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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 20 septembre 2007, n° 06-00451

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Trincot

Défendeur :

Fattori Rois (SARL), Sonormat Manutention (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fevre

Conseillers :

Mmes Holman, Boissel Dombreval

Avoués :

SCP Terrade Dartois, SCP Grandsard Delcourt, SCP Grammagnac-Ygouf Balavoine Levasseur

Avocats :

SCP Sultan Collin Barret, Mes Hourmant, Thouroude, Cochard-Maupas, Berlemont

TI Avranches, du 4 janv. 2006

4 janvier 2006

Le 12 octobre 2002, lors d'une vente publique aux enchères organisée par la SARL Robin Fattori, commissaire-priseur, M. Trincot a acquis un tracteur John Deere 4230 appartenant à la société Sonormat au prix de 4 100 euro hors frais de vente.

Constatant que ce tracteur n'était équipé que de deux roues motrices alors que la carte grise portait la mention "4x4", M. Trincot a par actes des 18 août et 18 novembre 2004, fait assigner devant le tribunal la société Robin Fattori et la société Sonormat afin de voir déclarer la vente nulle à raison de l'erreur sur la qualité substantielle, subsidiairement voir prononcer sa résolution pour manquement à l'obligation de délivrance, et de les voir condamner à restituer le prix augmenté de 441,32 euro correspondant aux frais de vente, avec intérêts au taux légal à compter des assignations, outre paiement des sommes de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts, 1 500 euro en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par le jugement déféré le tribunal a :

- déclaré irrecevables les demandes de Monsieur Trincot dirigées à l'encontre de la SARL Robin Fattori, fondées sur la nullité de la vente et le défaut de conformité ;

- débouté Monsieur Trincot de ses demandes ;

- condamné Monsieur Trincot à payer à la SARL Robin Fattori et à la SA Sonormat Manutention la somme de 300 euro chacune en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les écritures signifiées

* le 7 mai 2007 par M. Trincot qui conclut à l'infirmation du jugement et au bénéfice de ses assignations devant le tribunal.

* le 3 octobre 2006 par la société Sonormat Manutention qui conclut à la confirmation du jugement et demande paiement d'une somme complémentaire de 2 000 euro en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

* le 29 août 2006 par la société Fattori Rois venant aux droits de la société Robin Fattori qui conclut à la confirmation du jugement et demande paiement d'une somme complémentaire de 1 500 euro en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

I. Sur la recevabilité des demandes en nullité et résolution de vente à l'encontre du commissaire-priseur

Le commissaire-priseur n'intervient dans une vente aux enchères publiques qu'en qualité de mandataire du vendeur avec pour unique mission de vendre l'objet à lui confié.

Il est tiers au contrat de vente et en application du principe d'effet relatif des contrats édicté à l'article 1165 du Code civil, l'action en annulation ou en résolution d'une vente engagée par l'adjudicataire est à son encontre irrecevable puisqu'il n'a pas qualité pour y défendre, ainsi que l'a exactement jugé le tribunal et le jugement sera confirmé de ce chef.

II. Sur la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles

Aux termes de l'article 1110 du Code civil, l'erreur ne constitue un vice du consentement que si elle porte sur une qualité substantielle pour l'acheteur, c'est à dire l'aptitude de la chose à remplir l'usage auquel on la destine, et si elle a été déterminante du consentement.

Lorsque la qualité attendue n'est pas substantielle in abstracto mais que seul l'acheteur la considère comme telle, l'annulation n'est encourue que si le cocontractant savait que cette qualité était recherchée ; il faut et il suffit que cette qualité ait été expressément convenue entre les parties pour qu'elle apparaisse comme substantielle.

En l'espèce, l'annonce de la vente aux enchères publiques et la fiche descriptive type du tracteur litigieux ne comportent aucune mention relative au nombre de roues motrices.

Alors qu'il n'est pas contesté que le tracteur a été vendu en état de marche, et que l'existence de quatre roues motrices ne peut être considérée comme une qualité substantielle in abstracto puisque de nombreux engins agricoles sont équipés de deux roues motrices et fonctionnent à la satisfaction des professionnels qui les utilisent et les font notamment circuler sur les routes, M. Trincot qui admet n'avoir pris connaissance de la carte grise que postérieurement à la vente, ne produit aucune pièce de nature à démontrer d'une part que cet élément était entré dans le champ contractuel, d'autre part qu'il était déterminant de son consentement.

Le tribunal a donc justement rejeté la demande en nullité pour erreur et le jugement sera confirmé de ce chef.

III. Sur le défaut de conformité

Aux termes des articles 1604 et 1615 du Code civil, le vendeur est tenu envers l'acheteur d'une obligation de délivrance de la chose conformément à la commande, et cette obligation comprend les accessoires et tout ce qui est destiné à l'usage de la chose.

Les documents administratifs afférents à un véhicule sont indispensables à son utilisation normale, ils en constituent l'accessoire et il appartient au vendeur de vérifier leur concordance avec le véhicule cédé.

En l'espèce, il est constant que la carte grise ne correspond pas aux caractéristiques réelles du véhicule vendu, ce qui constitue un défaut de conformité et donc un manquement à l'obligation de délivrance puisqu'en l'état, en l'absence de contrôle des travaux de transformation par le service des mines, M. Trincot est dans l'impossibilité de se faire délivrer une nouvelle carte grise à son nom, donc d'assurer le véhicule, et en conséquence de le faire circuler sur la route.

Les conditions de vente, rappelées par le commissaire-priseur lors de celle-ci et transcrites au procès-verbal de vente produit aux débats, aux termes desquelles "une exposition préalable a permis aux futurs acquéreurs de se rendre compte de l'état des objets (...) Les véhicules (...) adjugés (...) Le sont dans l'état actuel et pris sans possibilité de recours contre quiconque ou par quelque cause que ce soit, notamment pour les erreurs sur le type, la carrosserie, ceux-ci n'étant donnés qu'à titre indicatif", ne peuvent avoir pour effet d'exonérer le vendeur de son obligation légale de délivrance.

Cependant, eu égard à la gravité relative de l'inexécution, celle-ci étant susceptible d'être réparée par une présentation du tracteur aux services compétents, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de résolution de la vente, et ce manquement sera sanctionné par l'obligation pour le vendeur, de prendre à sa charge l'intégralité des frais de passage du tracteur au service des mines, en ce compris son transport, et ce sur présentation de factures.

Le jugement sera donc réformé de ce chef.

M. Trincot ne produisant aucune pièce susceptible de démontrer l'existence d'un préjudice complémentaire, sa demande en dommages et intérêts, infondée, sera rejetée.

IV. Sur la responsabilité du commissaire-priseur

Si le commissaire-priseur a une obligation de résultat quant aux informations fournies dans le catalogue d'une vente aux enchères, en l'espèce la mention du nombre de roues motrices ne figurait pas sur les pièces annexées à la vente, et il ne saurait être reproché à un commissaire-priseur de s'être abstenu de se livrer à des vérifications ne relevant pas de son domaine de compétence technique.

Le tribunal a donc justement rejeté la demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

V. Sur l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et les dépens

M. Trincot a été contraint d'exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 1 500 euro, mis à la charge de la société Sonormat Manutention qui succombe principalement sur la procédure d'appel et sera condamnée pour ce motif aux dépens.

La société Robin Rois a été contrainte d'exposer des frais irrépétibles qui seront fixés en équité à 1 500 euro pour l'ensemble de la procédure et mis à la charge de M. Trincot qui l'a attraite par erreur.

Par ces motifs : LA COUR, - Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l'irrecevabilité et au rejet des demandes formées à l'encontre de la SARL Robin Rois. - Le réforme en ses autres dispositions. - Condamne la SA Sonormat Manutention à rembourser à M. Georges Trincot, sur présentation de factures, l'intégralité des frais de passage du tracteur John Deere 4230 au service des mines, en ce compris son transport. - Condamne la SA Sonormat Manutention à payer à M. Trincot la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. - Condamne M. Trincot à payer à la SARL Fattori Rois la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure. - Condamne la SA Sonormat Manutention aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.