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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 10 mars 2011, n° 10-00300

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vag Loustalot-Barbe (SCI)

Défendeur :

Pigeon San (SARL), Nissan West Europe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lafon

Conseillers :

M. Sabron, Mme Faure

Avoués :

SCP Gautier Fonrouge, SCP Fournier, SCP Le Barazer & D'amiens

Avocats :

Mes Laly, Piot, Berland, Demange, Serreuille

TI Bordeaux, du 27 nov. 2009

27 novembre 2009

Exposé du litige

La SCI Vag Loustalot-Barbe a acquis le 30 juin 2004 un véhicule Micra de marque Nissan neuf, assorti d'une garantie commerciale de trois ans, auprès du concessionnaire local la SARL ABS Bordeaux Services ; courant 2007, la société ABS a cédé la concession Nissan à la Société Pigeon à Bordeaux.

Le 6 février 2009, la direction assistée du véhicule est tombée en panne.

Par acte d'huissier du 17 mars 2009, la SCI Vag Loustalot-Barbe a assigné la Sarl Pigeon San devant le Tribunal d'instance de Bordeaux afin d'obtenir sa condamnation, sous astreinte de 100 euro par jour d'immobilisation du véhicule, à procéder aux réparations de la direction assistée électrique ainsi que des deux sondes à oxygène ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts et de la somme de 400 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et subsidiairement l'organisation d'une expertise du véhicule.

Par acte d'huissier du 30 mai 2009, la société Pigeon San a fait assigner la société Nissan West Europe à l'effet d'être relevée indemne de toute condamnation.

Les deux affaires ont été jointes le 12 juin 2009.

Par jugement en date du 27 novembre 2009, le Tribunal d'instance a :

-débouté la SCI Vag Loustalot-Barbe de l'ensemble de ses demandes,

-débouté la société Pigeon San de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

-débouté la société Pigeon San de son appel en garantie à l'encontre de la compagnie d'assurances AGF IART,

-débouté la compagnie d'assurances AGF IART de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

-condamné la SCI Loustalot-Barbe aux dépens.

Le Tribunal d'instance a par erreur matérielle mentionné comme partie la société AGF IART au lieu de la société Nissan West Europe.

Le tribunal a considéré que le dol invoqué par la SCI était inopérant en l'espèce faute de demander la nullité de la vente, que l'extension de la garantie contractuelle n'était pas démontrée et que la garantie légale ne pouvait jouer en raison de la tardiveté de l'assignation. Il a alors estimé que l'appel en garantie de la compagnie d'assurances était donc devenu sans objet.

La SCI Loustalot-Barbe a interjeté appel de cette décision par déclaration du 15 janvier 2010 qui ne fait pas l'objet de contestation sur sa régularité. La Sarl Pigeon San est la seule intimée.

Par acte du 11 juin 2010, la société Pigeon San a formé à l'encontre de la société Nissan West Europe un appel provoqué aux motifs qu'en première instance, la société Pigeon San avait appelé en garantie la société Nissan mais que la société Pigeon étant la seule intimée, elle doit être appelée en la cause pour la relever indemne des condamnations. Cet acte a été dénoncé à la SCI Loustalot-Barbe par acte du 15 juin 2010.

Les conclusions de la SCI Vag Loustalot-Barbe en date du 13 janvier 2011 tendent à :

-voir débouter la société Nissan West Europe de ses demandes,

-voir infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-voir condamner la société Pigeon à remettre en état le véhicule dans la quinzaine de la signification du présent arrêt à peine d'une astreinte e 100 euro par jour de retard,

-voir condamner la société Pigeon San à :

-supporter les frais de dépôt du véhicule sur la base de 10 euro par jour à compter de la panne constatée le 6 février 2009,

-payer à la SCI Vag Loustalot Barbe une somme de 4 000 euro à titre de dommages-intérêts pour le refus de remise en état le 6 février 2009

-payer à la SCI Vag Loustalot-Barbe une somme de 1.800 euro par an jusqu'à la remise en état représentant la dépréciation du véhicule,

-payer à la SCI Vag Loustalot-Barbe une somme de 175 euro par mois au titre de sa privation de jouissance du véhicule depuis le 6 février 2009,

-lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

aux motifs que :

-il n'existe aucun lien de droit et/ou d'instance entre la SCI Vag Loustalot-Barbe et le constructeur Nissan West Europe

-le défaut du véhicule, en l'espèce la direction assistée, rend le véhicule Nissan impropre à sa destination depuis le 6 février 2009, qui n'est pas seulement de rouler mais aussi de procurer aux occupants et aux autres automobilistes une sécurité absolue de conduite,

-le véhicule assuré tous risques doté de 48 885 km au jour de la panne n'a pas été accidenté depuis sa sortie d'usine et le chef d'atelier de la société Pigeon n'a fait état d'aucun choc ou défaut d'entretien au cours de la révision des 40 000 km du 15 juillet 2008, conformément au devis établi,

-la garantie contractuelle expire le 30 juin 2009 et demeure acquise au demandeur,

subsidiairement :

-l'assignation a été introduite à bref délai depuis la panne soit 40 jours après,

-la garantie légale des vices cachés a pour point de départ la panne du 6 février 2009 intervenue six mois après la révision générale des quatre ans du 15 juillet 2008,

très subsidiairement :

-la panne brutale de la colonne de la direction assistée du véhicule n'ayant effectué que 29 kms par jour depuis son achat affecte un organe vital pour la sécurité des occupants et des autres automobilistes,

-le défaut de conformité défini par l'article L. 211-4 du Code de la consommation s'applique puisque la garantie du vendeur expirait le 30 juin 2009 et oblige le vendeur à remettre le véhicule en état, celui-ci étant immobilisé depuis le 6 février 2009 avec seulement 48 885 km au compteur ce qui suffit à attester qu'il n'était pas conforme au contrat,

-la dépréciation résulte de l'absence d'utilité du véhicule depuis le 6 février 2009, la panne l'empêchant de circuler.

Les conclusions de la SAS Pigeon en date du 11 janvier 2011 tendent à :

-voir confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-voir débouter la SCI Vag Loustalot-Barbe de ses demandes,

subsidiairement :

-voir condamner la société Nissan West Europe à relever indemne la société Pigeon des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

-voir condamner la SCI Vag Loustalot-Barbe au paiement d'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

aux motifs que :

-aucune garantie contractuelle étendue n'est démontrée en l'absence de contrat à cet effet,

-les dispositions de l'article 1648 ancien du Code civil sont applicables en raison de la date de souscription du contrat et l'action doit être engagée à bref délai,

-des anomalies avaient été relevées le 24 janvier 2005 et dans le courrier du 6 avril 2007, l'assignation est donc tardive,

-aucun vice inhérent au véhicule et originel n'est démontré,

-la garantie légale de défaut de conformité ne s'applique pas en raison de la date du contrat et de surcroît en raison de la prescription biennale à compter de la délivrance du bien en application de l'article L. 211-12 du Code de la consommation,

-en l'absence de garantie contractuelle, aucuns dommages-intérêts ne peuvent être alloués à la suite du refus de remise en état du véhicule,

-le préjudice invoqué résulte de la seule inertie de la SCI et la demande de 175 euro par mois au titre du préjudice de jouissance est une nouvelle prétention en cause d'appel

très subsidiairement :

-la société Nissan doit la relever indemne du fait des vices de construction.

Les conclusions de la société Nissan West Europe en date du 10 janvier 2011 tendent à :

-voir ordonner la jonction des procédures,

-voir confirmer le jugement déféré,

-voir débouter la SCI Vag Loustalot-Barbe de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Nissan West Europe,

-voir débouter la société Pigeon San de son appel en garantie,

-voir déclarer irrecevable l'action en garantie des vices cachés,

-voir déclarer irrecevable en cause d'appel la prétention nouvelle fondée sur le préjudice de jouissance,

-voir condamner la SCI Loustalot à payer à la société Nissan la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

aux motifs que :

-la SCI ne produit pas le contrat d'extension de garantie contractuelle, les dispositions de l'article L. 211-1 du Code de la consommation sont inapplicables en l'espèce,

-l'action en garantie légale des vices cachés est irrecevable, l'assignation étant tardive,

subsidiairement :

-la SCI ne rapporte pas la preuve incontestable de l'existence d'un vice caché d'une particulière gravité de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination,

-les demandes de la SCI ne sont ni fondées en leur principe, ni dans leur montant et ne présentent aucun lien de causalité direct et immédiat avec le phénomène allégué.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 janvier 2011.

Motifs

Attendu qu'il convient au préalable de procéder à la rectification de l'erreur matérielle commise dans le jugement du Tribunal d'instance de Bordeaux qui a indiqué par erreur comme partie la société AGF IART au lieu de la société Nissan West Europe dans le corps du jugement et dans le dispositif ;

Attendu que le moyen invoqué sur la présence d'un dol est abandonné en cause d'appel et qu'il convient de le constater ;

Attendu qu'il appartient à la SCI Vag Loustalot Barbe qui invoque une garantie contractuelle jusqu'au 30 juin 2009 d'établir un contrat d'extension de la garantie ; que la proposition sous forme publicitaire de la part de la société Nissan d'une extension de garantie ne peut valoir pollicitation qui l'engagerait à l'égard d'une acceptation de la part d'un souscripteur dès lors que, en l'espèce, la rencontre des volontés doit se formaliser par un contrat écrit qui précise la durée de l'extension et son coût avec production de la carte grise alors que le courrier publicitaire ne comportait aucun élément de prix et qu'elle proposait une durée variable ;

Attendu qu'aucun contrat de ce type n'est produit en l'espèce et la lettre de la SCI Vag Loustalot-Barbe en date du 6 avril 2007 n'est pas suffisante pour formaliser ce contrat en l'absence d'engagement de la part de la société Nissan et de paiement de la part de la SCI ; que le jugement qui a constaté l'absence d'extension d'une garantie contractuelle sera donc confirmé sur ce point ;

Attendu que la garantie légale des articles 1641 et suivants impose que l'action soit engagée à bref délai en application de l'article 1648 du Code civil dans sa version antérieure à la loi du 17 février 2005 du fait de la date du contrat en 2004 ;

Attendu que la SCI Vag Loustalot-Barbe faisait état de l'allumage de deux voyants fonctionnant par intermittence relatifs à la direction assistée et aux sondes à oxygène dans un courrier du 24 janvier 2005 ; qu'elle a renouvelé ce signalement le 6 avril 2007 ; que la panne invoquée en date du 11 février 2009 ne peut être considérée comme le point de départ de l'action en garantie dès lors que dès 2005 et 2007, la SCI Vag Loustalot-Barbe avait signalé l'allumage des voyants relatifs à ces deux organes sans pour autant solliciter une expertise en référé qui aurait été de nature à interrompre le délai de prescription ; qu'ainsi l'assignation diligentée par la SCI Vag Loustalot-Barbe en date du 17 mars 2009 doit être considérée comme tardive et il y a lieu de déclarer irrecevable l'action en garantie de vices cachés comme prescrite et non pas de débouter la SCI de sa demande sur ce point comme l'a fait le tribunal ;

Attendu que l'action reposant sur la délivrance d'un véhicule conforme et les dispositions de l'article L. 211-4 du Code de la consommation ne peuvent être invoquées en l'espèce ayant été introduites par la loi du 17 février 2005 dont l'article 5 prévoit qu'elle n'est applicable qu'aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur ; que le jugement qui a débouté la SCI Vag Loustalot-Barbe sera confirmé sur ce point ;

Attendu que l'action principale ne prospérant pas, l'appel en garantie de la société Nissan devient sans objet ;

Attendu que l'appel en garantie du fabricant a été rendu inévitable du fait de l'action en garantie contractuelle et en garantie légale contre le vendeur ;

Attendu qu'il sera alloué une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à chacun des intimés à la charge de l'appelant qui succombant en outre en son appel sera tenu aux dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Vag Loustalot-Barbe de son action en garantie légale des vices cachés, statuant à nouveau : Déclare irrecevable comme prescrite l'action en garantie légale des vices cachés de la SCI Vag Loustalot-Barbe, Ordonne la rectification de l'erreur matérielle dans le corps du jugement et dans le dispositif du jugement ainsi qu'il suit : au lieu de "compagnie AGF Assurances IART" inscrire "la société Nissan West Europe", Confirme pour le surplus le jugement en toutes ses dispositions, y ajoutant : Condamne la SCI Vag Loustalot-Barbe à payer à la société Pigeon San et la société Nissan West Europe la somme de 1 500 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SCI Vag Loustalot-Barbe aux entiers dépens dont distraction en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP fournier, avoué et la SCP Barazer-Damien avoué.