CA Rennes, 1re ch. B, 27 mars 2008, n° 07-03298
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Banque Solfea (SA)
Défendeur :
Fédération du Logement de la Consommation et de l'Environnement d'Ille et Vilaine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Simonnot
Conseillers :
Mme Nivelle, M. Gimonet
Avoués :
SCP Bazille & Genicon, SCP Gauvain & Demidoff
Avocats :
Mes Parlange, Sevestre
Par jugement contradictoire du 21 mai 2007, le Tribunal d'instance de Rennes, qui avait été saisi par la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine (FLCE 35) d'une demande tendant à voir déclarer illicites et abusives des clauses insérées à l'offre préalable de crédit référencée OPC.AV.08/2006 distribuée par la banque Solfea, a :
- déclaré illicites et abusives :
. la clause du point 4 du paragraphe "Conditions particulières" qui prévoit que le remboursement par anticipation du prêt est subordonné au respect par l'emprunteur d'un préavis d'un mois,
. la clause du point 5 du même paragraphe qui stipule la déchéance du terme en cas de renseignements confidentiels inexacts et de décès de l'emprunteur non couvert par l'assurance,
- ordonné la cessation immédiate de la diffusion de ladite offre préalable à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 par manquement constaté,
- ordonné une mesure de publication judiciaire sous astreinte,
- dit que le tribunal se réservait la liquidation des astreintes,
- condamné la banque Solfea à payer à la FLCE 35 la somme de 5 000 à titre de dommages-intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la banque Solfea à payer à la FLCE 35 la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
Appelante, la banque Solfea conclut, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 3 décembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses moyens, à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes de la FLCE 35, subsidiairement, au rejet de la demande de publication judiciaire et de la demande de dommages-intérêts. En tout état de cause, elle sollicite 3 000 par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La FLCE 35 conclut, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 29 août 2007 auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses moyens, à la confirmation du jugement, au rejet des demandes de la banque Solfea et à sa condamnation à lui payer 2 000 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 20 décembre 2007.
Discussion et motifs de la décision
a) sur le remboursement par anticipation
Que la banque Solfea conteste que la clause 4 ainsi libellée :
"Le remboursement par anticipation visé à l'article 5c) des conditions générales ci-dessus est possible moyennant le préavis d'un mois adressé par courrier. De plus, le montant total du remboursement prévu au 5c) ci-dessus sera majoré de tous intérêts échus et non réglés et des primes d'assurances dues à la date du remboursement"
soit illicite et abusive ; qu'elle considère que le délai d'un mois n'est prévu que pour répondre à des contraintes matérielles découlant du temps nécessaire au dénouement de l'opération, comprenant le temps nécessaire à la réception de la notification de la décision de remboursement anticipé, de l'envoi de sa réponse de la banque, de la réception du chèque de règlement par le consommateur et l'encaissement du chèque par l'intermédiaire d'une banque correspondante car elle n'est pas banque compensatrice, ainsi qu'à des contraintes techniques en cas de demande de remboursement reçue moins de sept jours avant l'échéance puisqu'elle remet douze jours à l'avance à sa banque correspondante ses demandes de prélèvement ;
Que l'article L. 311-29 du Code de la consommation décide que l'emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, sans indemnité, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été accordé ;
Que si aucun délai de prévenance ne figure sur les modèles types annexés à l'article R. 311-6 du Code de la consommation, il demeure possible d'ajouter aux modèles types d'autres clauses à la condition toutefois qu'elles n'aient pas pour objet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
Que si la FLCE 35 soutient que des établissements financiers sont en mesure de faire droit immédiatement à une demande de remboursement anticipé total, force est de constater qu'elle ne produit au soutien de ses allégations qu'une seule offre de prêt et que cette offre, si elle précise bien que le remboursement peut intervenir à tout moment, prévoit qu'un complément d'échéance (intérêts et assurance Dit - si celle-ci a été souscrite) sera dû pour la période comprise entre la date de la dernière échéance payée et la date de remboursement", ce qui montre bien que la demande de remboursement anticipé n'est pas prise en compte au jour où elle est formalisée ;
Que le préavis alourdit la charge de remboursement de l'emprunteur qui doit continuer à payer des intérêts pendant un mois ; que toutefois, la réalisation des opérations de liquidation du contrat nécessite l'écoulement d'un certain laps de temps ;
Qu'au regard de ces considérations, la fixation d'un délai de préavis d'un mois ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
Que cette clause n'est pas abusive, le jugement étant infirmé en ce sens ;
b) sur la clause d'exigibilité anticipée
Que la banque Solfea estime que la clause d'exigibilité anticipée ainsi libellée :
"5) le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital dû, majoré des intérêts échus mais non payés conformément à l'article 5 d) des conditions générales ci-dessus, dans les cas suivants :
- non-paiement à bonne date de toute somme due au titre du présent contrat,
- renseignements confidentiels inexacts,
- décès de l'emprunteur non couvert par l'assurance" ;
n'est pas abusive ;
Qu'elle soutient d'abord qu'elle a cherché à se prémunir contre la défaillance d'un emprunteur qui lui aurait dissimulé des informations confidentielles qui lui permettent d'apprécier sa solvabilité et le risque qu'il représente ;
Mais considérant que la stipulation de la déchéance du terme en cas de fourniture de renseignements confidentiels inexacts est, de par son imprécision, abusive puisqu'elle ne spécifie pas les renseignements confidentiels auxquels le prêteur attribue un caractère substantiel, créant un déséquilibre significatif au préjudice de l'emprunteur, exposé à une résiliation du contrat en cas de fourniture d'un renseignement inexact sans incidence sur l'appréciation du risque de défaillance ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que cette clause était abusive ;
Que, s'agissant de la résiliation en cas de décès de l'emprunteur, la banque Solfea fait valoir que le contrat est nécessairement conclu en considération de la personne de l'emprunteur et donc de sa situation patrimoniale et professionnelle ;
Que la cour considère que la clause stipulant la résiliation du contrat en cas de décès d'un emprunteur non couvert par une assurance ne revêt aucun caractère abusif eu égard à la nature du contrat, conclu en contemplation de la situation personnelle de l'emprunteur, étant relevé qu'aucune pénalité n'est imposée aux héritiers de l'emprunteur décédé, le jugement étant infirmé sur ce point ;
Qu'il est admis par la FLCE 35 que la stipulation de la déchéance du terme en cas de défaut de paiement est licite et non abusive ;
c) sur les autres demandes
Que la stipulation de clauses abusives constitue en elle-même une faute de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ;
Que, dès lors que le contrat comporte une clause abusive, la conclusion du contrat a porté atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs dont la FLCE 35 assure la défense ;
Que, seule une clause étant attentatoire à l'intérêt collectif des consommateurs, le montant des dommages-intérêts sera ramené à 3 000 ;
Que c'est à juste titre que le premier juge a ordonné une mesure de publication judiciaire qui est de nature à assurer une parfaite information des consommateurs ;
Que, toutefois, le communiqué ne doit faire mention comme clause abusive que de la clause de l'article 5 des conditions générales permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme en cas de renseignements confidentiels inexacts ;
Que l'indemnité allouée par le premier juge au titre de l'article 700 du Code de procédure civile était justifiée et sera confirmée ;
Qu'en indemnisation des frais irrépétibles exposés devant la cour, il y a lieu d'accorder à la FLCE 35 une somme de 1 500 ;
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirmant partiellement le jugement déféré, Déboute la FLCE 35 de sa demande tendant à voir déclarer illicites et abusives : la clause du point 4 prévoyant que le remboursement par anticipation est subordonné au respect par l'emprunteur d'un délai d'un mois, la clause du point 5 prononçant la déchéance du terme en cas de décès de l'emprunteur, stipulées sous le titre "Conditions particulières" de l'offre de crédit émanant de la banque Solféa référencée OPC .AV. 08/2006, Dit que le communiqué judiciaire ne doit faire mention que du caractère abusif et illicite de la clause du point 5 relative à la fourniture de renseignements confidentiels inexacts, Condanme la banque Solfea à payer à la FLCE 35 la somme de 3 000 à titre de dommages-intérêts, Confirme le jugement pour le surplus, Et y ajoutant, Condamne la banque Solfea à payer à la FLCE 35 une somme de 1 500 au titre des frais irrépétibles d'appel, La condamne également aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Gauvain-Demidoff, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.