CA Aix-en-Provence, 11e ch. A, 22 février 2013, n° 12-00303
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Djiknavorian
Conseillers :
Mme Perez, M. Isouard
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 31 janvier 2010, Monsieur V a vendu à Monsieur D un scooter de marque Yamaha modèle TMAX 500 d'occasion après avoir publié sur le site "Le Bon coin" une annonce indiquant "T Max 04/2009 noir brillant 5 200 kms sous garantie constructeur jusqu'en 04/2011, Alarme TG, gravage antivol, bulle noire sport Yamaha, Etat neuf, révisé, vendu avec 3 clés dont la rouge et 2 télécommandes d'alarme".
Par jugement du 9 novembre 2011 le Tribunal d'instance de Marseille a :
- prononcé la résolution de cette vente retenant le dol,
- condamné Monsieur V à payer à Monsieur D la somme de 7 800 euros, montant du prix de la vente et celle de 120 euros, coût de la carte grise,
- rejeté les autres demandes,
- condamné Monsieur V à payer à Monsieur D la somme de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 6 janvier 2012, Monsieur V a interjeté appel de cette décision. Il sollicite sa réformation, le débouté de Monsieur D de toutes ses prétentions et sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il conteste le dol alléguant tout que d'abord la mention "état neuf" figurant à l'annonce ne peut être considérée comme fausse en raison d'une première mise en circulation récente, du faible kilométrage parcouru et de la qualité des réparations effectuées qui ne concernaient que l'habillage et non pas la partie mécanique, ensuite sa bonne foi dans la croyance du maintien de la garantie constructeur au vue de l'engagement du concessionnaire et enfin l'exactitude des révisions.
Il soutient également que le prix de vente n'est pas de 7 800 euros mais de 6 600 euros.
Monsieur D conclut à l'annulation de la vente pour dol et à la condamnation de Monsieur V à lui payer la somme de 7 800 euros, montant du prix de vente, celle de 120 euros coût de la carte grise, celle de 1 700,88 euros correspondant aux primes d'assurance versées, celle de 2 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi que celle de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de celle de 1 200 euros allouée par le premier juge.
Il se plaint d'un dol de Monsieur V justifiant l'annulation de la vente en l'état de l'important accident ayant affecté le scooter, de l'absence de garantie constructeur et du défaut d'entretien. Il invoque un prix de vente de 7 800 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article 1116 du Code civil énonce : "Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté".
Les explications des parties et les documents produits établissent que :
- le scooter litigieux a été acheté à l'état neuf par Monsieur D le 16 avril 2009,
- qu'il a été subi un accident de la circulation le 12 août 2009 à la suite duquel il a été déclaré véhicule économiquement irréparable,
- l'assureur de Monsieur D l'a cédé à la société Dépa Moto qui a remis le véhicule en état,
- cette société l'a revendu à Monsieur V pour un prix de 3 700 euros,
- Monsieur V l'a revendu le 31 janvier 2010 à Monsieur D,
- la société Yamaha a attesté le 21 mai 2010 que le classement de ce scooter comme véhicule économiquement irréparable a entraîné de facto la déchéance de sa garantie constructeur.
Le scooter litigieux dont la valeur neuve était de 7 257,53 euros hors taxes, celle de remplacement lors de l'accident de 6 563,55 euros hors taxes et le montant des réparations estimé à 6 513,90 euros hors taxes, ce qui a justifié son classement comme véhicule économiquement irréparable, ne pouvait pas être qualifié comme présentant un "état neuf" quelle que soit la qualité des réparations de remise en état qui permettent à nouveau sa circulation. En effet l'état neuf correspond à un véhicule présentant une usure négligeable et n'ayant subi aucun dommage et tel ne pouvait être le cas de ce scooter compte tenu de l'important accident qu'il avait subi.
L'état d'un véhicule constitue l'élément déterminant de son achat et en énonçant une qualité qu'il ne possédait pas Monsieur V a trompé son acheteur. Certes il affirme avoir avisé celui-ci de l'existence des réparations mais ne produit aucun élément établissant ses dires.
Contrairement à ce qu'avait indiqué Monsieur V dans l'annonce, son scooter ne bénéficiait plus de la garantie constructeur ainsi qu'en atteste la société Yamaha. Il invoque sa légitime croyance en la persistance de cette garantie en raison de la pratique de certains concessionnaires. Mais compte tenu de l'importance des dégâts subis lors de l'accident, il lui incombait de s'assurer du maintien de cette garantie, l'attestation produite par Monsieur B., propriétaire d'un commerce de motocyclettes ne démontrant nullement la continuité de cette garantie lorsque le véhicule a été déclaré économiquement irréparable.
L'existence et la durée de la garantie du constructeur constituent également un élément déterminant de l'achat.
Monsieur D reproche aussi à Monsieur V une fausse déclaration en ce qui concerne l'entretien du véhicule ne justifiant pas de la réalité de la seconde révision. Il incombe au vendeur qui a affirmé que ce scooter avait été révisé d'apporter la preuve de cette intervention.
Monsieur V affirme avoir acquis le véhicule de la société Dépa Moto le 16 octobre 2009 et avoir fait réaliser la révision litigieuse le 9 novembre 2009. Il produit pour cela une attestation de la société Dépa Moto attestant de cette vente le 16 octobre 2009, une attestation du garagiste qui aurait fait la révision et le carnet d'entretien mentionnant un contrôle le 9 novembre 2009.
Mais les documents produits sont insuffisants pour établir la réalité de cette révision. Tout d'abord, aucune facture correspondant à cette intervention n'est produite ; ensuite la date à laquelle Monsieur V est devenu réellement propriétaire du scooter est difficile à déterminer ; en effet s'il produit une attestation de la société Dépa Moto la situant au 16 octobre 2009, cette dernière est contredite par le certificat de cession de l'assureur à cette société daté du 24 novembre 2009 et le certificat d'immatriculation au nom de Monsieur V porte la date du 9 décembre 2009. Au surplus il se conçoit mal que celui-ci ait effectué une révision sur un véhicule sur lequel les réparations de remise en circulation n'avaient pas encore été accomplies puisque selon le cabinet Sophex, ces travaux se sont déroulés du 30 novembre au 7 décembre 2009.
Ainsi Monsieur V ne rapporte pas la preuve de l'entretien du scooter.
En conséquence, l'annonce publiée pour la vente du véhicule présentait des éléments faux dont chacun était de nature à amener l'acheteur à contracter.
Il convient de prononcer la nullité de la vente pour dol.
Sur le prix de vente :
Monsieur D qui réclame le remboursement de la somme de 7 800 euros doit établir le prix de vente.
Lors de la vente aucune facture ou autre document mentionnant le prix de la cession n'a été établi et il apparaît que la somme due a été réglée en espèces.
Monsieur D produit diverses attestations relatives à un prix de vente de 7 800 euros mais provenant de personnes qui n'ont pas assisté à la transaction et qui ne rapportent que ses dires à l'exception de celle de Madame Cécile K., sa compagne qui relate avoir été présente lors du paiement qui s'est effectué en présence de la concubine de Monsieur V ; celle-ci, Madame Roxane T, la contredit et allègue d'un paiement de 6 600 euros.
Il conviendra donc de fixer à ce montant le prix de vente et la somme que Monsieur V devra rembourser.
Monsieur V doit également être condamné à rembourser à Monsieur D les frais que celui-ci a dû assumer comme conséquence de la vente soit la somme de 120 euros pour l'immatriculation à son nom du scooter et celle de 1 700,88 euros de cotisations d'assurance pour la période du 29 mars 2010 au 20 janvier 2012.
Monsieur D qui n'établit pas avoir subi un préjudice distinct de celui qui vient d'être réparé, doit être débouté de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.
Succombant à l'essentiel de son recours, Monsieur V doit être condamné à payer à Monsieur D la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Vu le jugement du 9 novembre 2011 du Tribunal d'instance de Marseille ; Prononce la nullité pour dol du contrat de vente du scooter Yamaha T MAX conclu le 31 janvier 2010 entre Monsieur V et Monsieur D ; Condamne contre restitution du véhicule, Monsieur V à payer à Monsieur D les sommes de : - 6 600 euros, montant du prix de vente, - 120 euros, coût du certificat d'immatriculation, - 1 700,88 euros, montant des cotisations d'assurance ; Rejette la demande de Monsieur D en dommages-intérêts ; Condamne Monsieur V à payer à Monsieur D la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Monsieur V aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.