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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ. B, 2 juillet 2009, n° 08-06424

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AST Groupe (SA)

Défendeur :

Planet Voile (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flise

Conseillers :

Mme Devalette, M. Maunier

Avoués :

SCP Ligier De Mauroy- Ligier, SCP Baufume-Sourbe

Avocats :

SCP Delrue & Boyer, Mes Bouzerda, Boumediene

T. com. Lyon, du 2 sept. 2008

2 septembre 2008

Le 22 décembre 2006, la société AST Groupe qui a pour activité la construction de maisons individuelles a signé avec la société Planet Voile un contrat de sponsoring pour les saisons de compétition de course à voile du navigateur Marc Emig pour 2007, 2008 et 2009. Ce contrat a défini le programme sportif pour 2007, prévu l'achat par Planet Voile d'un bateau de 400 000 euro pour la participation aux course de la Class 40 et fixé plusieurs objectifs cumulatifs de résultats qui n'ont pas été atteints sur l'année.

Le 14 décembre 2007, a eu lieu la réunion annuelle entre les deux partenaires.

Par lettre datée du 21 décembre 2007, reçue le 9 janvier 2008 par la société Planet Voile, la société AST Groupe a annoncé mettre fin unilatéralement au contrat, notamment, pour défaut de résultats sportifs, objectifs d'image altérés par des retards importants dans la mise à l'eau d'un nouveau bateau, puis par son abandon, décoration du bateau ne respectant pas la charte graphique.

La société Planet Voile a contesté cette rupture anticipée au visa de l'article 5 du contrat faisant obligation de recourir préalablement à une procédure de conciliation amiable.

Le 11 février 2008, la société AST Groupe a adressé un courrier mettant fin définitivement au partenariat à effet du 21 décembre 2007.

La société Planet Voile a été autorisée à assigner en urgence la société AST Groupe, ce qu'elle a fait par exploit du 14 avril 2008, pour obtenir, avec exécution provisoire, paiement d'une somme de 275 000 euro HT outre 80 000 euro HT d'indemnité de rupture et 5 000 euro d'indemnité de procédure.

Par jugement du 2 septembre 2008, le Tribunal de commerce de Lyon

- a fixé la dénonciation du contrat à la date du 11 février 2008 et dit que le contrat signé le 22 décembre 2006 s'est prorogé le 23 décembre 2007 pour une nouvelle période d'un an ;

- a condamné en conséquence la société AST Groupe à payer à la société Planet Voile la somme de 275 000 euro HT correspondant à l'engagement contractuel 2008,

- a débouté la société Planet Voile de sa demande d'indemnité de rupture,

- a rejeté l'ensemble des demandes de la société AST Groupe,

- l'a condamnée à verser une indemnité de procédure de 2 000 euro,

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 11 septembre 2008, la société AST Groupe a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du Premier Président en date du 27 octobre 2008, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la société AST Groupe a été rejetée.

Aux termes de ses dernières écritures, qui sont expressément visées par la cour, la société AST Groupe demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 275 000 euro HT et sa confirmation pour le surplus. Elle demande la condamnation de la société Planet Voile à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euro.

Elle fait valoir qu'aux termes de l'article 5-2 du contrat de partenariat, elle pouvait mettre un terme prématuré à ce contrat à l'issue de chaque saison pour manque de résultats du skipper, en le dénonçant avec effet immédiat, avant la fin de la saison, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Concernant l'absence de résultats tels que fixés au contrat, elle observe que les performances obtenues sont loin des objectifs cumulatifs fixés qui ont été proposés par la société Planet Voile elle-même en fonction des précédents résultats de Monsieur Emig.

Sur les autres manquements, qu'elle qualifie de graves au regard de son objectif d'image, la société appelante relève que le bateau de type "Class 40" n'a pas été construit avant la date butoir du 30 juin 2007, de sorte que les manifestations prévues autour du lancement du bateau en direction des collaborateurs et partenaires de la société ont dû être annulées, et que la charte graphique du logo du sponsor n'a pas été respectée.

Elle affirme par ailleurs avoir respecté la procédure de dénonciation aux motifs

- que la procédure de conciliation n'est pas applicable à l'espèce car elle ne s'applique, sauf à dénaturer le contrat, qu'en dehors des manquements contractuels prévus aux articles 5.1 et 5.2 qui sont des exceptions au principe général énoncé à l'article 5,

- que les modalités même de mise en œuvre de la procédure de conciliation n'étaient pas définies, ce qui n'empêchait donc pas la société AST Groupe d'exercer son droit de résiliation unilatérale, aucune sanction n'étant prévue à l'article 5 comme de façon générale par la jurisprudence.

- que les délais de dénonciation ont été respectés pour le grief de non-respect des objectifs puisque la lettre recommandée avec accusé de réception a été envoyée le 21 décembre 2007, avant la fin de la saison et après le bilan annuel qui s'est tenu le 14 décembre 2007, courrier revenu le 3 janvier 2008, par suite d'un changement d'adresse de la société Planet Voile qui ne lui avait pas été notifié et qu'elle ignorait puisque les échanges s'effectuent par téléphone ou courriel et ses règlements par virements, seule comptant, au demeurant, la date d'envoi,

- que pour les autres manquements, il n'y avait pas à respecter une procédure de conciliation, ni un délai de préavis de 3 mois puisque le contrat était déjà résilié à effet immédiat et que leur gravité excluait ce préavis.

La société appelante demande en conséquence que la société Planet Voile soit déboutée de sa demande en paiement au titre de l'engagement 2008, d'autant qu'elle n'a satisfait à aucun de ses engagements sur cette période et qu'il ne pourrait s'agir que d'une indemnité.

Elle demande la confirmation du rejet des autres prétentions de la société Planet Voile en l'absence de préjudice, observant que celle-ci connaissait parfaitement les clauses résolutoires d'un contrat à durée déterminée et qu'elle dispose d'autres partenaires (Aigle et Tupperware).

Aux termes de ses écritures, qui sont expressément visées par la cour, la société Planet Voile demande la confirmation du jugement sur la condamnation de la société AST Groupe à verser 275 000 euro mais son infirmation sur le rejet de sa demande d'indemnité de rupture qu'elle présente à hauteur de 80 000 euro outre 3000euro d'indemnité de procédure.

Elle soutient tout d'abord que la société AST Groupe n'a pas respecté les délais de préavis applicables au contrat prévu pour une durée de 3 ans renouvelable ni la procédure amiable de conciliation préalable qui s'applique quel que soit le motif de la rupture, et hors de toute action judiciaire.

Reconnaissant elle-même ce manquement, la société AST Groupe a fixé un rendez-vous de conciliation le 5 février 2008, réunion qui s'est bien tenue à Bron, contrairement à ce qu'elle affirme, et dont l'issue infructueuse s'est matérialisée par la lettre de rupture du 11 février 2008.

Elle affirme que les délais de dénonciation du contrat n'ont d'ailleurs pas été respectés puisqu'elle n'a été informée de la rupture du contrat, qui n'avait pas été annoncée lors de la réunion du 14 décembre 2007, que le 9 janvier 2008, l'erreur d'adresse commise par la société AST Groupe lui étant exclusivement imputable puisqu'elle connaissait sa nouvelle adresse à laquelle elle réglait les factures depuis juin 2007.

Au visa de l'article 668 du CPC, elle relève que la date d'expédition ne peut être prise en compte pour la notification d'un acte extra judiciaire qu'à condition que la lettre soit parvenue à son destinataire.

Elle considère ensuite que les griefs avancés par la société AST Groupe pour résilier unilatéralement le contrat n'ont pas été dénoncés dans le délai de préavis de 3 mois et ne sont pas fondés, comme explicités uniquement dans le courrier du 11 février 2008, et non constitués, le retard pris par la construction du navire en raison d'un incendie sur le chantier n'ayant eu aucune incidence dans l'organisation de la course de novembre 2007 à laquelle il a pu participé, de même pour la manifestation prévue à Lyon.

Il en est de même, selon la société Planet Voile, pour les résultats obtenus la première année du contrat qui n'ont pas été ceux, très ambitieux du contrat, mais qui ont été suffisamment honorables pour que la société AST Groupe verse au skipper une prime de 50 000 euro.

Sur le préjudice occasionné par la rupture abusive, elle indique qu'elle n'a pu immédiatement trouver un nouveau sponsor et a dû renégocier le financement du prêt pour la construction du bateau, licencier son skipper, de sorte que l'indemnité allouée par le tribunal de commerce et équivalente à l'engagement contractuel de la société AST Groupe, est justifiée et qu'il convient d'y ajouter, au titre d' un préjudice complémentaire de perte d'image du skipper qui n'a pas pu effectuer de course pendant une année, la somme de 80 000euro HT prévue au contrat à l'article 5.5 comme "pénalité de retrait".

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er avril 2009.

Motifs de la décision

Selon le paragraphe figurant en tête de l'article 5 du contrat de partenariat signé le 22 décembre 2006 pour 3 saisons de courses, qui, par la généralité de ses termes et sa disposition, s'applique à tous les cas de dénonciation déclinés ensuite aux paragraphes 5-1 à 5-5 de cet article, il était stipulé, en cas de manquements par l'une des parties à ses obligations, le recours, avant toute dénonciation unilatérale, à une procédure amiable de conciliation et, en cas de désaccord persistant, l'impossibilité d'engager aucune autre procédure avant l'expiration d'un délai d'un mois après la notification de la dénonciation.

En cas de dénonciation pour manquement grave du partenaire ou du skipper, un préavis de 3 mois était prévu (article 5-1) et, en cas de dénonciation pour défaut de résultat, la dénonciation devait intervenir avant la fin de chaque saison par lettre recommandée avec accusé de réception (5-2).

En cas de dénonciation prématurée par le sponsor, en dehors d'une faute grave ou d'une absence de résultats, le contrat devait être dénoncé par celui-ci avec un préavis de 6 mois, le sponsor devant régler l'intégralité de la somme due au titre de la saison en cours.

En l'espèce, la société AST Groupe, après la réunion annuelle de bilan du 14 décembre 2007 dont il n'a été dressé aucun compte-rendu, justifie de l'envoi de sa lettre de dénonciation datée du 21 décembre 2008, par l'accusé de réception mentionnant une date d'envoi à cette même date, et un retour de cette lettre le 3 janvier 2008, la société AST Voile n'étant plus domiciliée à l'adresse mentionnée au contrat.

Même s'il ne peut être reproché à la société AST Groupe de ne pas avoir relevé le changement d'adresse intervenu courant 2007 et noté sur les factures qui lui ont été adressées par la société Planet, les paiements s'effectuant par virements et les autres correspondances par mail, il est constant toutefois que la société AST Groupe ne pouvait plus, à cette date du 21 décembre 2007, dénoncer le contrat de partenariat en temps utile, c'est à dire avant la fin de la saison, sauf à ne pas respecter l'obligation de conciliation préalable et à se mettre ainsi en contravention avec les dispositions contractuelles et avec l'obligation de loyauté entre partenaires ainsi soulignée dans le contrat.

Consciente de cette difficulté et sur les protestations de la société Planet Voile, la société AST Groupe a d'ailleurs organisé une réunion de conciliation, qui, selon les pièces produites par la société Planet Voile, s'est effectivement tenue à Bron, siège de la société AST Groupe le 5 février 2008, pour confirmer ensuite sa volonté de mettre fin au contrat pour ce motif, notamment, par nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception du 11 février 2008.

En ne dénonçant pas le contrat suffisamment tôt pour pouvoir mettre en œuvre le préalable de conciliation prévu au contrat avant la fin de l'année 2007, la société AST Groupe s'est exposée à régler sa participation sur l'année 2008, même si la non réalisation des objectifs sportifs fixés pour la première année, n'est pas contestée.

Concernant les deux autres griefs, qualifiés de faute grave uniquement dans la deuxième lettre de dénonciation de la société AST Groupe, le préavis de 3 mois contractuellement prévu même dans cette hypothèse, n'a pas été respecté puisque le contrat de partenariat a été rompu, à effet immédiat.

Au demeurant, le grief relatif au non-respect de la charte graphique n'est étayé par aucune pièce justifiant du bien-fondé de ce reproche et des mises en garde ou injonctions formulées au cours de la saison de courses 2007.

Quant au grief relatif à l'altération de l'image de la société AST Groupe du fait du retard de mise à l'eau du bateau de Class 40 et des reports puis suppression des manifestations prévues à cette occasion, ce grief, qui pourrait, à la rigueur, entrer dans la définition donnée dans le contrat à la faute grave, n'est, là encore, étayé par aucune pièce et son caractère de gravité est contredit par le fait que le retard de mise à l'eau, consécutif à un incendie des locaux du constructeur du bateau, n'a eu aucune incidence sur le programme de courses et notamment sur la participation du bateau à la Transat Jacques Vabre, objectif sportif prépondérant en termes d'image, et par l'absence de toute preuve de l'imputabilité des reports de manifestations promotionnelles à la société Planet Voile.

Le jugement qui, par application des dispositions contractuelles rappelées ci-dessus et notamment de celles figurant à l'article 5-3, a condamné la société AST Groupe à payer la somme de 275 000 euro correspondant à l'engagement contractuel sur l'année 2008, doit, par substitution de motifs sur l'appréciation de la rupture, être confirmé, comme faisant une exacte évaluation du préjudice subi par la société Planet Voile du fait du retrait tardif ou injustifié de son partenaire, eu égard aux engagements sportifs et financiers que cette société a dû prendre pour la nouvelle saison et qui ont dû être révisés du fait de cette rupture, peu important dès lors l'absence de prestations publicitaires ou promotionnelles réalisées en retour.

Le tribunal a exactement débouté, par ailleurs, la société Planet Voile de sa demande complémentaire en paiement par la société AST Groupe d'une pénalité de retrait de 80 000 euro qui, selon les dispositions contractuelles, ne peut être mise à la charge du sponsor dès lors que l'un au moins des deux motifs de dénonciation du contrat, en l'espèce, la non obtention des résultats sportifs, est réalisée.

De surcroît, la société Planet Voile n'a pas qualité pour réclamer des dommages-intérêts pour perte d'image de son skipper au plan sportif, même si celui-ci est son dirigeant ou son actionnaire.

Le jugement doit être également confirmé sur le rejet de ce chef de demande et complété par la condamnation de la société AST Groupe à verser une indemnité de procédure supplémentaire de 3 000 euro.

Par ces motifs : LA COUR, - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, - Condamne la société AST Groupe à verser à la société PLANETE Voile la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne la société AST Groupe aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP Baufume Sourbe, avoué.