CA Versailles, 1re ch., 20 novembre 2008, n° 08-02408
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Icon health & fitness France (SAS)
Défendeur :
Compagnie Marco Polo
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wallon
Conseillers :
Mmes Liauzun, Lambling
Avocats :
SCP Fievet-Lafon, Mes Binoche, Schmitt, Nevot
La société Icon Health & Fitness France, qui commercialise des articles et matériels de sport, a conclu en avril 2004 pour une durée de quatre ans un contrat de sponsoring avec la société Marco Polo créée en avril 2003 par Marc Thiercelin et son frère Guillaume Thiercelin et dont l'objet social est la construction et l'acquisition de bateaux destinés à participer à des courses au large. La société Icon health & fitness entendait ainsi assurer la promotion de la marque Proform. En contrepartie du versement de la somme globale de deux millions d'euros HT à régler trimestriellement à hauteur de 125 000 euros HT, la société Marco Polo s'engageait à participer à un certain nombre de courses (Transat en solitaire, Vendée Globe, Transat Jacques Vabre, Route du Rhum), les fonctions de skipper étant confiée à Marc Thiercelin, à tout mettre en œuvre pour obtenir les meilleurs résultats et à rechercher constamment à maximiser la couverture médiatique, à assurer le navire, à assurer la publicité et la promotion de l'image et du nom du sponsor dans le cadre des courses et durant leur phase préparatoire.
La société Icon health & fitness a reproché à la société Marco Polo un manquement à ses obligations, défaut de préparation suffisante ayant conduit à un abandon de la course Vendée Globe 2004-2005, non transmission d'images embarquées, assurance ne garantissant pas le mât, et sollicité une modification des engagements contractuels. Aucune issue amiable n'ayant pu être trouvée, la société Marco Polo a engagé des procédures devant le président du Tribunal de commerce de Versailles et devant le Tribunal de commerce de Versailles pour obtenir une mesure conservatoire puis le paiement des sommes qu'elle estime lui être dues en exécution du contrat.
Concomitamment, la société Icon health & fitness, se prévalant de la clause compromissoire, a saisi le Tribunal arbitral du sport siègeant à Lausanne (Suisse) le 6 juillet 2006 pour régler le différend entre les parties.
Par sentence incidente du 8 mars 2007, le tribunal arbitral du sport a rejeté l'exception de litispendance soulevée par la société Marco Polo et s'est reconnu compétent pour connaître de la requête d'arbitrage présentée par la société Icon health & fitness France, se réservant d'examiner avec le fond du litige l'exception d'irrecevabilité du fait de la non assignation de Marc Thiercelin.
Par sentence du 6 novembre 2007, le tribunal arbitral du sport a décidé que la société Icon Health & Fitness France n'était pas légitime à résilier pour justes motifs le contrat de sponsoring qu'elle a conclu en avril 2004 avec la compagnie Marco Polo et Marc Thiercelin, a débouté la société Icon Health & Fitness France de ses conclusions, a condamné la société Icon Health & Fitness France à payer à la compagnie Marco Polo la somme de 10 000 CHF à titre de dépens et dit que les frais d'arbitrage, qui seront calculés par le greffe du tribunal arbitral du sport, seront supportés pour un quart par la compagnie Marco Polo et pour les trois quarts par la société Icon Health & Fitness France.
Aucune voie de recours n'a été exercée contre cette décision.
Par ordonnance du 14 janvier 2008, le président du Tribunal de grande instance de Versailles
a constaté la force exécutoire sur le territoire français de la sentence arbitrale du tribunal arbitral du sport du 6 novembre 2007.
La société Icon Health & Fitness France a interjeté appel de cette ordonnance le 31 mars 2008.
Par dernières écritures signifiées le 23 octobre 2008 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société Icon Health & Fitness France demande à la cour, au visa de l'article 1502 du Code de procédure civile, de :
- admettre qu'elle verse aux débats sous le numéro 73 la lettre du tribunal arbitral du sport du 20 octobre 2008,
- infirmer l'ordonnance déférée,
statuant à nouveau,
- dire et juger que le contrat de sponsoring signé entre les parties ne contient aucune clause par laquelle les parties ont choisi explicitement la loi qu'elles souhaitaient voir appliquer à leur relation contractuelle,
- dire et juger que le règlement d'arbitrage du Tribunal arbitral du sport de Lausanne applicable à la procédure arbitrale prévoit en son article 45 qu'à défaut de choix par les parties de la loi applicable, les arbitres doivent statuer selon le droit suisse entendu au sens de droit matériel suisse par une jurisprudence unanime,
- dire et juger que les arbitres n'ont dès lors pas respecté leur mission consistant notamment à appliquer le règlement arbitral du tribunal arbitral du sport,
- dire et juger que la sentence arbitrale rendue le 6 novembre 2007 ne saurait être reconnue en France, les arbitres ayant violé la mission qui leur avait été conférée,
- condamner la société Marco Polo à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Marco Polo aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de maître Binoche, avoué, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions signifiées en dernier lieu le 1er octobre 2008 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la compagnie Marco Polo demande à la cour de :
- constater que la formation arbitrale a décidé que le choix de loi par les parties pouvait être effectué tacitement et a relevé un ensemble d'indices et de circonstances d'où il résultait qu'en l'espèce les parties avaient entendu soumettre leurs relations au droit français,
- constater que la formation arbitrale s'est ainsi conformée à la mission qui lui avait été confiée,
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- rejeter les prétentions de la société Icon Health & Fitness France,
- condamner la société Icon Health & Fitness France à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
en sus des dépens dont distraction au profit de la SCP fivet-Lafon, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture du 16 octobre 2008 a été révoquée et la clôture a été prononcée le 23 octobre 2008.
Motifs
Aux termes de l'article 1502 du Code de procédure civile, l'appel de la décision qui accorde la reconnaissance ou l'exécution n'est ouvert que dans les cas suivants :
1. Si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée,
2. Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné,
3. Si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée
4. Lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté,
5. Si la reconnaissance ou l'exécution sont contraires à l'ordre public international.
La société Icon Health & Fitness France soutient que le contrat de sponsoring comporte une clause d'élection de for en faveur d'une institution arbitrale spécifique ayant son siège à l'étranger et soumise à l'application de son propre règlement de sorte que les parties en faisant choix de cet arbitre ont nécessairement intégré au contrat l'application du règlement de ce tribunal arbitral, que n'ayant pas choisi expressément une loi déterminée pour régir le contrat, elles ont, en faisant choix de ce tribunal arbitral, soumis le règlement du litige à l'application du droit suisse matériel, qu'en appliquant le droit français le tribunal arbitral du sport a violé sa mission.
Selon l'article 187 de la loi fédérale suisse sur le droit international privé, en matière d'arbitrage international, le tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits.
Le choix du droit applicable au fond revient donc aux parties ; il peut être exprès ou tacite. L'élection de droit peut être directe, ou indirecte par soumission des parties à un règlement d'arbitrage.
En faisant choix du tribunal arbitral du sport pour régler leurs différends, les parties se sont soumises en l'espèce au règlement d'arbitrage du tribunal arbitral du sport. L'article 45 du Code TAS dispose que la formation statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon le droit suisse.
Contrairement aux affirmations de la société Icon Health & Fitness France, ce texte n'exige pas la manifestation expresse par un écrit du choix de la loi applicable. L'élection de droit peut être tacite dès lors que la volonté des parties est claire et dépourvue d'ambiguïté et résulte sans conteste des circonstances.
Pour déterminer la loi applicable, les arbitres, après avoir rappelé les dispositions de l'article 187 du LDIP et fait référence à l'article 45 du Code TAS dont la société Icon Health & Fitness France sollicitait l'application, ont retenu que les parties sont toutes domiciliées en France,
que le bateau est immatriculé dans ce pays, que toutes les actions de médiatisation, objet principal du contrat ont eu la France pour territoire, que même si le bateau est appelé à naviguer hors des eaux territoriales, la France est le lieu principal et quasi unique d'exécution du contrat qui ne présente pas d'élément d'extranéité. Ils ont relevé que l'élection de for se justifiait par la spécificité du contrat et le souhait des parties de ne pas plaider devant les tribunaux du domicile de l'une ou l'autre des parties. Ils en ont conclu qu'elles n'ont pas entendu soumettre le litige au droit suisse alors qu'elles n'ont aucun lien avec la Suisse, mais ont clairement exprimé leur volonté de rester soumises à leur droit interne en s'abstenant de faire expressément choix de la loi applicable alors qu'elles décidaient d'insérer au contrat une clause compromissoire.
En recherchant l'existence d'un choix des règles de droit applicables au litige malgré l'absence d'une désignation expresse par écrit, et en retenant, compte tenu de l'ensemble des éléments de fait et des circonstances, une élection de droit tacite en faveur du droit français, le tribunal arbitral du sport n'a pas violé la mission qui lui avait été conférée.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée.
Par ces motifs : LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement, en dernier ressort, Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré exécutoire sur le territoire français la sentence arbitrale du tribunal arbitral du sport du 6 novembre 2008, Condamne la société Icon Health & Fitness France à payer à la société Marco Polo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , Condamne la société Icon Health & Fitness France aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Fievet-Lafon, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.