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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 5 avril 2013, n° 11-23378

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Marketing & Distribution (SA)

Défendeur :

Mercialys (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chandelon

Conseillers :

Mmes Saint-Schroeder, Lion

Avocats :

Mes Serra, Martin, Blin, Trombetta

T. com. Paris, du 24 sept. 2008

24 septembre 2008

La société Marketing & Distribution, agence de publicité et de conseils en communication exerçant sous l'enseigne "Cryptone" a été chargée, depuis 1998, de la politique de communication du groupe Casino.

Sa mission consistait d'une part à définir un plan d'action de communication (PAC), d'autre part à réaliser ses supports, classeur et DVD, qu'elle vendait non seulement à la société Mercialys mais également aux centres commerciaux et Galeries marchandes.

Par courrier recommandé du 28 novembre 2007, la société Mercialys indiquait à la société Marketing & Distribution qu'elle choisissait, à compter du 1er janvier 2008, un autre prestataire pour réaliser la gravure des supports de communication et qu'elle aurait recours, pour l'année 2009, à un appel d'offre pour la conception des PAC.

Analysant ce comportement comme une rupture brutale de relations commerciales établies, la société Marketing & Distribution a engagé la présente procédure par assignation à jour fixe du 11 mars 2008.

Par jugement du 24 septembre 2008, le Tribunal de commerce de Paris a retenu l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I du Code de commerce mais a limité l'indemnisation de la société Marketing & Distribution à la somme de 20 000 €, sur une demande de 328 671,20 €, au regard du peu d'ancienneté des relations, qu'elle fixait à 20 mois, et en retenant que la rupture fautive ne concernait que la gravure des supports de communication.

La juridiction consulaire rejetait la seconde demande formée par la société Marketing & Distribution tendant à l'indemnisation d'un préjudice lié à une atteinte à son image.

Par arrêt du 15 septembre 2010, la 10e chambre du pôle 5 a confirmé ce chef de débouté et a réformé le jugement pour le surplus, évaluant à 187 000 € le préjudice subi par la société Marketing & Distribution, cette somme représentant la marge brute qu'elle aurait pu retirer de la mise en œuvre du préavis de 8 mois qui s'imposait au regard de la rupture complète de relations commerciales, ininterrompues depuis 1998, retenue par la cour.

Aux termes d'un arrêt du 2 novembre 2011, la Cour de cassation a partiellement cassé cette décision, estimant qu'en allouant à la société Marketing & Distribution une indemnité au titre de la totalité des huit mois "sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Mercialys n'avait pas, en notifiant à la société Marketing & Distribution son intention de recourir à une procédure d'appel d'offres pour la conception des PAC, manifesté son intention de rupture et ainsi fait courir un préavis dont la durée devait s'imputer sur celle du préavis jugé nécessaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

La société Marketing & Distribution a saisi la cour de renvoi par déclaration en date du 29 décembre 2011.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 19 mars 2012, la société Marketing & Distribution demande à la cour de :

- fixer le préavis à 9 mois et, constatant que la rupture lui avait été notifiée avec préavis d'un mois, condamner la société Mercialys au paiement d'une indemnité de 188 000 €,

- condamner la société Mercialys à lui verser 50 000 € de dommages-intérêts au titre de la violation de son obligation d'exclusivité et de l'atteinte portée à son image,

- condamner la société Mercialys à lui verser 20 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 16 avril 2012, la société Mercialys demande principalement à la cour de :

- dire satisfactoire le préavis de six mois observé et débouter la société Marketing & Distribution de ses demandes,

- condamner la société Marketing & Distribution au paiement d'une indemnité de 20 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que la Cour de cassation a cassé la seule disposition de l'arrêt relative au montant des dommages-intérêts alloués au motif que la cour d'appel n'avait pas recherché si la notification par la société Mercialys de son intention de recourir à un appel d'offre ne constituait pas le point de départ du préavis dont la durée devait s'imputer sur celle du préavis jugé nécessaire ;

Considérant que le débat devant la cour de renvoi est en conséquence limité à la durée du préavis effectivement donné et non à celui jugé nécessaire, d'une durée de huit mois que n'a pas remis en cause la décision du 15 septembre 2010 ;

Considérant en conséquence que la société Marketing & Distribution ne peut prétendre bénéficier d'un préavis de 9 mois ni la société Mercialys le voir réduire à 6 ;

Considérant que si la société Mercialys est en droit de discuter la durée du préavis effectivement accordé, elle ne saurait déduire de la circonstance que la conception des PAC, pour une année n, se fait en mai ou juin de l'année n-1, qu'elle a accordé un délai de six mois à la prestataire ;

Considérant que par courrier du 28 novembre 2007 la société Mercialys a non seulement retiré à l'appelante, à compter du 1er janvier 2008, la réalisation des supports mais précisé qu'elle aurait recours à un appel d'offres pour la réalisation de sa campagne publicitaire de l'année 2009, manifestant ainsi son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures ;

Et considérant qu'il ne s'est pas écoulé six mois entre le courrier du 28 novembre 2007 et le lancement de l'appel d'offre, intervenu le 8 février 2008, tandis que l'intimée ne saurait tirer aucune conséquence de droit du fait qu'elle ne valide qu'en mai ou juin la campagne publicitaire proposée pour l'année suivante, aux termes d'un travail de conception nécessairement antérieur ;

Considérant que la société Marketing & Distribution ne contestant pas avoir bénéficié d'un préavis d'un mois, il convient de lui allouer le montant de la marge brute perdue sur ses deux types de prestation pendant sept mois d'un montant, justifié par les pièces produites, de 164 531 € ;

Considérant que la société Marketing & Distribution n'ayant pas formé de pourvoi concernant le rejet de ses demandes fondées sur la violation par l'intimée de son obligation d'exclusivité et l'atteinte portée à son image, l'arrêt du 27 septembre 2010 est irrévocable de ces chefs et sa demande irrecevable ;

Considérant qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Mercialys au paiement d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué une indemnité de 20 000 € au titre de la rupture des relations commerciales ; Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société Mercialys à payer à la société Marketing & Distribution la somme de 164 531 € de dommages-intérêts ; Condamne la société Mercialys à payer à la société Marketing & Distribution la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette les autres demandes ; Condamne la société Mercialys aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.