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Décisions

CJUE, 7e ch., 11 avril 2013, n° C-652/11 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mindo Srl

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Arestis

Avocat général :

Mme Trstenjak

Juges :

MM. Bonichot, Arabadjiev (rapporteur)

Avocats :

Mes Mastrantonio, Osti, Prastaro

CJUE n° C-652/11 P

11 avril 2013

LA COUR (septième chambre),

1 Par son pourvoi, Mindo Srl (ci-après "Mindo") demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 5 octobre 2011, Mindo/Commission (T-19-06, non encore publié au Recueil), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l'annulation partielle et, à titre subsidiaire, à la réformation de la décision C (2005) 4012 final de la Commission, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP-C.38.281-B.2 - Tabac brut - Italie) (JO 2006, L 353, p. 45, ci-après la "décision litigieuse"), et subsidiairement, à une demande de réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée.

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2 Mindo est une société italienne, actuellement en liquidation judiciaire, ayant pour activité principale la première transformation du tabac brut. Elle était, à l'origine, une entreprise familiale qui a été rachetée en 1995 par une filiale de Dimon Inc. À la suite de cette acquisition, sa dénomination sociale est devenue Dimon Italia Srl. Le 30 septembre 2004, ses parts sociales ont été vendues à quatre particuliers n'ayant aucun lien avec le groupe Dimon et sa dénomination sociale est devenue Mindo. Au mois de mai 2005, Dimon Inc. a fusionné avec Standard Commercial Corporation pour former une nouvelle entité dénommée Alliance One International Inc. (ci-après "AOI").

3 Le 19 février 2002, la Commission des Communautés européennes a reçu une demande d'immunité en matière d'amendes de la part de l'un des transformateurs de tabac brut en Italie, à savoir Deltafina SpA.

4 La Commission a, le 4 avril 2002, reçu de la part de Mindo, laquelle à l'époque était encore dénommée Dimon Italia Srl, une demande d'immunité en matière d'amendes et, à titre subsidiaire, une demande de réduction de toute amende, ainsi que, le 8 avril 2002, certains éléments de preuve.

5 Le 9 avril 2002, la Commission a accusé réception aussi bien de la demande d'immunité en matière d'amendes de Mindo que de sa demande de réduction de toute amende. Elle a informé cette société du fait que sa demande d'immunité ne remplissait pas les conditions de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

6 Le 20 octobre 2005, la Commission a adopté la décision litigieuse dans laquelle elle a constaté que, au cours de la période allant de 1995 au début de l'année 2002, les transformateurs de tabac brut en Italie visés par la décision litigieuse, dont Mindo, se sont livrés à plusieurs pratiques constituant une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, CE.

7 La Commission a précisé notamment que, étant donné que le groupe auquel Mindo appartenait pendant la durée de l'infraction avait cessé d'exister à la suite de sa fusion avec le groupe Standard Commercial Corporation, AOI, en tant que successeur juridique de ces deux groupes, était destinataire de la décision litigieuse. Mindo, en tant que successeur juridique de Dimon Italia Srl, était également destinataire de cette décision.

8 La Commission a fixé à 12,5 millions d'euros le montant de départ de l'amende infligée à Mindo qu'elle a majoré de 25 % au titre du caractère très grave de l'infraction et de 60 % au titre de la durée de l'infraction de six ans et quatre mois. Elle a limité la responsabilité de cette société à 10 % de son chiffre d'affaires de l'exercice le plus récent. La Commission a accueilli la demande de réduction de l'amende de Mindo et elle a réduit celle-ci de 50 % au titre de la coopération. Ainsi, la Commission a fixé le montant final de l'amende à infliger à Mindo et à AOI à 10 millions d'euros, AOI étant responsable pour la totalité de ce montant et Mindo n'étant solidairement responsable que pour 3,99 millions d'euros.

9 Le 14 février 2006, AOI a payé l'intégralité du montant de l'amende qui avait été infligée par la Commission à elle et à Mindo.

10 Le 4 juillet 2006, Mindo a été mise en liquidation, ce dont elle n'a jamais informé le Tribunal.

11 Mindo a introduit, le 5 mars 2007, en vertu de l'article 161 du décret royal n° 267, du 16 mars 1942, portant réglementation de la faillite, du concordat préventif, de l'administration contrôlée et de la liquidation administrative forcée (regio decreto 16 marzo 1942, n° 267, recante disciplina del fallimento, del concordato preventivo, dell'amministrazione controllata e della liquidazione coatta amministrativa), tel que modifié (supplément ordinaire à la GURI n° 81, du 6 avril 1942), une demande d'admission à la procédure de concordat préventif avec cession des biens devant le Tribunale ordinario di Roma, sezione fallimentare. Par jugement du 27 novembre 2007, cette juridiction a homologué le concordat préventif proposé par Mindo.

La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2006, Mindo a demandé l'annulation partielle de la décision litigieuse ainsi que, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l'amende infligée à Mindo et, à titre solidaire, à AOI.

13 Lors de l'audience qui s'est tenue le 29 novembre 2010, la Commission, ayant pris connaissance, quelques jours plus tôt, du fait que la requérante était en liquidation judiciaire depuis le mois de juillet 2006, a fait valoir, en substance, que cette dernière avait perdu son intérêt à agir. Le Tribunal a alors invité Mindo à lui fournir toute information et tous documents pertinents au sujet de tout accord que celle-ci aurait conclu avec AOI concernant le paiement de l'amende par cette dernière et la possibilité d'introduire une action en recouvrement d'une partie de l'amende payée. Mindo a déféré à cette demande.

14 Par lettre du 30 mars 2011, AOI a répondu à des questions posées par le Tribunal en indiquant, en substance, qu'elle n'avait pas encore introduit une action en recouvrement à l'encontre de Mindo, car elle préférait attendre l'issue de la procédure devant le Tribunal.

15 Elle a expliqué d'abord que, pour engager une telle démarche, elle aurait très probablement été obligée de demander un jugement et une injonction de payer fondée sur ce jugement et que, en cas d'annulation totale ou partielle de l'amende, elle aurait été contrainte de restituer à Mindo la somme remboursée avec les intérêts, ce qui aurait rendu toute la procédure lourde, coûteuse et longue. AOI a considéré, ensuite, que son action n'était pas prescrite et qu'elle ne l'aurait pas été avant la fin de la procédure devant le Tribunal. Enfin, elle a souligné que l'existence d'une procédure de concordat préventif n'empêchait pas un créancier de saisir les juridictions compétentes en vue d'obtenir un jugement déclaratoire à l'encontre du débiteur faisant l'objet de ladite procédure et de demander une injonction de payer dès le prononcé du jugement d'homologation.

16 Au terme de l'examen des circonstances de l'affaire et notamment de l'objet de la demande, le Tribunal a conclu que Mindo n'avait pas démontré son intérêt né et actuel à la poursuite de la procédure et a considéré que, par conséquent, il n'y avait pas lieu de statuer sur son recours.

Les conclusions des parties

17 Par son pourvoi, Mindo conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué dans son intégralité, au renvoi de l'affaire devant le Tribunal pour réexamen sur le fond et à la condamnation de la Commission à la totalité des dépens.

18 La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Mindo aux dépens.

Sur le pourvoi

19 À l'appui de son pourvoi, Mindo invoque deux moyens. Par son premier moyen, elle fait valoir en substance que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant inexactement sa situation et en déclarant, en conséquence, qu'elle n'avait aucun intérêt à agir. Le second moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré d'une violation du droit à un procès équitable d'AOI et de Mindo.

20 La Commission soutient que le premier moyen du pourvoi est manifestement irrecevable et que le second moyen est manifestement non fondé.

Sur la recevabilité du premier moyen

21 Selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que 168, paragraphe 1, sous d), et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de celle-ci qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274-99 P, Rec. p. I-1611, point 121, et du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C-646-11 P, point 51).

22 Il convient de relever que Mindo a invoqué des erreurs de droit commises par le Tribunal en identifiant de façon suffisamment précise les éléments critiqués de l'arrêt attaqué, en particulier son point 87, et en spécifiant les raisons pour lesquelles elle estime que ces éléments sont entachés de telles erreurs.

23 La Commission n'est dès lors pas fondée à exciper de l'irrecevabilité du premier moyen.

Sur le fond du premier moyen

Argumentation des parties

24 En premier lieu, Mindo soutient que, en payant le montant intégral de l'amende, AOI est devenue son créancier, en vertu des articles 2055, deuxième alinéa, et 1299 du code civil italien. Conformément à l'article 2946 du même code, le droit d'AOI de réclamer le remboursement à Mindo serait soumis au délai de prescription ordinaire de dix ans. Le Tribunal aurait donc commis une erreur en considérant, aux points 85 et suivants de l'arrêt attaqué, que l'annulation ou la réformation de la décision litigieuse ne procurerait aucun bénéfice à Mindo, dans la mesure où le droit d'AOI de réclamer le remboursement de sa créance serait né le jour du paiement de l'amende et le délai de prescription de l'action dont elle dispose à cette fin serait de dix ans.

25 En deuxième lieu, Mindo allègue que le Tribunal a commis une erreur, en concluant à l'absence de preuve de l'existence d'une créance d'AOI sur Mindo, ainsi que d'une possibilité ou d'une intention dans le chef d'AOI d'introduire une action en recouvrement de cette créance. D'une part, Mindo aurait établi l'existence de sa dette envers AOI en produisant des preuves concernant le décret royal n° 267, du 16 mars 1942, et le droit effectif de recouvrement d'AOI dans sa réponse aux observations de la Commission concernant les documents produits par Mindo sur la demande du Tribunal. D'autre part, elle n'aurait pas été tenue de démontrer l'intention d'AOI de recouvrer la créance, mais uniquement son droit effectif d'introduire une action à cette fin.

26 En troisième lieu, Mindo fait valoir que le Tribunal a apprécié de façon incorrecte la charge de la preuve en se basant sur la constatation qu'"il n'[était] pas exclu" qu'AOI ait assumé le paiement de la partie de l'amende incombant à Mindo pour fonder son arrêt. Mindo a précisé, lors de l'audience, que cette constatation du Tribunal impliquait qu'elle n'avait aucun moyen de se défendre et constituait un renversement de la charge de la preuve. L'appréciation globale par le Tribunal de l'absence d'intérêt à agir de Mindo reposerait sur des considérations spéculatives faisant référence à l'intention d'AOI et à d'autres contingences dénuées de pertinence.

27 À cet égard, la Commission répond que la partie de l'amende incombant à Mindo a été intégralement payée par AOI, qui, à la date du prononcé de l'arrêt attaqué, n'avait toujours pas intenté d'action pour en obtenir le remboursement et qu'un accord occulte, selon lequel AOI assumerait la responsabilité du comportement anticoncurrentiel de Mindo, existait entre ces deux entités.

28 Selon la Commission, le Tribunal n'a pas fondé son argumentation sur des considérations liées au droit italien, mais sur une série d'observations factuelles qui vont à l'encontre de la proposition selon laquelle AOI avait le droit d'intenter une action en recouvrement contre Mindo. Elle a précisé, à cet égard, lors de l'audience que, selon elle, "dans une situation normale" et en l'absence de tout autre arrangement, le paiement par AOI du montant de l'amende incombant à Mindo avait pour conséquence, conformément au droit italien en vigueur, la naissance, dans le chef d'AOI, d'un droit d'agir à l'encontre de Mindo pour obtenir le remboursement de cette somme, mais que le Tribunal, en se fondant sur les preuves apportées, avait considéré qu'AOI et Mindo devaient avoir passé un accord, en vertu duquel AOI n'avait plus le droit de poursuivre Mindo dans ce but.

Appréciation de la Cour

29 Il convient de rappeler que l'obligation de motiver les arrêts résulte de l'article 36 du statut de la Cour, rendu applicable au Tribunal en vertu de l'article 53, premier alinéa, du même statut, et de l'article 81 du règlement de procédure du Tribunal. Selon une jurisprudence constante, la motivation d'un arrêt du Tribunal doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de celui-ci, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d'exercer son contrôle juridictionnel (voir arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C-288-11 P, non encore publié au Recueil, point 83 et jurisprudence citée).

30 Il y a lieu de relever, en outre, que le défaut ou l'insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles et constitue un moyen d'ordre public qui doit être soulevé par le juge de l'Union (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C-265-97 P, Rec. p. I-2061, point 114, ainsi que ordonnance du 7 décembre 2011, Deutsche Bahn/OHMI, C-45-11 P, point 57).

31 Force est de constater que plusieurs des conclusions de l'arrêt attaqué sont entachées d'une telle insuffisance de motivation.

32 En premier lieu, il convient de rappeler que, par la décision litigieuse, la Commission a infligé à AOI et à Mindo une amende de 10 millions d'euros, en spécifiant que Mindo était solidairement responsable du paiement de 3,99 millions d'euros. Ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 82 de l'arrêt attaqué, AOI a payé, le 14 février 2006, l'intégralité du montant de l'amende.

33 Le Tribunal a constaté à juste titre que, conformément à l'article 2 de la décision litigieuse, Mindo est l'une des sociétés destinataires de la décision litigieuse et qu'elle était solidairement responsable du paiement de 3,99 millions d'euros d'amende.

34 Au point 85 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé que "l'annulation ou la réformation de la décision litigieuse au titre demandé par [Mindo] ne lui procurerait aucun bénéfice, dès lors que l'amende qui lui a été infligée a déjà été intégralement payée par [AOI], son codébiteur solidaire, et que cette dernière [...] n'a pas agi contre elle pour obtenir le remboursement d'une partie du montant de l'amende payée, alors même que plus de cinq ans se sont écoulés depuis ledit paiement". Le Tribunal a en outre constaté, au point 87 de l'arrêt attaqué, que Mindo n'avait pas démontré à suffisance de droit qu'AOI détenait une créance sur elle.

35 Toutefois, Mindo a fait valoir, à cet égard, devant le Tribunal, que le paiement par AOI de la totalité de l'amende a fait naître dans le chef d'AOI une créance dont Mindo pourrait répondre en tant que débitrice solidaire d'une partie de l'amende infligée par la Commission à ces deux entreprises.

36 Il ressort, en outre, des réponses de Mindo aux questions posées par le Tribunal, en date du 6 janvier 2011, "qu'une partie liée par une obligation solidaire peut, après avoir payé l'intégralité de la dette au créancier, demander aux autres débiteurs solidaires le remboursement du montant de la dette payée en leur nom". Il ressort par ailleurs des observations de la Commission sur les documents produits en vertu de l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, en date du 21 février 2011, qu'il était constant entre les parties que le droit italien relatif à la contribution entre des parties solidairement responsables d'une créance confère à AOI le droit de demander à Mindo de contribuer au paiement de l'amende.

37 Or, malgré cette argumentation, le Tribunal a affirmé que le paiement par AOI de la totalité de l'amende ne suffisait pas pour faire naître dans le chef d'AOI une créance dont Mindo pourrait répondre en tant que débitrice solidaire de l'amende. Il y a lieu de constater, à cet égard, que le Tribunal a omis de motiver à suffisance de droit cette appréciation.

38 Par ailleurs, Mindo a soulevé à plusieurs reprises devant le Tribunal, ainsi qu'il ressort du point 72 de l'arrêt attaqué et des pièces du dossier, la question de la prescription du droit à agir d'AOI et, en particulier, l'argument selon lequel AOI dispose, depuis la date à laquelle elle a payé l'intégralité du montant de l'amende qui avait été infligée par la Commission à ces deux sociétés, du droit d'exercer une action à l'encontre de Mindo lui permettant de réclamer à cette dernière une participation pour sa part de l'amende. Mindo a fait valoir que ce droit ne serait prescrit que le 14 février 2016.

39 Or, le Tribunal s'est borné à affirmer à cet égard que "plus de cinq ans se sont écoulés" depuis le paiement effectué par AOI et que Mindo n'avait pas démontré à suffisance de droit qu'AOI "était toujours à même" de recouvrer cette créance, sans pour autant vérifier si le droit d'AOI d'exercer l'action en cause était ou non prescrit, alors même que Mindo a invoqué devant lui les dispositions de droit italien relatives à la prescription décennale de l'action du codébiteur solidaire et que les arguments invoqués à cet égard étaient présentés d'une manière suffisamment claire et précise pour permettre au Tribunal de prendre position.

40 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le Tribunal ne pouvait, au motif qu'AOI avait payé la dette de Mindo, mais sans nullement expliquer pourquoi ce paiement ne suffisait pas pour faire naître dans le chef d'AOI une créance, conclure, comme il l'a fait respectivement aux points 85 et 87 de l'arrêt attaqué, que l'annulation ou la réformation de la décision litigieuse ne procurerait aucun bénéfice à Mindo et que cette dernière n'avait pas démontré à suffisance de droit qu'AOI détenait une créance sur elle.

41 Il découle des éléments qui précèdent que, en omettant ainsi de répondre à une partie centrale de l'argumentation de Mindo, le Tribunal a violé l'obligation de motivation qui lui incombait en vertu de l'article 36 du statut de la Cour, rendu applicable à celui-ci en vertu de l'article 53, premier alinéa, du même statut, et de l'article 81 du règlement de procédure du Tribunal.

42 En deuxième lieu, le Tribunal a, au point 87 de l'arrêt attaqué, affirmé que, à supposer même qu'AOI ait détenu une créance sur Mindo, cette dernière n'avait pas non plus démontré à suffisance de droit qu'AOI était "toujours à même" de recouvrer sa créance.

43 Or, il ressort du point 71 de l'arrêt attaqué que Mindo a fait valoir devant le Tribunal que, conformément au droit italien en vigueur, elle pouvait faire l'objet dans l'avenir d'une action récursoire d'AOI. Dans sa réponse à des questions posées par le Tribunal, en date du 20 mai 2011, Mindo a notamment expliqué que, conformément au droit italien, les "titulaires de créances nées antérieurement au jugement", tels qu'AOI, peuvent, même après la fin de l'exécution du concordat préventif, introduire une action en justice à l'encontre de Mindo afin d'obtenir une injonction de payer, tout en respectant les quotités et les délais fixés dans le concordat préventif.

44 Pour répondre à cet argument, le Tribunal ne pouvait dès lors se borner à relever, comme il l'a fait, au point 91 de l'arrêt attaqué, que Mindo n'avait fourni aucune explication concernant les raisons pour lesquelles elle qualifiait AOI de "créancier antérieur" ou sur les raisons pour lesquelles cette dernière n'avait pas essayé de produire sa créance.

45 En outre, alors que Mindo soutenait qu'AOI était toujours à même de lui réclamer sa créance, le Tribunal n'a pas tenu compte de l'argument qui s'avérait déterminant à cet égard pour Mindo et selon lequel, comme il ressortait d'une réponse aux questions posées par le Tribunal le 8 juillet 2011, le concordat préventif permettait à l'entreprise en cessation de paiement de réaménager sa dette avec l'ensemble de ses créanciers et de poursuivre ainsi ses activités.

46 Il s'ensuit que la motivation fournie par le Tribunal dans l'arrêt attaqué ne fait pas apparaître de façon claire et non équivoque, de manière à permettre notamment à la Cour d'exercer son contrôle juridictionnel, les raisons pour lesquelles il a considéré que Mindo n'avait pas démontré à suffisance de droit qu'AOI était à même de recouvrer sa créance et que, par conséquent, cette motivation ne répond pas à l'exigence posée par la jurisprudence exposée au point 29 du présent arrêt.

47 En troisième lieu, le Tribunal a, au point 87 de l'arrêt attaqué, affirmé que, à supposer même qu'AOI ait détenu une créance sur Mindo, cette dernière n'avait pas non plus démontré à suffisance de droit qu'AOI "avait l'intention" de recouvrer sa créance.

48 Ainsi, le Tribunal a exigé de Mindo qu'elle lui rapporte la preuve de l'intention d'AOI de recouvrer sa créance. Cette exigence ressort également du point 91 de l'arrêt attaqué, où le Tribunal a considéré que Mindo n'avait fourni aucune explication sur les raisons pour lesquelles AOI n'avait même pas essayé de produire sa créance dans le cadre de la procédure de concordat et ne s'y était pas opposée malgré les conséquences qu'une telle créance pouvait avoir sur la décision des autres créanciers d'adhérer à la proposition de concordat préventif.

49 Or, il ressort de l'arrêt attaqué que, par lettre du 30 mars 2011 et en réponse à des questions écrites posées par le Tribunal, AOI a déclaré qu'elle avait l'intention d'agir en recouvrement à l'encontre de Mindo, que son action en recouvrement n'était toujours pas prescrite et qu'elle attendait à cette fin que le litige soit tranché au fond. Il y a lieu, dès lors, de constater que ce document n'a pas fait l'objet d'une appréciation de la part du Tribunal.

50 Ce faisant, le Tribunal a soumis l'intérêt à agir de Mindo à la condition qu'elle prouve l'intention d'un tiers d'intenter une action en recouvrement de sa créance. Par conséquent, en faisant porter sur Mindo la charge d'une preuve impossible, pour elle, à administrer afin que celle-ci puisse démontrer son intérêt à agir, le Tribunal a commis une erreur de droit.

51 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la conclusion tirée par le Tribunal audit point 87 de l'arrêt attaqué repose sur une série d'indices repris aux points 85 et 88 à 92 de cet arrêt, au vu desquels le Tribunal a considéré, au point 93 dudit arrêt, qu'il "n'est pas exclu" qu'AOI ait assumé le paiement de la partie de l'amende incombant à Mindo ou qu'elle ait renoncé à lui en demander le remboursement.

52 Il ressort également de l'arrêt attaqué que le Tribunal a exigé de Mindo de lui fournir toute information et tous documents pertinents au sujet de tout accord que celle-ci aurait conclu avec AOI concernant le paiement de l'amende par cette dernière et la possibilité de demander le remboursement d'une partie de l'amende payée. Il y a lieu de relever, à cet égard, que le Tribunal a lui-même constaté, au point 92 de l'arrêt attaqué, que les documents fournis par Mindo en réponse à cette demande ne contenaient aucune garantie ou indemnité en faveur d'AOI quant à l'éventuelle amende que la Commission lui aurait infligée.

53 L'expression employée au point 93 de l'arrêt attaqué démontre le caractère non concluant desdits indices et le constat d'une simple probabilité. Or, la constatation d'un défaut d'intérêt à agir dans le chef du destinataire d'une décision de la Commission lui infligeant une amende ne saurait reposer sur de simples suppositions, en particulier lorsque le Tribunal a omis de tenir suffisamment compte d'une série d'éléments invoqués par Mindo et tendant à donner un éclairage différent aux circonstances de l'espèce ou à démontrer qu'AOI pouvait toujours introduire une action récursoire et récupérer, pour le moins, une partie de sa créance.

54 Il résulte de tout ce qui précède que, dès lors que, d'une part, l'appréciation du Tribunal est entachée d'une insuffisance de motivation et, d'autre part, qu'il a fait porter sur Mindo la charge d'une preuve impossible, pour elle, à administrer, celle-ci est fondée à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt à agir.

55 Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen, il y a lieu d'accueillir le pourvoi et d'annuler l'arrêt attaqué.

56 Conformément à l'article 61, premier alinéa, du statut de la Cour, cette dernière, en cas d'annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue. En l'espèce, le litige n'est pas en état d'être jugé.

57 Par conséquent, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1) L'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 5 octobre 2011, Mindo/Commission (T-19-06), est annulé.

2) L'affaire est renvoyée devant le Tribunal de l'Union européenne.

3) Les dépens sont réservés.