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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 12 janvier 2010, n° 08-18470

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bourgeois

Défendeur :

Versailles Tourisme Affaires (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Degrandi

Conseillers :

Mmes Moracchini, Delbes

Avoués :

SCP Goirand, SCP Menard - Scelle-Millet

Avocats :

Mes Massoni, Touchard

T. com. Paris, du 17 sept. 2008

17 septembre 2008

Vu le jugement du 17 septembre 2008 rendu par le Tribunal de commerce de Paris qui a débouté M. Bourgeois de ses demandes à l'encontre de la société Versailles Tourisme Affaires - VTA - et l'a condamné à verser à cette dernière la somme de 1 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel de cette décision interjeté par M. Bourgeois le 29 septembre 2008 ;

Vu les dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile déposées le 3 novembre 2009 par M. Bourgeois qui sollicite l'infirmation du jugement entrepris, l'annulation de la délibération de l'assemblée générale de la société VTA du 30 novembre 2006 ayant prononcé son exclusion et celle de toute assemblée subséquente, la réparation du préjudice subi du fait de cette exclusion, le renvoi de l'affaire afin qu'il soit statué par la cour sur la liquidation de son préjudice, et la condamnation de la société VTA à lui payer 3 000 euro par application de l'article 700 dudit code ;

Vu les dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile déposées le 30 octobre 2009 par la société VTA qui demande la confirmation de la décision déférée et la condamnation de M. Bourgeois à lui régler la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce,

Considérant que la SARL VTA, créée en 1983, regroupe des chauffeurs de véhicules exerçant dans le département des Yvelines et a pour activité l'exploitation du commerce d'entrepreneur de grande remise et de tourisme ; que le 15 février 2002, M. Bourgeois est devenu associé de cette société au côté de M. Bel et de M. Brunelin, après acquisition d'une partie de leurs parts sociales ; que le même jour, il a été nommé gérant, fonction qu'il a occupée jusqu'au 20 février 2006, date de sa démission ; que depuis 2001, il était également associé minoritaire de la société Skippy dont il a été directeur général salarié ; que MM. Bel et Brunelin sont aussi associés de cette société qui a pour objet social la création et l'exploitation d'une chaîne de franchising en vue de l'exploitation d'une entreprise de transports de personnes ; qu'il est constant qu'elle reçoit les appels de course et agit comme donneur d'ordres vis-à-vis des chauffeurs de sa flotte qui sont soit des salariés, soit des prestataires de services ou encore des associés de la société VTA ;

Considérant que M. Bourgeois a été convoqué le 14 novembre 2006 à une assemblée générale extraordinaire devant se tenir le 30 novembre 2006 à l'effet de délibérer notamment sur "l'exclusion d'associés pour contrevenance aux dispositions statutaires et au règlement intérieur", ce, en application de l'article 18 des statuts qui dispose que "l'assemblée générale à la majorité des trois quarts des associés, aura le droit de décider que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société en cas de manquement avéré au règlement intérieur (faute professionnelle, atteinte à l'ordre public)" ; que lui-même et un autre associé, M. Cocat, ont été exclus lors de cette assemblée générale extraordinaire par 24 voix contre 8 ; que M. Bourgeois a saisi le Tribunal de commerce de Paris le 26 janvier 2007 aux fins d'obtenir l'annulation de cette délibération, prétention dont il a été débouté au terme du jugement déféré ;

Considérant qu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2006 qu'il a été reproché à M. Bourgeois de n'avoir jamais mis à disposition ses véhicules, en contravention avec l'article 13 du règlement intérieur de VTA et de pratiquer des actes de concurrence déloyale par le biais de ses sociétés Tandem Plus et Transeurope ; qu'il a été indiqué à ce titre aux associés que "M. Bourgeois et ses sociétés font l'objet de la part de Skippy, apporteur de clientèle à VTA, d'une procédure de concurrence déloyale, pour détournement de clientèle avéré, débauchage de partenaires" et qu'en outre, celui-ci "n'a pas hésité à jouer de sa qualité de gérant de VTA et d'ancien président de Skippy pour organiser des réunions avec les associés de VTA afin de leur proposer d'essayer de déstabiliser VTA et de venir travailler pour le compte de ses nouvelles sociétés, Tandem et Transeurope" ; qu'en conséquence, il a été fait grief à M. Bourgeois de ne pas respecter l'engagement de loyauté prévu à l'article 12 du règlement intérieur de la société VTA, en sus de la violation de l'article 13 ;

Considérant que M. Bourgeois soutient que la délibération sur son exclusion est entachée de nullité du fait de l'absence de validité du vote de l'un des associés, M. Bidault, qui lui a remis une attestation dans laquelle il déclare avoir donné son pouvoir, sans connaître l'ordre du jour et le texte des résolutions, et avoir été contraint d'agir ainsi "étant économiquement dépendant de VTA" ; que cette dernière réplique que ce témoignage est un faux grossier et que M. Bidault a signé sa convocation à l'assemblée générale extraordinaire le 16 novembre 2006, avant de donner pouvoir à M. Bel de le représenter ;

Considérant que M. Bidault, dans deux attestations régulièrement communiquées, la première établie le 5 mars 2007, la seconde le 10 novembre 2009, ne dénie pas avoir signé l'accusé de réception de la convocation à l'assemblée générale extraordinaire, de sorte que le démenti qu'il a adressé à M. Bourgeois par courriel du 3 novembre 2009 est inopérant et indifférent à la solution de l'affaire ; que la signature apposée sur l'accusé de réception est d'ailleurs semblable à celle figurant sur le pouvoir donné à M. Bel, daté du 16 novembre 2006 ; que, par ailleurs, aucun élément extrinsèque à ses deux témoignages ne vient établir la remise du pouvoir la veille de l'assemblée générale extraordinaire, contrairement à ce qu'il affirme ; qu'en tout état de cause, M. Bidault reconnaît avoir eu connaissance de l'ordre du jour et du texte des résolutions soumises au vote lors de la remise dudit pouvoir à M. Bel et il ne démontre en rien avoir agi sous la contrainte, sa seule qualité d'associé étant à cet égard insuffisante à caractériser la violence morale prétendue ; que dès lors, M. Bourgeois soulève vainement l'irrégularité du vote de la résolution litigieuse ;

Considérant, au fond, que selon l'article 12 des statuts de la société VTA, "l'associé préviendra la société de tout fait de contrefaçon ou concurrence déloyale ou illicite dont il aura connaissance" ;

Considérant que plusieurs associés de la société VTA ont rédigé des attestations dans lesquelles ils exposent qu'au cours du dernier trimestre de l'année 1985, M. Bourgeois les a sollicités pour qu'ils viennent travailler avec lui au sein de la société qu'il était en train de créer ; que MM. Da Costa, Dos Reis, Langlois, Lopez et Mohier déclarent ainsi avoir été conviés par l'appelant à une réunion informelle, au cours de laquelle il leur a fait part de ses projets et des avantages offerts par cette nouvelle structure ; que M. Langlois précise "au moment où il a exposé ses orientations au niveau de la prospection de clients, j'ai pu retrouver des noms d'entreprises figurant déjà dans la liste des clients de Skippy" ; que M. Da Costa déclare pour sa part : "ce qui m'a le plus choqué était le fait qu'il mettait en avant son expérience ainsi que ses bonnes relations avec certains de nos clients les plus importants dans l'objectif de les détourner vers sa nouvelle société" ; que M. Zerbib souligne avoir été contacté à maintes reprises, à l'automne 2005, par M. Bourgeois qui souhaitait "l'attirer" dans la société concurrente de Skippy qu'il était en train de créer ;

Considérant que ces agissements sont constitutifs d'un manquement caractérisé de M. Bourgeois au devoir de loyauté auquel il était tenu envers la société VTA en vertu de l'article 12 du règlement intérieur ; qu'ils traduisent en outre la disparition de tout affectio societatis entre lui et les autres associés, circonstance rendant impossible son maintien au sein de cette société comme il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2006 ; qu'en effet, interrogé par M. Brunelin, "mandaté par plusieurs chauffeurs pour (lui) demander s'il avait l'intention de nuire à la société VTA comme il (l'avait laissé) entendre, notamment dans la réunion qu'il avait convoquée lors de son départ à l'automne 2005, M. Bourgeois a laissé clairement entendre qu'il utilisera tous les moyens pour faire en sorte que VTA ne puisse plus fonctionner" ;

Considérant que ces faits justifient à eux seuls l'éviction votée ; que le second grief tiré du non-respect par l'intéressé de l'obligation prévue par l'article 13 est tout aussi fondé ; que cette disposition prévoit que "l'associé s'engage sans aucune réserve à mettre, pour le service de grande remise, l'usage du véhicule dont il est propriétaire à la disposition de la société VTA" ; que M. Bourgeois n'a pas contesté enfreindre cette obligation, rétorquant simplement lors de l'assemblée générale extraordinaire qu'il "ne (souhaitait) pas mettre ses véhicules à disposition d'une société qui ne fait pas de chiffre d'affaires" ; que force est de constater, sans avoir à rechercher sa qualité ou non de propriétaire des véhicules avec lesquels il avait pour habitude de travailler avec la société VTA, que ce refus traduit la volonté de l'intéressé de ne plus respecter ses obligations sociales les plus élémentaires ;

Considérant que le jugement sera confirmé ; que M. Bourgeois versera la somme de 3 000 euro à la société VTA par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Par ces motifs : Rejette l'exception de nullité de la résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la société VTA tenue le 30 novembre 2006, ayant voté son exclusion de cette société ; Confirme le jugement déféré ; Ajoutant, Condamne M. Bourgeois à payer à la société VTA la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 dudit code.