CA Nîmes, 1re ch. civ., 12 juin 2012, n° 11-02832
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Siemens (SAS)
Défendeur :
Hijazi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bruzy
Conseillers :
Mme Jean, M. Berthet
Avocats :
SCP Pericchi Philippe, Mes Pomies Richaud, Vajou, Bouillot, Dubourg
Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties
La SAS Siemens est appelante d'un jugement du Tribunal de grande instance de Nîmes du 2 mai 2011 qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation de sa compétence soulevée par cette société et a, au visa des articles 1109 et 1116 du Code civil :
- prononcé l'annulation du contrat d'achat d'un appareil d'échographie Séquoia 516 Shared d'occasion conclu entre elle et le docteur Hijazi, cardiologue, le 13 avril 2007,
- condamné en conséquence la société Siemens à rembourser à M Hijazi la somme de 40 000 euro assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2007, sur reprise de l'appareil précité,
- condamné la société Siemens à payer au Dr Hijazi la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts,
- condamné M. Hijazi à payer à la société Siemens la somme de 10 349,29 euro assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement,
- ordonné la compensation entre les deux créances,
- condamné la société Siemens à payer à M. Hijazi la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les entiers dépens.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le :
- 21 septembre 2011 pour M. Hijazi,
-14 novembre 2011 pour la SAS Siemens.
La SAS Siemens demande l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à paiement au profit de M. Hijazi de la somme de 40 000 euro assortie d'intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2007 et de celle de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il a assorti la condamnation de M. Hijazi à lui payer la somme de 10 349,29 euro des intérêts au taux légal et non d'intérêts au taux de 10 % l'an à compter de la date d'exigibilité de la facture c'est-à-dire à compter du 31 décembre 2008 jusqu'à parfait paiement. Elle conclut au débouté des demandes de M. Hijazi et sollicite l'allocation d'une somme de 5 800 euro au titre de ses frais irrépétibles et la condamnation de M. Hijazi aux dépens.
M. Hijazi conclut à la confirmation du jugement déféré à l'exception du chef de sa condamnation à payer 10 349,29 euro assortie d'intérêts et demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'il s'engage à rembourser cette somme à son assureur. Il sollicite l'allocation d'une somme de 5 800 euro au titre de ses frais irrépétibles et la condamnation de l'appelante aux dépens.
Motifs
La disposition du jugement entrepris afférente au rejet de l'exception d'incompétence n'est pas remise en cause devant la Cour.
M. Hijazi fonde sa demande de nullité du contrat de vente de l'appareil d'échographie sur l'article 1116 du Code civil au motif qu'il a été volontairement trompé sur l'ancienneté de cet appareil d'occasion qui était en réalité de cinq ans et non de trois ans comme annoncé dans la proposition commerciale, qui a servi de démonstration avant la vente et qui a été affecté de nombreuses pannes ayant nécessité diverses réparations dont trois interventions lourdes.
La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat mais pour se prononcer sur l'existence d'un vice du consentement, il peut être fait état d'éléments d'appréciation postérieurs à cette date.
Le dol est, en application de l'article 1116 du Code civil, une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. Il peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.
En l'espèce, l'appareil acquis d'occasion était destiné à l'activité professionnelle médicale de M. Hijazi, cardiologue. La société Siemens a reconnu, par courrier du 18 décembre 2008, que cet appareil a été livré à sa filiale française le 28 mai 2002 et qu'il a servi de matériel de démonstration jusqu'en 2004, date d'installation en clientèle. Le rapport d'expertise unilatérale établi par M. Touzeau, expert ingénieur biomédical mandaté par M. Hijazi et soumis à la discussion contradictoire des parties, relève que cet appareil est ancien, qu'il a subi de nombreuses réparations et que l'exploitation de ses résultats ne semble pas assurée tenant le peu de qualité des images recueillies. Cet expert a en outre relevé l'absence de plaque d'identification sur l'appareil. Aucun avis technique critique n'est produit de nature à contredire cet avis et aucune expertise n'a été sollicitée par Siemens. Même si ce matériel a été acheté d'occasion par M. Hijazi, l'ancienneté de trois ans expressément mentionnée sur la facture pro-forma du 26 avril 2007 remise par Siemens à l'acquéreur avant la livraison du 3 mai 2007 démontre que l'accord des parties lors de la commande portait bien sur un appareil de 3 ans et que cette ancienneté, caractéristique dont dépend la qualité de l'échographe, a été déterminante de l'achat pour M. Hijazi qui avait une autre proposition commerciale de la société Philips pour le même type d'échographe sans mention de l'ancienneté. Compte tenu de ce que cet appareil conditionnait un diagnostic fiable du cardiologue à la suite de l'échographie, le silence intentionnel du vendeur professionnel sur les circonstances de ce que l'échographe vendu, sorti d'usine en 2002, avait déjà servi pendant deux ans comme appareil de démonstration avant sa première vente et de son ancienneté réelle de 5 ans et non de trois ans comme précisé sur le document remis avant livraison constitue, comme à juste titre retenu par le tribunal, une réticence dolosive car si ce fait avait été connu du Dr Hijazi, il l'aurait empêché de contracter comme étant susceptible d'affecter la fiabilité de l'appareil. La nullité de la convention pour dol sera donc confirmée.
M. Hijazi a payé une somme de 30 000 euro sur le prix de 40 000 euro après déduction de 10 000 euro en reprise de son ancien matériel. Le prix et l'appareil repris ou sa valeur doivent être intégralement restitués par le vendeur et le bien acquis restitué par l'acquéreur en conséquence de l'annulation du contrat qui est rétroactivement effacé. S'agissant d'une restitution de prix consécutive à l'annulation de la convention, les intérêts au taux légal de cette somme sont dus du jour de la demande en justice équivalant à la sommation de payer, soit en l'espèce à compter de l'assignation.
Le droit de demander la nullité du contrat pour dol n'exclut pas l'exercice par la victime des manœuvres dolosives d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu'elle a subi. Toutefois, en l'espèce, M. Hijazi qui se prévaut "d'un préjudice très important lié à ses reports ou annulations de rendez-vous" ne justifie aucunement de la réalité de ce dommage et ne produit aucune pièce sur ce point. Sa demande de dommages-intérêts doit donc être rejetée et le jugement réformé en ce qu'il a condamné de ce chef la société Siemens à payer à M. Hijazi une somme de 5 000 euro.
La société Siemens a formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 10 349,29 euro outre intérêts au taux de 10 % l'an à compter du 31 décembre 2008. Cette panne a été due à une surtension électrique provoquée par la foudre et a été réparée par Siemens et indemnisée par l'assureur de M. Hijazi qui n'a pas réglé cette somme à Siemens. Ce dernier doit donc rembourser le prix de cette prestation de service à la société Siemens qui a procédé à la réparation sur devis accepté par M. Hijazi le 31 octobre 2008 alors que ce dommage ne lui est pas imputable. Les intérêts sur cette somme doivent courir à compter de la mise en demeure par lettre recommandée reçue le 9 mars 2009 au taux contractuel de 10 % l'an, expréssément mentionné comme exigible à défaut de paiement sur la facture de réparation du 19 novembre 2008 à échéance du 31 décembre 2008, qu'il n'y a pas lieu de réduire.
La société Siemens succombe sur l'essentiel de ses prétentions et supportera les dépens.
Au visa de l'article 700 du Code de procédure civile, une somme supplémentaire de 1 200 euro sera allouée à M. Hijazi.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, Dit l'appel régulier et recevable en la forme, Réforme le jugement déféré des seuls chefs de la condamnation de la société Siemens à rembourser à M. Hijazi la somme de 40 000 euro et à lui payer une somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts et des intérêts assortissant la condamnation de M. Hijazi au paiement de la somme 10 349,29 euro, Statuant à nouveau sur ces points, Condamne la SAS Siemens à rembourser à M. Hijazi la somme de 30 000 euro et à lui restituer l'appareil Acuson 128 XP et deux sondes objets de la reprise ou à défaut leur valeur de 10 000 euro, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 16 juillet 2009, Rejette comme injustifiée la demande de M. Hijazi en dommages-intérêts, Dit que la somme de 10 349,29 euro à charge de M. Hijazi au profit de la société Siemens sera assortie des intérêts au taux contractuel de 10 % l'an à compter du 9 mars 2009, Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions, Condamne la SAS Siemens aux dépens, La condamne à payer une somme supplémentaire de 1 200 euro à M. Hijazi en application de l'article 700 du Code de procédure civile.