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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 31 janvier 2013, n° 11-07156

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mondial Chapiteaux (SARL)

Défendeur :

Chapit'eaux Puiseaux (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaget

Conseillers :

MM. Martin, Semeriva

Avocats :

SCP Laffly - Wicky, SCP Baufume - Sourbe, SCP Reffay & Associés, Me Hanachowicz

T. com. Bourg-en-Bresse, du 23 sept. 201…

23 septembre 2011

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 23 septembre 2011 qui condamne, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la Sarl Mondial Chapiteaux à payer à la Sarl Chapiteaux Puiseaux les sommes de 30 000 euros en réparation des pertes d'exploitation outre intérêts légaux à compter de la présente décision et 603,90 euros au titre de la seconde procédure aux fins d'homologation du chapiteau aux motifs que :

La société Mondial Chapiteaux a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles en négligeant de faire diligence pour fournir à la société Chapiteaux Puiseaux l'attestation concernant la résistance au vent ce qui a causé un préjudice à cette société qui n'a pu exploiter immédiatement son chapiteau, et ce durant 3 ans.

Vu la déclaration d'appel effectuée par la Sarl Mondial Chapiteaux du 24 octobre 2011 ;

Vu l'ordonnance de référé de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Lyon du 5 décembre 2011 qui rejette la demande d'arrêt de l'exécution provisoire et autorise la société Mondial Chapiteaux à consigner la moitié des condamnations prononcées à son encontre par le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse auprès de la caisse de dépôts et consignation ;

Vu les dernières pièces et conclusions de la société Mondial Chapiteaux du 23 avril 2012 qui conclut, à titre principal, à la réformation en toutes ses dispositions du jugement déféré, reconventionnellement à la condamnation de la société Chapiteaux Puiseaux et à titre subsidiaire au rejet des demandes de la société Chapiteaux Puiseaux aux motifs que :

1/ Il n'est pas caractérisé l'existence cumulative d'une faute, d'un lien de causalité et d'un préjudice, ni les conditions de l'article 1641 du Code civil relatif aux vices cachés compte tenu du fait que l'appelante a sollicité, bien qu'aucune stipulation contractuelle l'y contraigne, l'intervention d'un bureau de contrôle : Bureau Alpes Contrôle, afin d'émettre un avis sur la conformité du chapiteau et dont le rapport a confirmé la solidité à froid du chapiteaux litigieux selon les normes françaises CTS, attestant ainsi de la résistance de la structure à des vents de 100 km/h ;

2/ La délivrance du chapiteau est parfaitement conforme dans la mesure ou la société Chapiteaux Puiseaux a régularisé le procès-verbal de réception sans émettre la moindre réserve et n'a pas cru devoir formuler telle réserve dans le délai de huit jours spécifié aux conditions générales de vente de la société Mondial Chapiteaux, dont elle avait copie et parfaite connaissance puisqu'elle a produit les dites conditions dans le cadre de la procédure intentée ;

3/ La société Mondial Chapiteaux n'a jamais caché l'origine polonaise des chapiteaux dont les normes de sécurité répondent aux minima fixés par la réglementation communautaire, calquées sur les normes allemandes et dès lors, en sa qualité de professionnelle de la location de chapiteaux et tentes de réception, la société intimée a été parfaitement informée de l'étendue des certificats fournis par le fabricant, et ne pouvait ignorer qu'elle serait tenue d'obtenir une attestation de solidité à froid de la structure en vue de l'obtention de l'homologation du chapiteau par la commission départementale ;

4/ Le chapiteau livré est parfaitement conformé à la commande et donc aux stipulations contractuelles et, en réalité, si la société Chapiteaux Puiseaux n'a pu obtenir immédiatement l'aval des services de sécurité de la Préfecture c'est en raison de son inertie quant aux démarches requises pour l'obtention du registre de sécurité nécessaire à son activité dont seul l'exploitant du chapiteau est tenu de fournir ce document à la commission de sécurité conformément à l'article CTS 3 ;

5/ II résulte, sans équivoque, que le refus de la commission n'est pas assis sur un vice ou un défaut de la chose, mais sur l'absence de fourniture, par l'exploitant du chapiteau d'une attestation de résistance aux vents qu'il lui incombe de fournir ;

6/ La preuve de l'étendue du préjudice subi au titre de la perte d'exploitation par la société Chapiteaux Puiseaux n'est pas rapportée puisque seule la date du refus d'homologation doit être retenue comme point de départ d'une inexploitation et ainsi la durée de la perte d'exploitation ne saurait être de trois années mais seulement de dix mois ;

Vu les dernières pièces et conclusions de la société Chapiteaux Puiseaux du 21 mai 2012 qui conclut à la confirmation de toutes les dispositions du jugement entrepris et y ajoutant la condamnation de la société Mondial Chapiteaux à lui verser le sommes de 1 350 euros HT au titre des frais de montage de la structure pour la procédure d'homologation, 3 071,68 euros en remboursement des intérêts, frais d'assurance et frais accessoires des emprunts souscrits pour l'acquisition du matériel litigieux et 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour perte d'image aux motifs que :

1/ La société Chapiteaux Puiseaux ne sollicite pas la résolution de la vente sur le fondement des vices cachés tel que le prétend la société Mondial Chapiteaux mais la réparation de ses préjudices subis au visa des articles 1604, 1611 et 1615 du Code civil ;

2/ La société Mondial Chapiteaux a manqué à son obligation de délivrance conforme dès lors que les services de la Préfecture de l'Aube ont conclu lors du premier passage de la commission que le chapiteau n'était pas conforme à la réglementation en vigueur et que par suite le chapiteau n'a pu être homologué ; d'ailleurs le document Qualiconsult n'a jamais été remis à l'intimée ;

3/ Les notes de calculs et plans établis par le fabricant n'ont pas été communiqués avant la demande introductive d'instance de la société Chapiteaux Puiseaux et que partant l'appelante a violé son obligation de délivrance conforme celle-ci s'étant engagée à lui fournir les certificats de conformité et de résistance aux vents de la structure établis par la société Polplan fabriquant, afin d'obtenir l'homologation ;

4/ Si, lorsque les circonstances le justifient, les accessoires indispensable à l'utilisation de la structure peuvent être délivrés ultérieurement à la livraison de la chose vendue, le délai de livraison doit toutefois être raisonnable ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la société Mondial Chapiteaux n'a jamais fourni de date précise d'obtention de ces documents ; l'article 1615 du Code civil précise que : " L'obligation de délivrer comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ".

5/ La notion de conformité s'apprécie largement, la chose livrée devant être conforme non seulement aux prescriptions contractuelles, mais également aux normes administratives applicables, en l'espèce, la réglementation relative aux établissements de type CTS (chapiteaux, tentes et structures) telle qu'issue de l'arrêté du 23 janvier 1985 et ce eu égard au fait que la vente du chapiteau litigieux s'est réalisée en France, par une société française pour une société française dont les activités s'opèrent conformément aux normes françaises ;

6/ Le certificat de conformité doit donc se référer non pas aux normes allemandes mais françaises et la société Mondial Chapiteaux a attendu d'être attraite en justice pour finalement faire établir ce rapport sur la solidité, sous la menace d'une condamnation et près de trois ans après la vente ;

7/ La résistance de l'appelante a contribué à une importante baisse de l'activité de la société Chapiteaux Puiseaux, qui a dû refusé des contrats de location du fait de la non homologation de la structure, acquis précisément pour faire face à une offre croissante et c'est à juste titre que les premiers lui ont alloué la somme de 30 000 euros en réparation de ce préjudice tel que l'expert-comptable de l'intimée l'avait chiffré ;

8/ La société Chapiteaux Puiseaux souffre d'un préjudice en terme d'image vis à vis de la clientèle et de l'impossibilité de répondre depuis plus d'un an à certaines commandes pour lesquelles précisément cet achat était opéré ;

Vu l'ordonnance de clôture de la mise en état du 6 juillet 2012 ;

Les avocats des parties ont donné à l'audience du 14 décembre 2012 leurs explications orales après le rapport de Monsieur le Président Michel Gaget.

Décision

1 - Il résulte des termes mêmes des conclusions d'appel que la société Chapiteaux Puiseaux fonde ses demandes de dommages intérêts sur un manquement de la société Mondial Chapiteaux dans son obligation de délivrance en ce sens qu'elle n'a fourni les documents nécessaires pour la conformité de la structure et sa résistance aux vents qu'après l'ouverture de la procédure de première instance et qu'elle n'a donc pas donné ces éléments accessoires et nécessaires à l'exploitation dans un délai raisonnable, alors qu'elle avait l'obligation de fournir l'attestation de conformité de la structure aux normes françaises, par application des articles 1611 et 1615 du Code civil .

2 - Il s'ensuit que la demande de dommages intérêts n'est pas fondée sur l'application de l'article 1641 du Code civil et que les prétentions de la société Chapiteaux Puiseaux ne doivent pas être appréciés, au regard de ce texte qui concerne le vice caché.

3 - Concernant l'obligation de délivrance, il appartient à la société venderesse de livrer un produit et un objet conforme aux spécifications de la commande, et en l'espèce, un chapiteau non seulement conforme à la commande, mais exploitable, autrement dit conforme aux normes d'exploitation en France, de telle sorte que la société qui l'acquiert puisse l'utiliser et en tirer profit.

4 - Il est certain que la structure livrée par la société Mondial Chapiteaux et acceptée sans réserve par la société Chapiteaux Puiseaux ne pouvait pas être exploitée sur le territoire français, sans avoir reçu, au préalable, une autorisation d'exploitation délivrée en conformité aux textes réglementaires en vigueur.

5 - Et cette autorisation n'a pas été obtenue que le 23 juillet 2010 après que la société Mondial Chapiteaux ait produit un avis sur la solidité à froid de la structure émis par le Bureau Alpes Contrôle, et les notes de calculs et plans de la structure établis en application du règlement CTS.

6 - La Sarl Chapiteaux Puiseaux avait sollicité l'autorisation nécessaire avec les documents qui venaient de lui être fournis.

7 - Le chapiteau acquis le 12 avril 2007 devenait exploitable à compter du 23 juillet 2010.

8 - L'origine du refus de la non-conformité aux normes opposé le 23 avril 2009 était fondée spécialement sur l'impossibilité de vérifier si la structure permettait une résistance à des vents allant jusqu'à 100 km/h.

9 - Comme le soutient, avec raison et à bon droit, la société Chapiteaux Puiseaux, il appartenait au vendeur de mettre en mesure l'acquéreur d'obtenir toutes les autorisations d'exploitation nécessaires à l'usage de la structure et de lui fournir tous les documents qui en sont l'accessoire nécessaire, tels que les fiches de calcul et les plans permettant une vérification de la résistance aux vents, telle qu'elle est mesurée en France.

10 - Et la cour constate donc que la société Mondial Chapiteaux n'a pas rempli son obligation de délivrance complète due en application des articles 1611 et 1615 du Code civil , immédiatement et avant la remise des documents qui ont permis la délivrance de l'autorisation d'exploiter le 29 juillet 2010.

11 - Ce manquement contractuel a causé à la société Chapiteaux Puiseaux des préjudices dont elle doit réparation.

12 - Les premiers juges ont exactement et justement apprécié la perte d'exploitation à la somme de 30 000 euros.

En effet les éléments comptables donnés au débat démontrent qu'une perte réelle a eu lieu pour la période allant de la livraison de la structure à l'autorisation d'exploitation, période pendant laquelle l'investissement n'a pas pu être utilisé.

13 - La société Chapiteaux Puiseaux justifie, en outre d'un préjudice matériel qui se décompose, selon les pièces justificatives ainsi :

* procédure d'homologation : 603,90 euros HT

* frais de montage : 1 350,00 euros HT

Total : 1 953,90 euros HT

Ces frais sont en rapport direct avec le manquement contractuel en ce qu'ils ont été causé par une seconde procédure d'homologation.

14 - Elle n'est pas fondée, en revanche, à solliciter la somme de 3 071,68 euros correspondant à des intérêts et frais d'assurance ou accessoires qu'elle a effectivement réglés en exécution des prêts et assurances qu'elle avait contractés pour acquérir la structure et ses accessoires Cette dépense n'a pas, pour cause, le manquement contractuel, mais le choix fait par l'acquéreur pour financer la structure et son exploitation.

15 - Elle réclame en outre 10 000 euros de dommages intérêts pour perte d'image pour ne pas avoir pu répondre aux demandes de ses clients en raison de l'impossibilité d'exploiter la structure.

Cette perte est réelle, compte tenu des pièces fournies et du temps écoulé. Mais cette perte n'a pas l'ampleur sollicitée. Une somme de 5 000 euros répare ce préjudice de perte d'image.

16 - L'article 32.1 du Code de procédure civile ne doit pas être appliqué dans cette espèce, dans laquelle aucune des parties n'abuse de son droit d'agir en justice et de faire recours.

17 - L'équité commande d'allouer à la société Chapiteaux Puiseaux la somme de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile comme partie des frais non compris dans les dépens et engagés en première instance et en appel.

18 - La société Mondial Chapiteaux qui perd, supporte tous les dépens.

Par ces motifs : LA COUR, - vu les articles 1604, 1611 et 1615 du Code civil ; - confirme partiellement le jugement du 23 septembre 2011 ; - condamne la Sarl Mondial Chapiteaux à verser à la Sarl Chapiteaux Puiseaux, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes : 1 - au titre de la perte d'exploitation 30 000,00 euros HT 2 - au titre du préjudice matériel 1 953,90 euros HT 3 - au titre de la perte d'image 5 000,00 euros HT 4 - au titre de l'article 700 du Code de procédure civile 5 000,00 euros HT - déboute la Sarl Chapiteaux Puiseaux du surplus de ces demandes et prétentions ; - dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 32-1 du Code de procédure civile ; - condamne la Sarl Chapiteaux Puiseaux aux dépens de première instance et d'appel ; - autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile .