concernant l'appel d'offres de la communauté de communes du Plateau d'Hauteville ; elle demande de débouter la société EGT et de la condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
" Le jugement du 6 mai 2011 a été infirmé en toutes ses dispositions par un arrêt du 24 mai 2012, qui a rejeté la demande tendant à la fixation d'une astreinte.
La société EGT est fondée à en déduire que le jugement dont appel, qui liquide l'astreinte fixée par cette décision infirmée, doit être infirmé par voie de conséquence.
" M. B. n'était pas partie au litige en première instance ; il n'est pas intervenu en cause d'appel, les conclusions n'étant pas prises en son nom ; la cour n'est saisie d'aucune demande de sa part.
" La société EGT fait grief à la société LBDI d'utiliser les jugements rendus pour la dénigrer ; celle-ci réplique qu'elle s'est contentée d'informer qu'un jugement du tribunal de commerce du 6 mai 2011 a condamné la société EGT pour concurrence déloyale.
Elle a en effet écrit à la société Super U, le 5 septembre 2011 : "je tiens à vous informer qu'EGT (...) exerce une activité en concurrence déloyale vis-à-vis de notre société et que cet état de fait a été jugé et puni par le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 6 mai 2011".
Il s'agit là d'une information, désagréable pour la société EGT, mais exacte et formulée en termes mesurés ; elle n'est pas fautive.
En revanche, par courrier électronique adressé à l'association Revie le 19 avril 2012, le dirigeant de la société LBDI indiquait notamment :
"Je pense pour ma part que nous ne pouvons pas accepter, dans notre association une entreprise et ses dirigeants qui ont actuellement :
- des procédures en concurrence déloyale au tribunal de commerce,
- une procédure au pénal en cours auprès du procureur de la République pour vols et fausses factures auprès de collectivité,
- une procédure au pénal en cours auprès du procureur de la République pour travail dissimulé,
- deux autres procédures au pénal dont je ne peux parler aujourd'hui.
Si vous avez des doutes sur mes propos, vous pouvez vous renseigner auprès du Tribunal de commerce et du Parquet de Bourg-en-Bresse.
Pour ma part, j'adhère à une association car on partage les mêmes valeurs et les mêmes objectifs.
Pour cette entreprise, je ne pense pas que notre association partage ces derniers et, encore moins que nous souhaitions transmettre auprès des personnes à réinsérer leurs valeurs (vols, fausses factures, travail dissimulé, etc.).
J'espère que mes propos ne vous auront pas choqué".
La plupart des faits ainsi dénoncés ne sont pas établis, la société LBDI se bornant à communiquer la copie d'une plainte déposée par ses soins, pour travail dissimulé, le 3 février 2012 ; les autre faits d'ordre pénal, très graves, ne s'autorisent d'aucune démonstration.
Les faits qui, eux, sont établis ne sont pas présentés de manière loyale, la société LBDI omettant de dire qu'elles toujours à l'initiative des procédures qu'elle cite, de sorte qu'on peut croire qu'elle y est étrangère et ne les signale que dans l'intérêt du bien commun, ce qu'illustre sa dernière phrase.
Il est, en soi, fautif de dénoncer à la clientèle une action n'ayant pas donné lieu à une décision de justice ; tel est le cas des procédures pénales, dont on ignore d'ailleurs les suites à ce jour.
La multiplicité des procédures invoquées et la référence aux "valeurs" impliquent enfin une condamnation de la moralité de la société EGT.
Or, l'association Revie réunit des associations, telle la communauté d'Emmaüs de Servas, des entrepreneurs, le syndicat de traitement des déchets Organom, des collectivités qui ont notamment vocation à lancer des appels d'offres en la matière.
En conséquence, en dénonçant un concurrent, en ces termes, auprès de personnes ayant vocation à intervenir sur le marché considéré, en tant que clients, qu'intervenant technique ou de partenaire de réinsertion et en jetant ainsi le discrédit sur lui, la société LBDI s'est rendue coupable de dénigrement.
Il en résulte un préjudice qui doit être fixé à 5 000 euros.
Aucune circonstance ne conduit à écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : - Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - Statuant à nouveau, - Déboute la société LBDI de ses demandes, - Condamne la société LBDI à payer à la société EGT Environnement une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par dénigrement, - Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société LBDI à payer à la société EGT Environnement une somme de 5 000 euros, - Condamne la société LBDI aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.