CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 28 mars 2013, n° 2011-20125
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Allez et Cie (SAS), Spie Sud-Ouest (SAS), Ineo Reseaux Sud-Ouest (SNC)
Défendeur :
Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remenieras
Conseillers :
Mmes Beaudonnet, van Ruymbeke
Avocats :
SCP Monin-d'Auriac, SCP Fisselier & Associés, Mes Charpentier, Justier, Meyung Marchand
Par lettre enregistrée le 15 décembre 2006, le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a dénoncé des pratiques mises en œuvre par 31 entreprises spécialisées en travaux d'électricité pour des pratiques observées lors d'appels d'offres passés entre 2003 et 2005 sur des marchés publics ou privés dans le "secteur des travaux d'électrification dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes".
La direction départementale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes de l'Aveyron avait examiné certaines anomalies décelées lors de deux consultations passées par le syndicat intercommunal d'électricité du département de l'Aveyron (SIEDA) pour l'attribution de deux marchés relatifs au réseau de distribution publique d'électricité dans ce département.
Le premier marché passé en 2003 était relatif à des travaux de renforcement et d'aménagement du réseau. En dépit d'une grande stabilité des titulaires sur leurs lots préférentiels, les propositions se situaient à des niveaux de prix bien plus élevés que ceux qu'attendait la collectivité concernée. Un lot de ce marché a nécessité le lancement d'une seconde consultation, car l'entreprise attributaires s'était retirée. Ce lot a pu être attribué à une nouvelle entreprise qui a proposé un rabais très important.
Le second marché passé en 2005 concernait des travaux d'extension de réseaux, des opérations ponctuelles et des travaux de dissimulation. En raison d'une actualisation très importante du bordereau de prix, le SIEDA a été surpris de constater une stabilité totale des titulaires sur leurs lots préférentiels et des niveaux de prix encore plus élevés.
Ces constatations ont été à l'origine de l'enquête réalisée par la DGCCRF, puisque cette situation était susceptible de résulter d'une entente entre les différentes entreprises, mise en œuvre grâce à des échanges d'informations antérieurs aux appels d'offres et accompagnés d'offres de couverture ainsi qu'au moyen d'une politique de réponse des entreprises en groupements.
- Dans un premier temps, l'enquête a été menée en utilisant les moyens d'investigations prévus par l'article L. 450-4 du Code de commerce auprès de quatorze entreprises ou agences locales représentant onze entités juridiques différentes situées dans les cinq départements de l'Aveyron, du Tarn, de la Lozère, du Cantal et de l'Hérault : Larren Réseaux SLR (Decazeville), Guirande Electricité (Druelle), Cegelec Sud-Ouest (Millau), Etablissement Boubal (Concoures), lneo Réseaux Sud-Ouest (Millau), SDEL Massif central (Millau), Amec Spie Sud-Ouest (Sebazac Concoures), Languedocienne d'aménagement SLA (Salles Curan), Citel (St Sulpice), Engelvin TP Réseaux (ETPR) Mende), Entreprise Chavinier (Aurillac).
Ces entreprises et leurs agences ont fait l'objet de visites et saisies de documents le 20 octobre 2005 en exécution d'une ordonnance d'autorisation des opérations de visite et saisie rendue le 7 octobre 2005 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Rodez (ci-après l'"ordonnance d'autorisation de 2005").
Des investigations se sont poursuivies sur le fondement de l'article L. 450-3 du Code de commerce afin de compléter les informations recueillies lors des premières investigations. Les services de la DRCCRF de Bordeaux ont demandé des précisions sur divers marchés passés par d'autres syndicats départementaux d'électrification rurale, par les services EDF-GDF et par d'autres donneurs d'ordre publics ou privés. Il en a été ainsi pour les marchés passés par le syndicat départemental d'électrification et d'équipement de la Lozère (SDEE 48), du syndicat départemental d'énergies de la Dordogne (SDE 24), les marchés passés par EDFGDF en Aveyron, en Lozère et en Dordogne, les marchés passés par divers donneurs d'ordre en Aveyron.
Le secteur concerné est, d'une part, celui la construction de réseaux électriques sur la voie publique et, d'autre part, celui des travaux d'installation électrique dans tous locaux.
La construction de réseaux électriques s'opère dans le cadre des travaux d'électrification rurale, qui font essentiellement L'objet de marchés publics dans le cadre desquels les collectivités ou les syndicats intercommunaux procèdent â des appels d'offres permettant de choisir les entreprises chargées de leur exécution et dans le cadre des marchés de travaux d'EDF-GDF Services puis d'EDF-GDF Distribution.
Il est seulement rappelé, concernant cette dernière catégorie de travaux, qu'à l'époque des faits, EDF et GDF avaient constitué une structure commune dénommée "EDF-GDF Services" jusqu'en 2004, puis "EDF-GDF Distribution". Cette structure commune gérait les relations des deux entreprises publiques avec les particuliers et était également chargée de gérer les besoins des communes en qualité de concessionnaires des réseaux publics de gaz et d'électricité. Elle s'occupait également des équipements et infrastructures des réseaux locaux d'EDF ou de GDF.
A ce titre, EDF-GDF Services, puis EDF-GDF Distribution, passait chaque année par l'intermédiaire d'une plateforme d'achat de multiples commandes pour ses différents centres en France, allant du tubage de canalisations aux raccordements éoliens, en passant par des branchements chez des particuliers,, des travaux d'alimentation en gaz ou en électricité, l'installation de compteurs de chaleur, etc.
Par ailleurs, EDF, qui était à l'époque un établissement public industriel et commercial (EPIC), n'était pas soumise à l'observation du Code des marchés publics pour la passation de ses contrats, mais à une simple obligation de publicité et de mise en concurrence préalable pour les appels d'offres dépassant le seuil de 4 845 000 euros HT.
En deçà de ce seuil, ce qui est le cas de tous les marchés EDF-GDF visés par la présente affaire, elle sélectionne librement ses fournisseurs et ses prestataires et négocie librement avec ces derniers dès la date de remise des offres. Le respect des règles de concurrence s'impose également concernant le déroulement des appels d'offres sur ces marchés.
Ainsi, dans le cadre des marchés passés par les plateformes locales EDF (EDF-GDF à l'époque des faits en cause) qui peuvent être ponctuels, annuels ou pluriannuels, EDF choisit les entreprises qu'elle souhaite consulter, définit seule les volumes de travaux qu'elle entend allouer et retient les entreprises qui remplissent les critères qu'elle a elle-même définis et qui sont connus d'elle seule.
Il convient par ailleurs de relever que les contraintes physiques et les modes de travail qui découlent de ces marchés s'avèrent différents de ceux passés par les collectivités territoriales dans le cadre des travaux d'électrification rurale.
À l'inverse, s'agissant des marchés passés par la plateforme locale EDF, les études préalables ne sont pas réalisées par les entreprises attributaires, mais le sont directement par la plateforme locale EDF ; la plateforme locale EDF fournit l'ensemble des matériaux à utiliser pour réaliser les travaux ainsi que le matériel qui doivent être agrées (poteaux, câbles, isolateurs, ferrures, fils, etc.).
Sur la base des constatations recueillies dans le cadre de la procédure, six griefs ont été notifiés à 36 entreprises, dont la société Allez et Cie, la société Spie Sud-Ouest et la société Ineo Réseaux Sud-Ouest.
Les activités de Spie Sud-Ouest SAS (anciennement dénommée Amec Spie Sud-Ouest) se concentrent, pour l'essentiel, dans le domaine du génie électrique et elle intervient uniquement dans le Sud-Ouest de la France, l'activité de génie électrique représentant 60 % de son activité.
En 2010, le chiffre d'affaires de Spie Sud-Ouest s'est élevé à 382,7 millions d'euros.
Spie Sud-Ouest est une filiale à 100 % de Spie SA, elle-même contrôlée à 100 % par Financières Spie, détenue majoritairement par le fonds d'investissement PAI Partner. En 2010, Le chiffre d'affaires de Spie SA s'est élevé à 62,3 millions d'euros.
Allez et Cie est une société familiale de dimension nationale. Elle dispose de nombreuses agences, essentiellement dans l'Ouest et le Sud de la France, et est présente dans quatre secteurs principaux : la construction de réseaux pour la distribution publique d'électricité, de gaz, et de télécommunications ; l'installation électrique pour les secteurs tertiaires et industriels ; le génie climatique industriel ; les travaux et la maintenance d'éclairage public, la mise en lumière des bâtiments, la signalisation routière et le mobilier urbain. Allez et Cie a réalisé en 2009 un chiffre d'affaires de 116,8 millions d'euros.
Ineo Réseaux Sud-Ouest intervient dans les métiers de l'électrification, de l'éclairage public, des réseaux humides, et dans la construction de réseaux de gaz. Son activité principale est la construction de réseaux électriques. Ses deux principaux clients sont EDF et les SDE. Le capital d'Ineo Réseaux Sud-Ouest est détenu à 87 % par Ineo SA, qui fait partie du groupe GDF-Suez. En 2010, Ineo Réseaux Sud-Ouest a réalisé un chiffre d'affaires de 61,6 millions d'euros. Ineo SA est une société holding qui ne détient que des actifs immobiliers et des titres financiers. Elle n'a aucune activité opérationnelle en France, où elle n'a réalisé en 2009 qu'un chiffre d'affaires de 4 millions d'euros, mais a dégagé un bénéfice de 57 millions d'euros, soit 1425 % du chiffre d'affaires.
S'agissant des deux marchés passés en 2003 par EDF-GDF Services pour le centre Périgord à Périgueux en Dordogne, le grief n° 1 ainsi libellé, a été notifié :
" Il est fait griefs s'agissant du marché pertinent que détermine l'appel d'offres organisé par EDF en Dordogne, aux sociétés ETDE, Mainguy, Darlavoix, Vinci Energies Sud-Ouest, ERCTP, Sade, Spie Sud-Ouest, Spie SA, Allez, Ineo Réseaux Sud-Ouest, Ineo SA, ETPR, Ceras, STETC venant éventuellement aux droits d'autres sociétés, de s'être concertées afin de se répartir le marché et de fixer un niveau artificiellement élevé des prix, cette concertation ayant eu pour objet et pour effet de limiter l'intensité de la concurrence entre les entreprises, de faire obstacle à la libre fixation des prix et, de tromper EDF quant à la réalité et à l'étendue de la concurrence s'exerçant entre les entreprises soumissionnaires. Faits prohibés et réprimés par les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce ".
S'agissant des marchés de travaux d'électricité passés entre 2004 et 2006 par divers donneurs d'ordre en Aveyron, le grief n° 4 ainsi Libellé, a été notifié :
"Il est fait grief au société Forclum, Forclum Aveyron, Spie Sud-Ouest, Spie SA, Cegelec Sud-Ouest, Cegelec SAS, Cegelec holding SAS, Angel Larren, Elit, Electricité Industrielle JP Fauché, Met Expansion, Sega, Marti, venant éventuellement aux droits d'autres sociétés, s'agissant des marchés de " divers donneurs d'ordre en Aveyron ", de s'être concertées afin de se répartir les marchés et de fixer un niveau artificiellement élevé des prix cette concertation ayant eu pour objet et pour effet de limité l'intensité de la concurrence entre les entreprises, de faire obstacle à la libre fixation des prix et, de tromper les acheteurs (parmi lesquels figurent certains acheteurs publics) quant à la réalité et à l'étendue de la concurrence s'exerçant entre les entreprises soumissionnaires. Faits prohibés et réprimés par les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce. "
Le rapporteur nouvellement désigné pour instruire l'affaire a reçu les observations des parties sur les questions de fond et a renoncé dans son rapport à soutenir les griefs n° 2, n° 5 et n° 6 précédemment notifiés en proposant de ne pas poursuivre la procédure à l'égard des sociétés incriminées.
En revanche, il a maintenu les griefs n° 1, n° 3 et n° 4 en les recentrant de la manière suivante :
Grief n° 1
- aux cinq sociétés ETPR, Ineo Réseaux Sud-Ouest, Allez et Cie, Spie Sud-Ouest et ETDE pour le marché de travaux groupés aéro-souterrains du 7novembre 2003 ;
- aux deux sociétés ETPR et ERCTP pour le marché de travaux groupés souterrains mixtes du 7 novembre 2003.
Grief n° 4
Aux huit sociétés M., Sega, Elit, Spie Sud-Ouest, Guirande devenue Forclum QRG, Forclum SAS, Cegelec Sud-Ouest et Électricité Industrielle JP Fauché pour les 12 marchés suivants :
1) maison de retraite de Ceignac ;
2) maison de retraite Les Clarines à Rodez ;
3) foyer des jeunes travailleurs à Onet le Château ;
4) espace économique Le Laminoir à Decazeville ;
5) foyer de vie Adapeai à Pont-de-Salars ;
6) réorganisation de la trésorerie générale ;
7) cinéma Decazeville ;
8) centre hospitalier Ste Marie à Olemps trois lots ;
9) aménagement DDPJJ et CAE de Rodez ;
10) centre nautique du Grand Rodez ;
11) bureaux du bâtiment de l'Europe Grand district à Rodez ;
12) bâtiment Rz 117A à l'usine Bosch de Rodez.
Lors de la séance qui s'est tenue le 21 juin 2011, le rapporteur a proposé l'abandon du grief n° 1 à l'endroit d'ETDE ainsi que du grief n° 4 à l'égard d'Électricité Industrielle JP Fauché.
Il a également proposé l'abandon au titre du grief n° 4 des deux derniers lots du marché " centre hospitalier Ste Marie à Olemps " composé de trois lots ainsi que des deux marchés "bâtiment Rz 117A à l'usine Bosch de Rodez " et " bureaux du bâtiment de l'Europe Grand district à Rodez ".
ERCTP a décidé de ne pas contester le grief qui lui avait été notifié, aux termes duquel il lui était reproché de s'être concertée, notamment avec ETPR, afin de se répartir le marché et de fixer un niveau artificiellement élevé des prix lors de l'appel d'offres EDF-GDF pour des travaux groupés souterrains mixtes dont la date limite de remise des offres avait été fixée au 7 novembre 2003. Cette entreprise a donc sollicité le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce qui prévoient que " lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ".
La mise en œuvre de ces dispositions a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal signé le 15 octobre 2009.
Pour tenir compte de la non-contestation des griefs, le rapporteur général adjoint a proposé que la sanction éventuellement encourue soit réduite de 10 % du montant qui aurait été normalement infligé.
Par décision n° 11-D-13 du 5 octobre 2011, (la décision), l'autorité a décidé :
" Article 1er : Il est établi que les sociétés Engelvin Travaux Publics Réseaux (ETPR), Entreprise Régionale Canalisations Travaux Publics (ERCTP), Allez et Cie, Ineo Réseaux Sud-Ouest, Spie Sud-Ouest, Forclum Quercy-Rouergue-Gévaudan (QRG), Cegelec Sud-Ouest, Angel Larren, Elit, Sega et Établissements M. ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 2 : Il n'est pas établi que les sociétés Sade, Ineo SA, ETDE, Aygobère, Mainguy, Darlavoix, SDEL Massif central, Vinci Énergies Sud-Ouest, L'Entreprise Électrique, Spie SA, Ceras, STETC, Cana-Élec, Forclum SAS, Cegelec SAS, Cegelec Holding,Larren Réseaux SLR, Société Languedocienne d'Aménagements, Chavinier, Mini, Raynal, Mulero, Électricité Industrielle J.P. Fauché, Met Expansion et Citel ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 3 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :
- à SAS Engelvin TP Réseaux (ETPR), une sanction de 130 900 euros ;
- à SA Entreprise régionale Canalisations TP (ERCTP), une sanction de 59 500 euros ;
- à SAS Allez et Cie, une sanction de 707 400 euros ;
- à SNC Ineo Réseaux Sud-Ouest, une sanction de 551 400 euros ;
- à SAS Spie Sud-Ouest, une sanction de 5 104 800 euros ;
- à SA Cegelec Sud-Ouest, une sanction de 2 612 400 euros ;
- à SAS Forclum Quercy Rouergue Gevaudan (QRG), une sanction de 185 200 euros ;
- à SARL Elit et à SARL Angel Larren, solidairement une sanction de 18 900 euros ;
- à SA Sega, une sanction de 9 900 euros ;
- à SARL Établissements M., une sanction de 21 700 euros."
LA COUR :
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 10 novembre 2011 au greffe de la cour par la société Allez et Cie ;
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens déposé le 13 décembre 2011 à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 27 septembre 2012 ;
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 10 novembre 2011 au greffe de la cour par la société Ineo Réseaux Sud-Ouest ;
Vu le mémoire déposé le 13 décembre 2011 à l'appui de son recours soutenu par son mémoire récapitulatif et en réponse déposé le 27 septembre 2012 ainsi que par son mémoire récapitulatif et en réponse déposé le 13 novembre 2012 ;
Vu le recours en annulation ou en réformation déposé le 10 novembre 2011 au greffe de la cour par la société Spie Sud-Ouest ;
Vu le mémoire déposé le 13 décembre 2011 à l'appui de son recours soutenu par son mémoire récapitulatif déposé le 27 septembre 2012 ;
Vu les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 7 juin 2012 ;
Vu les observations du ministre chargé de l'Economie en date du 7 juin 2012 ;
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 15 novembre 2012, les conseils des requérantes, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que la représentante de l'Autorité de la concurrence et le Ministère public ;
Sur ce :
Sur la recevabilité du recours de la société Allez et Cie
Considérant que le Ministère public et l'autorité font valoir que le mémoire, sommaire, de la société Allez et cie ne contient principalement que des affirmations générales, non étayées par des éléments précis de fait et de droit, ce qui doit conduire la cour à vérifier si son recours satisfait aux conditions de recevabilité prévues par les dispositions de l'article 464-12 du Code de commerce ;
Considérant, cependant, qu'il suffit de constater que la société Allez et Cie, dont la déclaration de recours ne contenait pas l'exposé des moyens invoqués au soutien du recours, a bien déposé ensuite un tel exposé dans les deux mois suivant la notification de la décision de l'Autorité de la concurrence, peu important, à ce stade, la nature et la teneur des moyens soulevés par la requérante, dont l'appréciation relève du débat de fond ;
Que, dès lors, le recours de la société Allez et Cie, qui répond aux exigences des dispositions précitées de l'article 464-12 du Code de commerce, n'encourt pas la sanction de l'irrecevabilité d'office instituée par ces dispositions ;
Sur la procédure
Considérant qu'aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (ci-après la "loi NRE") en vigueur au moment des opérations de visite et saisie en cause, " [l]e déroulement des opérations de visite ou saisie peut faire l'objet d'un recours auprès du juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois qui court, pour les personnes occupant les lieux où ces opérations se sont déroulées, à compter de la notification de l'ordonnance les ayant autorisées et, pour les autres personnes mises en cause ultérieurement au moyen de pièces saisies au cours de ces opérations, à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance de l'existence de ces opérations et au plus tard à compter de la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2. Le juge se prononce sur ce recours par voie d'une ordonnance, qui n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues au Code de procédure pénale. Ce pourvoi n'est pas suspensif " ;
Que l'article L. 450-4 modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 dispose désormais : "Le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé ces dernières, suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale. Le Ministère public, la personne à l'encontre de laquelle a été prise l'ordonnance mentionnée au premier alinéa et les personnes mises en cause au moyen de pièces saisies au cours de ces opérations peuvent former ce recours. Ce dernier est formalisé par déclaration au greffe du tribunal de grande instance dans un délai de dix jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal et de l'inventaire, ou, pour les personnes n'ayant pas fait l'objet de visite et de saisie et qui sont mises en cause, à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l'inventaire et, au plus tard à compter de la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2. Le recours n'est pas suspensif. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le Code de procédure pénale. Les pièces saisies sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive" ;
Qu'enfin, il résulte des dispositions transitoires instituées par l'alinéa 2 de l'article 5-IV de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence que "Si l'autorisation de visite et saisie n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation ou si cette autorisation a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, un recours en contestation de l'autorisation est ouvert devant la Cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce" ;
Considérant, à titre liminaire, qu'il est rappelé qu'alors que la société Spie Sud-Ouest et la société Ineo Réseaux Sud-Ouest avaient, en même temps que leur recours en annulation et en réformation contre la décision, introduit devant le magistrat délégué le recours spécial en contestation de la légalité de l'ordonnance d'autorisation de 2005 prévu par les dispositions transitoires de l'article 5-IV-2 de l'ordonnance n°2008-1161, la société Spie Sud-Ouest s'est finalement désistée de son recours et que, par ordonnance du 6 novembre 2012 du magistrat délégué, la société Ineo Réseaux Sud-Ouest a été déboutée de sa demande d'annulation de l'ordonnance ;
Considérant que la société Allez et Cie poursuit l'annulation de la décision en faisant valoir que la procédure suivie à son encontre est entachée d'irrégularité, au motif que les marchés de Dordogne n'entrant pas dans le champ géographique de l'enquête et les marchés EDF se trouvant pour leur part en dehors du champ matériel de l'enquête, les pièces irrégulièrement saisies qui sont citées par le rapporteur ne peuvent être utilisées pour caractériser un grief à son encontre ;
Considérant que la société Spie Sud-Ouest soutient également que l'utilisation par l'autorité des pièces saisies, dites "pièces Engelvin" et "pièces Larren", dans le cadre des griefs n° 1 et 4, emporte l'irrégularité de la procédure suivie devant l'autorité et, partant, doit conduire à l'annulation de la décision ;
Que la requérante expose que l'autorité a estimé qu'elle pouvait caractériser sa participation aux pratiques anticoncurrentielles visées par les griefs n° 1 et 4 en se fondant exclusivement sur les documents saisis - "les pièces Engelvin'' et "les pièces Larren'' - ainsi que des "éléments subséquents" réunis à partir de ces derniers par les services d'instruction, alors pourtant que ces documents ont été obtenus dans des conditions déloyales au regard des exigences de l'article 9 du Code de procédure civile et en violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH), dès lors qu'elle ne bénéficiait pas en vertu de l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, qui était contraire à l'article 6 paragraphe 1 de la CEDH, d'un recours juridictionnel effectif porté devant un tribunal impartial contre les conditions de leur déroulement ;
Que la requérante observe, d'une part, que cette violation de la CEDH ne peut être regardée comme ayant été "régularisée" par les dispositions, non rétroactives, de l'ordonnance du 13 novembre 2008 et de la loi du 12 mai 2009 qui ne lui permettaient pas de discuter utilement des conditions de déroulement des opérations de visite et saisie chez des tiers et, d'autre part, que cette violation est d'autant plus grave qu'elle n'a pas été mise en mesure de contester utilement l'irrégularité des saisies, intervenues en dehors de l'objet de l'enquête tel que défini par l'ordonnance d'autorisation de 2005 ;
Que la requérante souligne aussi que si des pièces ne se situant pas dans le champ de l'enquête pouvaient, malgré tout, être saisies, elles devaient, à tout le moins, ne pas être étrangères à l'autorisation de visite et saisie et devaient être considérées, au moins pour partie, comme utiles à la preuve des pratiques suspectées, conditions qui ne sont pas réunies au cas d'espèce, faute de répondre au critère de connexité ;
Que, dès lors, Spie Sud-Ouest reproche à l'autorité d'avoir porté une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à ses droits en se fondant sur ces pièces et sur les éléments subséquents pour caractériser les pratiques qui lui ont, à tort, été imputées au titre des griefs n° 1 et n° 4 et, partant, lui infliger une sanction d'un montant particulièrement élevé ;
Qu'en tout état de cause, la requérante fait valoir qu'à les supposer régulièrement saisies, les "pièces Engelvin" et les "pièces Larren" ne pouvaient de toute façon être utilisées au soutien des griefs n° 1 et n° 4, dès lors qu'elles étaient hors du champ de l'enquête tel que défini par l'ordonnance et que l'autorité lui oppose à tort, notamment, que cette question serait en réalité une question liée à la régularité du déroulement des opérations de visites et saisies sur laquelle elle ne serait pas compétente pour se prononcer et qu'en vertu du principe de saisie in rem, l'instruction aurait été "circonscrite aux faits visés par la saisine du ministre " ;
Qu'en effet, le principe de saisie in rem, invoqué par la décision, ne permet pas à l'autorité d'utiliser des pièces saisies pour qualifier des griefs en dehors du champ de l'ordonnance, peu important que les marchés relevant des griefs n° 1 et 4 s'inscrivaient bien dans le périmètre de la saisine du ministre de l'Economie, dès lors que les pièces précitées ont été saisies hors du champ de l'ordonnance d'autorisation de 2005 ;
Considérant que la société Ineo Réseaux Sud-Ouest poursuit aussi l'annulation de la décision de l'autorité au motif que le grief n° 1 a été retenu à son encontre sur la base d'un document saisi le 20 octobre 2005 dans les locaux de la société Engelvin Travaux Publics Réseaux (ETPR) et qui est relatif à un marché non visé par l'autorisation de visite et saisie, soit un document qui, obtenu par suite d'un détournement de l'objet de l'autorisation judiciaire, ne peut constituer une preuve légalement admissible, en violation des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile et de l'article L. 450-4 du Code de commerce ainsi que de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH ;
Que, comme la société Allez et Cie, la société Ineo Réseaux Sud-Ouest objecte que c'est à tort que la décision déférée lui oppose que les entreprises, qui avaient la faculté d'introduire un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie du 20 octobre 2005, n'ont pas fait usage de cette faculté, dès lors que l'autorité opère de la sorte une confusion entre, d'une part, le déroulement des opérations de visite et saisie et, d'autre part, l'utilisation faite postérieurement des documents saisis pour notifier un grief relatif à un marché non visé par l'autorisation judiciaire ;
Que la requérante affirme, en conséquence, qu'à défaut de recours permettant de sanctionner un procédé des enquêteurs ou des services de l'instruction de l'Autorité de la concurrence, postérieur au déroulement des opérations de visites et saisies, qui contrevient à l'objet de la preuve dont la recherche a été autorisée par le juge des libertés et de la détention, l'Autorité de la concurrence était bien, au rebours de ce qu'affirme la décision, compétente pour écarter des débats l'unique document avancé au soutien du grief retenu à son encontre et que, dès lors, faute d'y avoir procédé, une atteinte irrémédiable a été portée à l'exercice des droits de la défense ;
Mais considérant qu'il suffit de relever, ainsi que le fait la décision (point 244), que les entreprises mises en cause étaient d'ores et déjà en mesure d'introduire un recours devant le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Rodez, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance d'autorisation de 2005 pour celles ayant fait l'objet d'une visite, ou à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance de l'existence de ces opérations et au plus tard de la notification des griefs pour celles n'ayant pas fait l'objet d'une visite mais mises en cause ultérieurement au moyen des pièces saisies ;
Considérant que force est de constater que seule la Société Languedocienne d'Aménagements (SLA) a formé un tel recours le 15 décembre 2005, à la suite duquel, par ordonnance du 25 avril 2006, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Rodez a prononcé la nullité des opérations de visite et saisie effectuées dans ses locaux de la SLA en raison de la participation d'un enquêteur irrégulièrement désigné et a ordonné la restitution des pièces ainsi saisies ;
Considérant, surtout, que les entreprises mises en cause par les pièces saisies mais n'ayant pas fait l'objet des opérations de visite et saisie dont s'agit, telles les requérantes, qui, alors qu'elles pouvaient introduire un recours devant le premier président de la Cour d'appel de Montpellier pour contester le déroulement de ces opérations dans un délai de dix jours à compter de la notification des griefs en application de l'article L. 450-4, dernier alinéa, du Code de commerce, tel que modifié par l'ordonnance du 13 novembre 2008 et par la loi du 12 mai 2009, dont les dispositions répondent assurément aux exigences de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH sur l'exercice d'un recours effectif devant un tribunal impartial, se sont cependant abstenues de former ce recours ;
Considérant, dès lors, que quelle que soit l'appréciation portée par les requérantes sur la conformité à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH) des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce en vigueur au moment des opérations de visite et saisie réalisées en vertu de l'ordonnance d'autorisation de 2005, Spie Sud-Ouest, Ineo Réseaux Sud-Ouest et Allez et Cie n'étaient pas en droit de contester devant l'autorité le caractère loyal des pièces les mettant en cause qui avaient été saisies le 20 octobre 2005 chez un tiers, au motif, notamment, que ces pièces se trouvaient en dehors du champ de l'ordonnance d'autorisation 2005 ;
Qu'en effet, ces questions relèvent exclusivement du contentieux du déroulement des opérations de visite et de saisie, qui n'entre pas dans les attributions de l'Autorité de la concurrence, ni, a fortiori, de celles de cette cour dans le cadre de l'examen du recours au fond dont elle est actuellement saisie contre sa décision ;
Considérant, en revanche, que Spie Sud-Ouest, Ineo Réseaux Sud-Ouest et Allez et Cie n'en restaient pas moins en mesure de discuter, ainsi qu'elles l'ont d'ailleurs fait, tant dans leurs observations écrites produites auprès des services d'instruction en réponse à la notification des griefs et au rapport que lors de la séance devant collège de l'autorité et désormais devant la cour, la valeur probante des pièces recueillies dans le cadre des opérations de visite et de saisie qui leur sont opposées, ce qui relève du débat de fond sur l'examen des pratiques auquel il sera procédé ci-après ;
Qu'au surplus, il suffit de relever qu'alors que les faits visés par la saisine du ministre de l'Economie du 13 décembre 2006 portaient sur des pratiques observées dans le "secteur des travaux d'électrification dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes" que, ainsi que le relève l'autorité dans ses observations, l'ordonnance du 7 octobre 2005 qui indiquait que des visites et saisies pouvaient être effectuées dans les locaux de onze entreprises "afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce relevées dans le secteur de l'électrification rurale" n'excluait pas ainsi les marchés passés par EDF-GDF Services, ne limitant pas le champ des investigations aux seuls marchés publics passés par les collectivités locales et leurs regroupements ;
Que les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure seront rejetés ;
Sur les pratiques
Considérant qu'aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce :
" Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :
1° - Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;
2° - Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
3° - Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
4° - Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ".
Considérant qu'ainsi que le rappelle l'autorité (points 271 à 274), en matière de marchés publics ou privés sur appels d'offres, il est établi que des entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès lors que la preuve est rapportée soit qu'elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations antérieurement à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être ;
Que ces pratiques peuvent avoir pour objet de fixer les niveaux de prix auxquels seront faites les soumissions, voire de désigner à l'avance le futur titulaire du marché, en le faisant apparaître comme le moins disant mais que de simples échanges d'informations portant sur l'existence de compétiteurs, leur nom, leur importance, leur disponibilité en personnel ou en matériel, leur intérêt ou leur absence d'intérêt pour le marché considéré, ou encore les prix qu'ils envisagent de proposer, altèrent également le libre jeu de la concurrence en limitant l'indépendance des offres, condition normale du jeu de la concurrence ;
Considérant, sur le standard de preuve applicable en matière d'entente qu'il suffit de rappeler, ainsi que le fait la décision (points 272 à 274) :
- que la preuve de l'existence de telles pratiques peut résulter, soit de preuves matérielles se suffisant à elles-mêmes, soit d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, constitué par le rapprochement de plusieurs documents ou déclarations, même si chacune des pièces prise isolément n'a pas un caractère suffisamment probant ;
- que la participation d'une entreprise à une seule réunion à objet anticoncurrentiel suffit à démontrer son adhésion à une entente ;
- qu'un échange d'informations peut être prouvé à partir de documents internes à une entreprise et qu'un document régulièrement saisi, quel que soit le lieu où il l'a été, étant opposable à l'entreprise qui l'a rédigé, à celle qui l'a reçu et à celles qui y sont mentionnées et peut être utilisé comme preuve d'une concertation ou d'un échange d'informations entre entreprises, le cas échéant par le rapprochement avec d'autres indices concordants ;
- que la preuve de l'antériorité de la concertation par rapport au dépôt de l'offre peut être déduite, à défaut de date certaine apposée sur un document, de l'analyse de son contenu et du rapprochement de celui-ci avec des éléments extrinsèques, et notamment avec le résultat des appels d'offres ;
En ce qui concerne les pratiques concertées lors des deux marchés passés en 2003 par EDF-GDF Services en Dordogne (grief n° 1) :
Considérant que ce grief recouvre deux appels d'offres de travaux groupés d'une durée de 12 mois pour des travaux débutant au 1er février 2004 :
- le premier est relatif au marché de travaux aéro-souterrains, divisé en quatre lots avec une date limite de réception des offres fixée au 7 novembre 2003 ;
- le second a trait à un marché de travaux souterrains mixtes, divisé en trois lots avec une date limite de réception des offres également fixée au 7 novembre 2003 ;
Que les candidats ont remis leurs offres entre le 5 et le 7 novembre 2003, à la seule exception d'ETDE qui a fait parvenir son offre le 4 novembre 2003 ;
Considérant qu'il est rappelé qu'il ressort du dossier (points 100 à 110 de la décision) :
- que la plateforme d'achats EDF-GDF Services à Mérignac a passé deux marchés pour des travaux groupés de réseaux publics d'électricité du 1er février 2004 au 31 janvier 2005 pour le centre EDF-GDF Services Périgord à Périgueux en Dordogne ; que le premier marché, divisé en quatre lots, concernait des travaux aéro-souterrains alors que le deuxième marché, divisé en trois lots, portait sur des travaux souterrains mixtes (gaz et électricité) ;
- que les marchés de travaux groupés sont ceux dont la localisation et le montant ne sont pas connus à l'avance mais estimés globalement à l'année ; que ces marchés sont passés sur la base de coefficients de prix, que les entreprises reportent sur le bordereau de prix, fourni par EDF ; que les entreprises soumissionnaires fournissent des coefficients ou prix du point exprimés en euros HT ;
- que les entreprises doivent scinder leur proposition tarifaire en sous-familles de prix, nommées notamment : X, Y, Z et W qui correspondent respectivement aux travaux en tranchée, matériaux de remblai, réfection bitumineux et sable en distinguant un X gaz et un X électricité pour les souterrains mixtes ; que EDF-GDF pondère ces coefficients pour choisir l'entreprise attributaire du marché ; que les critères de pondération, appliqués par EDF-GDF, ne sont pas transmis aux candidats soumissionnant aux travaux groupés pour préserver l'incertitude dans laquelle toutes les entreprises doivent se trouver placées, relativement au comportement de leurs concurrentes ;
- que la date limite de remise des offres pour les deux marchés était fixée au 7 novembre 2003 ;
- que pour le marché de travaux groupés aéro-souterrains :
* EDF-GDF Services a reçu huit offres des entreprises soumissionnaires qui ont déposé comme suit leurs offres entre le 4 novembre et le 7 novembre 2003 :
. Allez et Cie /STETC : 5 novembre 2003 ;
. Cana-Elec 7 : novembre 2003 ;
. Darlavoix : 6 novembre 2003 ;
. ETDE : 4 novembre 2003 ;
. AMEC Spie Sud-Ouest : 5 novembre 2003 ;
. Ceras : 6 novembre 2003 ;
. ETPR : 6 novembre 2003 ;
. Ineo Réseaux Sud-Ouest : 7 novembre 2003 ;
* que les entreprises ayant été retenues pour les quatre lots de l'appel d'offres sont :
. ETPR 437 915 (Montant réalisé pour un montant contracté : 330 000 euro HT) ;
. Ineo Réseaux Sud-Ouest 623 528 (Montant réalisé pour un montant contracté : 330 000 euro HT) ;
. AMEC Spie Sud-Ouest 601 484 (Montant réalisé pour un montant contracté : 320 000 euro HT)
. Allez et Cie 352 638 (Montant réalisé pour un montant contracté : 310 000 euro HT)
- que pour le marché de travaux groupés souterrains mixtes :
* EDF-GDF Services a reçu neuf offres entre le 5 novembre 2003 et le 7 novembre 2003 :
. Allez et Cie : 5 novembre 2003 ;
. Ceras : 6 novembre 2003 ;
. AMEC Spie Sud-Ouest : 5 novembre 2003 ;
. Groupement Doche/Mainguy : 6 novembre 2003 ;
. ETPR : 6 novembre 2003 ;
. ERCTP : 7 novembre 2003, étant précisé que, spécialisée dans les canalisations, cette entreprise n'a été sélectionnée par EDF-GDF que pour cet appel d'offres et étant classée quatrième sur neuf entreprises soumissionnaires, derrière ETPR, STETC et Ineo Réseaux Sud-Ouest, elle n'a pas été retenue pour le tour des négociations ;
. Ineo Réseaux Sud-Ouest : 7 novembre 2003 ;
. PGC : 6 novembre 2003 ;
. STETC : 6 novembre 2003 ;
* les entreprises attributaires sont :
. Ineo Réseaux Sud-Ouest : montant réalisé de 668 714 pour un montant contracté de 220 000 euro HT ;
. ETPR : montant réalisé de 246 768 pour un montant contracté de 200 000 euro HT ;
. STETC : montant réalisé de 177 615 pour un montant contracté de 180 000 HT ;
Qu'ainsi, sept contrats ont été signés avec EDF-GDF Services entre le 6 janvier 2004 et le 21 janvier 2004 ;
Considérant qu'au soutien de son recours, la société Allez et Cie, qui précise, à titre liminaire, que la non-contestation de griefs de la part d'ERCTP n'a pas d'incidence à son égard, fait essentiellement valoir :
- que la décision attaquée échoue à caractériser l'existence d'une concertation entre entreprises visant à se répartir les marchés d'EDF en Dordogne dès lors que les pièces qu'elle retient ne sont pas datées et que certaines dates, antérieures à la remise des offres, qui sont retenues par la décision ne sont pas matériellement prouvées, ne prouvent, ni un échange d'informations, ni a fortiori une entente à laquelle elle aurait participé ;
- que les mentions portées sur les pièces retenues ne peuvent constituer la preuve d'une entente, dès lors que les chiffres cités ne sont pas ceux du marché litigieux ;
- que l'interprétation qui en est faite par la décision est erronée, dès lors que la quasi-identité entre des chiffres antérieurs à la remise des offres et les prix d'attribution ne prouve pas un échange d'informations antérieur à la remise des offres et que l'identité de coefficients relevée par la décision n'implique aucunement une identité de prix des chantiers ;
- que l'assimilation faite par la décision attaquée entre les mentions "2e tour" et "2e groupe" est abusive et erronée ;
- que la procédure de détermination du prix par EDF qui, à cette fin, procède à une communication large avec les entreprises soumissionnaires, empêche de toute façon toute concertation entre candidats, étant observé que certains contacts ou échanges d'informations entre entreprises sont de toute façon licites ;
Considérant que la société Ineo Reseaux Sud-Ouest demande pour sa part à la cour d'annuler la décision déférée en ce qu'elle a retenu le grief n° 1 à son encontre sur la base d'un document unique dépourvu de toute force probante preuve directe ou indirecte établissant, sans autre explication possible, la participation personnelle de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest à un échange d'informations prohibé ;
Qu'elle se prévaut tout d'abord, d'une manière générale, des caractéristiques de la consultation en exposant que EDF fournissait la totalité des matériels électriques nécessaires à l'exécution des travaux et qu'il était seulement demandé aux entreprises de proposer un "prix du point" en euros hors taxes par rapport à des séries de prix définissant des prix standards de matériels non électriques, de matériaux et de main d'œuvre nécessaires à la réalisation des travaux ;
Qu'elle explique :
- que pour les travaux aéro-souterrains, l'offre des entreprises n'était pas constituée par un prix unique mais par six prix en offre de base et onze prix avec l'offre complémentaire ;
- que pour les travaux souterrains mixtes gaz/électricité, l'offre des entreprises était constituée par cinq prix différents en offre de base et neuf prix différents avec l'offre complémentaire, et qu'à l'ouverture des plis, EDF procède à une comparaison des offres de série de prix globalement, et "retraite" alors les cinq ou six principaux prix proposés par les entreprises sur les séries principales pour aboutir à un coefficient global et unique dénommé "prix moyen pondéré" ou PMP, EDF pondérant les offres reçues en fonction des critères qui lui sont propres ainsi qu'en fonction d'une "note de qualité" attribuée aux offres ;
- que EDF procède alors à une comparaison de ce PMP à son "prix d'objectif" et décide, soit de déclarer la consultation infructueuse si l'écart entre les offres et son prix d'objectif est trop grand, soit d'engager des négociations avec les entreprises moins disantes si l'écart est faible ;
- qu'elle entre ainsi en contact avec les entreprises dont elle juge les offres pondérées les plus intéressantes et les remet en concurrence en leur demandant de formuler de nouvelles offres, de façon à obtenir les propositions les plus proches possibles de son prix d'objectif et qu'au cours de cette phase, EDF n'hésite pas à mettre en avant les rabais - réels ou supposés - obtenus de telle ou telle entreprise afin de parvenir aux offres les plus basses ;
- qu'ainsi qu'elle l'a reconnu, EDF n'attribue pas les travaux à l'entreprise qui a fait l'offre la moins élevée selon ses critères mais répartit elle-même le volume des travaux qu'elle prévoit de réaliser entre les entreprises dont elle juge, après négociations, les offres les meilleures en fonction des pondérations qu'elle opère, des notes de qualité qu'elle attribue et des capacités des unes et des autres et que le nombre d'entreprises susceptibles d'être retenues par EDF n'est pas davantage précisé par celle-ci ;
Que, dans ces conditions, au regard de la spécificité de cette procédure, la requérante soutient que les entreprises consultées ne pourraient pas se répartir les travaux projetés et que, pour cela, il faudrait qu'elles connaissent :
- le programme exact de travaux envisagé par EDF, ce que celle-ci ne leur précise pas, EDF indiquant seulement un minimum et un maximum par nature de travaux ;
- le nombre d'entreprises attributaires prévues par EDF, ce que celle-ci ne précise pas non plus ;
- les coefficients de pondération retenus par EDF pour l'appel d'offres concerné, c'est-à-dire la part de main d'œuvre, la part de matériels électriques, la part de matériaux, etc., qu'elle retient pour chaque catégorie de travaux, données qu'EDF ne diffuse pas et qui varient d'ailleurs d'un département à l'autre ;
- la note de qualité qu'EDF attribuera aux offres reçues, donnée inconnue des entreprises soumissionnaires ;
Que la requérante affirme, en revanche, que chaque entreprise peut tenter de déterminer la meilleure offre possible en utilisant le résultat des consultations passées, ce d'autant qu'EDF lance pratiquement chaque année une consultation pour ce type de travaux pour l'essentiel auprès des mêmes entreprises et qu'au surplus, à l'époque des faits, EDF communiquait sans difficulté le résultat des précédentes consultations ;
Qu'elle ajoute qu'il arrive même qu'EDF fournisse à une entreprise - notamment lorsqu'elle est nouvellement arrivée sur le marché - les coefficients de pondération qu'elle utilise pour apprécier les offres, comme le confirment les notes de la société Engelvin - document coté 3232 - où la société Engelvin a exactement noté les coefficients de pondération utilisés par EDF pour retraiter les offres des entreprises et parvenir à un prix moyen pondéré et qui apparaissent dans les tableaux de synthèse établis par EDF à l'issue de l'appel d'offres ;
Qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la décision (point 294), une telle information sur les coefficients de pondération d'EDF ne peut avoir été fournie que par cette entreprise elle-même et que, selon Ineo Reseaux Sud-Ouest, ces éléments démontrent que, contrairement à ce qu'ont affirmé tant EDF que la société Engelvin, qui n'a sans doute pas voulu mettre en cause un important client, EDF lui a bien communiqué ses coefficients : en effet, seule cette circonstance est susceptible d'expliquer que la société Engelvin a pu tous les noter avec une telle précision ;
Que c'est dans un tel contexte que la requérante soutient que, alors que le dossier ne comporte aucune preuve directe de sa participation à une entente ou à un échange d'informations sur son offre avec d'autres entreprises, l'unique document retenu pour caractériser la pratique anticoncurrentielle dénoncée à son encontre ne correspond pas au faisceau d'indices graves, précis et concordants excluant tout doute raisonnable sur sa participation personnelle à une pratique prohibée, conformément au standard de la preuve légalement requis en matière de preuve indirecte, en précisant, par surcroît, non seulement que ce document a été morcelé mais encore qu'il comporte des inexactitudes reconnues ;
Qu'en effet, Ineo Réseaux Sud-Ouest fait grief à la décision d'avoir omis de mentionner que ce n'est pas son offre qui été trouvée chez la société Engelvin et que le document annoté (coté 3235) où figurent son nom et celui des autre entreprises procède d'une démarche consistant, à partir des résultats des précédents appels d'offres, à pratiquer ensuite un rabais sur ces derniers pour tenir compte des nouvelles séries de prix d'EDF et des rabais habituellement consentis lors des négociations postérieures à la remise des offres ; qu'elle précise :
- que ce ne sont pas ses "prix du point" proposés sur les onze séries de prix d'EDF, ou même sur les six principales séries de prix qui ont été retrouvés, mais seulement un prix unique qui est manifestement un prix moyen pondéré (PMP) ;
- qu'elle ignorait les coefficients de pondération utilisés par EDF qui ne lui avait jamais communiqué d'information à ce sujet et qu'à tout le moins, il ne pourrait lui être reproché d'avoir communiqué un PMP à la société Engelvin que si la preuve était rapportée qu'elle avait bénéficié d'une communication des coefficients de pondération utilisés par EDF pour retraiter les offres en un PMP unique ;
Qu'affirmant que le document coté 3232 ne pouvait pas constituer un élément de preuve retenu à son encontre, la requérante reproche ainsi à la décision d'avoir tenté, pour établir une concertation, de dissimuler qu'elle ne fondait pas son analyse sur un faisceau d'indices mais sur ce seul document coté 3235, en procédant à un amalgame entre le marché des travaux aéro-souterrains et le marché des travaux souterrains mixtes au titre desquels aucun grief n'a été retenu à son encontre ; qu'en effet :
- le document 3232 recense seulement, dans sa partie supérieure, les minimums et les maximums annoncés par EDF pour les travaux projetés en 2004 et les compare aux minimums et aux maximums des travaux 2003 objet de la précédente consultation de fin 2002 et qu'ainsi, ces informations émanant d'EDF et dépourvues de caractère confidentiel ne peuvent constituer un indice d'échanges d'informations entre les entreprises mises en cause ;
- que la mention de son nom sur ce document n'implique pas l'existence d'un échange d'informations auquel elle aurait participé et que le représentant de la société Engelvin s'est borné à noter des éléments qui étaient de "notoriété publique", qui n'impliquaient aucun échange d'informations avec les autres entreprises : Engelvin, cherchait seulement à évaluer la concurrence en notant les entreprises habituellement consultées par EDF-GDF Périgord, dont Ineo Réseaux Sud-Ouest qui réalise depuis des années des travaux aéro-souterrains et des travaux souterrains mixtes pour le centre EDF-GDF de Périgueux ;
- que, par surcroît, aucune des autres mentions figurant sur ce document coté 3232 ne concerne la société Ineo Réseaux Sud-Ouest ;
Que la requérante soutient, dans ces conditions, que ce document ne permettant pas de retenir un grief à son encontre, l'autorité a conduit dans la décision une analyse relative aux travaux aéro-souterrains qui repose exclusivement sur le document coté 3235, alors pourtant que l'autorité a reconnu que ce document comportait de nombreuses mentions manifestement inexactes ;
Qu'en effet, Ineo Réseaux Sud-Ouest souligne notamment que les coefficients notés par la société Engelvin ne correspondent pas aux offres remises pour la réalisation des travaux souterrains mixtes et qu'en outre, le nom des entreprises qui est mentionné ne correspond pas aux entreprises consultées par EDF, ce que la société Engelvin ne pouvait manquer de savoir en cas d'échanges d'informations ;
Que la requérante affirme également que la preuve n'est pas rapportée que la société Engelvin aurait bénéficié d'informations qu'elle lui aurait communiquées, alors qu'il était loisible au représentant de cette société de s'inspirer du résultat des appels d'offres ayant précédé celui d'octobre 2003, ainsi que le démontrent :
- le fait que la société Engelvin a noté "EI exclu 2003" - EI étant l'abréviation de Entreprise Industrielle, devenue ultérieurement Ineo - ce qui établit qu'elle s'est bien inspirée du résultat du précédent appel d'offres, puisque la société Ineo Réseaux Sud-Ouest avait effectivement été éliminée pour les travaux aéro-souterrains fin 2002 et n'avait obtenu que des travaux souterrains mixtes en 2003 ;
- le fait que le coefficient de 0,174 dont la société Engelvin a doté la société Ineo correspond exactement à son offre lors du précédent appel d'offres d'octobre 2002, tout comme d'ailleurs la société Spie ;
Que la société Ineo Réseaux Sud-Ouest observe, enfin, que les représentants de la société Engelvin savaient qu'elle constituait un concurrent dangereux et qu'elle ferait un effort particulier pour obtenir des travaux aéro-souterrains, n'ayant pas pu y parvenir en 2003, ce qui explique qu'au regard du montant des rabais auxquels avaient abouti les négociations avec EDF en ce qui concerne les précédents appels d'offres, Engelvin avait vraisemblablement appliqué un coefficient intermédiaire - de 1,7 % - aux offres précédentes d'octobre 2002 pour tenter de déterminer le prix plancher auquel ses concurrents accepteraient de descendre et se positionner en conséquence en calculant une fourchette concernant tant Ineo Réseaux Sud-Ouest que Spie Sud-Ouest ;
Considérant que la société Spie Sud-Ouest poursuit également l'annulation de la décision déférée en ce qu'elle a décidé que le grief n° 1 était établi à son encontre alors, d'une part, que la spécificité des procédures en cause en l'espèce interdit une entente par répartition de marchés et, d'autre part, que les éléments sur lesquels l'autorité s'est fondée pour établir une concertation, non seulement ne respectent pas les exigences découlant du standard de preuve en matière d'entente, mais encore ne permettent pas, en tout état de cause, de conclure à la participation de Spie Sud-Ouest aux pratiques sanctionnées ;
Que, comme Ineo Réseaux Sud-Ouest, la requérante affirme ainsi, en premier lieu, que les particularités de la procédure de passation des marchés EDF rendait impossible toute pratique de répartition anticipée de leurs lots entre les soumissionnaires dès lors que, dans le cadre de cette procédure, les documents de consultation pour les marchés en cause sont directement transmis par la plateforme EDF à un certain nombre d'entreprises qu'elle sélectionne, sans qu'un appel d'offres spécifique soit publié et qu'au surplus, s'agissant de marchés annuels, les entreprises consultées sont généralement les mêmes d'une année sur l'autre ;
Que la requérante prétend, en second lieu, qu'en toute hypothèse, les éléments utilisés par l'autorité ne permettent pas de caractériser l'existence d'une concertation à laquelle elle aurait participé, dès lors que les mentions la concernant qui figurent sur deux documents et qui sont retenus comme des indices peuvent avoir une autre explication, notamment une réflexion de la société ETPR relatives à la situation concurrentielle à laquelle elle risquait d'être confrontée dans le cadre de ce marché, ce que cette société a d'ailleurs elle- même confirmé ;
Que, selon Spie Sud-Ouest, la mention de son nom ne peut en effet être regardée comme probante, dès lors que les noms qui figurent sur les listes d'entreprises mises en exergue par la décision correspondent seulement aux entreprises habituellement consultées par cette entreprise dans le cadre de la passation de marchés précédents, ce qui était son cas : en effet, EDF consultant presque systématiquement les mêmes entreprises d'une année sur l'autre, il était ainsi aisé, pour toute entreprise déjà consultée, d'identifier les principaux concurrents auxquels elle allait être confrontée en recensant, notamment, les entreprises qui se trouvaient dans le même cas et qui avaient, le cas échéant été attributaires d'un lot dans le cadre d'un précédent marché d'EDF ;
Que Spie Sud-Ouest affirme aussi que les éléments chiffrés figurant sur ces documents ne démontrent pas davantage sa participation à la pratique qui lui est imputée ; qu'en effet, selon la requérante, l'autorité retient à tort l'existence d'un échange d'informations l'impliquant en raison du fait que les PMP figurant sur les deux documents précités et calculés par ETPR à partir des coefficients de pondération dont elle disposait étaient "presque identiques aux prix auxquels les lots de ces marchés ont été attribués" (point 289), la "proximité" entre les PMP calculés par ETPR et ceux effectivement constatés en ce qui la concerne démontrant l'échange d'informations ; que la décision ignore ainsi tant les différences entre les PMP cotés et les PMP effectivement déposés que les conditions d'attribution de ces marchés, qui auraient pu conduire à ce que Spie Sud-Ouest ne soit attributaire d'aucun lot ;
Qu'en tout état de cause, selon la requérante, aucune conclusion ne peut être tirée du document coté 3232 et que le seul indice constitué par les informations chiffrées qui figurent dans le document coté 3235 n'est pas plus probant, dès lors que les chiffres associés à son nom dans ce document présentent des écarts avec les offres qui ont été formulées dans le cadre des marchés de travaux groupés ;
Que Spie Sud-Ouest relève que ces éléments chiffrés peuvent trouver leur origine dans des simulations réalisées par ETPR sur la base d'informations dont elle disposait par ailleurs, le mode de passation des marchés en cause ainsi que la pratique habituelle d'EDF en la matière révélant que, contrairement à ce qu'affirme l'autorité, le donneur d'ordre communiquait bien des informations aux candidats, pendant et après la procédure de passation des marchés considérés ; qu'elle fait ainsi valoir :
- que la parfaite connaissance dont disposait ETPR des coefficients de pondération utilisés pour simuler les offres des entreprises qui seraient probablement candidates qui constituent des informations confidentielles connues d'EDF seule, confirment, en tant que de besoin, que ETPR ne pouvait détenir ces informations que d'EDF elle- même ;
- que les informations relatives aux attributaires des marchés EDF, ainsi qu'aux prix retenus, étaient généralement rendues disponibles après l'attribution des lots, notamment au sein des locaux d'EDF, ce qui permettait ainsi aux entreprises concernées, par déduction, de réaliser des simulations à propos des offres qu'elles pourraient formuler au titre des futurs marchés, ce que confirme le document coté 3232 : ses éléments chiffrés confortent le fait qu'ETPR était en mesure de simuler les coefficients que ses concurrents étaient susceptibles de proposer en se basant sur ses propres offres et sur les résultats des appels d'offres précédents ;
- que la comptabilité analytique de Spie Sud-Ouest concernant les marchés réalisés pour le compte d'EDF et du SDE en Dordogne révèle que ces deux marchés ont conduit à une activité déficitaire, ce qui démontre, s'il en était besoin, que Spie Sud-Ouest ne peut avoir participé à une entente qui aurait conduit à l'application de prix supra-concurrentiels, puisque les prix pratiqués par ses soins dans le cadre de ces marchés ne lui auront pas même permis de couvrir ses coûts ;
Mais considérant que c'est par des appréciations pertinentes (points 111 à 135 et points 278 à 298 et 308 de la décision) que la cour fait siennes, que la décision retient que, ETPR, Ineo Réseaux Sud-Ouest, Allez et Cie et Amec Spie Sud-Ouest (devenue Spie Sud-Ouest) d'une part, et ETPR et ERCTP, d'autre part se sont entendues sur leurs prix préalablement à la passation des marchés de travaux groupés aéro-souterrains pour les quatre premières et de travaux groupés souterrains mixtes pour les deux dernières et qu'elles ont ainsi obtenu l'attribution des lots du premier marché en éliminant toute concurrence entre elles ;
Considérant que contrairement à ce qui est soutenu, la preuve de l'existence de l'entente visée par le grief n° 1 résulte bien de l'existence d'un faisceau d'indices graves précis et concordants, peu important, au regard des principes ci-dessus susrappelés régissant la preuve des pratiques anticoncurrentielles poursuivies au cas d'espèce, que chacun des éléments pris isolément n'ait pas un caractère suffisamment probant ;
Considérant en effet que la décision a exactement identifié plusieurs indices reposant sur les mentions et les énonciations de documents saisis chez ETPR et qui sont constitués principalement par deux notes de M. V. Z., directeur général :
- la première note (cote 3232) est datée du 5 novembre 2003, soit deux jours avant la date limite de remise des offres ; y figurent le nom d'un certain nombre d'entreprises, des calculs de coefficients ainsi que les mentions " Gpt Avec ETDE - Sout Mixte - Sous Traitant [...] ETDE répond en couverture sur aérosouterrain + mixte " ;
- la seconde note (cote 3235) n'est pas datée et comprend les indications " I " et " II " avec le nom des mêmes entreprises ;
Qu'en outre :
- un document saisi extrait de l'agenda du dirigeant M. M. Z. (cote 3540) mentionne, à la date du 5 novembre 2003 : " RDV TG 24 Boulazac à 14h30 " ;
- sur un carnet de notes de son fils, M. V. Z., il est également indiqué : " EDF Dordogne Réunion à programmer pour niveau de prix + partage " (cote 3220) ;
- un post-it portant la mention " partage Dordogne " (cote 3434) a été retrouvé sur un carnet de M. V. Z... ;
Considérant qu'il ressort des mentions de la note cotée 3232 (reproduite au point 113 de la décision), exactement analysées par l'autorité, que ETPR, qui envisageait de se grouper avec ETDE pour les travaux souterrains mixtes, voire d'être en sous-traitance avec cette dernière, laisse entendre que sa partenaire a répondu en " couverture " sur les deux marchés de travaux groupés aérosouterrains et souterrains mixtes ; que la décision relève, à cet égard, que ETDE avait déposé une offre le 4 novembre 2003 pour le marché de travaux aéro-souterrains dont le prix trop élevé l'a exclue de la phase de négociation ; qu'en effet, le prix moyen pondéré (ci-après le " PMP ") des coefficients de prix remis par ETDE s'élève à 0,1766 contre 0,1703 pour ETPR, soit 3,69 % plus cher (cote 5948) ; que, s'agissant de la pondération des coefficients de prix, ETPR a confirmé, par courrier du 29 avril 2011, que, " au moment du dépôt de leurs offres, les entreprises ne sont donc pas en mesure de connaître de façon précise la pondération attachée à leurs offres " (cote 15236) ;
Que la note cotée 3235 (point 113 de la décision) mentionne, comme la note cotée 3232, des coefficients de pondération qui ont été utilisés par ETPR pour élaborer ses PMP et ceux de ses concurrentes, tant pour le marché des travaux aéro-souterrains que pour celui des travaux souterrains mixtes en fonction des coefficients de prix que les concurrentes ont dû lui communiquer ;
Que la décision relève à juste titre :
- que le très faible écart portant sur la répartition pour le marché de travaux souterrains mixtes sur les coefficients X gaz et X électricité, dont le montant cumulé s'avère identique à 55 %, entre les sous-pondérations du X gaz et du X électricité (0,25 % pour chacun des deux coefficients) ne modifie en rien les résultats obtenus sur les PMP de ce marché ;
- que, selon ETPR elle-même (cote 11183), le document non daté coté 3235 présente les deux marchés de travaux groupés aéro-souterrains " I " et souterrains mixtes " II " et qu'il comprend des noms d'entreprises et des coefficients ;
- s'agissant du marché de travaux aéro-souterrains, il y a lieu de relever qu'ETPR prévoyait de ne pas descendre au-dessous de " 0,170 après négociation ", ce à quoi elle s'est effectivement tenue en obtenant le premier lot avec un PMP de 0,1708 au 1er tour puis 0,1703 après négociation (cote 5948) ;
- que, de plus, la mention d'un PMP de 0,173 euro lors du 1er tour de l'appel d'offres de travaux aéro-souterrains alors qu'ETPR a remis dans son acte d'engagement du 6 novembre 2003 un PMP différent à 0,1708 confirme que la date du document coté 3235 se situe avant la remise des offres le 7 novembre 2004 ;
- qu'il en va de même de l'indication " Voir ", qui évoque une prévision, dans la mention : " TG mixte => Voir ERCT pour Px => 0,180 Pondere 2004 " ; que cela permet également de dater le document coté 3235 avant la remise des offres, puisqu'il s'agissait d'approcher cette concurrente pour qu'elle fixe son PMP à 0,180, ce qu'elle a effectivement fait en remettant des coefficients X électricité, X gaz, Y, Z et W de telle façon que son PMP soit calculé par EDF-GDF à 0,1803, soit 0,180 arrondi au millième ;
- que, de plus, s'agissant de la liste d'entreprises accompagnées de leur PMP " neo 0,174<=>0,171, Spie 0,175<=>0,172, Allez 0,175<=>0,172 " (cote 3235), suivant la mention " 2e " après la mention " 1° tour ", ETPR a indiqué par courrier du 9 novembre 2009 que "2e" signifiait " 2e tour " (cote 11184) et que, si cette observation a ensuite été réfutée par courrier du 29 avril 2011, la mention " 2e Groupe " a été maintenue (cote 15226) ;
Que la décision constate également à juste titre, qu'en tout état de cause, les résultats des 1er et 2e tours de l'appel d'offres de travaux aérosouterrains corroborent ces indications de prix (cotes 5947 et 5948), particulièrement en ce qui concerne le tour après négociation qui a conduit à l'attribution d'un lot aux quatre sociétés mises en exergue, à savoir ETPR, Ineo Réseaux Sud-Ouest, Allez et Cie ainsi qu'Amec Spie Sud-Ouest ; que la décision se réfère ainsi utilement :
- à un tableau (point 125 de la décision) permettant, en ce qui concerne le 1er tour et le 2 ème tour, pour les quatre entreprises concernées - ETPR, Ineo, Spie, Allez - une comparaison entre, d'une part, les PMP mentionnés sur la note 3225 et, d'autre part, les PMP effectifs, qui démontre que, pour le 2e tour après négociation sont ceux prévus au millième (arrondi) par la note cotée 3235 saisie chez ETPR, étant observé que, pour le 1er tour, les PMP sont vérifiés au millième (arrondi) pour Ineo Réseaux Sud-Ouest et s'en approchent à un millième près pour Spie Sud-Ouest et Allez et Cie ;
- à un tableau (point 127 de la décision) qui met en évidence que les PMP des 1er et 2e tours du marché des travaux groupés aéro-souterrains relevés sur la note 3235 diffèrent de ceux remis lors des appels d'offres précédents du 1er février 2002 au 31 janvier 2003, puis du 1er février 2003 au 31 janvier 2004 (cotes 15950, 15955, 15960 et 15965) : à la différence de l'appel d'offres en cause dans la présente affaire, les PMP des deux marchés précédents de travaux aérosouterrains ont été calculés en prenant en compte les coefficients principaux de la série S 1000, X, Y Z, W, mais aussi ceux B5000Mat et B5000MO et, qu'en outre, Allez et Cie n'était pas soumissionnaire à ce dernier appel d'offres ;
Que la décision observe exactement que ces PMP des deux marchés précédents n'ont pu inspirer le PMP d'ERCTP prévu par ETPR pour le marché de travaux groupés souterrains mixtes 2003/2004 ;
Qu'il est constant, par ailleurs, qu'une réunion était anticipée dès le 16 octobre 2003 ainsi que cela ressort de l'indication " EDF Dordogne Réunion à programmer pour niveau de prix + partage " figurant dans un carnet de notes du fils du dirigeant d'ETPR (cote 3220) ; qu'il ressort précisément de l'agenda du dirigeant d'ETPR, M. M. Z., à la date du 5 novembre 2003, la mention : " 14h30 RDV TG 24 Boulazac " (cote 3540), le terme TG 24 correspondant à "travaux groupés " et " 24 " au département de la Dordogne ; qu'ainsi, le principe d'une réunion était arrêté à la date du 5 novembre 2003, dans la commune de Boulazac, mais sans indication des participants ;
Qu'enfin, un post-it portant la mention " partage Dordogne " (cote 3434) a été retrouvé sur un carnet du fils du dirigeant d'ETPR ;
Considérant que les éléments ci-dessus analysés doivent être rapprochés du fait :
- que ETPR, Allez et Cie, Ineo Réseaux Sud-Ouest et Amec Spie Sud-Ouest ont, chacune, obtenu un des quatre lots attribués pour les travaux groupés aéro-souterrains ;
- que, de même, ETPR a obtenu un des trois lots attribués pour les travaux groupés souterrains mixtes, son offre ayant été meilleure que celle remise par ERCTP ;
Considérant qu'il est vrai que, dans le cadre de la procédure particulière de passation des marchés à bons de commande d'EDF-GDF dont les montants sont inférieurs au seuil communautaire pour les marchés de travaux les entreprises doivent scinder leur proposition tarifaire en sous-familles de prix et, après pondération de ces coefficients que EDF-GDF pour choisir l'entreprise attributaire du marché, des échanges entre l'acheteur et les soumissionnaires interviennent pendant une période qui débute lors de la remise des offres et qui se prolonge par différents tours de négociation, afin de finaliser l'obtention par EDF-GDF d'un prix conforme à ses souhaits ;
Considérant, cependant, que, contrairement à ce qui est soutenu, le pouvoir de négociation d'EDF-GDF ne rend pas en soi matériellement impossible ou, à tout le moins, ne prive pas d'intérêt toute concertation entre entreprises concurrentes en vue d'une répartition des lots entre elles, dès lors, d'une part, que les critères de pondération appliqués par EDF-GDF ne sont pas transmis aux candidats soumissionnant aux travaux groupés pour préserver l'incertitude dans laquelle toutes les entreprises doivent se trouver placées, relativement au comportement de leurs concurrentes ainsi que l'égalité de traitement et, d'autre part, que la négociation n'intervient qu'après la remise des offres ;
Considérant que les documents cotés 3232 et 3235 saisis chez ETPR contiennent ainsi les indices essentiels de l'existence d'un échange d'informations concernant les deux marchés de travaux groupés, aérosouterrains et souterrains mixtes, entre les entreprises qui ont participé à cet échange dont ETPR a été le maître d'œuvre et ne peuvent s'expliquer que comme étant le résultat d'une concertation entre les mises en cause, portant sur les offres qu'elles s'apprêtaient à déposer et sur la stratégie à suivre par chacune d'elles au cours des deux tours de la négociation ;
Considérant, en outre, que ces deux documents ont bien été conçus par ETPR avant la date de remise des offres fixée au 7 novembre 2003, dès lors que le premier document coté 3232 est daté du 5 novembre 2003 et que, si le second document coté 3235 n'est pas daté, en revanche, l'analyse de son contenu et le rapprochement de celui-ci avec des éléments extrinsèques, notamment avec le résultat des appels d'offres, démontrent qu'il a été établi avant la remise des offres ;
Qu'en effet, la mention d'un PMP de 0,173 lors du 1er tour d'appel d'offres du marché de travaux aéro-souterrains, alors qu'ETPR remettra dans son acte d'engagement un prix différent, est une première indication de l'antériorité du document ; que les mentions par lesquelles ETPR prévoyait, d'une part, de ne pas descendre au dessous de " 0,170 après négociation ", ce à quoi elle s'est effectivement tenue, et, d'autre part, d'approcher une de ses concurrentes pour qu'elle fixe son PMP à 0,180 selon la mention " TG mixte => Voir ERCT pour Px => 0,180 Pondere 2004 ", ce qui a été effectivement fait, sont deux autres indications de l'antériorité du document ; que, d'ailleurs, par courrier du 29 avril 2011, ETPR a elle-même entériné le fait que ce document coté 3235 avait précédé la remise de son offre : " L'indication 'TG mixte > Voir ERCT' renvoie simplement à l'idée que Monsieur V. Z. souhaitait solliciter l'entreprise ERCT afin qu'elle lui fournisse un devis pour la réalisation de l'étude des travaux souterrain mixte. " (cote 15229) ;
Que l'échange d'informations entre ETPR et ainsi l'antériorité de la concertation par rapport au dépôt de l'offre sont suffisamment révélés par les mentions relatives aux PMP des 1er et 2e tours de l'appel d'offres concernant le marché des travaux aéro-souterrains et des PMP de l'appel d'offres concernant le marché des travaux groupés souterrains mixtes, les prix étant presque identiques aux prix auxquels les lots de ces marchés ont été attribués aux entreprises mises en cause ;
Que, contrairement à ce qui est à nouveau soutenu, ETPR ne peut avoir eu connaissance des PMP par le donneur d'ordre avant la remise des soumissions, dès lors :
- que ces offres de prix se sont échelonnées dans un délai très court, entre le 5 et le 7 novembre 2003, soit trois jours, étant précisé que Inéo Réseaux Sud- Ouest et ERCTP ont pour leur part remis leur offre le 7 novembre 2003, soit le jour même de la remise des offres ;
- que si, dans le cas particulier et postérieur aux faits de l'espèce du marché de travaux aéro-souterrains 2009-2010 fourni par le service des réseaux Dordogne qui est mis en exergue par les requérantes, des informations ont pu être communiquées par ERDF après l'attribution des lots, ces informations ne portent pas sur les PMP, ni sur les coefficients intermédiaires lors de la remise des prix, puis lors des tours de négociation, mais sur les seuls coefficients finaux de prix ;
Considérant que, contrairement également à ce qu'affirment les requérantes, les annotations figurant sur le document coté 3235 ne pourraient résulter de simulations purement personnelles de ETPR, qui ne pouvait en effet s'inspirer des PMP des appels d'offres concernant des marchés de travaux précédents, dès lors qu'il est établi par le dossier, d'une part, que ces données ont été calculées sur la base de coefficients différents de ceux utilisés dans les appels d'offres en cause en l'espèce, et d'autre part que les entreprises qui participaient aux appels d'offres n'étaient pas les mêmes ;
Considérant que s'il est vrai que les différents coefficients de pondération utilisés pour l'élaboration des PMP qui figurent sur les deux documents sont ceux qui ont été appliqués par EDF-GDF sous réserve d'un très faible écart concernant deux coefficients du marché des travaux groupés souterrains mixtes, la décision a, cependant, exactement écarté les objections des requérantes sur ce point qui ne peuvent faire état d'inexactitudes, en relevant :
- que, comme il a été dit, les critères de pondération ne sont pas transmis par EDF-GDF aux soumissionnaires, ce qui a d'ailleurs été confirmé par ETPR elle-même (point 103 de la décision) : " Il s'agit bien là d'une simple hypothèse de travail, de réflexions, ne pouvant refléter de façon exacte la réalité, les critères de pondération des offres des candidats, n'étant pas communiqués à ces derniers par EDF [...] les critères de pondération, appliqués par EDF, ne sont pas transmis officiellement aux candidats soumissionnant aux travaux groupés. ", cette explication ayant été renouvelée dans un courrier du 9 novembre 2009 : " Les critères de pondération appliqués par EDF-GDF ne sont pas connus des candidats soumissionnant aux travaux groupés " (cote 11173) ;
- que ETPR, nécessairement informée par les entreprises de leurs coefficients de prix, était matériellement en mesure, sur la base des coefficients de pondération de calculer les PMP à remettre par elle et ses trois concurrentes pour le marché de travaux aéro-souterrains et celui à remettre par elle et ERCTP pour l'autre marché dans des conditions optimales concernant la fixation des prix et le classement des offres ;
- que les résultats du 1er et du 2e tour d'appel d'offres du marché des travaux aérosouterrains (cotes 5947 et 5948) corroborent les indications de prix mentionnés sur le document 3235 après la mention " 1er tour " et la mention " 2e groupe " qu'ETPR a corrigée en précisant qu'il s'agissait du " 2e tour " pour réfuter ensuite cette correction, mais qui sans aucun doute concerne le deuxième tour de l'appel d'offres auquel ont participé les trois entreprises citées à côté de la mention et ETPR ;
- que, ainsi que l'établit le tableau déjà évoqué (point 125 de la décision), les PMP remis pour le 1er tour de l'appel d'offres sont ceux prévus au millième arrondi pour Ineo Réseaux Sud-Ouest et s'en approchent à un millième près pour Spie Sud-Ouest et Allez et Cie ; que les PMP remis pour le 2e tour après négociation sont ceux prévus au millième arrondi sur le document 3235 ; que l'appel d'offres a conduit à l'attribution d'un lot à chacune des quatre entreprises, à savoir ETPR, Ineo Sud-Ouest, Allez et Cie ainsi qu'Amec Spie Sud-Ouest selon les prévisions inscrites sur le document et que ces documents ne peuvent s'expliquer que comme étant le résultat d'une concertation entre les mises en cause, portant sur les offres qu'elles s'apprêtaient à déposer et sur la stratégie à suivre par chacune d'entre elles au cours des deux tours de la négociation et faussant ainsi la concurrence sur le marché constitué par l'appel d'offres ;
Considérant, enfin, qu'au regard des éléments qui viennent d'être évoqués, la circonstance qu'au terme de développements précis et circonstanciés auxquels la cour se réfère expressément (points 303 à 306 de la décision), l'autorité a décidé de mettre hors de cause ETDE au motif que la preuve d'un échange d'informations entre ETPR et ETDE n'est pas établie à partir d'indices apparaissant en grande partie inexacts et qui n'étant pas complétés par d'autres éléments permettant qu'ils ne constituent pas un faisceau d'indices précis, graves et concordants, est sans incidence sur la caractérisation par la décision de la pratique dénoncée à l'encontre des requérantes ;
Qu'en effet, la décision retient exactement que les autres mentions des documents analysés qui mettent en évidence les PMP calculés par ETPR qui sont les prix remis par les concurrents lors des appels d'offres constituent un faisceau d'indices suffisants pour prouver l'échange d'informations entre les entreprises sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres documents saisis (extrait d'agenda) évoqués ci-dessus ;
Et considérant qu'il est suffisamment démontré par les développements qui précèdent que les appréciations retenues par l'autorité pour décider que les pratiques étaient établies à l'encontre des entreprises mises en cause, dont la société Ineo Réseaux Sud-Ouest et la société Spie Sud-Ouest, reposent bien sur un véritable faisceau d'indices et non, contrairement à ce qu'insinuent ces requérantes, sur l'analyse d'un seul document ;
Que le moyen doit être rejeté ;
En ce qui concerne les pratiques concertées lors des marchés de travaux d'électricité de divers donneurs d'ordre en Aveyron passés en 2004 et 2005 (grief n° 4) :
Considérant que, concernant le grief n° 4 qui concerne les marchés de travaux d'électricité passés entre 2004 et 2006 par divers donneurs d'ordre en Aveyron, la cour se réfère purement et simplement aux développements de la décision (points 175 à 180) concernant les conditions dans lesquelles des collectivités et divers donneurs d'ordre en Aveyron ont organisé des appels d'offres entre 2004 et 2006 pour attribuer des marchés de travaux d'électricité dans le bâtiment et concernant les caractéristiques de ces marchés ainsi que les soumissionnaires ;
Considérant qu'au soutien de son recours, la société Spie Sud-Ouest affirme que c'est à tort que l'autorité a estimé qu'était établie l'existence d'une réunion entre concurrents le 15 septembre 2004, soit antérieurement au dépôt des offres, réunion dont l'objet aurait été de se répartir l'attribution de ces différents marchés, à laquelle sa participation n'est par surcroît par démontrée ;
Que la requérante fait valoir que le marché de mise en sécurité 3e tranche du Centre Hospitalier de Saint Marie (appel d'offres n° 6 dans la décision) ne peut matériellement être concerné par le grief n° 4 dès lors, notamment, que les documents sur lesquels l'autorité s'est fondée pour tenter de démontrer l'existence d'une réunion à objet anticoncurrentiel sont inopérants puisque très antérieurs à la publication de cet appel d'offres concernant ce marché ;
Que Spie Sud-Ouest affirme également que les éléments retenus par la décision ne permettent pas de démontrer l'existence d'une réunion qui aurait eu pour objet une discussion de la répartition des marchés couverts par les dix appels d'offres précités et, qu'au surplus :
- les "répartitions anticipées" déduites par l'autorité des documents cotés 582, 594 et 600 ne sont, en ce qui la concerne, pas systématiquement vérifiées ;
- le défaut de concordance entre les notes manuscrites saisies et les résultats des appels d'offres se confirme également en ce qui concerne les mentions chiffrées portées sur ces documents, tant au niveau du montant des offres formulées que du volume d'affaires obtenu ;
- les offres formulées par Spie Sud-Ouest dans le cadre des marchés dont elle a été attributaire étaient compétitives et, en toute hypothèse, justifiées ;
Mais considérant que c'est par d'exacts motifs (points 181 à 195 et 310 à 341), que la cour fait siens, que l'autorité a décidé que la pratique d'entente notifiée au titre du grief n° 4 à six entreprises, dont Amec Spie Sud-Ouest devenue Spie Sud-Ouest, pour les dix marchés de travaux d'électricité de divers donneurs d'ordre en Aveyron passés en 2004 et 2005 était établie en raison de l'existence d'une réunion, tenue le 15 septembre 2004, qui a donné lieu à la conclusion d'un accord de répartition des marchés de travaux d'électricité qui s'est appliqué durablement en excluant toute concurrence ;
Considérant que les indices justement relevés par la décision sont constitués par trois documents saisis au siège du groupe Angel Larren (cotés 594, 582 et 600), datés chacun du 15 septembre 2004, qui attestent de l'existence d'une réunion qui s'est tenue le mercredi 15 septembre 2004 entre les 7 entreprises suivantes : Elit, filiale d'Angel Larren, Sega, M., Cegelec Sud-Ouest, Guirande (GEI), Amec Spie Sud-Ouest et Fauché (Flottes), qui semble toutefois être indiquée comme absente (" Abs Flotte") sur le seul document coté 600, mais un montant lui est attribué : 127 000 euro ;
Que lesdits documents :
- font apparaître une liste de 15 marchés à venir en Aveyron, dont 10 ont été reconnus ;
- révèlent, qu'en face de chaque marché, figurent les noms d'une, de deux ou de trois entreprises ainsi que des volumes d'affaires restés inexpliqués et que, sur les trois documents se trouve un récapitulatif de chiffre d'affaires pour chaque entreprise également resté inexpliqué mais que rien n'indique qu'il pourrait s'agir des montants prévisionnels des dix marchés en cause ;
Que, s'agissant du document coté 594, les dix marchés reconnus sur ce document se présentent comme suit en référence à l'ordre des numéros de marché indiqués ci-dessus :
- " Maison de retraite Ceignac " n° 5 et 5 bis ;
- " Maison de retraite Les Clarines HLM " n° 4 ;
- " Foyer des jeunes travailleurs HLM " n° 9 ;
- " Salle du laminoir DCZ " n° 1 ;
- " Adapei Pont de Salars " n° 7 et 7 bis ;
- " Trésorerie générale " n° 10 ;
- Inconnu ;
- Inconnu ;
- " Salle cinéma DCZ " n° 2 et 2 bis ;
- " Centre natation Piscine Rodez " n° 8 ;
- Inconnu ;
- " Ste Marie sécurité " n° 6, 6 bis, 6 ter ;
- Inconnu ;
- Inconnu ;
- " Maison des jeunes Rodez 2005 ministère de justice " n° 3 et 3 bis.
Qu'en haut et à droite du document coté 594, le nom de " 8 personnes " " présent(es)" à cette réunion est précisé : " Présent. D. E. F. B G. Natalie. Eric. X 8 personnes " ; que, lors de son audition le 8 juin 2006, la pièce cotée 594 a été présentée à M. B., cité dans le tableau sous le nom de " B ", ancien employé d'Amec Spie Sud-Ouest, devenu responsable d'agence de la société Fauché, qui a identifié ces noms comme étant ceux des représentants des sociétés suivantes : Guirande (D), Cegelec Sud-Ouest (E), M. (F Christian), Amec Spie Sud-Ouest (G et B), Sega (Nathalie H) Fauché/Flottes (Éric C), Elit/Angel Larren (X'Julien) ; que l'intéressé a allégué ne pas se souvenir avoir participé à cette réunion et a prétendu ignorer si les personnes qu'il a identifiées y étaient présentes ; qu'il a par ailleurs mentionné l'existence de réunions régulières, " au moins une fois par an pour faire le point sur les affaires en cours ", au cours desquelles il s'agissait " d'échanger des informations sur les marchés passés ou en cours " entre les entreprises précédemment citées :
Que Elit (Angel Larren) a reconnu par procès-verbal du 30 septembre 2008 la tenue d'une réunion le 15 septembre 2004 avec ses concurrentes : " J'avais convié les concurrents dans nos locaux, pour les informer que nous allions ouvrir une agence sur Rodez. Elle a duré une grosse demi-heure. Ils sont tous venus. Il s'agit des chargés d'affaires [...] J'étais à cette réunion. C'est la seule fois que je me suis réuni avec mes concurrents." (cote 7429).
Que, par courriers du 5 novembre 2009 et du 26 avril 2011, Elit (Angel Larren) a ajouté que les documents précités cotés 594 et 600 ont " bien été établi(s) le jour de la réunion à partir des prospectives faites par les uns et les autres [...] Au cours de cette réunion qui s'est bien tenue le 15 septembre 2004, il a été effectivement évoqué des chantiers déjà sortis ou à venir. " (cotes 8997, 8998, 10232, 10233, 15069 et 15070) ;
Que par ailleurs, un troisième document coté 596 met en évidence l'existence d'une autre " réunion lundi 6 juin 05 18 h FIE " ; que, sur ce document, figure une liste de quinze marchés ou affaires en Aveyron avec, en face de certains marchés, le nom d'une entreprise, qui est parfois suivi d'un montant, les entreprises Guirande, Cegelec Sud-Ouest et " M. " étant citées sur ce document en face des marchés " Rodez centre nautique " pour les deux premières, " Rodez Bosch " pour la deuxième et " district Bosch " pour la deuxième et " district bureaux sept oct 2005 100 M euro " pour la troisième ;
Que Elit (Angel Larren) a déclaré que cette réunion était une réunion strictement interne :
" Il s'agit d'une réunion du 6 juin 2005 des chargés d'affaires de l'entreprise Larren (FIE = fiche information entreprise) au cours de laquelle le dirigeant du groupe informe les chargés d'affaires de l'état de la concurrence concernant les marchés en cours. Il s'agit purement et simplement d'une réunion de suivi commercial. " (cote 8998)
Que, lors de cette réunion, outre la confirmation de l'attribution précitée du marché n° 8 bis au groupement Cegelec Sud-Ouest/Guirande, a été évoquée la possible attribution de deux appels d'offres supplémentaires :
1) marché n° 8 bis centre nautique du Grand Rodez : date limite de remise des offres le 28 juillet 2005, attributaires Cegelec Sud-Ouest/Guirande ;
2) marché n° 11 bâtiment Rz 117A à l'usine Bosch de Rodez : date limite de remise des offres le 23 juin 2005, attributaire Cegelec Sud-Ouest ;
3) marchés n° 12 et 12 bis bureaux du bâtiment de l'Europe Grand district à Rodez : date limite de remise des offres le 16 juin 2005, attributaire Amec Spie Sud-Ouest et non " M. ". Une SARL M. Raymond a obtenu le lot n° 2 portant sur des travaux de menuiseries.
Considérant qu'après la comparaison des attributaires prévus au regard des notes du 15 septembre 2004 et du 6 juin 2005 avec les attributaires effectifs des 12 marchés concernés (point 195 de la décision), l'autorité a été en mesure de constater que, alors même que les deux réunions en cause, celles du 15 septembre 2004 et du 6 juin 2005, s'avèrent antérieures à la date limite de remise des offres, il existe pour 10 des 12 marchés en cause cités une correspondance avérée entre les attributaires présumés et les attributaires effectifs :
- pour la réunion du 15 septembre 2004 :
1) espace économique Le Laminoir à Decazeville : date limite de remise des offres le 20 septembre 2004, attributaire Elit (Angel Larren) comme prévu ;
2) cinéma Decazeville : date limite de remise des offres le 30 novembre 2004, attributaire Elit (Angel Larren) comme prévu ;
3) aménagement DDPJJ et CAE de Rodez : date limite de remise des offres le 24 septembre 2004, attributaire Sega et non Fauché (Flottes) qui n'a pas remis d'offre ;
4) maison de retraite Les Clarines : date limite de remise des offres le 27 septembre 2004, attributaire Sega comme prévu ;
5) maison de retraite de Ceignac : date limite de remise des offres le 25 octobre 2004, attributaire M./Cegelec Sud-Ouest/Sega comme prévu pour le lot courants faibles mais sans Sega pour le lot courants forts alors qu'elle avait soumissionné en groupement avec M./Cegelec Sud-Ouest (cote 6620) ;
6) centre hospitalier Ste Marie à Olemps trois marchés : date limite de remise des offres du premier le 17 mars 2005, le deuxième le 1er juillet 2005, le troisième le 24 mars 2006, attributaire Cegelec Sud-Ouest pour les trois marchés comme prévu ;
7) foyer de vie Adapeai à Pont-de-Salars : date limite de remise des offres le 8 octobre 2004, attributaire Guirande/ Amec Spie Sud-Ouest comme prévu, mais sans Fauché (Flottes) qui n'a pas remis d'offre ;
8) centre nautique du Grand Rodez : date limite de remise des offres le 28 juillet 2005, attributaires Cegelec Sud-Ouest/Guirande comme prévu ;
9) foyer des jeunes travailleurs à Onet-le-Château, date limite de remise des offres le 27 septembre 2004, attributaire Amec Spie Sud-Ouest comme prévu ;
10) réorganisation de la trésorerie générale à Rodez : date limite de remise des offres le 4 octobre 2004, attributaire Amec Spie Sud-Ouest comme prévu ;
- pour la réunion du 6 juin 2005 :
8bis) centre nautique du Grand Rodez : date limite de remise des offres le 28 juillet 2005, attributaires Cegelec Sud-Ouest/Guirande confirmés comme prévu le 15 septembre 2004 ;
11) bâtiment Rz 117A à l'usine Bosch de Rodez : date limite de remise des offres le23 juin 2005, attributaire Cegelec Sud-Ouest comme prévu ;
12) bureaux du bâtiment de l'Europe Grand district à Rodez : date limite de remise des offres le 16 juin 2005, attributaire Amec Spie Sud-Ouest et non " M. ". Une SARL M. Raymond a obtenu le lot n° 2 portant sur des travaux de menuiseries.
Considérant que c'est au terme d'une exacte analyse du document coté 594 ainsi que des déclarations des entreprises, que l'autorité a constaté qu'il résulte de ce document ainsi que de ces déclarations que les six entreprises, dont Amec Spie Sud-Ouest, ont participé à la réunion du 15 septembre 2004 dont l'objet anticoncurrentiel est suffisamment établi et qu'il ne pouvait s'agir, comme le soutient Spie, d'une simple réunion de présentation de la nouvelle agence de Elit W. à l'occasion de laquelle elle n'aurait pas participé à une réunion de marchés ;
Considérant, en effet, concernant les participants à cette réunion que la décision constate à juste titre qu'à l'exception faite de l'entreprise Fauché, les trois documents cotés 594, 582 et 600 saisis chez Angel Larren font référence à la réunion du 15 septembre 2004 en présentant les mêmes informations sur les noms des six entreprises concernées ou sur des montants d'affaires et que les noms de responsables commerciaux figurant sur le document coté 594 ont été reconnus et identifiés comme appartenant à différentes entreprises par M. B., lui-même cité sous l'orthographe Zaplat, alors employé d'Amec Spie Sud-Ouest :
- Guirande Électricité à Druelle ;
- Cegelec Sud-Ouest au Monastère ;
- M. à Onet-le-Château ;
- Amec Spie Sud-Ouest à Sébazac,
- Sega à Rodez ;
- Elit (Angel Larren) à Decazeville ;
- que Elit (Angel Larren) reconnaît également par procès-verbal du 30 septembre 2008 la tenue d'une réunion le 15 septembre 2004 avec ses concurrents : " J'avais convié les concurrents dans nos locaux, pour les informer que nous allions ouvrir une agence sur Rodez. Elle a duré une grosse demi-heure. Ils sont tous venus. Il s'agit des chargés d'affaires [...] J'étais à cette réunion. C'est la seule fois que je me suis réuni avec mes concurrents " (cote 7429) ;
Considérant que la décision déférée relève également à bon droit que le caractère anticoncurrentiel de cette réunion est manifeste, puisque les participants à cette réunion ont entendu se répartir les marchés des travaux d'électricité et que cette répartition a porté sur des marchés dont les appels d'offres étaient déjà publiés ;
Considérant qu'il est vrai que cette répartition a également porté sur des marchés dont les appels d'offres n'étaient pas encore publiés, puisqu'il est constant que les dates de publication de quatre des dix appels d'offres mentionnés sur les documents cotés 594 et 582 sont postérieures au 15 septembre 2004 :
- cinéma Decazeville n° 2 : date d'envoi à publication le 27 octobre 2004 ;
- maison de retraite de Ceignac n° 5 et 5 bis : date d'envoi à publication le 25 octobre 2004 ;
- centre hospitalier Ste Marie à Olemps n° 6 : date d'envoi à publication le 15 février 2005 ;
- centre nautique du Grand Rodez n° 8 : date d'envoi à publication le 14 juin 2005 ;
Considérant, cependant, que, contrairement à ce que soutient la requérante, les appels d'offres des quatre marchés susmentionnés, dont l'appel d'offres n° 6, étaient bien anticipés dès le 15 septembre 2004, même si leurs avis à publication ont été lancés en octobre 2004, en février et en juin 2005 ; qu'en effet :
- les deux documents cotés 594 et 582 mentionnent à l'identique le nom des sept entreprises susvisées en regard notamment des dix marchés en cause comme étant les attributaires de ces derniers ;
- que, de plus, par courriers du 5 novembre 2009 et du 26 avril 2011, Elit (Angel Larren), au siège de laquelle les trois documents datés du 15 septembre 2004 ont été saisis, a indiqué que les documents cotés 594 et 600 ont " bien été établi(s) le jour de la réunion à partir des prospectives faites par les uns et les autres " (cote 10233) et qu'" au cours de cette réunion qui s'est bien tenue le 15 septembre 2004, il a été effectivement évoqué des chantiers sortis ou à venir" (cote 15069) ;
- qu'ainsi, Elit (Angel Larren) a reconnu avoir évoqué avec ses concurrents les chantiers en cause non seulement déjà " sortis " mais également " à venir " ; qu'elle a cité, à cet égard, le cas du cinéma de Decazeville (marché n° 2), pour lequel elle n'a eu connaissance de l'avis d'appel public à la concurrence que le 2 novembre 2004, soit près de deux mois après la réunion du 15 septembre 2004 :" [...] concernant le "cinéma de Decazeville", l'avis d'appel public à la concurrence a été réalisé le 2 novembre 2004. " (cotes 15069 et 15070) ;
- en tout état de cause, tant l'existence des documents cotés 582 et 600 dont les indications correspondent en tous points à celles figurant sur le document coté 594 que les précisions apportées à propos des chantiers déjà " sortis " ou " à venir " ne permettent pas à Elit (Angel Larren) de soutenir que le document coté 594 " n'a pas été rempli le jour de cette réunion. Il a été élaboré et complété au fur et à mesure des informations recueillies par le dirigeant " (cote 10232), étant observé que si ce document avait été complété au fur et à mesure des attributions, on ne voit pas pourquoi le marché n° 3 Aménagement DDPJJ et CAE de Rodez aurait été dévolu à Fauché (Flottes) alors que celle-ci n'a participé à aucun des douze appels d'offres en cause ;
Considérant, dès lors, qu'il est suffisamment établi que les six sociétés précitées, dont Amec Spie Sud-Ouest devenue Spie Sud-Ouest se sont entendues lors de la réunion du 15 septembre 2004 pour répartir entre elles neuf marchés (point 337) ainsi que pour évoquer le marché n° 3 et sa possible attribution à Fauché (Flottes) et que les entreprises incriminées ont bien été les attributaires de neuf de ces dix marchés, pour lesquelles leur dévolution avait été prévue soit seules, soit en groupement ;
Qu'en effet, les groupements qui étaient envisagés ont bien été constitués, ce que ne pouvait raisonnablement pas anticiper Elit, auteur des documents datés du 15 septembre 2004 et que la réunion du 15 septembre 2004 a donné lieu à la conclusion d'un accord de répartition des marchés de travaux d'électricité qui s'est appliqué durablement en excluant toute concurrence ;
Considérant qu'au regard de l'antériorité à l'ouverture des plis des documents cotés 594 et 600, il importe peu que l'entreprise Fauché n'ait pas finalement déposé d'offre ou encore que les montants figurant sur les documents en question ne correspondent pas précisément aux montants des offres formulées ou du volume d'affaires ;
Qu'en effet ces seuls éléments ne sont pas de nature à priver les différents indices sus évoqués de la qualification d'indices graves précis et concordants permettant d'établir l'existence des pratiques anticoncurrentielles dénoncées dans le cadre du grief n° 4 ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les sanctions
Considérant, sur les critères de détermination des sanctions, que l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction " ;
Considérant, sur le montant maximal des sanctions, que le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi NRE, dispose que " [l]e montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".
Considérant qu'il est rappelé que la décision (point 361) a indiqué, à titre liminaire, que le communiqué de l'Autorité de la concurrence du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ne pouvait être mis en œuvre dans la présente affaire, la séance s'étant tenue à une date trop rapprochée de sa publication pour avoir permis au contradictoire de s'être déroulé (points 17 et 18 du communiqué) ;
Considérant qu'à titre subsidiaire, la société Allez et Cie demande à la cour de réduire le montant de la sanction qui lui a été infligée, au motif que les pratiques visées, d'une faible durée, qui concernent des marchés à caractère local non soumis à la législation des marchés publics et d'un montant peu élevé, par surcroît dans un contexte marqué par l'important pouvoir de marché et la capacité de négociation d'EDF, ne présentent pas le degré de gravité retenu par la décision ;
Que, selon cette requérante, le dommage à l'économie n'a pas non plus l'importance qui lui a été attribuée par l'autorité, au regard, par rapport à d'autres entreprises sanctionnées, de sa situation de simple PME et alors que, compte tenu d'une baisse des prix du marché et de la marge très faible des entreprises du secteur, les prix pratiqués, qui étaient économiquement justifiés, n'ont pu être la source d'aucun préjudice de l'entreprise EDF, étant par surcroît observé que les montants des marchés qui lui ont attribués sont très inférieurs au montant de la sanction prononcée, qui est ainsi disproportionnée ;
Considérant que la société Ineo Réseaux Sud-Ouest critique également le caractère disproportionné de la sanction au regard, tout d'abord, de la faible gravité des pratiques reprochées qui tient :
- à leur nature, qui porte sur un échange d'informations sur son offre et non une répartition de marchés ;
- à leur caractère ponctuel et à leur faible durée qui, contrairement à ce qu'a décidé l'Autorité de la concurrence (point 370), ne doit pas être confondue avec la durée d'exécution du marché qui ne concerne, le cas échéant, que l'impact de la pratique reprochée, donc le dommage causé à l'économie, alors que l'exécution des marchés de travaux groupés d'EDF-GDF, ne s'opère pas de façon continue, pendant un an, mais pendant une durée très inférieure, de façon ponctuelle et fractionnée, au fur et à mesure des ordres de services d'EDF ;
- à la nature du marché concerné, qui n'est pas un marché soumis au Code des marchés publics ;
- à son rôle mineur, n'ayant pas eu la qualité de meneur et n'ayant pas pris une part prépondérante dans la mise en œuvre des pratiques reprochées ;
- au défaut de pertinence du facteur aggravant retenu par la décision à partir du fait que des entreprises habituées à répondre à de nombreux appels d'offres publics ne peuvent ignorer le caractère prohibé des échanges d'informations, alors que la procédure très informelle étrangère au Code des marchés publics suivie en l'espèce par EDF à l'occasion de ses consultations lui permet de délivrer à ce moment-là des informations à certaines entreprises ;
Que la requérante reproche également à la décision de ne pas avoir caractérisé le dommage causé à l'économie mais, à l'opposé, de l'avoir présumé, compte tenu :
- de la taille et de la valeur limitée du marché à caractère régional qui est concerné ;
- de la nature de la demande, formée par un acheteur unique (EDF-GDF), de surcroît en situation de monopole pour l'exploitation du réseau de distribution de l'électricité sur tout le territoire national, et dont le pouvoir de négociation comme la parfaite connaissance du prix des travaux demandés exclut toute affectation de ces prix par une éventuelle pratique prohibée : EDF-GDF est en effet en situation d'exiger des entreprises les prix que ses services spécialisés définissent comme les prix de marché et négocie d'ailleurs systématiquement le montant des offres jusqu'à ce qu'elle obtienne son "prix d'objectif" et, qu'à défaut, elle suspend purement et simplement la consultation engagée, de sorte que d'éventuelles concertations ne peuvent qu'être inefficaces ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'EDF-GDF a toujours pu procéder aux consultations d'entreprises qu'elle souhaitait et qu'aucune atteinte n'a ainsi été portée à la concurrence de nouveaux entrants ni aucune barrière imposée à l'accès aux marchés litigieux, dont la structure n'a pu être affectée par l'échange d'informations reproché ;
- de l'absence de surprofit, dès lors que les prix obtenus par EDF-GDF en 2004-2005 ont enregistré une nette diminution par rapport à ceux qu'elle avait obtenus lors des précédentes consultations avec, pour Ineo Réseaux Sud-Ouest, sur les marchés EDF en Dordogne, une chute de ses marges suivie d'une perte tandis que son chiffre d'affaires concerné a baissé de manière continue ;
- du caractère purement hypothétique de "l'effet d'entraînement ou du risque d'entraînement" supposé par la décision déférée ou, à tout le moins, d'une référence inappropriée (points 376 et 382) à une collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires affectant le principe de l'appel d'offres qui repose sur la loyauté des participants et constituerait, en soi, une tromperie sur la réalité de la concurrence, dès lors qu'aucune "collusion" ne lui était reprochée ;
Que la société Ineo Réseaux Sud-Ouest critique aussi la décision déférée en raison de l'absence d'individualisation de la sanction prononcée :
- qui procède de la prise en compte erronée d'un facteur d'aggravation tiré de l'appartenance à un groupe alors que la participation à son capital de la société Ineo, société distincte et autonome, est sans lien avec l'infraction reprochée et que cette société, qui n'a pas été reconnue coupable d'une pratique prohibée, n'est pas non plus susceptible de se voir imputer la pratique reprochée à la société Ineo Réseaux Sud-Ouest ;
- qui ne prend pas en compte sa situation de PME régionale réalisant un chiffre d'affaires moyen de 60 millions d'euros alors, au surplus, que le marché litigieux, purement local, atteignait à peine 2 M euros ;
- qui n'a pas pris en considération ses facultés contributives, alors qu'elle avait pourtant signalé à l'Autorité de la concurrence les pertes qu'elle avait subies dans les marchés EDF et la forte baisse de son chiffre d'affaires et de sa rentabilité depuis 2008, ce qui la conduit à renouveler sa demande initiale en versant aux débats son bilan et son compte de résultat au 30 septembre 2011 qui, selon elle, attestent qu'elle enregistre une perte de 469 662,49 euros ;
Considérant que la société Spie Sud-Ouest sollicite également la réformation de la décision, qui a prononcé une sanction en violation des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
Que la requérante fait valoir, tout d'abord, que la gravité des pratiques n'a pas été correctement appréciée :
- en raison des caractéristiques des appels d'offres qui, concernant le grief n° 4, soit ne portent pas en majorité sur des marchés publics ou qui, concernant le grief n° 1, portent sur des marchés soumis au droit privé et passés dans le cadre de procédures en vertu desquelles, comme il a été dit, EDF, dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation des offres des candidats et d'un fort pouvoir de négociation ;
- au regard du caractère ponctuel et de la courte durée des pratiques alléguées qui, par surcroît, sont indépendantes les unes des autres ;
- en raison d'une prise en compte erronée et contradictoire d'une connaissance de l'illicéité des pratiques attribuées à Spie Sud-Ouest ;
Que Spie Sud-Ouest prétend, ensuite, que, alors que le critère de la gravité des pratiques et celui de l'importance du dommage à l'économie sont des critères distincts, la décision a méconnu sur ce point les dispositions de l'article L. 462-2-I, alinéa 3 du Code de commerce en prenant compte un prétendu facteur d'aggravation procédant du risque de banalisation des pratiques en cause au niveau de l'appréciation de la gravité des faits, puis à nouveau en ce qui concerne l'appréciation de l'importance du dommage à l'économie, en décidant que la gravité particulière de la pratique permettait de présumer l'existence d'un tel dommage ;
Que la requérante expose aussi que l'autorité a attribué au dommage à l'économie une importance excessive alors, qu'en réalité, ce dommage est minime :
- au regard du montant modeste des appels d'offres ainsi que du caractère limité et local des pratiques considérées, qui concernent seulement deux départements ;
- du fait du pouvoir de négociation d'EDF, seul acheteur sur les marchés de travaux concernés ainsi que de son expérience dans le cadre de la passation de marchés de ce type et de sa puissance financière, sans commune mesure avec celle des soumissionnaires, qui a aussi pour conséquence l'absence de marge des attributaires du marchés ;
- en raison du caractère justifié des offres formulées par Spie Sud-Ouest au titre des marchés relevant des griefs n° 1 et 4 et du fait que, dans tous les cas, elle n'a pas, ou de façon très marginale, ainsi que cela ressort de sa comptabilité analytique, réalisé de bénéfices ;
Que Spie Sud-Ouest expose encore que l'autorité lui a infligé une sanction dont le montant, plus de 10 fois supérieur au montant global du chiffre d'affaires réalisé dans les seuls secteurs concernés par les pratiques en cause est disproportionné en retenant son chiffre d'affaires réalisé en France, tous secteurs confondus, comme montant de base pour le calcul de la sanction, alors que, concernant les ententes en matière d'appels d'offres, elle se réfère, selon sa pratique décisionnelle récente, en particulier, dans une décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011, à la valeur des ventes réalisées en relation avec l'infraction, donnée qui avait pourtant été communiquée à l'autorité au titre des années 2003 et 2004 ;
Que la requérante prétend, enfin, que, concernant l'individualisation de la sanction, la décision a retenu, à tort, une circonstance aggravante procédant de son appartenance à un groupe d'envergure nationale tout en refusant, par ailleurs, de manière injustifiée, de la faire bénéficier, des circonstances atténuantes tenant à sa qualité de "franc-tireur" ou de "suiveur" ;
Qu'en effet Spie Sud-Ouest affirme, s'agissant du grief n° 1, que les offres qu'elle a formulées dans le cadre du marché aéro-souterrain n'ont jamais eu le rang qui aurait dû être le leur si elle avait suivi la répartition alléguée et qu'elle n'a pas plus suivi les "consignes" que l'autorité a cru pouvoir déduire de certaines notes manuscrites et, s'agissant du grief n° 4, qu'il existe une différence manifeste entre les documents retenus par l'autorité comme indices et les offres réalisées par Spie Sud-Ouest pour les appels d'offres concernés ;
Que la requérante affirme aussi que l'autorité aurait dû tenir compte de circonstances atténuantes résultant de la sensibilisation de son personnel au respect des règles de concurrence à laquelle elle a procédé, notamment dans le cadre d'une formation dispensée en 2008, 2011 et 2012 ainsi que de la diffusion d'un "manuel de conduite éthique des affaires" ;
Que la requérante soutient encore que c'est à tort que la décision a cru devoir dénoncer l'effet d'exemplarité des pratiques alléguées :
- en raison de la dimension locale des marchés considérés, qui, à l'opposé, interdisait tout effet de contagion ou d'exemplarité ;
- en raison du caractère ponctuel des pratiques alléguées, Spie Sud-Ouest reprochant par surcroît à la décision d'être entachée d'une contradiction, dès lors que n'ayant pas décidé d'imputer les pratiques alléguées à sa société mère, elle retient cependant que son appartenance à un groupe important a suscité un effet d'exemplarité ;
Que Spie Sud-Ouest précise, par ailleurs :
- qu'alors que l'exigence de motivation imposait à l'autorité de démontrer que les pratiques en cause avaient effectivement eu un effet d'exemplarité au-delà des marchés visés par les griefs concernés, la décision n'a pas démontré que, alors qu'elle n'était pourtant pas l'instigatrice des pratiques sanctionnées, elle aurait, du fait de sa notoriété, incité d'autres entreprises à mettre en place des pratiques du même type que celles alléguées ;
- que le fait de retenir à son encontre une circonstance aggravante du fait de son appartenance à un groupe d'envergure nationale en se dispensant d'une démonstration de l'effet d'entraînement allégué et à rebours de la mise hors de cause de sa société mère, constitue un élément discriminant par rapport aux autres sociétés sanctionnées n'appartenant pas à un groupe important ;
Considérant que, dans ses observations déposées devant la cour, l'Autorité de la concurrence précise notamment, concernant la détermination de l'assiette de la sanction :
- que la solution adoptée dans la décision n° 11-D-02 qui lui est opposée par Spie Sud-Ouest n'est pas transposable dans la présente affaire, dès lors les entreprises mises en cause avaient été sanctionnées au titre de leur participation à des ententes régionales de répartition des marchés et non, comme au cas d'espèce, au titre de leur participation à des appels d'offres particuliers ;
- que, dans un souci de transparence, elle a exposé dans la décision la méthode suivie pour déterminer le montant des sanctions pécuniaires, qui correspond à celle qui est habituellement suivie en matière d'appels d'offres ponctuels, en précisant que la décision s'était fondée sur le chiffre d'affaires réalisé en France par chaque entreprise au cours de l'année pendant laquelle ont eu lieu les pratiques retenues au titre des griefs n° 1 et 4 et qu'à la différence de l'affaire à l'origine de la décision n° 11-D-02, elle n'a en aucune manière indiqué que la valeur des ventes constituait une assiette appropriée ;
- que, ce faisant, l'autorité a appliqué une méthode cohérente avec celle formalisée, postérieurement à la décision attaquée, dans son communiqué du 16 mai 2011 dans les cas de pratiques anticoncurrentielles portant sur un ou plusieurs appels d'offres ponctuels dans lequel il est indiqué : "En effet, la valeur des ventes ne constitue pas un indicateur approprié de l'ampleur économique de ces pratiques, qui revêtent un caractère instantané, et du poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y prend part, en particulier lorsque leur implication consiste à réaliser des offres de couverture ou à s'abstenir de soumissionner" ;
Considérant que, dans son mémoire récapitulatif, Spie Sud-Ouest rétorque que l'autorité a, en réalité, fait application de son communiqué sans pour autant mettre en mesure les entreprises mises en cause de faire valoir préalablement leurs observations sur la méthode préconisée par ce texte, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, alors que l'autorité avait la possibilité de lui adresser ainsi qu'aux autres entreprises concernées un rapport complémentaire permettant alors l'application du communiqué ;
En ce qui concerne les critères de détermination des sanctions :
Considérant que, pour déterminer si les sanctions pécuniaires prononcées par l'autorité à l'encontre des requérantes ont été fixées par la décision conformément aux exigences des dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, il convient d'examiner successivement la gravité des pratiques, l'importance du dommage causé à l'économie ainsi que la situation individuelle des entreprises ;
Considérant, en premier lieu, sur la gravité des pratiques, que, contrairement à ce qui est soutenu, c'est à bon droit et par des appréciations pertinentes (366 à 373 de la décision) que la cour fait siennes, que la décision a qualifié les pratiques en cause, et notamment les pratiques retenues au titre du grief n° 4 qui ont été mises en œuvre à l'occasion de marchés publics d'appels d'offres, à l'exception de ceux portant sur la maison de retraite de Ceignac, particulièrement graves ;
Considérant, en effet, que les pratiques en cause retenues au titre des griefs n° 1 et n° 4 :
- ont porté sur des marchés privés et publics d'appels d'offres ;
- ont consisté en des concertations et des échanges d'informations sur les prix proposés par les entreprises avant le dépôt des offres ;
- en ce qui concerne le seul grief n° 4, ont également eu pour objet de désigner à l'avance les attributaires des marchés concernés.
Considérant qu'il ne peut être sérieusement contesté que de telles pratiques sont particulièrement graves par nature, puisqu'elles limitent l'intensité de la pression concurrentielle à laquelle auraient été soumises les entreprises, si elles s'étaient déterminées de manière indépendante, le fondement même des appels à la concurrence résidant dans le secret dont s'entourent les entreprises intéressées pour élaborer leurs offres, chacune d'entre elles devant se trouver dans l'ignorance de la qualité de ses compétiteurs, de leurs capacités financières à proposer la meilleure prestation ou fourniture possible au prix le plus bas ;
Qu'à l'opposé, les échanges d'informations entre entreprises, lorsqu'ils sont antérieurs à la remise des plis, libèrent les compétiteurs de l'incertitude de la compétition et leur permettent d'élaborer des offres ne prenant plus en compte seulement leurs données économiques propres, mais celles, normalement confidentielles, de leurs concurrents ;
Qu'au surplus, s'agissant, en particulier, des appels d'offres lancés dans le cadre de marchés publics, tels les appels d'offres litigieux retenus au titre du grief n° 4, à l'exception de ceux portant sur la maison de retraite de Ceignac (n° 5 et 5 bis), force est de constater que, ainsi que l'observe l'autorité (point 369), le non-respect des règles de concurrence ne garantit plus à l'acheteur public la sincérité de l'appel d'offres et la bonne utilisation de l'argent public ;
Que, contrairement à ce qui est soutenu, le caractère ponctuel ou la faible durée effective de la concertation ne constituent pas un facteur d'atténuation de la gravité d'une pratique d'entente horizontale en matière de marchés publics ou privés, puisqu'un appel d'offres est par nature un marché instantané qui peut être faussé sans recourir à une entente durable et qu'il y a donc lieu de prendre en compte, pour apprécier la durée de la pratique, celle de l'exécution du marché ; qu'ainsi, il convient, en l'espèce de distinguer les pratiques retenues au titre du grief n° 1 qui portent sur des marchés de travaux groupés d'une durée d'un an de celles retenues au titre du grief n° 4 qui, si elles portent sur des marchés d'appels d'offres ponctuels, résultent d'une entente de répartition des marchés mise en œuvre pendant plusieurs mois ;
Que, par ailleurs, contrairement à ce qu'affirment les requérantes pour tenter de minimiser la gravité des pratiques et sans préjudice de l'appréciation du dommage causé à l'économie, ni la dimension locale des marchés litigieux, ni leur montant relativement peu élevé, ni l'existence d'un pouvoir de marché susceptible d'être exercé par les clients, tel EDF-GDF Services, ne peuvent justifier une pratique d'entente dans le cadre d'appels d'offres, ni remettre en question la gravité avérée des pratiques retenues à l'encontre des mises en cause ;
Qu'enfin, il n'est, ni contesté, ni contestable, que les entreprises mises en cause, notamment Spie Sud-Ouest et Ineo Réseaux Sud-Ouest, qui évoquent à plusieurs reprises, au soutien de leur recours, leur candidatures régulières aux appels d'offres, dont ceux d'EDF, sont assurément habituées à répondre à de nombreux appels d'offres et que, dans ces conditions, elles ne peuvent prétendre sérieusement ignorer le caractère illicite de leurs concertations et échanges d'informations lorsqu'elles ont soumissionné aux appels d'offres litigieux ;
Qu'ainsi la connaissance par les entreprises mises en cause du caractère illicite des pratiques commises constitue sans nul doute, ainsi que l'a décidé l'autorité, un facteur aggravant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est de principe que l'Autorité de la concurrence peut procéder à une appréciation globale de l'importance du dommage causé à l'économie par chaque pratique, dès lors qu'elle tient compte, de manière individualisée, de la situation de chaque entreprise et de sa contribution personnelle aux pratiques ;
Considérant qu'au cas d'espèce, contrairement à ce qui est allégué par les requérantes, la décision attaquée a, par des appréciations pertinentes (374 à 382) que la cour fait siennes, apprécié à sa juste mesure l'importance du dommage à l'économie provoqué par les ententes en cause ; qu'en effet, la décision a exactement pris en compte :
- la circonstance que les pratiques ont été suivies d'effets, puisque, lorsqu'ils ont été attribués, les marchés visés par les griefs n° 1 et n° 4 ont tous été dévolus aux entreprises mises en cause ;
- au regard, pour les deux griefs, du montant total des marchés en cause qui s'élève à 5 030 024 HT, des éléments pertinents, résumés dans des tableaux (point 380 de la décision) auxquels la cour se réfère expressément, portant, selon le cas, sur la date des marchés à bons de commande ou des marchés concernés, sur les chantiers en cause, sur les maître d'ouvrage et les attributaires en cause ainsi que sur le montant total facturé pour chaque pratique ;
- les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises mises en cause (chiffre d'affaires 2003 pour le grief n° 1 et 2004 pour le grief n° 4) mis en regard de celui réalisé lors du dernier exercice connu (2009 ou 2010) dans un tableau (point 381 de la décision) auquel la cour se réfère ;
Considérant que ces éléments, tels que synthétisés dans ces tableaux, suffisent à établir que, comme elle y est astreinte pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie par les ententes portant sur des marchés d'appels d'offres, l'Autorité de la concurrence qui, par ailleurs, n'est pas tenue de chiffrer précisément l'importance du dommage à l'économie, a bien ainsi pris en compte la mise en œuvre effective ou non des pratiques retenues, de leur durée, de la taille et de la position des entreprises concernées sur le secteur ainsi que du montant des marchés attribués sur lesquels ont porté les pratiques ;
Considérant, plus généralement, que le dommage à l'économie est indépendant du dommage souffert par le maître d'ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires et s'apprécie en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence ; qu'en effet, les pratiques dénoncées en l'espèce affectent le principe même de l'appel d'offres, qui repose sur la loyauté des participants et constituent, en soi, une tromperie sur la réalité de la concurrence dont elles faussent le libre jeu ;
Considérant qu'il s'infère également de ces constatations que l'éventuel défaut de profit retiré des pratiques anticoncurrentielle par les entreprises mise en cause voire une marge nette déficitaire ne sont pas de nature à minorer l'importance du dommage causé à l'économie ;
Considérant, enfin, que contrairement aux assertions des requérantes, la décision a bien tenu compte de la dimension locale des marchés concernés et, en ce qui concerne les marchés retenus au titre du grief n° 1, du pouvoir de négociation d'EDF-GDF Services comme facteur d'atténuation du dommage causé à l'économie ;
Que, cependant, et sans pour autant, ainsi que cela lui est reproché de manière inexacte, porter à nouveau, au stade de l'analyse de l'importance du dommage à l'économie, une appréciation sur la gravité des faits, la décision était en droit de nuancer son appréciation en relevant aussitôt (point 382 de la décision), que l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence, du fait notamment du risque de banalisation et d'entraînement qui peut résulter de telles pratiques, constitue néanmoins, en soi, un facteur d'aggravation du dommage à l'économie ;
Considérant, en troisième lieu, sur la situation individuelle des entreprises, que l'autorité a, tout d'abord, exactement déterminé (points 383 à 387 de la décision) le rôle joué dans les pratiques en cause par Spie Sud-Ouest et Ineo Réseaux Sud-Ouest qui ne sont pas fondées à invoquer une circonstance atténuante au regard de leur rôle de suiveur ou de franc-tireur, dès lors que ces entreprises ne démontrent pas qu'elles auraient été contraintes de participer à l'infraction ou que, alors que les marchés visés par les griefs n° 1 et 4 ayant été dévolus aux entreprises mises en cause, elles auraient adopté un comportement concurrentiel au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de la concertation ;
Considérant, ensuite, que Ineo Réseaux Sud- Ouest et Spie Sud-Ouest reprochent à tort à l'autorité d'avoir inexactement apprécié les conséquences de leur appartenance à un groupe d'envergure nationale, dès lors qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 464-2 du Code de commerce que, afin d'assurer le caractère à la fois proportionné et dissuasif de la sanction, il peut être tenu compte, au titre des éléments d'individualisation de la sanction, de l'appartenance de l'entreprise concernée à un groupe disposant d'une taille ou d'une puissance économique importante ;
Qu'en l'espèce, c'est ainsi à bon droit et sans encourir le grief de contradiction avec une prétendue absence d'imputabilité des pratiques poursuivies aux sociétés mères d'Ineo Réseaux Sud-Ouest et de Spie Sud-Ouest, que la décision a relevé (point 389) que l'appartenance de ces sociétés à un groupe dont le chiffre d'affaires est particulièrement important devait prise en compte dans la détermination de la sanction ;
Considérant, enfin, que si l'organisation de formations destinées à la sensibilisation son personnel au droit de la concurrence qui a été mise en avant par Spie Sud-Ouest au titre de l'appréciation de sa situation personnelle constitue assurément, ainsi que le relève l'Autorité de la concurrence dans ses observations, une démarche louable, il n'en demeure pas moins que l'instauration d'un programme de conformité pendant la phase préliminaire d'enquête ou la procédure d'instruction ne peut avoir d'impact sur la sanction de faits antérieurs à sa mise en cause ;
En ce qui concerne le montant des sanctions :
Considérant, sur la méthode de détermination des sanctions mises en œuvre au cas d'espèce, qu'il est rappelé que l'Autorité de la concurrence a expliqué, dans la décision, que, conformément à sa pratique décisionnelle récente, le chiffre d'affaires réalisé en France au cours de l'année pendant laquelle ont eu lieu les pratiques retenues à l'encontre de chacune des parties mises en cause a été retenu comme base pour déterminer le montant des sanctions, soit le chiffre d'affaires réalisé en 2003 pour les pratiques sanctionnées au titre du grief n° 1 et celui réalisé en 2004 pour les pratiques sanctionnées au titre du grief (point 406 de la décision) ;
Considérant que ces explications, renouvelées ensuite par l'autorité dans ses observations déposées devant la cour, suffisent à établir que, contrairement à ce que soutient Spie Sud-Ouest, l'autorité, à qui les dispositions précitées du Code de commerce n'imposent pas une assiette particulière pour la détermination du montant des sanctions, n'a pas fait une application rétroactive du communiqué du 16 mai 2011 en ne se conformant pas à l'annonce faite à titre liminaire sur la non-application de ce texte dans la présente affaire ;
Qu'en effet, il était loisible à l'autorité de rappeler, dans ses observations, que, s'agissant en l'espèce de pratiques anticoncurrentielles portant sur des appels d'offre ponctuels, la méthode, telle qu'elle ressort de sa pratique décisionnelle, qui a été appliquée dans le cadre de la présente affaire, demeure constante et, notamment, qu'elle n'a pas évolué lorsqu'elle a été explicitée et formalisée ensuite dans le cadre du communiqué du 16 mai 2011 ;
Qu'au surplus, Spie Sud-Ouest a été mise en mesure de prendre connaissance et de débattre de tous les éléments utiles sur la méthode suivie pour la détermination du montant des sanctions au regard de la pratique décisionnelle antérieure de l'autorité et, notamment, de la décision n° 11-D-02 précitée, qui ne peut être invoquée utilement par la requérante en ce qui concerne le montant du chiffre d'affaires à retenir, dès lors qu'elle ne concernait pas, à la différence de la présente espèce, des appels d'offres ponctuels ;
Considérant qu'il est rappelé que la décision explique également :
- que le montant de chaque sanction a été déterminé, à partir du chiffre d'affaires qui vient d'être défini, en fonction de la gravité des pratiques retenues à l'encontre des parties ainsi que de l'importance du dommage à l'économie et qu'elle a ensuite tenu compte des éléments d'individualisation retenus (point 407) ;
- que le montant de la sanction a, le cas échéant, été écrêté afin de ne pas excéder le montant maximal de la sanction applicable pour chacune des mises en cause ;
Considérant que, compte tenu des explications ainsi données sur la méthode de détermination des sanctions et eu égard aux éléments généraux et individuels tels qu'ils ont été appréciés ci-dessus et eu égard aux éléments du chiffre d'affaires en cause des entreprises concernées, les moyens et justificatifs avancés par les requérantes ne sont pas de nature à conduire la cour à modifier le montant des sanctions infligées par l'autorité :
- à la société Allez et Cie (points 413 et 414) ;
- à la société Ineo Réseaux Sud-Ouest (415 à 417), sauf à préciser que, pas plus que devant l'autorité, cette société ne justifie de l'existence de difficultés particulières affectant sa capacité contributive ;
- à la société Spie Sud-Ouest (418 et 419) ;
Que les recours seront rejetés ;
Par ces motifs : Rejette les recours de la société Allez et Cie, de la société Spie Sud-Ouest et de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest contre la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-D-13 du 5 octobre 2011, Condamne la société Allez et Cie, la société Spie Sud-Ouest et la société Ineo Réseaux Sud-Ouest aux dépens, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.