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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 9 juin 2011, n° 08-02086

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Grand Garage de la Meuse (SAS)

Défendeur :

De Michele

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

MM. Magnin, Martin

Avoués :

SCP Barbara Vasseur, SCP Alain Chardon & Lucile Navrez

Avocats :

Mes Bourel, Bienfait

TI Verdun, du 2 juin 2008

2 juin 2008

Par acte du 14 septembre 2006, M. Olivier De Michele a assigné devant le Tribunal d'instance de Verdun la Sas Grand Garage de la Meuse aux fins :

- de voir prononcer la résolution du contrat de vente intervenu entre les parties le 12 août 2005 portant sur un véhicule de marque Seat type Cordoba,

- condamner la défenderesse à lui rembourser la somme de 6 900 euros correspondant au prix de vente ainsi que les sommes de 150 euros au titre de la carte grise, 396,56 euros correspondant à la réparation effectuée sur le véhicule en décembre 2005 et 1 500 euros au titre de la privation de jouissance.

Le demandeur qui a sollicité en outre une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, a sollicité à titre subsidiaire, l'organisation d'une mesure d'expertise technique.

Il a exposé que le véhicule qui affichait un kilométrage de 132 140 kilomètres a été vendu pour le prix de 6 900 euros avec une garantie contractuelle de 6 mois portant sur les organes de suspension, de direction, de freinage, d'éclairage et les pneumatiques ; que dès le début du mois de janvier 2006, le véhicule a présenté une défectuosité au niveau du différentiel de la boîte de vitesses ; que le garage a refusé de prendre la réparation au titre de la garantie et lui a adressé un devis de 2 673,89 euros.

Il a contesté avoir utilisé son véhicule comme un véhicule tout terrain ou dans le cadre de sa profession d'agent ONF ainsi que la valeur probante du témoignage produit par la défenderesse délivré par son salarié.

Il a fondé ses prétentions sur la garantie des vices cachés telle qu'elle résulte des articles 1641 et suivants du Code civil ainsi que sur la garantie instituée par l'article L. 211-1 du Code de la consommation à compter de la délivrance de la chose et présumant l'existence de vices cachés.

La Sas Grand Garage de la Meuse a conclu au rejet de la demande et sollicité reconventionnellement la condamnation de M. De Michele à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à lui verser une somme de 15 euros par jour au titre des frais de gardiennage à compter du dépôt de l'automobile au garage jusqu'à son enlèvement.

Elle a rappelé que les conditions générales de vente jointes à la commande et que le demandeur a déclaré accepter, prévoient une clause d'exclusion de garantie concernant les frais occasionnés par l'entretien courant du véhicule ou résultant d'un non-respect des prescriptions du constructeur, d'une faute, ou d'une négligence ; qu'or, en l'espèce, M. De Michele a fait un usage anormal du véhicule litigieux, en roulant dans les bois où il s'est trouvé embourbé dans une ornière, cassant, en essayant d'en sortir, le différentiel de la boîte de vitesses ainsi qu'il ressort de l'attestation du chef d'atelier, M. Renaud ; que la garantie contractuelle ne peut donc jouer et que rien ne permet de soutenir que la garantie légale des vices cachés pourrait être mise en œuvre.

Par jugement en date du 2 juin 2008, le tribunal a débouté M. Olivier De Michele de ses demandes, débouté la Sas Grand Garage de la Meuse de ses prétentions, condamné M. De Michele aux dépens et au paiement d'une indemnité de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le premier juge a énoncé que la garantie contractuelle ne peut jouer dès lors qu'elle couvre l'échange ou la remise en état d'éléments de sécurité du véhicule dont la boîte de vitesses ne fait pas partie ; que la preuve n'est pas rapportée de vices cachés ; que la Sas Grand Garage de la Meuse ne justifie pas de ses demandes reconventionnelles.

Suivant déclaration reçue le 15 juillet 2008, M. Olivier De Michele a régulièrement relevé appel de ce jugement.

La Sas Grand Garage de la Meuse a également formé appel le 30 juillet 2008.

Les deux procédures ont été jointes.

Dans ses dernières écritures déposées le 11 juin 2010, M. De Michele a conclu comme suit :

- déclarer recevable et bien fondé son appel, rejeter l'appel incident de la Sas Grand Garage de la Meuse,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes mais le confirmer en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la Sas Grand Garage de la Meuse.

Il a demandé à la cour, sur son appel principal, vu les articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation :

de dire et juger que le véhicule litigieux n'est pas conforme au contrat au sens de l'article L. 211-5,

dire et juger que cette non-conformité est présumée avoir existé dès la délivrance du bien,

constater que la solution de réparation n'a pu être mise en œuvre dans le délai d'un mois à compter de la mise en demeure du 30 janvier 2006,

en conséquence, prononcer la résolution du contrat de vente,

condamner la Sas Grand Garage de la Meuse à lui payer les sommes suivantes :

6 900 euros en restitution du prix,

150 euros au titre de la carte grise,

369,56 euros au titre de la réparation effectuée en décembre 2005,

1 500 euros au titre de la privation de jouissance,

- subsidiairement, ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer la nature de la panne intervenue sur le véhicule litigieux et dire s'il s'agissait d'un vice caché.

M. De Michele a fait valoir, à l'appui de sa demande fondée sur la garantie légale de conformité instituée par les articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation, que la défaillance de la boîte de vitesses est apparue dans le délai de six mois à compter de la délivrance ; que ce défaut rend le véhicule impropre à l'usage qui en est habituellement attendu, cette non-conformité, qu'il ignorait lors de l'acquisition, étant présumée avoir existé dès la délivrance.

Il a contesté avoir fait un usage anormal du véhicule, à l'origine, selon l'intimée, de la défaillance de la boîte de vitesses ainsi que la valeur probante des attestations délivrée par M. Renaud, non conformes aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile et manifestement établies pour les besoins de la cause et s'est prévalu, pour sa part, des attestations de Messieurs Sposito et Henry qui témoignent qu'il se limitait à une circulation sur des voies praticables.

M. De Michele a prétendu par ailleurs que, la réparation du véhicule quatre ans après son immobilisation étant de nature à présenter un inconvénient majeur, il est fondé à solliciter le remboursement du prix contre la restitution du véhicule ainsi que l'indemnisation des frais engagés et des préjudices subis.

A titre subsidiaire, il a fondé ses prétentions sur la garantie des vices cachés telle qu'instituée par les articles 1641 et suivants du Code civil.

Sur l'appel incident formé par la Sas Grand Garage de la Meuse, il a demandé à la cour :

de dire et juger qu'il n'est pas tenu au paiement des frais de gardiennage,

dire et juger que la procédure qu'il a engagée n'est pas abusive,

débouter la Sas Grand Garage de la Meuse de ses prétentions.

Il a sollicité, en tout état de cause, la condamnation de la Sas Grand Garage de la Meuse à lui payer les sommes de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La Sas Grand Garage de la Meuse a conclu au rejet de l'appel de M. De Michele et formé un appel incident aux fins de l'entendre condamner à lui verser 15 euros par jour au titre des frais de gardiennage à compter du jour du dépôt du véhicule au garage soit à compter du 9 décembre 2005 jusqu'à son enlèvement. Elle a sollicité par ailleurs 1 000 euros pour procédure abusive et 750 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Sas Grand Garage de la Meuse a maintenu qu'ainsi qu'il ressort de l'attestation de M. Renaud chef d'atelier, parfaitement conforme aux dispositions légales, M. De Michele, qui exerce la profession de bûcheron, a utilisé le véhicule dans le cadre de son activité professionnelle sur les chemins forestiers et que la défaillance de la boîte de vitesses est imputable à cet usage anormal, ce qui exclut tant la garantie contractuelle que la garantie légale.

L'intimée a ajouté que l'article L. 211-4 et suivant du Code de la consommation ne peut trouver application, le véhicule ne présentant aucune non-conformité lors de sa délivrance ; que la preuve n'est pas rapportée d'un vice caché permettant la mise en œuvre des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil ; que le véhicule étant entreposé dans son garage depuis janvier 2006, il est fondé à réclamer des frais de gardiennage.

Sur ce :

Vu les dernières écritures déposées le 11 juin 2010 par M. De Michele et le 12 octobre 2010 par la Sas Grand Garage de la Meuse, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu, suivant l'article L. 211-4 du Code de la consommation dont les dispositions sont invoquées à titre principal, par M. De Michele, que 'le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance', l'article L. 211-5 précisant que pour être conforme au contrat, le bien doit notamment 'être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable' et l'article L. 211-7 que 'les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance' ; qu'il résulte par ailleurs de l'article L. 211-12 que l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien ;

Attendu que la garantie légale de conformité instituée par ces textes, qui suppose l'existence d'un défaut de conformité au contrat, lequel recouvre, dans une vision élargie de la conformité, tant les vices cachés que les manquements à l'obligation de délivrance conforme, concerne tous les contrats de vente de meubles corporels, qu'ils soient neufs ou d'occasion, conclus entre un professionnel et un consommateur ;

Attendu qu'il résulte en l'espèce des courriers échangés entre les parties en janvier et février 2006, que le véhicule de marque Seat acquis le 12 août 2005 par M. De Michele auprès de la Sas Grand Garage de la Meuse a présenté au début du mois de janvier 2006 une défaillance au niveau du différentiel de la boîte de vitesses ;

Que la Sas Grand Garage de la Meuse a refusé de prendre en charge le coût de la réparation chiffrée suivant devis du 20 janvier 2006 à la somme de 2 673,59 euros ;

Attendu qu'il est constant que du fait de ce défaut, qui est apparu dans le délai de six mois à compter de la délivrance du véhicule, le véhicule litigieux n'apparaît pas conforme à l'usage auquel il est normalement destiné ;

Qu'il appartient au garagiste de rapporter la preuve que ce défaut n'existait pas au moment de la vente ;

Attendu que la Sas Grand Garage de la Meuse qui soutient que la défaillance du différentiel de la boîte de vitesse est apparue suite à une utilisation inappropriée par l'acquéreur, qui exerce la profession de bûcheron, produit l'attestation de son chef d'atelier, M. Franck Renaud, aux termes de laquelle celui-ci relate que lors de la réparation du carter (intervenue en décembre 2005), M. De Michele a indiqué qu'il roulait dans des chemins peu praticables et que c'est à l'occasion d'une telle circulation qu'il avait arraché le carter ; que par la suite, il a déposé le véhicule, après l'avoir personnellement remorqué ; que le témoin précise que 'à l'examen du véhicule, il apparaît évident que la boîte a cassé manifestement parce que le différentiel n'a tourné que d'un côté pendant une trop longue durée, ce qui entraîne un risque d'éclatement du roulement puis du différentiel ; pour que le différentiel tourne ainsi dans le vide, jusqu'à problème technique, cela peut être dû au fait que la voiture était embourbée" ; qu'il ajoute que "vu l'état du véhicule au bout de six mois, alors qu'il était impeccable en sortant du garage, on se doute bien qu'il s'agit des conséquences d'un accident dans les bois" ;

Attendu que si ce témoignage est conforme aux prescriptions des articles 202 et suivants du Code de procédure civile, il ne suffit pas à établir, pas plus que les photographies de l'intérieur du véhicule, que la défaillance du différentiel de la boîte de vitesses est due à une utilisation anormale du véhicule dans les forêts, ce que M. De Michele conteste formellement, en se prévalant des attestations de Messieurs Spisoto et Henry, selon lesquelles "il n'utilise pas son véhicule dans les bois mais uniquement sur les chemins praticables comme les agents ONF et toute personne travaillant en forêt", étant observé la relative valeur probante de toutes ces attestations, rédigées par les salariés des deux parties ;

Attendu que l'action en garantie, régulièrement engagée par M. De Michele dans le délai de deux ans à compter de la délivrance, conformément à l'article L. 211-12 du Code de la consommation, est parfaitement fondée dès lors que la Sas Grand Garage de la Meuse, qui n'a jamais demandé qu'il soit procédé à une mesure d'expertise technique, ne rapporte pas la preuve que le défaut n'a affecté le véhicule que postérieurement à la vente ;

Attendu suivant l'article L. 211-9 du Code de la consommation, que le défaut de conformité ouvre droit, au choix de l'acheteur entre la réparation et le remplacement du bien ; que toutefois, l'article L. 211-10 donne la faculté à l'acquéreur de rendre la chose et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix, " si la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles " (alinéa 1er) ou " si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 211-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche " (alinéa 2), étant précisé à l'alinéa 3 que la résolution du contrat ne pourra être prononcée si le défaut de conformité est mineur ;

Attendu, étant observé d'une part que le vendeur n'a pas, dans le délai d'un mois, fait effectuer à ses frais la réparation ainsi que le demandait M. De Michele initialement, d'autre part que la réparation serait de nature à présenter pour celui-ci un inconvénient majeur, compte tenu de l'immobilisation du véhicule depuis 5 années dans un garage, enfin, que le défaut n'est pas un défaut mineur puisque sa réparation s'élevait suivant devis du 20 janvier 2006 à la somme de 2 673 euros alors que le prix de vente du véhicule était de 6 900 euros quelques mois auparavant, qu'il échet de faire droit à la demande de M. De Michele en ce qu'elle tend à la résolution du contrat de vente et à la restitution du prix contre remise du véhicule ;

Attendu étant rappelé que suivant l'article L. 211-11, la mise en œuvre des droits a lieu sans frais pour l'acheteur qu'il échet de condamner la Sas Grand Garage de la Meuse à lui rembourser en outre le coût de la carte grise, soit la somme de 150 euros au titre de la carte grise ainsi que celle de 369,56 euros correspondant à la réparation effectuée sur le véhicule en décembre 2005 ;

Qu'il convient, pour ce même motif, de débouter la Sas Grand Garage de la Meuse de sa demande reconventionnelle tendant au paiement de frais de gardiennage du véhicule entreposé dans ses locaux ;

Qu'il n'y a pas lieu en revanche de faire droit à la demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance formée par M. De Michele ; qu'il sera rappelé que si l'allocation de dommages-intérêts au profit de l'acheteur n'est pas exclue par l'article L. 211-11 précité, elle relève en revanche de la responsabilité contractuelle du vendeur et suppose que soit rapportée la preuve qu'il a manqué à l'une de ses obligations et que ce manquement est en relation avec le préjudice allégué ;

Or attendu que M. De Michele n'établit ni même n'allègue l'existence d'une faute commise par la Sas Grand Garage de la Meuse ;

Attendu par ailleurs que les éléments du dossier ne permettent pas de qualifier d'abusive la résistance opposée par la Sas Grand Garage de la Meuse, étant observé que la thèse défendue par M. De Michele avait été rejetée par le premier juge ;

Attendu qu'eu égard à l'issue du litige, la Sas Grand Garage de la Meuse sera déboutée de sa demande sur ce même fondement ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamnée aux entiers dépens ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit M. Olivier De Michele et la Sas Grand Garage de la Meuse en leur appel contre le jugement rendu le 2 juin 2008 par le Tribunal d'instance de Verdun ; Confirme ce jugement en ce qu'il a débouté la Sas Grand Garage de la Meuse de l'ensemble ses demandes ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Prononce la résolution de la vente intervenue entre les parties le 12 août 2005 portant sur le véhicule de marque Seat type Cordoba immatriculé 4163 RH 55 ; Condamne la Sas Grand Garage de la Meuse à payer à M. De Michele les sommes de : - six mille neuf cents euros (6 900 euros) au titre de la restitution du prix de vente, - cinq cent dix-neuf euros et cinquante-six centimes (519,56 euros) au titre des frais exposés par l'acquéreur ; Déboute M. De Michele de ses demandes de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et pour résistance abusive ; Condamne la Sas Grand Garage de la Meuse à payer à M. De Michele une indemnité de mille deux cents euros ( 1 200 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la Sas Grand Garage de la Meuse aux dépens de première instance et d'appel et autorise la Scp Chardon & Navrez, avoués associés, à faire application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.