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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 28 mars 2011, n° 10-02045

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Axess Liften Belgium NV (SA)

Défendeur :

Concorde (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maunand

Conseillers :

Mme Hussenet, M. Ciret

Avoués :

SCP Delvincourt - Jacquemet - Caulier-Richard, SCP Genet - Braibant

Avocats :

SCP Fournier Badre Hyonne Sens Salis Sanial Denis, Me Solin

T. com. Reims, du 7 juill. 2010

7 juillet 2010

Au cours du premier semestre 2008, la SA Concorde, qui exploite un bowling à Thillois (51), a fait appel à la société de droit belge Axess Liften Belgium NV (ci-après la société Axess Liften) pour l'installation d'un élévateur "low up" destiné aux personnes handicapées.

L'appareil a été installé et il a été facturé le 20 août 2008 pour la somme de 8 271,21 euros hors taxes correspondant à la fourniture, au transport et au montage.

Le matériel n'étant pas conforme à la norme française NF 222, le bureau de contrôle Veritas a donné un avis défavorable, puis le ministère en charge de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a transmis le 19 janvier 2009 à la mairie de Thillois un avis négatif de la sous-commission départementale pour l'accessibilité des personnes handicapées.

Les échanges qui ont eu lieu entre les parties n'ont pas permis de trouver une solution amiable et, après avoir vainement mis en demeure la société Axess Liften les 25 septembre et 1er décembre 2009, la SA Concorde a fait assigner en référé cette dernière devant le président du Tribunal de commerce de Reims afin qu'il lui soit ordonné sous astreinte de mettre l'élévateur en conformité avec les normes et les règlements en vigueur en France et de fournir un rapport de conformité établi par un bureau de contrôle.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 7 juillet 2010, le président du Tribunal de commerce de Reims a :

- déclaré la demande recevable et bien fondée ;

- ordonné à la société Axess Liften, à ses frais exclusifs, de :

- mettre l'ascenseur-élévateur 'low up' installé dans les locaux de la SA Concorde en conformité avec les normes et règlements en vigueur en France ;

- fournir à la SA Concorde un rapport de conformité d'un bureau de contrôle dans un délai de trente jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- condamné la société Axess Liften au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Axess Liften a relevé appel de cette ordonnance le 30 juillet 2010.

Par dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2010, la société Axess Liften poursuit l'infirmation de l'ordonnance entreprise et demande à la cour de :

- dire que l'offre qu'elle a formulée par envoi du 8 juillet 2009 et reprise dans le cadre de la présente procédure satisfait aux obligations pesant sur elle, notamment au regard de la réglementation française invoquée par la SA Concorde ;

- la décharger en conséquence de toutes condamnations au titre de l'astreinte mise à sa charge par les premiers juges ;

- débouter la SA Concorde de toutes demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2011, la SA Concorde demande à la cour de :

- vu l'article 111 de l'ordonnance du 6 septembre 1539, rejeter les pièces non traduites de la société Axess Liften ;

- vu l'article 31 du règlement n° 44:2001 du 22 décembre 2000, confirmer l'ordonnance entreprise ;

- à titre subsidiaire, ordonner à la société Axess Liften à ses frais exclusifs :

* soit mettre en conformité le matériel existant avec les normes et règlements en vigueur en France comme elle le demande ;

* soit, comme le propose la société Axess Liften, par la mise en place à ses frais exclusifs d'un matériel de remplacement ;

- ordonner à la société Axess Liften de lui fournir un rapport de conformité d'un bureau de contrôle dans le délai de trente jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- condamner la société Axess Liften au paiement de la somme supplémentaire de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel comprenant, si besoin est, tous frais de traduction de la décision à intervenir et de la procédure d'exequatur.

SUR CE, LA COUR,

Attendu que la demande formée en référé par la SA Concorde ne peut être fondée que sur les dispositions de l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile en vertu duquel le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal et dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

Attendu que la SA Concorde reproche à la société Axess Liften un manquement à son obligation de délivrance conforme prévue par l'article 1604 du Code civil laquelle comprend également, en vertu de l'article 1615, la délivrance des accessoires et tout ce qui est destiné à l'usage perpétuel de la chose vendue, notamment l'attestation de conformité ;

Attendu que c'est en vain que la société Axess Liften soutient qu'elle a satisfait à l'obligation de délivrance pesant à son encontre au motif qu'elle a livré un matériel conforme à la commande et que l'intimée avait fait le choix d'un élévateur bénéficiant d'une norme européenne ;

Qu'en effet, en sa qualité de professionnel, la société Axess Liften était tenue à une obligation de conseil à l'égard d'un acheteur profane laquelle lui imposait de se renseigner précisément sur les besoins de la SA Concorde et sur l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en était prévue ; que cette obligation de renseignements ne portait pas seulement sur les contraintes techniques de l'élévateur vendu, mais également sur les différentes prescriptions administratives en vigueur dont le non-respect ne permettait pas à l'appareil d'atteindre le but recherché ;

Qu'en l'espèce, tant le bureau de contrôle Veritas dans son rapport final d'accessibilité relatif aux établissements recevant du public du 4 février 2009 que la sous-commission départementale pour l'accessibilité aux personnes handicapées dans son avis du 18 décembre 2008 ont indiqué que l'élévateur pour personnes à mobilité réduite installé par la société Axess Liften n'était pas conforme ; que le bureau de contrôle Veritas indiquait qu'il manquait un palier de repos en bas de l'élévateur ; que l'avis négatif de la sous-commission fait également état de cette difficulté ainsi que d'une non-conformité de la pente à la sortie de l'appareil ; que le rapport du bureau de contrôle Veritas et l'avis de la sous-commission d'accessibilité visent expressément la réglementation applicable, à savoir les articles R. 111-19 à R. 111-19-6 (création et construction de nouveaux établissements) et R. 111-19-7 à R. 111-19-10 du Code de la construction et de l'habitation (établissements existants) et l'arrêté du 1er août 2006 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19 à R. 111-19-3 et R. 111-19-6 du Code de la construction et de l'habitation relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public lors de leur construction ou de leur création ; qu'en cas de réalisation de travaux dans des bâtiments existants destinés à les mettre aux normes d'accessibilité, l'article R. 111-19-8 du Code de la construction et de l'habitation renvoie aux dispositions prévues par les articles R. 111-19-1 à R. 111-19-4 dudit Code ; que l'arrêté du 1er août 2006, lequel prévoit notamment dans son annexe 2 la création de palier de repos dont il fixe la dimension, concerne non seulement les ascenseurs, mais également les élévateurs pouvant être installés à la place des précédents sur dérogation préfectorale ; que c'est dans le cadre de l'instruction de la demande de dérogation que la sous-commission départementale pour l'accessibilité aux personnes handicapées a rendu un avis négatif le 18 décembre 2008 ;

Que la société Axess Liften ne peut pas davantage reprocher à la SA Concorde de ne pas lui avoir soumis la difficulté au cours de la réalisation des travaux alors qu'elle était débitrice d'un devoir de conseil à l'égard du maître d'ouvrage profane ;

Que c'est également en vain que la société Axess Liften se prévaut de l'intervention du bureau de contrôle Socotec auquel elle aurait fait appel "pour être à même de livrer à la société Concorde une installation répondant à ses demandes" alors qu'elle s'est bien gardée de verser aux débats l'avis de cet organisme ;

Que c'est tout aussi vainement que l'appelante excipe de la proposition qu'elle a faite le 8 juillet 2009 "de reprendre l'élévateur existant dans l'état où il se trouvait avec en contrepartie l'installation d'un nouvel élévateur quelque peu différent mais répondant aux exigences de la société Concorde" ; qu'en effet, cette proposition - dont une traduction a été versée aux débats - était faite moyennant le paiement par l'intimée d'une somme de 14 890 euros hors taxes alors que l'élévateur commandé, livré et payé a coûté 8 271,21 euros hors taxes ; que la société Axess Liften ne peut donc pas valablement reprocher à la SA Concorde de ne pas avoir donné de suite à cette proposition au regard des engagements contractuels qui avaient été pris initialement ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les demandes de la SA Concorde ne se heurtent à aucune contestation sérieuse de sorte que c'est à juste titre que le premier juge y a fait droit ;

Que l'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions ;

Attendu que, succombant dans ses prétentions, la société Axess Liften sera condamnée aux dépens d'appel, lesquels ne peuvent pas comprendre ceux d'une éventuelle instance ultérieure ;

Attendu que l'équité commande sa condamnation au paiement de la somme supplémentaire de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; Condamne la société Axess Liften Belgium NV à payer à la SA Concorde la somme supplémentaire de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Axess Liften Belgium NV aux dépens d'appel et admet la SCP Genet & Braibant, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.