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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 31 mai 2010, n° 08-00929

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Kesler Christophe (Sté)

Défendeur :

Firmann, Mordal

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

MM. Magnin, Martin

Avoués :

SCP Leinster, Wisniewski & Mouton, SCP Millot-Logier & Fontaine

TI Bar-le-Duc, du 8 févr. 2008

8 février 2008

EXPOSE DU LITIGE

L'EURL Kesler Christophe a installé en juillet 2006 une pompe à chaleur air/air au domicile de Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal.

La fourniture et l'installation de cet équipement ont été facturés à hauteur de 7 152,90 euros, somme qui a été réglée par Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal. Toutefois, dès septembre 2006, ceux-ci ont remarqué des dysfonctionnements dans le matériel installé.

Pour tenter de remédier à ces problèmes, le fabricant, le fournisseur et le vendeur sont intervenus, mais en vain.

Par acte d'huissier du 17 décembre 2007, Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal ont fait assigner l'EURL Kesler Christophe devant le Tribunal d'instance de Bar-le-Duc afin de voir, sur le fondement des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation et des articles 1641 et suivants du Code civil, prononcer la résolution de la vente, condamner l'EURL Kesler Christophe à leur rembourser le prix de 7 152,90 euros et à leur payer une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Personne n'a comparu pour l'EURL Kesler Christophe devant le tribunal d'instance.

Par jugement rendu le 8 février 2008, le Tribunal d'instance de Bar-le-Duc a prononcé la résolution de la vente, a condamné l'EURL Kesler Christophe à procéder à ses frais au démontage du matériel et à payer à Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal les sommes de 7 152,90 euros en remboursement du prix et de 300 euros à titre de dommages et intérêts. Cette décision était assortie de l'exécution provisoire.

L'EURL Kesler Christophe a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 10 avril 2008.

Elle indique qu'elle a exécuté le jugement déféré et que la question de la résolution de la vente ne se pose donc plus. Elle demande néanmoins à la cour de constater le caractère infondé des prétentions de Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal, de les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts et de remboursement de leurs frais de justice irrépétibles et de les condamner à lui payer une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient avoir tout fait pour satisfaire ses clients : elle s'est déplacée plusieurs fois à leur domicile pour vérifier l'installation, elle a sollicité son fournisseur qui a lui-même sollicité le fabricant, lequel a proposé le remplacement du matériel ; le 11 janvier 2007, elle a informé Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal que le nouveau matériel était disponible et a proposé de l'installer, mais ils ont refusé et réclamé le démontage de l'ancienne installation.

Elle fait valoir que la résolution de la vente ne pouvait être réclamée dès lors que Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal avaient donné leur accord pour le remplacement du matériel mais qu'ils s'y sont finalement opposés quand il fut disponible.

Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal demandent à la cour de prendre acte que la question de la résolution de la vente ne se pose plus et de confirmer le jugement déféré pour le surplus. Ils sollicitent en outre la condamnation de l'EURL Kesler Christophe à leur payer les sommes de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire et de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils font valoir que la pompe à chaleur qui a été installée par l'EURL Kesler Christophe à leur domicile n'était pas conforme à la commande et que le matériel de remplacement qui leur était proposé ne correspondait pas davantage à leur demande.

A titre subsidiaire, ils se prévalent de la garantie des vices cachés.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières écritures déposées le 1er décembre 2009 par l'EURL Kesler Christophe et le 8 mars 2010 par Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 avril 2010.

Sur l'obligation de délivrance conforme :

L'article L. 211-4 du Code de la consommation dispose que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et qu'il doit répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

En l'espèce, les dysfonctionnements de la pompe à chaleur ne sont pas contestés. Par lettre du 17 janvier 2007 adressée à Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal, l'EURL Kesler Christophe écrivait :

"Au bout de deux mois environ après la pose, vous vous apercevez que le matériel ne régule pas bien ou ne fonctionne pas par moment (...). Après plusieurs déplacements pour des opérations de vérifications de l'installation, j'en déduis que le problème ne concerne pas l'installation et la mise en service, mais en fait c'est un problème interne à l'appareillage. Je décide donc d'appeler le SAV de Cat."

Dans ce même courrier, l'EURL Kesler Christophe ajoute que le technicien de la société Cat, fabricant, s'est rendu le 10 novembre 2006 chez Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal et a conclu à "un mauvais fonctionnement des appareils de régulation, ventilation et température."

Le vendeur a ainsi reconnu que la pompe à chaleur qu'il a installée était affectée d'au moins deux défauts : dysfonctionnement de la régulation et pannes intermittentes, ce qui est rédhibitoire pour un appareil de chauffage. Le défaut de conformité est ainsi établi.

L'article L. 211-9 du Code de la consommation dispose qu'en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.

En l'occurrence, l'EURL Kesler Christophe a tenté de réparer l'installation : elle a effectué le changement de trois sondes en décembre 2006 et le remplacement d'une carte mère, mais elle reconnaît dans son courrier du 17 janvier 2007 que ces interventions n'ont pas permis de remédier aux dysfonctionnements constatés. Elle a alors elle-même opté pour le remplacement pur et simple du matériel défaillant. Mais il ressort des pièces produites aux débats que le matériel proposé à titre de remplacement présentait des performances inférieures à celles de l'appareil qui avait été installé chez Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal, notamment en ce qu'il ne comportait plus de système "inverter". L'EURL Kesler Christophe n'a pas apporté le moindre élément de réponse sur ce point qui est pourtant développé dans les conclusions de Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal et qui fait l'objet de nombreuses productions annotées dans les pièces qu'ils ont versées aux débats. A titre d'exemple, il appert des documents produits que le matériel installé avait une puissance calorifique maximum de 7 280 W quand elle n'était que de 5 270 pour le matériel proposé en remplacement.

Il apparaît ainsi que le remplacement à l'identique de l'appareil défaillant, ou avec des performances similaires, n'était pas possible. Dès lors, en application de l'article L. 211-10 du Code de la consommation, Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal étaient fondés à solliciter la résolution de la vente et la décision du tribunal ayant fait droit à cette demande doit être approuvée.

Sur les dommages et intérêts :

Le dysfonctionnement de la pompe à chaleur installée, puis son démontage suite à la résolution de la vente ont nécessairement causé de multiples préjudices à Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal : économies de chauffage espérées mais non réalisées au cours de l'hiver 2006/2007, démarches multiples pour tenter de résoudre ces difficultés, création de trous béants tant à l'intérieur de la maison qu'à l'extérieur lors des travaux de démontage de l'installation.

Le préjudice qui en est résulté a été estimé à 300 euros par le premier juge, ce qui constitue une sous-estimation manifeste. Au vu des éléments de la cause, ce préjudice doit être évalué à 1 000 euros. Le jugement déféré sera donc réformé sur ce point et l'EURL Kesler Christophe sera condamnée à payer cette somme à Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal.

Si l'appel interjeté par l'EURL Kesler Christophe s'avère non fondé, aucune circonstance particulière ne permet de le qualifier d'abusif ou de dilatoire et la demande de dommages et intérêts de Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal ainsi fondée sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

L'EURL Kesler Christophe, qui est la partie perdante, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable qu'elle soit condamnée à payer à Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition publique au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Déclare l'appel recevable ; Infirme partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau : Condamne l'EURL Kesler Christophe à payer à Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal la somme de mille euros (1 000 euro) à titre de dommages et intérêts pour les troubles de jouissance et les tracas occasionnés ; Confirme le jugement pour le surplus ; Y ajoutant : Déboute Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire ; Déboute l'EURL Kesler Christophe de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'EURL Kesler Christophe à payer à Monsieur Davy Firmann et Mademoiselle Julie Mordal la somme de mille euros (1 000 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'EURL Kesler Christophe aux dépens et autorise la Société Civile Professionnelle Millot, Logier et Fontaine, avoués, à faire application de l'article 699 du Code de procédure civile.