CA Paris, 4e ch., 16 décembre 2009, n° 08-04843
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société suisse d'Assurances Générales sur la Vie Humaine (SA)
Défendeur :
Callegari Berville Grey (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fevre
Conseillers :
MM. Roche, Birolleau
Avoués :
SCP Oudinot, Flauraud, SCP Baufume-Galland-Vignes
Avocats :
Mes Greffe, Ennochi
Vu l'appel interjeté par la SA de droit suisse Société suisse d'Assurances Générales sur la Vie Humaine à l'encontre du jugement rendu le 4 février 2008 par le Tribunal de commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à l'agence de conseil en publicité Callegari Berville Grey les sommes de 421 225,66 euros correspondant à ses honoraires de 2005, de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire ;
Vu les dernières conclusions enregistrées le 27 octobre 2009 de la Société suisse d'Assurances Générales sur la Vie Humaine , exerçant sous le nom commercial de Swisslife Assurance et Retraite (Swisslife) qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter Callegari de ses demandes, de dire en tout cas irrecevable comme nouvelle la demande de condamnation complémentaire à hauteur de 141 328,93 euros, et de condamner Callegari à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement entrepris avec intérêts à compter de leur règlement et à lui payer les sommes de 100 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions enregistrées le 26 octobre 2009 de la SAS Callegari Berville Grey qui demande à la cour de confirmer le jugement, et, y ajoutant, de condamner Swisslife à lui payer une somme complémentaire de 141.328,93 euros au titre des honoraires de septembre à décembre 2005 ainsi que la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que, par lettres des 7 et 23 juin 1999, applicables jusqu'au 31 décembre 2002, Swisslife a confié à la société de conseil en publicité Callegari Berville Grey la gestion de son budget de publicité, la convention organisant le parrainage par Swisslife de bulletins météo sur la chaîne de télévision TF1 ; que, par avenant du 5 juin 2003, applicable pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003, il a été convenu qu'à compter du 1er janvier 2003, Swisslife verserait à Callegari d'une part, "au titre des missions de conception et conseil media relatives au sponsoring de la Météo week-end sur TF1, une commission de 8 % du montant des investissements média bruts négociés - cette commission incluant la rémunération de la centrale d'achat d'espace - plafonnée à 350 000 euros TTC pour 2004", d'autre part "en sus de cette commission, et durant la validité de l'avenant, une somme équivalente à 15 % des sommes économisées sur les montants d'achats d'espaces Sponsoring Météo Week-end TF1, grâce aux efforts de négociation déployés par l'Agence pour réduire le coût du contrat TF1, soit par revente, soit par renégociation" ; que, par avenant du 29 septembre 2003, le même dispositif a été retenu pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 ; que Callegari a réclamé à Swisslife, selon factures des 24 février, 17 mars, 15 avril, 4 mai, 6 juin et 18 juillet 2005, le paiement des sommes de 138 548,66 euros au titre de sa mission de conseil, et, par factures des 4 mai, 6 juin, 18 juillet et 4 août 2005, de 282 677 euros à titre de commission sur les économies réalisées sur le Sponsoring Météo TF1, soit au total la somme de 421 225,66 euros ; que, le 6 janvier 2006, Callegari a assigné Swisslife devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement de cette somme ;
Considérant que Swisslife soutient d'une part qu'aucun contrat n'ayant été signé avec le conseil en publicité au titre de l'année 2005, ce dernier ne saurait percevoir une rémunération supérieure à 3 % du montant de l'achat d'espace de 1 381 633 euros HT et ne peut non plus prétendre au versement d'une commission de 15 % dépourvue de la moindre contrepartie ; que Callegari réplique que ses factures de 2005 n'ont à aucun moment été contestées par l'annonceur ;
Considérant qu'il n'est contestable ni que les relations commerciales de Swisslife et de Callegari se sont poursuivies en 2005 - la lettre du 22 juin 2005 par laquelle Swisslife a notifié à Callegari la rupture des relations commerciales faisant état d'une cessation de toute collaboration à compter du 1er janvier 2006 - ni que, dans ce cadre, des prestations ont été commandées par l'annonceur selon devis d'achat d'espace "Météo week-end TF1 2005" en date du 8 juillet 2004 signé par chacune des parties pour huit mois (janvier à avril et septembre à décembre), ni que des prestations ont été exécutées par Callegari ; que toutefois aucun accord n'est intervenu entre les parties sur les conditions de rémunération de l'agent au titre de 2005 ainsi que cela ressort des propositions de Callegari présentées pour la première le 21 août 2004 pour un montant de 562 487 euros TTC, pour la seconde le 7 janvier 2005 à hauteur de 348 220 euros TTC et de l'absence d'accord de Swisslife qui par courriel du 12 janvier 2005 a informé Callegari qu'il convenait de poursuivre l'étude du dossier, puis, par un nouveau courriel du 22 juin 2005, a confirmé son désaccord sur les propositions de l'agent; que les prestations réalisées par ce dernier n'en doivent pas moins être rémunérées ;
Considérant que le dernier accord entre les parties auquel la cour peut se référer pour déterminer le montant de cette rémunération est celui conclu au titre de l'année 2004, prévoyant - comme cela avait été le cas en 2003 - le versement à l'agent d'une part, au titre des missions de conception et de conseil, d'une commission de 8 % des investissements média bruts, d'autre part de 15 % des sommes économisées sur les montants d'achats d'espaces ;
Sur les commissions dues au titre de la mission de conception et de conseil
Considérant, sur l'assiette des commissions réclamées, que le montant des investissements média bruts négociés était, aux termes de la commande passée le 8 juillet 2004, de 2 924.433,20 euros HT ; que l'assiette retenue par l'intimée au soutien de sa demande s'élève à 1 457 614,20 euros (382 836 euros HT au titre de janvier 2005 + 328 202,15 euros HT au titre de février 2005 + 318 074 euros HT au titre de mars 2005 + 362 803 euros HT au titre d'avril 2005 + 47 153 euros HT au titre de mai
2005 + 12 364 euros HT au titre de juin 2005 + 6 182 euros HT au titre de juillet 2005) ; que, la commande du 8 juillet 2004 n'incluant pas, pour le 1er semestre de 2005, les mois de mai à juillet, la cour retiendra comme assiette, pour la période de janvier à avril 2005, la somme de 1.381.633 euros HT proposée par l'appelante ; qu'en ce qui concerne la demande présentée au titre des mois de septembre à décembre 2005, la cour la dira recevable dès lors qu'elle le même fondement et le même objet que la demande originaire, qu'elle se trouvait en germe dans la demande initiale, qu'elle s'inscrivait dans la logique des prétentions de Callegari et qu'elle est dès lors le complément de cette demande au sens de l'article 566 du Code de procédure civile ; que sera donc incluse dans l'assiette des commissions, pour la période de septembre à décembre 2005, la somme de 1 477 102 euros ;
Considérant, sur le taux des commissions, que l'appelante se borne à faire état de son désaccord à l'application du taux de 8 % et n'invoque aucun élément propre à démontrer son caractère excessif ; que ce taux n'apparaît disproportionné au regard ni des prestations exécutées, ni de la rémunération jusqu'alors allouée à l'agent ; qu'en conséquence, la cour fera application du taux de 8 % et allouera à Callegari la somme de 273 523,58 euros TTC au titre de sa mission de conception et de conseil ;
Sur les commissions applicables aux économies réalisées au titre du sponsoring
Considérant que l'intimée ne produit aucun élément propre à établir l'assiette de la rémunération - constituée par la différence entre le sponsoring annuel initialement acheté par Swisslife et le sponsoring total - demandée à ce titre ; qu'elle ne démontre à cet égard ni la réalité d'économies procurées à TF1 par la revente de sponsoring, ni à supposer que ces économies aient été réalisées, la période et le montant concernés ; que la cour infirmera le jugement de ce chef et déboutera Callegari de sa demande ;
Sur la demande de dommages et intérêts
Considérant que l'intimée ne rapporte pas la preuve d'un préjudice autre que celui indemnisé par les sommes allouées en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la cour la déboutera de sa demande de ce chef et infirmera en ce sens le jugement ;
Considérant que le jugement sera confirmé sur la condamnation au titre des frais irrépétibles et sur les dépens de première instance ; qu'en cause d'appel, l'équité commande de condamner Swisslife à payer à Callegari la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Infirme le jugement sauf sur la condamnation au titre des frais irrépétibles et sur les dépens de première instance. Statuant à nouveau. Condamne la SA de droit suisse Société suisse d'Assurances Générales sur la Vie Humaine à payer à la SAS Callegari Berville Grey les sommes de 273 523,58 euros et de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. Déboute la SAS Callegari Berville Grey du surplus de ses demandes. Condamne la SA de droit suisse Société suisse d'Assurances Générales sur la Vie Humaine aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.