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Décisions

CA Pau, 1re ch., 18 janvier 2013, n° 11-04136

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dacosta

Défendeur :

Carrefour Hypermarchés France (SAS), Climadiff (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

M. Augey, Mme Beneix

Avocats :

SCP Longin - Longin-Dupeyron - Mariol, Selarl Tortigue - Petit - Sornique, SCP Marbot - Crepin, Mes Hadidi, Jeannin

TI Bayonne, du 19 oct. 2011

19 octobre 2011

Le 17 avril 2009, M. Dacosta a acheté auprès de la société Carrefour une cave à vin de marque Climadiff pour un prix de 812 euro.

Dans le courant du mois de décembre 2009, la température de cette cave est descendue en dessous de zéro, provoquant le gel des bouteilles stockées.

M. Dacosta s'est appuyé sur un rapport d'expertise amiable du cabinet Laporte missionné par l'assureur de la société Climadiff pour soutenir que les dommages résultent du blocage du thermostat sur la position " demande de froid ".

Il estime donc que la responsabilité de cette société est engagée et il a évalué la perte des bouteilles à 4 046,67 euro.

L'assureur de la société Climadiff lui a proposé le versement d'une indemnité de 2 833,68 euro mais M. Dacosta l'a refusée et a fait assigner la société Carrefour devant le Tribunal d'instance de Bayonne par acte d'huissier du 12 octobre 2010 afin d'obtenir la résolution de la vente et la réparation du préjudice subi.

La société Carrefour Hypermarchés France a appelé en intervention forcée dans la cause la SA Climadiff par acte d'huissier du 11 février 2011.

Par jugement du 19 octobre 2011, cette juridiction a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Carrefour, et débouté M. Dacosta de l'ensemble de ses demandes, en rejetant d'autre part les demandes en paiement d'indemnités pour frais irrépétibles présentées par les autres parties.

Par déclaration au greffe du 18 novembre 2011, M. Dacosta a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures déposées le 14 février 2012, M. Dacosta a conclu à la réformation de ce jugement ainsi qu'à la condamnation solidaire des deux sociétés au paiement d'une somme de 20 000 euro à titre de dommages-intérêts " tous préjudices confondus ", et d'une indemnité de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fonde ses demandes sur les dispositions de l'article L. 211-4 du Code de la consommation relatives à la garantie légale de conformité qui édicte que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat, et qu'il répond du défaut de conformité existant lors de la délivrance, et il a développé la notion de conformité du bien en s'appuyant sur l'article L. 211-5 du même code.

Il soutient que la cave à vin n'est pas propre à l'usage habituellement attendu d'un tel bien, puisque la défectuosité du thermostat a eu pour effet de provoquer la congélation de l'ensemble des bouteilles.

A titre subsidiaire il a invoqué la garantie des vices cachés, et à titre infiniment subsidiaire le défaut de conformité de l'appareil vendu.

La société Carrefour Hypermarchés France dans ses dernières écritures du 16 avril 2012 a conclu à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de M. Dacosta au paiement d'une indemnité de 4 000 euro pour frais irrépétibles.

A titre subsidiaire elle a sollicité la garantie de la société Climadiff.

Elle s'appuie sur la jurisprudence relative au défaut de conformité du bien pour soutenir que le défaut prétendu doit apparaître dans les six mois de la délivrance, et qu'il est alors présumé antérieur à la livraison, mais qu'au-delà de ce délai, la preuve de l'antériorité du vice nécessite la mise en œuvre d'une mesure d'expertise.

Elle fait valoir à cet égard que la cave à vin a fonctionné tout à fait normalement au-delà de la première période de six mois suivant l'achat.

Elle ajoute que la garantie des vices cachés ne peut pas plus recevoir application, M. Dacosta étant totalement défaillant dans l'administration de la preuve.

Elle fait observer enfin que la société Climadiff a reconnu sa responsabilité en offrant à M. Dacosta le remplacement de l'appareil ainsi qu'une indemnité.

Dans ses dernières conclusions du 16 avril 2012, la SA Climadiff a également conclu à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de M. Dacosta au paiement d'une indemnité de 2 000 euro pour frais irrépétibles.

Elle soutient que l'expertise du cabinet Laporte n'a pas permis de déterminer les causes exactes de la défaillance du thermostat, en faisant observer que le gel survenant dans une cave à vin peut avoir de multiples causes, et notamment un défaut de fermeture de la porte par l'utilisateur.

A titre subsidiaire, elle a soutenu que la demande en résolution de la vente n'est pas justifiée au motif que cette cave a fonctionné plusieurs mois sans aucune difficulté.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2012.

Motifs de l'arrêt

1) sur la garantie légale de conformité

L'article L. 211-4 du Code de la consommation dispose que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat, et il répond des défauts de conformité existants lors de la délivrance.

L'article L. 211-7 du même code édicte que les défauts de conformités qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.

M. Dacosta a fait l'acquisition de la cave à vin le 17 avril 2009 et il déclare que le défaut de conformité tenant au fait que la température de la cave à vin est descendue en dessous de 0° est apparu dans le courant du mois de décembre 2009, c'est-à-dire après l'expiration du délai de six mois suivant la date de délivrance.

Il en résulte que la présomption de responsabilité édictée par l'article L. 211-7 du Code de la consommation ne peut s'appliquer.

2) la garantie des vices cachés

M. Dacosta a invoqué ce moyen à titre subsidiaire.

L'avis émis par le cabinet Maynard Laporte missionné par l'assureur de la société Climadiff ne comporte aucun élément permettant d'établir avec certitude que le défaut allégué du thermostat existait avant la vente.

En conséquence, ce moyen doit être rejeté.

3) sur le manquement à l'obligation de délivrance

La non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles constitue un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.

Le vendeur doit donc délivrer une chose conforme à sa destination qui corresponde en tous points au but recherché par l'acquéreur.

Il n'est pas contesté que la température de la cave à vin est descendue en dessous de 0° dans le courant du mois de décembre 2009, provoquant le gel et la perte des bouteilles de vin qui y étaient stockées.

La société Climadiff, fabricant de cette cave à vin, a mandaté un expert, le cabinet Maynard - Laporte qui a établi un rapport le 14 juin 2010.

L'expert a procédé à une évaluation des dommages, puis a adressé à M. Dacosta le 10 mai 2010 une lettre au nom de la société Climadiff, intitulée " accord de règlement " dans laquelle cette société lui propose d'indemniser son préjudice à hauteur de la somme de 3 833,68 euro TTC correspondant à la valeur des bouteilles se trouvant dans cette cave, déduction faite d'une valeur de sauvetage de 10 %, soit 425,97 euro.

M. Dacosta a refusé cette proposition d'indemnisation, l'estimant insuffisante.

Il résulte de ce qui précède qu'il est suffisamment établi par ce rapport d'expertise que cette cave à vin n'est pas conforme à sa destination en raison de la défectuosité du thermostat qui se bloque sur la position "demande de froid" quand bien même celui-ci n'a pas été vérifié, dès lors que la lettre du 10 mai 2010 de la société Climadiff qui mentionne expressément qu'il s'agit d'une proposition de transaction au sens de l'article 2044 du Code civil , constitue non pas une proposition commerciale, mais une reconnaissance de responsabilité du fabricant, qui propose d'indemniser l'entier préjudice subi par M. Dacosta.

L'article 1610 du Code civil dispose que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra à son choix demander la résolution de la vente ou sa mise en possession.

L'article 1611 du même code édicte que dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages-intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.

M. Dacosta a sollicité la résolution de la vente qui doit être prononcée en raison de la gravité du manquement du vendeur à son obligation de délivrance, la cave à vin étant totalement impropre à sa destination.

Les dispositions de l'article 1604 et suivant du Code civil ne s'appliquent qu'au vendeur.

En conséquence, la SAS Carrefour Hypermarchés France sera condamné à payer à M. Dacosta les sommes suivantes :

- 812 euro représentant le prix d'acquisition de la cave à vin ;

- dommages-intérêts : M. Dacosta a sollicité à ce titre la somme totale de 20 000 euro, correspondant à la perte de valeur des bouteilles stockées, aux travaux de reprise du sol dégradé par des taches de vin, à son préjudice de jouissance, ainsi qu'à son préjudice matériel de reconstitution de cette cave.

Sa demande est justifiée exclusivement en ce qui concerne la perte de valeur des bouteilles stockées devenues impropres à la consommation.

Ce montant a été évalué à la somme de 3 833,68 euro TTC par l'expert, qui a déduit une valeur de sauvetage de 10 %.

Le vendeur ne rapporte pas la preuve de l'existence de l'étendue de cette dépréciation.

En conséquence, il sera condamné à payer à ce titre à M. Dacosta à la somme de 4 259,65 euro.

Il y a lieu enfin d'ordonner à M. Dacosta de restituer la cave à vin à la SAS Carrefour.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Dacosta les frais irrépétibles qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure ; la SAS Carrefour Hypermarchés France sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

4) sur l'action en garantie formée par la SAS Carrefour Hypermarchés France

Il est établi par le rapport d'expertise et la proposition d'accord de règlement présentée par la société Climadiff que la non-conformité de la cave à vin est exclusivement imputable à un défaut de cet appareil.

En conséquence, la SA Climadiff sera condamnée à garantir la société Carrefour de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

Il n'est pas inéquitable de laisse à la charge de la société Carrefour et de la SA Climadiff les frais irrépétibles qu'elles ont pu engager à l'occasion de cette procédure ; elles seront donc déboutées de leurs demandes respectives formulées à ce titre.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Réforme le jugement du Tribunal d'instance de Bayonne du 19 octobre 2011 et statuant à nouveau, Prononce la résolution du contrat de vente d'une cave à vin conclu le 17 avril 2009 entre la SAS Carrefour Hypermarchés France et M. Frank Dacosta. Condamne la SAS Carrefour Hypermarchés France à payer à M. Frank Dacosta : - la somme de 812 euro (huit cent douze euros) correspondant au prix de la cave à vin, - celle de 4 259,65 euro (quatre mille deux cent cinquante-neuf euros et soixante-cinq centimes) à titre de dommages-intérêts, - une indemnité de 2 000 euro (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Ordonne à M. Dacosta de restituer la cave à vin à la SAS Carrefour Hypermarchés France. Condamne la SA Climadiff à garantir la SAS Carrefour Hypermarchés France du montant des condamnations prononcées à son encontre. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne la SAS Carrefour Hypermarchés France aux dépens, et autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.