CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 12 avril 2013, n° 12-00113
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Technologies Broadcasting System (SAS)
Défendeur :
Editions d'Après (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Safar
Avocats :
Mes Bitoun, Sauvagnac, Olivier, Rocco
La société Technologies Broadcasting System (ci-après : TBS) exploite, sous forme de licences annuelles d'exploitation concédées à des clients désireux de disposer de données pour mener des campagnes publicitaires et ceci par l'intermédiaire de sa filiale, la société Le Fichier des Acteurs de la Communication (ci-après : Fac SARL), une base de données numériques dénommée "le Fac - Fichier des Acteurs de la Communication" en développant un logiciel déposé auprès de l'Agence de Protection des Programmes le 2 avril 2009 et qui recense des annonceurs et des acteurs dans le secteur du marketing et de la communication.
La société Fac SARL est titulaire de deux marques françaises :
- la marque semi-figurative "Fac - Le Fichier des Acteurs de la Communication" déposée en couleurs le 4 février 2003, n° 3 208 421, pour désigner en classes 35, 41 et 42, les services suivants : "Vente de fichiers en ligne, gestion de fichiers informatiques ; Publication de livres imprimés, publication électronique de livres et de périodiques ; Consultation d'informations sur Internet, programmation sur ordinateur",
- la marque française verbale "Le Fichier des Acteurs de la Communication", n° 3 280 783, déposée le 12 mars 2004 afin de désigner en classes 35, 38 et 42 les services suivants : "Publicité ; Gestion de fichiers informatiques ; Télécommunication ; Transmission de données par un réseau informatique mondial ; Location de logiciels, location d'accès à un serveur de bases de données, consultation en matière d'ordinateurs, conception et développement d'ordinateurs".
La société TBS a, par ailleurs, réservé le nom de domaine "lefac.com" ; Le site Internet accessible à l'adresse URL "www.lefac.com" constitue son site commercial. Le 4 mai 2009, ces deux sociétés exposent qu'elles ont fait constater par huissier la présence des deux marques précitées au sein du Code source du site Internet édité par leur principal concurrent, la société Les Editions d'Après, accessible à l'adresse http://www.docmarketing.fr ; après l'avoir mise en demeure de supprimer de son Code source toute référence à ces marques, elles l'ont assignée, le 27 mai 2009, devant la juridiction des référés, laquelle a relevé l'existence d'une contestation sérieuse, avant de l'assigner au fond par acte du 6 octobre 2009.
Par jugement rendu le 4 novembre 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :
- débouté la société Fac SARL de sa demande au titre de la contrefaçon des marques précitées,
- débouté la société TBS de sa demande indemnitaire au titre de l'atteinte portée à son nom de domaine,
- débouté la société Fac SARL de sa demande de réparation du préjudice résultant de la contrefaçon du logiciel Aloha et de l'exploitation non autorisée de la base de données "Le Fac",
- débouté les requérantes du surplus de leurs demandes et de celle fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile en les condamnant in solidum à verser à la société défenderesse la somme de 3 000 euros sur ce dernier fondement et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 18 février 2013, la société par actions simplifiée Technologies Broadcasting Systems (TBS), appelante, exposant que, par résolution de l'assemblée générale du 23 septembre 2009, elle a approuvé la dissolution de la société Fac SARL dont elle détenait l'intégralité des parts sociales, entraînant à son profit une transmission universelle de son patrimoine, et qu'elle a maintenant pour activité la mise à jour et la commercialisation de la base de données "Le Fac", demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L. 112-3, L. 341-1, L. 342-2, L. 713-1 à L. 713-3, L. 713-5, L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et 10 de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 :
- de considérer :
* que les reproductions par la société Editions d'Après des marques dont elle est titulaire au sein du Code source du site Internet de cette dernière constituent une contrefaçon au sens des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle,
* que l'exploitation contrefaisante de ses marques porte atteinte aux droits qu'elle détient sur le nom de domaine "www.lefac.com",
* que l'exploitation de la base de données Fac par l'intimée porte atteinte au droit sui generis qu'elle détient en sa qualité de producteur de bases de données numériques Fac sur le fondement de l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle,
* à titre subsidiaire, que la reproduction des marques précitées dont elle est titulaire au sein des Codes source du site Internet "www.docmarketing.fr" et l'exploitation sans autorisation de la base de données "Le Fac" sans bourse délier constituent des actes de concurrence déloyale,
- en conséquence, à titre principal : de condamner la société Editions d'Après à lui verser les sommes de 33 000 euros au titre de la contrefaçon, de 33 000 euros en réparation de l'atteinte portée au nom de domaine "www.lefac.com" et de 20 000 euros en réparation de l'atteinte portée au droit sui generis qu'elle détient en sa qualité de producteur de la base de données Le Fac, en faisant interdiction à l'intimée de reproduire ses marques sur les pages de son site Internet, tant sur l'interface graphique que dans les codes sources ; à titre subsidiaire : de condamner l'intimée à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale ;
- en tout état de cause, d'ordonner une mesure de publication d'usage en condamnant l'intimée à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2012, la société à responsabilité limitée Editions d'Après prie la cour, en visant les articles L. 713-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil, de confirmer le jugement entrepris et de débouter, en conséquence, la société TBS de l'intégralité de ses demandes en la condamnant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; subsidiairement, elle réclame la limitation du préjudice éventuel de la société TBS à un euro symbolique.
SUR CE,
Sur la contrefaçon des marques revendiquées au sein du Code source :
Considérant qu'à titre liminaire, la société TBS précise que les balises méta (ou méta tags) au sein desquelles l'huissier instrumentaire a pu constater la reproduction de ses marques constituent une suite de mots-clés insérée dans les codes sources (langage de programmation de l'image et du graphisme affiché sur l'écran) d'un site Internet qui permet le référencement optimal du contenu des pages du site auprès des moteurs de recherche ; qu'elle ajoute qu'en insérant comme mot-clé "Fac" et "le fichier de la communication", comme relevé par l'huissier, au sein des balises méta de pages de son site Internet, la société Editions d'Après signale aux moteurs de recherche que ces pages contiennent des informations sur le "Fac" et "le fichier de la communication" ;
Considérant que poursuivant l'infirmation du jugement, la société TBS fonde juridiquement sa demande à ce titre sur les dispositions des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle dans le dispositif de ses dernières conclusions mais sur celles des articles L. 713-1 et L. 713-3 du même Code (page 10/33) dans leur corps ;
Que, s'attachant à rendre lisibles les mentions litigieuses du constat pour répondre au grief retenu par les premiers juges sur ce point, elle fait valoir que le constat d'huissier dressé à sa demande permet de retenir qu'au sein du Code source des pages du site Internet de la société Editions d'Après, a été reproduit le signe distinctif '"Fac", élément essentiel et isolable de la marque "Fac - Le Fichier des acteurs de la Communication" pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux couverts par sa marque ; qu'il en va de même, selon elle, de divers codes sources du site incriminé reproduisant sa marque "Fichier des Acteurs de la Communication", ainsi que l'établissent les copies d'écran qu'elle produit ;
Qu'elle reproche dans l'un et l'autre cas à l'intimée d'avoir créé un risque de confusion dans l'esprit du public en laissant accroire à une origine commune des services respectivement proposés, relève que celle-ci reconnaît elle-même dans ses écritures la mise en avant du terme "Fac" et estime que peut lui être opposé un aveu judiciaire dans la mesure où, dès la mise en demeure qu'elle lui a adressée, elle a fait retirer les éléments litigieux de son Code source ;
Considérant que la société Editions d'Après rétorque que la reproduction de la marque "Fac - Le Fichier des acteurs de la Communication" n'est que prétendue puisque la séquence "Fac" n'a pas fait l'objet d'un enregistrement de marque autonome et que la marque doit être envisagée dans son ensemble ; qu'elle n'est, de plus, nullement établie du fait du caractère illisible des mentions portées dans le constat d'huissier ;
Qu'en outre, les captures d'écran produites en pièce 12 ne permettent pas d'en connaître l'origine et les conditions de réalisation ;
Qu'enfin, le risque de confusion n'est pas établi du fait que le litige porte sur des balises non perceptibles par le public ; qu'elle ajoute que la législation n'a pas vocation à encadrer l'utilisation d'un outil technique tel que le meta tag et affirme, pour finir, n'avoir jamais eu l'intention de créer un risque de confusion dans l'esprit du public, l'usage de ce signe étant, selon elle, la désignation à l'évidence usuelle et nécessaire à la profession qu'elle exerce depuis plus de 15 ans et n'ayant pour seule finalité que de renseigner le consommateur sur les services qu'elle propose ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il ressort du procès-verbal de constat réalisé sur Internet le 4 mai 2009 (pièce 3) et selon la présentation qui en est faite en cause d'appel dans les écritures, que l'huissier instrumentaire, effectuant les pré-requis d'usage, accédant à la page d'accueil du site Internet "www.docmarketing.fr" puis à la page "tarifs", indique :
"Sur cette page, je clique dans le menu de mon navigateur sur "affichage" puis "source".
S'affiche alors le Code source de la page dans une nouvelle fenêtre. Dans le Code source, je relève :
"META NAME= "KEYWORDS" CONTENT= "Annoncers, Doc Marketing, tarifs, Nominations, le Fac, fichier de la communication [...]" ;
Que la société TBS, argumentant sur le fondement des dispositions de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle procède, certes, à une comparaison pertinente entre les signes en présence, à savoir : les marques "Fac - Le Fichier des Acteurs de la Communication" et "Le Fichier des Acteurs de la Communication", d'une part "le Fac, fichier de la communication", d'autre part, ainsi qu'entre les services couverts par ces marques et les prestations ressortant de l'activité de la société Editions d'Après offertes sur le site Internet "www.docmarketing.fr" en affirmant de manière tout aussi pertinente que l'élément "Fac", acronyme de Fichier des Acteurs de la Communication, surdimensionné et placé en attaque, est un élément distinctif et dominant ou encore que les services concernés sont identiques ou similaires ;
Qu'il peut, de plus, être opposé au moyen présenté par l'intimée le fait que la bonne foi dont elle se prévaut est inopérante dans le cadre d'une action en contrefaçon portée devant la juridiction civile ;
Qu'il n'en reste pas moins que cet article L. 713-3 suppose la démonstration d'"un risque de confusion dans l'esprit du public", lequel s'apprécie selon la méthode globale dégagée par la juridiction communautaire en considération de l'impression d'ensemble produite par les signes opposés en tenant compte, en particulier, du degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle entre les signes ainsi que du degré de similitude entre les produits et services et qu'en l'espèce une telle démonstration ne peut être faite dans la mesure où les signes placés dans le Code source du site Internet litigieux ne sont pas perceptibles par le consommateur concerné ;
Que, tout au plus, la société TBS aurait-elle pu se fonder sur les dispositions de l'article L. 713-2 de ce même Code qui ne requiert pas la démonstration d'un risque de confusion et de l'article 5 de la directive (CE) n° 89-104 - repris dans la directive (CE) n° 2008-95 - à la lumière de laquelle ce texte doit être interprété et invoquer, sur ce fondement, la prohibition de l'usage non autorisé d'une marque ;
Que cette disposition suppose, toutefois, l'usage d'une marque identique, qui doit s'entendre comme se présentant sans modification ni ajout, pour des services identiques, et que tel n'est pas le cas de l'espèce, s'agissant du Code source du site tel qu'il a pu être constaté par l'huissier ;
Que, s'agissant des captures d'écran effectuées, selon la société TBS, le 6 mai 2009 et desquelles il ressort que sont reproduits, à plusieurs reprises et dans diverses rubriques ("Newsletter", "formules d'abonnement", "l'équipe Doc Marketin" et la page d'accueil) les termes "acteurs de la communication" ou "fichiers des acteurs de la communication" au sein de divers Codes source du site Internet litigieux, il y a lieu de considérer que les griefs articulés par l'intimée et qui tiennent à leur absence de date certaine ou au défaut de précisions sur les conditions dans lesquelles les données dont il est fait état ont été recueillies doivent être tenus pour pertinents de sorte que ces captures d'écran sont dépourvues de force probante ;
Qu'ainsi, sur le strict terrain du droit des marques, la société TBS ne peut voir son action prospérer si bien que le jugement doit être confirmé sur ce point ;
Sur l'atteinte au nom de domaine :
Considérant que la société TBS soutient qu'en intégrant sans autorisation aux méta-tags du Code source de son site Internet le terme "Fac" selon le procédé dit de "spam indexing", la société Editions d'Après a détourné les internautes, potentiels clients de son propre site Internet ;
Qu'elle précise que le tribunal a été égaré par une pièce adverse qui permettait à la société Editions d'Après de démontrer que le site Internet "lefac.com" était disponible en août 2009, soit au moment de l'introduction de la procédure de référés et entend démontrer, par sa production de pièces en cause d'appel, qu'elle a réservé ce nom de domaine depuis le 31 octobre 2002 ;
Que l'intimée oppose à l'appelante sa mauvaise foi puisqu'elle ne démontre pas que l'AFNIC n'était pas en mesure de fournir des renseignements sur les extensions ".com" ou encore qu'il n'est pas justifié des renouvellements allégués ;
Considérant, ceci rappelé, que, contrairement à ce qu'affirme la société Editions d'Après, il est établi que l'AFNIC est le gestionnaire du registre des noms de domaine des extensions en ".fr", ".re", ".pm", ".tf", ".wf" et ".yt" et n'a jamais géré depuis sa création, en 1997, les noms de domaine en ".com" ; qu'en outre, les fiches des registres des noms de domaine [whois] n'indiquent que la date de renouvellement des noms de domaine (pièces 32 et 35) ;
Que la société TBS rapporte, en l'espèce, la preuve de la réservation du nom de domaine "www.lefac.com" le 31 octobre 2002, soit antérieurement à toute procédure (pièce 31) ;
Que, toutefois, et par même motifs que précédemment, elle ne peut valablement voir sanctionner l'atteinte dont elle se prévaut en se plaçant sur le terrain du droit des marques si bien que, par motifs substitués, le jugement sera confirmé sur cet autre point ;
Sur l'atteinte au droit sui generis du producteur de base de données :
Considérant qu'alors que le tribunal a rejeté sa demande à ce titre en énonçant que la preuve d'une exploitation parasitaire n'était pas rapportée, la société TBS prie la cour de considérer que "Le Fac" est une base de données protégeable au sens de l'article L. 112-3 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle puisque les efforts de recherche, de sélection et de synthèse dans l'agencement des données qu'elle déploie pour la constituer caractérisent un effort créatif personnalisé ;
Qu'en toute hypothèse, ajoute-t-elle, elle peut prétendre à la protection sui generis du producteur prévue à l'article L. 341-1 du même Code transposant la directive 96-9-CE du Parlement européen et du Conseil européen du 11 mars 1996 dès lors que, comme le prévoit le texte, "la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel (...)" ; qu'elle justifie, à hauteur de plus de 260 000 euros, hors frais généraux, des investissements annuellement consacrés à cette base de données afin - grâce, en particulier, à une équipe de dix documentalistes - d'intégrer de nouvelles données ainsi que de vérifier la fiabilité et la pertinence des données déjà contenues dans cette base ;
Qu'en considération du caractère substantiel de ses investissements, elle se fonde sur les dispositions de l'article L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel "Le producteur de bases de données a le droit d'interdire : 1° L'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen ou sous toute forme que ce soit (...)" et estime qu'à tort le tribunal a retenu que la preuve de cette extraction n'était pas rapportée ;
Que l'intimée soutient, de son côté, que depuis 1995, soit bien avant la société TBS, elle exploite elle-même une base de données performante qu'elle qualifie de "notoire" et qu'elle n'a nul besoin d'aller "pirater" celle de la société appelante ;
Qu'en réplique à l'argumentation adverse relative à la pratique d'"adresses email pièges" qui lui aurait permis de détecter des extractions frauduleuses, elle explique qu'elle a été contrainte d'effectuer de fastidieuses recherches qui lui permettent d'affirmer qu'elle n'a jamais été informée que certaines des adresses contenues dans le fichier contiendraient des adresses protégées par un droit de propriété intellectuelle, si bien qu'aucune faute tenant à l'exploitation illicite tant de la base de données en cause que du logiciel Aloha ne peut sérieusement lui être reprochée ;
Considérant, ceci rappelé, qu'en l'absence de contestation de la société Editions d'Après sur l'originalité de la base de données et sur la protection sui generis du producteur revendiquée par la société TBS, la cour n'a pas à se prononcer sur ces questions, le débat se cristallisant sur l'extraction fautive de données incriminée ;
Que, versant aux débats diverses pièces (n° 13, 30 et 34), la société TBS démontre devant la cour de quelle manière elle parvenue à détecter l'extraction frauduleuse dont elle se prévaut ;
Qu'elle établit, en effet, avoir intégré des adresses emails "pièges" sans différence apparente avec celles de contacts réels de sa base de données, en achetant des noms de domaine factices (comme "rambol-fromageries.com"), avoir créé à partir de chacun des noms de domaine acquis deux adresses email associées (comme : cbarthe), les avoir associées à une catégorie de contacts déterminés et avoir intégré ces adresses email "pièges" au sein des contacts de sa base de données sans que les utilisateurs puissent s'apercevoir de son caractère factice ; qu'elle explique qu'elle réceptionne directement les messages envoyés aux adresses emails "pièges" qui sont répartis sur son serveur selon deux expéditeurs ("emails clients authentifiés" et "emails pièges") et que c'est ainsi qu'elle a pu être alertée, dès le 28 mai 2009, de l'utilisation de sa base de données par la société Editions d'Après qui n'a jamais souscrit de licence d'exploitation ;
Qu'il ressort du constat d'huissier qu'elle a fait dresser les 30 juillet et 13 août 2009, alors que la société Edition d'Après avait lancé une campagne promotionnelle pour les produits des marques "Influencia" et "Doc News" dont cette dernière est titulaire, que l'huissier indique :
"Je me connecte à la messagerie "[email protected]" (qui) contient de nombreux messages adressés par "Influencia" (adresse d'envoi : [email protected]) et "Doc News" (adresse d'envoi : [email protected]. Le premier message envoyé est daté du 28 mai 2009 et le dernier reçu est daté du 17 juillet 2009 (...)".
Que c'est en vain que pour sa défense la société Edition d'Après invoque l'ancienneté, la notoriété ou les performances de sa base de données, éléments purement subjectifs sans influence sur les constatations matérielles qui lui sont opposées ;
Que, semblablement, le fait qu'elle n'ait pas eu connaissance, selon ses termes, "d'adresses protégées par un droit de propriété intellectuelle" est un argument dénué de pertinence puisque la société TBS ne revendique aucun droit de cette nature ;
Qu'enfin, si la société Edition d'Après affirme, en s'appuyant sur un constat qu'elle a fait établir (pièce 9), que ces données ont été intégrées par une personne physique - désignée par l'appelante comme une employée de la société intimée sans que celle-ci ne le contredise -, et si elle se défend d'avoir jamais voulu pirater cette base de données, force est de relever que la société TBS administre la preuve qu'elle a extrait une partie qualitativement et quantitativement substantielle des données du fichier "Fac" pour les besoins de sa prospection commerciale ;
Qu'indépendamment de la question inopérante de la bonne ou de la mauvaise foi de la société Editions d'Après, cette extraction non autorisée doit être sanctionnée ;
Qu'il s'en évince que le jugement sera infirmé de ce chef ;
Sur la concurrence déloyale :
Considérant que la société TBS formant, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, une demande subsidiaire à chacune des trois demandes qu'elle a d'abord présentées à titre principal, il y a lieu de considérer, compte tenu de ce qui précède, que les actes de concurrence contraires aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ne doivent être examinés qu'en ce qu'ils portent sur l'utilisation des signes au sein du Code source ;
Que l'appelante reproche à l'intimée d'avoir, par cet usage qui trompe l'utilisateur, tiré profit de sa base de données "Le Fac" et des importants investissements qu'elle lui a consacrés pour créer une dynamique autour de sa marque et du nom de domaine qu'elle a enregistré afin de proposer son produit en ajoutant que le détournement de clientèle causé par le référencement faussé auprès des moteurs de recherche constitue indubitablement un acte de concurrence déloyale ;
Que l'intimée se borne à renvoyer la cour à son argumentation sur la contrefaçon et sur l'absence de confusion du public qui n'a jamais vu le terme "Fac" inséré dans le Code source litigieux ;
Considérant, ceci exposé, que ne se fondant plus sur le droit des marques pour voir sanctionner le comportement de son concurrent, la société Editions d'Après, et par conséquent n'étant pas tenue de démontrer un risque de confusion tel qu'entendu par l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle - c'est à dire perceptible par le consommateur concerné - la société TBS peut valablement se prévaloir de pratiques contraires aux usages loyaux du commerce ayant pour effet, en raison d'un référencement par le moteur de recherche obtenu par l'introduction d'éléments non perceptibles, de provoquer un détournement de clientèle ;
Que tel est précisément le cas de l'espèce puisque la société TBS établit que le Code source de son concurrent contient, sans nécessité et dans un contexte d'activités commerciales concurrentes, des mots clés comme "Fac" ou "le fichier des acteurs de la communication" qui constituent les termes essentiels de sa communication et entrent dans son nom de domaine et que l'internaute qui aura effectué une recherche sur la base de données "Le Fac" obtiendra comme résultat, du fait du rôle indispensable des mots-clés pour l'indexation dans le fonctionnement des moteurs de recherche, le site "www.docmarketing.fr" réservé par la société Editions d'Après ;
Que, visualisant concomitamment sa requête et le résultat ainsi obtenu, le consommateur sera enclin à associer les deux entreprises concernées et pourra être conduit à se tourner vers les services offerts par la société Editions d'Après par l'intermédiaire de son site plutôt que vers ceux que propose la société TBS ;
Qu'il en résulte que l'appelante est fondée à se prévaloir de pratiques contraires aux usages loyaux du commerce et à poursuivre l'infirmation du jugement de ce chef ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant qu'en réparation de l'atteinte portée à son droit sui generis de producteur de la base de données Le Fac, la société TBS sollicite une somme de 20 000 euros sans que l'intimée n'y réplique précisément puisque l'argumentation de cette dernière porte sur l'utilisation des marques revendiquées et l'utilisation de mots clés ;
Qu'il y a lieu de considérer que l'appelante propose un élément d'évaluation pertinent dans la mesure où elle revendique une réparation à hauteur du montant d'un abonnement annuel pour consulter sa base de données, soit la somme de 3 500 euros HT dont elle a été, sans conteste, privée du fait de l'extraction non autorisée dont elle a été victime ;
Que s'il convient d'ajouter à cette somme, comme elle le réclame, l'équivalent de la plus-value réalisée par son concurrent qui a pu intégrer les données extraites dans son propre fichier et si doit être pris en compte le fait que l'utilisation des données recélées dans la base qu'elle a créée ne répondait pas nécessairement à ses propres critères de sélection, il n'en demeure pas moins que le montant tel que réclamé paraît excessif et que le préjudice subi sera plus justement évalué à la somme de 10 000 euros ;
Considérant, s'agissant du préjudice résultant des pratiques concurrentielles fautives retenues, que l'intimée ne peut être suivie lorsqu'elle prétend que le préjudice causé est inexistant ou ne pourrait être évalué, tout au plus, qu'à une somme symbolique ;
Que l'utilisation sans autorisation d'un mot clé tel que "Fac" qui individualise l'activité de la société appelante et le nombre important d'internautes qui ont pu se méprendre du fait de l'ampleur de la communication par l'Internet sont certes des éléments à prendre en considération; qu'ils doivent, néanmoins, être tempérés par le fait que la société intimée a rapidement satisfait à la mise en demeure qui lui a été adressée ; que ces divers éléments conduisent la cour à condamner la société Editions d'Avant à verser à la société TBS la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
Que si la mesure d'interdiction doit être accueillie, il échet de dire qu'en raison du caractère ancien des faits litigieux et en contemplation des condamnations ci-avant prononcées, propres à réparer à suffisance le préjudice subi, il n'y a pas lieu de prononcer la mesure de publication sollicitée ;
Sur les mesures accessoires :
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société TBS la somme de 5 000 euros qu'elle réclame sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, l'intimée qui succombe supportera les entiers dépens ;
Par ces motifs :
Constate que par résolution de l'assemblée générale du 23 septembre 2009, la société par actions simplifiée Technologies Broadcating System a approuvé la dissolution de la société Fac SARL dont elle détenait l'intégralité des parts sociales, entraînant à son profit une transmission universelle de son patrimoine ; Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Technologies Broadcating System de sa demande au titre de la contrefaçon de ses marques françaises, semi-figurative "Fac - Le Fichier des Acteurs de la Communication" n° 3 208 42 et verbale "Le Fichier des Acteurs de la Communication", n° 3 280 783, en ce qu'il l'a également déboutée de sa demande relative à l'atteinte portée à son nom de domaine, et en ce qu'il a rejeté la demande de publication et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ; Dit qu'en exploitant sans autorisation la base de données "Fac", la société à responsabilité limitée Editions d'Après a porté atteinte au droit sui generis de la société Technologies Broadcasting System, producteur de cette base de données, et condamne en conséquence la société Editions d'Après à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ; Dit qu'en reproduisant les marques françaises, semi-figurative "Fac - Le Fichier des Acteurs de la Communication" n° 3 208 42 et verbale "Le Fichier des Acteurs de la Communication", n° 3 280 783, dans le Code source du site "www.docmarketing.fr" qu'elle a réservé la société Editions d'Après a contrevenu aux usages loyaux du commerce au préjudice de la société Technologies Broadcasting System, titulaire de ces marques et du nom de domaine "www.lefac.com", et condamne en conséquence la société Editions d'Après à verser à cette dernière la somme indemnitaire de 25 000 euros en réparation du préjudice subi ; Fait interdiction à la société Editions d'Après de reproduire les marques "Fac - le Fichier des Acteurs de la Communication" et "Fichier des Acteurs de la Communication" sur les pages de son site Internet, tant sur l'interface graphique que dans les codes sources ; Déboute la société Editions d'Après de sa demande au titre de ses frais non répétibles et des dépens ; Condamne la société Editions d'Après à verser à la société Technologies Broadcasting System la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.