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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 17 avril 2013, n° 12-12364

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

L'Oréal (SA), The Polo/Lauren Company LP (Sté)

Défendeur :

Polo&Co, Courtoux (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mmes Chokron, Gaber

Avocats :

Mes Herscovici, Escande

TGI Paris, du 28 juin 2012

28 juin 2012

Vu le jugement contradictoire du 28 juin 2012 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'appel interjeté le 3 juillet 2012 par la SA L'Oréal et la société de droit américain The Polo/Lauren Company LP (ci-après dite The Polo),

Vu la signification du 3 août 2012, par dépôt en l'étude de l'huissier instrumentaire, de la déclaration d'appel à la société Polo&Co, intimée,

Vu les uniques conclusions du 26 septembre 2012 des sociétés appelantes,

Vu les assignations du 1er octobre 2012, comportant dénonciation de la procédure en ce compris les conclusions des appelantes, délivrée à :

- la société Polo&Co, intimée, en l'étude de l'huissier instrumentaire,

- Maître Courtoux, intervenant forcé, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société, à personne,

Vu la non comparution de la société intimée et de son mandataire liquidateur,

Vu l'ordonnance de clôture du 22 janvier 2013,

Vu la production, demandée, de l'extrait Kbis de la société Polo&Co, du 28 février 2013 mentionnant que la procédure de liquidation judiciaire de cette société a été ouverte le 18 septembre 2012, et la note en délibéré, autorisée, du conseil des appelantes précisant le 12 mars 2013 qu'effectivement une erreur de plume s'est glissée dans le dispositif de ses écritures quant au total de la créance de la société The Polo/Lauren Company LP au regard des indemnités sollicitées ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société The Polo est titulaire notamment de :

- la marque française n° 02 3 156 709 déposée le 29 mars 2002 en classes 3,9, 14, 16, 18, 24, 25 et 38 en particulier pour des parfums, eaux de toilette et vêtements :

- la marque communautaire figurative n°004049201 déposée le 29 septembre 2004, en classes 9, 18, 20, 21, 24 et 25, en particulier pour des vêtements, ainsi représentée :

Qu'elle atteste que la société L'Oréal est sa licenciée exclusive pour les produits de parfumerie ;

Considérant que la société Polo&Co et l'association du Polo de Deauville ont déposé le 5 mai 2009 en classes 3, 4, 18, 25, 38 et 41, notamment pour des parfums, produits de parfumerie et vêtements, la marque "Polo de Deauville depuis 1907" n° 09 3 448 780 ainsi représentée :

Considérant que la société The Polo ayant découvert que la société Polo&Co proposait à la vente sur le site Internet "polodedeauville.com" et en boutiques des produits vestimentaires et un parfum, imitant, selon elle, ses marques elle a, dûment autorisée par ordonnance présidentielle, fait pratiquer une saisie contrefaçon les 31 mai et 6 juin 20011, puis fait assigner, avec la société L'Oréal, la société incriminée devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques, concurrence déloyale et parasitaire, ainsi qu'en nullité de la marque "Polo de Deauville depuis 1907" pour les produits de la classe 3 ;

Considérant qu'aux termes du jugement dont appel, les premiers juges, ont :

- rejeté les demandes de la société The Polo fondées sur la contrefaçon de sa marque communautaire figurative,

- déclaré nulle sa marque verbale française pour les vêtements destinés à la pratique du polo ainsi que pour les chemises en maille à col ouvert de la classe 25, dit que la nouvelle désignation des produits en cause devra être "vêtements à l'exception des vêtements destinés à la pratique du polo ainsi que pour les chemises en maille à col ouvert" et rejeté les demandes en contrefaçon de cette marque,

- rejeté les demandes de la société L'Oréal en concurrence déloyale et parasitaire et condamné in solidum cette société et la société The Polo aux frais irrépétibles et dépens ;

Que les premiers juges ont pour l'essentiel retenu qu'il existerait une faible similitude entre le dessin de deux joueurs de polo reproduit sur les articles de la société Polo&Co et la marque communautaire figurative revendiquée, que la marque française "Polo" serait descriptive pour les vêtements destinés à la pratique du polo et les chemises en maille à col ouvert, qu'il n'existerait pas de similitude suffisante entre la marque "Polo" et la marque adverse, ni risque de confusion pour des parfums, que la société L'Oréal avait intérêt à agir, qu'enfin, faute d'appel en cause de l'association de Deauville, la nullité de la marque "Polo de Deauville depuis 1907" ne pouvait être examinée ;

Considérant que les sociétés appelantes critiquent cette décision notamment quant à la portée de la marque figurative, au risque de confusion concernant ce signe et aux atteintes portées à la marque française "Polo" par la commercialisation de parfums et de vêtements ;

Sur la contrefaçon de la marque communautaire figurative

Considérant qu'il est reproché à la société Polo&Co la commercialisation de vêtements, produits désignés par la marque figurative revendiquée, qui comporteraient, dans le même style "en ombre chinoise", le dessin de face de deux joueurs de polo en action, le second "étant très difficilement visible" comme masqué aux trois quarts par le joueur positionné en premier plan "sur son cheval en pleine course et prêt à frapper" tenant "dans sa main droite un maillet [...]positionné au-dessus de sa tête" portant une bombe, et dont le "cheval, qui est au galop, porte la tête haute" ;

Considérant que le dessin ou logo ainsi attaqué n'étant pas la reproduction à l'identique du signe premier, il convient de rechercher s'il existe entre eux un risque de confusion, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs ou dominants ;

Considérant que les premiers juges ont exactement rappelé que la marque revendiquée fait l'objet d'une importante exploitation, pour les produits concernés, de nature à accroître le risque de confusion ou d'association ;

Qu'ils ont toutefois estimé que "le public particulièrement familiarisé avec la marque largement exposée, en connaît bien l'apparence et est capable de la distinguer des autres dessins de joueurs de polo" et que le consommateur "ne se laissera donc pas influencer par une simple similitude" d'autant qu'il s'agirait de l'exploitation d'un thème et que l'achat d'un article dont le prix n'est pas modique inciterait à prendre en compte tous ses éléments ;

Mais considérant qu'au plan visuel l'élément dominant de la marque figurative de la société The Polo, désignant des produits identiques à ceux incriminés, représente un joueur de polo en action, sur son cheval en pleine course qui porte la tête haute, brandissant sur sa droite un maillet, et le dessin incriminé confère une impression d'ensemble de reprise de cet aspect distinctif du signe antérieur ; qu'en effet si le tribunal a justement relevé que ce dessin "est proche d'une photographie", les détails apparaissant plus nettement que sur le signe revendiqué, et si le consommateur moyennement avisé est en mesure de percevoir l'ajout d'un second joueur de polo, il n'en demeure pas moins que la représentation de ce dernier est largement escamotée et semble faire corps avec celle du premier joueur ;

Que, visuellement, le premier joueur est nettement mis en évidence par son positionnement sur le devant permettant immédiatement de voir que son cheval, à l'instar de celui figurant sur la marque revendiquée, est au galop et porte la tête haute ; qu'ainsi l'élément immédiatement perceptible, comme dominant et attractif, du signe incriminé demeure celle d'un joueur de polo en pleine course, d'autant qu'il est seul à brandir au dessus de sa tête, également de sa main droite, un maillet parfaitement visible et comme prêt à frapper ; que la reprise de cette représentation, même si le joueur est présenté de face et non légèrement de profil (côté gauche), évoque nécessairement le signe connu de la société The Polo ;

Considérant qu'intellectuellement les deux signes renvoient globalement à l'illustration d'une même action d'un joueur de polo, alors que, par nature, un jeu présente diverses phases et qu'un joueur de polo peut être représenté de manières différentes, ce qui apparaît au demeurant avoir été précédemment réalisé par la société Polo&Co ;

Considérant, en définitive, que l'adjonction d'un second joueur, largement masqué, et le choix d'une présentation faiblement modifiée revêtiront forcément un caractère accessoire pour le consommateur français, normalement attentif, de vêtements, lequel ne pourra nonobstant le coût des articles en cause, qu'associer le dessin incriminé à une déclinaison d'un signe distinctif connu, dont il gardera en mémoire l'action sportive particulière qu'il illustre, sur des produits identiques, ce qui caractérise une contrefaçon par imitation de la marque figurative de la société The Polo ;

Considérant, en conséquence, que le jugement entrepris ne peut qu'être infirmé en ce qu'il n'a pas retenu l'existence de cette contrefaçon à l'encontre de la société Polo&Co, le public ne pouvant qu'être incité à croire que cette société est liée à la société The Polo, étant au demeurant observé que cette dernière a pu faire constater, par huissier de justice, le 11 juillet 2011 qu'un site Internet au nom des Galeries Lafayette, qui vend ses produits, a présenté de manière erronée un vêtement comportant manifestement le dessin incriminé comme un produit "Ralph Lauren" et donc de la société The Polo, ce qui tend à conforter l'impression de trop grande proximité des signes en cause ;

Sur la contrefaçon de la marque "Polo"

Considérant, tout d'abord, que le tribunal a retenu, pour deux sortes de vêtements, que le signe "Polo" revendiqué serait dépourvu de caractère distinctif ;

Mais considérant qu'il résulte suffisamment des pièces produites et, en particulier, d'articles de presse en langue française datés (produits en pièce 23), que le signe "Polo" y apparaît en 1995, et est largement utilisé depuis de nombreuses années, au moins depuis 2002, pour présenter des vêtements tant pour adultes que pour enfants ; que si la marque Ralph Lauren y demeure généralement associée, c'est souvent en caractères largement moindres sur les catalogues ou pages publicitaires, la mention "Polo", connue de longue date comme marque, étant alors significativement mise en évidence ;

Que, par ailleurs, ce signe, court, pouvant être facilement mémorisé, est déposé dans une calligraphie spécifique les lettres "O" présentant, en particulier, des côtés extérieurs bombés contrastant avec leur intérieur ovale, et étant situées de part et d'autre d'une lettre "L" dont la base apparaît très marquée ;

Qu'incontestablement ce signe en majuscules d'imprimerie a acquis par son usage, pour tous types de vêtements, même si sa calligraphie particulière telle que déposée ne s'avère pas nécessairement reproduite, un caractère distinctif suffisant pour être compris comme un signe d'origine, fonction essentielle d'une marque, et n'apparaît pas avoir perdu ce pouvoir de reconnaissance, même pour des chemises dites "polo" ou des vêtements en rapport avec le sport du même nom ;

Considérant, en conséquence, que la décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a partiellement déclaré nulle la marque française "Polo" pour des produits de la classes 25, en limitant la désignation des vêtements pouvant bénéficier de la protection de ce signe ;

Considérant que les appelantes prétendent ensuite que les premiers juges ont à tort écarté, ou omis de statuer sur le grief de contrefaçon par imitation de la marque "Polo" à raison :

- du dépôt de la marque semi-figurative postérieure "Polo de Deauville depuis 1907", pour désigner des produits de la classe 3 (parfumerie) et de son usage sur l'emballage et le flacon d'un parfum,

- de l'utilisation de la dénomination "Polo de Deauville" dans la vie des affaires pour la commercialisation de vêtements (classe 25) ;

S'agissant des articles de parfumerie

Considérant qu'il convient de rechercher s'il existe entre les deux marques globalement un risque de confusion, compte tenu notamment de leurs éléments distinctifs ou dominants ;

Que, visuellement, les signes sont différents à raison de la non reprise de la calligraphie particulière du mot commun "Polo" dans la marque seconde et de l'adjonction d'autres termes dans une présentation figurant un maillet ; que, néanmoins, les termes "depuis 1907" de cette marque sont peu perceptibles et le positionnement de l'expression "de Deauville" au milieu de la seconde syllabe du mot Polo, dans des caractères nettement moindres (taille de police de près de 4 fois inférieure) met en évidence le terme "Polo" qui occupe l'essentiel du logo et apparaît ainsi être dominant, importance soulignée par la représentation d'un maillet, renvoyant au plan visuel au jeu du même nom, qui attire l'attention ;

Que, phonétiquement, l'expression plus longue de la marque seconde est distincte de celle très brève de la marque antérieure, mais le placement en attaque du terme commun "Polo" dans la marque seconde en rend la prononciation prépondérante ;

Qu'intellectuellement, le terme "Polo" apparaîtra comme un élément commun, associé dans la marque seconde à l'expression "de Deauville depuis 1907" ou à tout le moins "de Deauville", ce qui ne peut qu'inciter le public moyennement attentif et normalement avisé à croire que cette marque est une déclinaison de la marque "Polo" intrinsèquement très distinctive pour des produits de parfumerie, et qui est par ailleurs connue en particulier pour un parfum pour hommes ;

Considérant que cette impression d'ensemble de déclinaison à raison du caractère largement dominant du terme "Polo" dans la marque seconde est renforcée par le fait que les articles désignés et exploités par les deux marques sont strictement identiques s'agissant des "Parfums" ;

Considérant que si les premiers juges ont, à juste titre, relevé que, faute de mise en cause du cotitulaire de la marque incriminée (l'association du Polo de Deauville) la demande de nullité du signe contesté (n'apparaissant au demeurant pas reprise) ne saurait prospérer, l'usage de ce signe par la société Polo&Co, sur l'emballage et le flacon d'une eau de Cologne "Cologne extraordinaire", vendue sous la référence "Parf" ou "Parfum Unisex", selon procès-verbal de saisie contrefaçon du 31 mai 2011, caractérise une contrefaçon par imitation de la marque antérieure "Polo", pour un produit identique (savoir les "Parfums" couverts par cette marque) et le jugement critiqué doit, en conséquence, être également infirmé sur ce point ;

S'agissant des vêtements

Considérant que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la reproduction, pour des produits de la classe 25, de la dénomination "Polo" sur des étiquettes de vêtements, dénoncée par la société The Polo ;

Qu'il sera relevé qu'à l'appui de ce moyen il n'est pas produit d'élément permettant de savoir en quelles circonstances la société The Polo a pu faire usage d'une étiquette détachable présentant le même aspect usager, contraire à l'aspect sobre et graphique de celle apposée sur les produits originaux versés aux débats ;

- du dépôt de la marque semi-figurative postérieure "Polo de Deauville depuis 1907", pour désigner des produits de la classe 3 (parfumerie) et de son usage sur l'emballage et le flacon d'un parfum,

- de l'utilisation de la dénomination "Polo de Deauville" dans la vie des affaires pour la commercialisation de vêtements (classe 25) ;

S'agissant des articles de parfumerie

Considérant qu'il convient de rechercher s'il existe entre les deux marques globalement un risque de confusion, compte tenu notamment de leurs éléments distinctifs ou dominants ;

Que, visuellement, les signes sont différents à raison de la non reprise de la calligraphie particulière du mot commun "Polo" dans la marque seconde et de l'adjonction d'autres termes dans une présentation figurant un maillet ; que, néanmoins, les termes "depuis 1907" de cette marque sont peu perceptibles et le positionnement de l'expression "de Deauville" au milieu de la seconde syllabe du mot Polo, dans des caractères nettement moindres (taille de police de près de 4 fois inférieure) met en évidence le terme "Polo" qui occupe l'essentiel du logo et apparaît ainsi être dominant, importance soulignée par la représentation d'un maillet, renvoyant au plan visuel au jeu du même nom, qui attire l'attention ;

Que, phonétiquement, l'expression plus longue de la marque seconde est distincte de celle très brève de la marque antérieure, mais le placement en attaque du terme commun "Polo" dans la marque seconde en rend la prononciation prépondérante ;

Qu'intellectuellement, le terme "Polo" apparaîtra comme un élément commun, associé dans la marque seconde à l'expression "de Deauville depuis 1907" ou à tout le moins "de Deauville", ce qui ne peut qu'inciter le public moyennement attentif et normalement avisé à croire que cette marque est une déclinaison de la marque "Polo" intrinsèquement très distinctive pour des produits de parfumerie, et qui est par ailleurs connue en particulier pour un parfum pour hommes ;

Considérant que cette impression d'ensemble de déclinaison à raison du caractère largement dominant du terme "Polo" dans la marque seconde est renforcée par le fait que les articles désignés et exploités par les deux marques sont strictement identiques s'agissant des "Parfums" ;

Considérant que si les premiers juges ont, à juste titre, relevé que, faute de mise en cause du cotitulaire de la marque incriminée (l'association du Polo de Deauville) la demande de nullité du signe contesté (n'apparaissant au demeurant pas reprise) ne saurait prospérer, l'usage de ce signe par la société Polo&Co, sur l'emballage et le flacon d'une eau de Cologne "Cologne extraordinaire", vendue sous la référence "Parf" ou "Parfum Unisex", selon procès-verbal de saisie contrefaçon du 31 mai 2011, caractérise une contrefaçon par imitation de la marque antérieure "Polo", pour un produit identique (savoir les "Parfums" couverts par cette marque) et le jugement critiqué doit, en conséquence, être également infirmé sur ce point ;

S'agissant des vêtements

Considérant que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la reproduction, pour des produits de la classe 25, de la dénomination "Polo" sur des étiquettes de vêtements, dénoncée par la société The Polo ;

Qu'il sera relevé qu'à l'appui de ce moyen il n'est pas produit d'élément permettant de savoir en quelles circonstances la société The Polo a pu faire usage d'une étiquette détachable présentant le même aspect usager, contraire à l'aspect sobre et graphique de celle apposée sur les produits originaux versés aux débats ;

Que, cependant, l'étiquette papier épinglée sur les vêtements commercialisés par la société Polo&Co (chemises en maille à col ouvert, tee-shirts, sweat-shirts), dont la photographie est annexée au procès-verbal de saisie précité, mentionne le mot "Polo", en attaque, en gros caractères, et en majuscules d'imprimerie très proches de la calligraphie adoptée par le signe antérieur de la société The Polo, qu'ainsi ce mot se détache nettement des autres mentions de l'étiquette incriminée et attire immédiatement l'attention ;

Que dans l'esprit du public concerné, qui sait que la marque antérieure "Polo" est utilisée pour présenter des produits identiques, la mention "Polo de Deauville" apparaissant sur l'étiquette litigieuse risque d'être comprise comme une simple déclinaison de la marque "Polo" dont le terme demeure prédominant, étant observé qu'il s'avère également mis en évidence à l'intérieur de l'encolure des vêtements commercialisés par la société Polo&Co et que sur l'étiquette, de part et d'autre du mot "Polo", est figuré un petit joueur de polo au galop brandissant son maillet, de nature à évoquer un produit de la société The Polo ;

Que la contrefaçon par imitation est ainsi suffisamment caractérisée pour les vêtements ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que la société L'Oréal, qui commercialise des parfums sous la marque "Polo" et dont la qualité de licenciée exclusive est reconnue par la société titulaire de ladite marque, est fondée à prétendre que les faits de contrefaçon par imitation de cette marque, retenus par la présente décision pour des produits de parfumerie, sont à son égard constitutifs d'une concurrence déloyale ;

Qu'en effet le risque d'association entre les produits en cause à raison de la contrefaçon de la marque caractérise une atteinte à la commercialisation loyale de produits similaires, d'autant que le prix du parfum "Cologne Extraordinaire" de la société Polo&Co (69 euros) peut apparaître comparable à celui de produits de parfumerie de la marque "Polo" vendus par la société L'Oréal ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que :

- les atteintes patrimoniales aux deux marques en cause et le préjudice moral en découlant (atteinte à la réputation ou à l'image), estimées par la société The Polo respectivement à 100 000 euros (50 000 x 2) et à 50 000 euros soit au total à 150 000 euros, concernent des marques connues qui ont pu ainsi être banalisées et dépréciées,

- le préjudice commercial évalué, à 70 000 euros par la société L'Oréal et à 200 000 euros par la société The Polo, concerne, d'une part, le parfum contrefaisant (91 articles vendus sur 1 270 commandés, générant une marge de 6 279 euros), d'autre part, des vêtements et une serviette de bain (étant relevé que les marques revendiquées désignent également le linge de bain en classe 25), dont la masse contrefaisante totale (tous canaux et produits confondus) s'établit selon le procès-verbal de saisie contrefaçon et les données reproduites par les appelantes en pages 47 à 50 de leurs écritures à près de vingt mille articles, plus de 8 000 ayant été vendus pour une marge totale d'environ 367 000 euros ;

Qu'il sera toutefois relevé que ces chiffres paraissent inclure, pour partie, des produits situés hors de France, que s'il est justifié de la publicité d'un article contrefaisant dans un magazine grand public d'avril 2011, et d'un plan média été 2011 pour un total près de 145 000 euros, il s'agit de dépenses réduisant nécessairement le bénéfice réalisé par la société Polo&Co sur ses ventes, qu'enfin tous ses acheteurs n'auraient pas nécessairement acquis des vêtements de la société The Polo à des prix "haut de gamme" alors qu'il est reproché à la société Polo&Co la pratique de prix bien moindres (39 à 69 euros) ;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, la cour estime pouvoir fixer l'indemnisation due au titre :

- des atteintes, tant patrimoniales que morales, aux marques de la société The Polo et du préjudice commercial de cette dernière, à la somme totale de 50 000 euros,

- du préjudice commercial de la société L'Oréal à la somme de 5 000 euros, et fera droit à la demande des appelantes tendant à la fixation des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

Qu'il n'y a pas lieu, par contre, d'ordonner, compte tenu des circonstances de la cause et de la liquidation judiciaire de la société Polo&Co, de mesure complémentaire (de rappel et destruction, de publication et d'inscription sur le site Internet "polodedeauville.com"), autre qu'une mesure d'interdiction, dans les conditions prévues au présent dispositif, afin d'éviter tout éventuel renouvellement des actes illicites, le prononcé d'une astreinte ne s'avérant par ailleurs pas nécessaire ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, ni d'inclure dans les dépens des frais de constat non autorisé, mais seulement d'y inclure les débours tarifés de la saisie contrefaçon dûment autorisée par ordonnance sur requête du 27 mai 2011 ;

Par ces motifs : Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a admis que la nullité de la marque "Polo de Deauville depuis 1907" ne pouvait être examinée et que la société L'Oréal était recevable en ses demandes ; Statuant à nouveau dans cette limite, Dit n'y avoir lieu à nullité de la marque française n° 02 3 156 709 ; Dit que la société Polo&Co a commis : - des actes de contrefaçon des marques communautaire n° 004049201 et française n° 02 3 156 709 au préjudice de la société The Polo/Lauren Company LP par imitation de marques ou usage de marques imitées pour des produits des classes 3 et 25, - des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société L'Oréal pour les produits de parfumerie ; Fixe le préjudice de la société The Polo/Lauren Company LP à la somme totale de 50 000 euros, et celui de la société L'Oréal à celle de 5 000 euros, sommes qui seront inscrites, avec les intérêts au taux légal à courir à compter de la signification du présent arrêt, au passif de la liquidation judiciaire de la société Polo&Co ; Interdit à la société Polo&Co prise en la personne de son mandataire liquidateur Maître Courtoux d'offrir à la vente ou de vendre les produits jugés contrefaisants ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne la société Polo&Co, prise en la personne de son mandataire liquidateur Maître Courtoux, aux dépens de première instance, en ce compris les frais tarifés de saisie contrefaçon du 31 mai 2011, et d'appel qui, pour ces derniers, pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 dudit Code.