CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 avril 2013, n° 12-05389
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Overlap (SAS)
Défendeur :
Oracle France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Luc, M. Picque
Avocats :
Mes Ingold, Botbol, Bouzidi-Fabre, Benard
Vu le jugement rendu le 28 juin 2007 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société MIBS Infrastructure et Services à payer à la société Sun Microsystems France la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par la société MIBS Infrastructure et Services le 31 juillet 2007 ;
Vu l'arrêt rendu le 21 octobre 2010 par lequel la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamné la société Ovesys Group Overlap, venant aux droits de la société MIBS Infrastructure et Services, à payer à la société Oracle France, venant aux droits de Sun Microsystems France, la somme de 63 110 euro à titre de dommages-intérêts ainsi qu'au paiement de la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu le pourvoi formé par la société Ovesys Group Overlap ;
Vu l'arrêt rendu le 14 février 2012 par lequel la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt précité au motif qu'il violait les articles 1134, 1147 et 1382 du Code Civil, et a condamné la société Oracle France au paiement de la somme de 2 500 euro à la société Ovesys Group Overlap ;
Vu la déclaration de saisine après renvoi devant la Cour d'appel de Paris formée par la société Ovesys Group Overlap le 9 mars 2012 ;
Vu les conclusions signifiées par la société Oracle France le 28 janvier 2013 afin que le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 28 juin 2007 soit confirmé, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes d'Oracle France, que la société Ovesys Group Overlap soit condamnée au paiement de la somme de 93 110 euro à la société Oracle France, à titre de dommages-intérêts, ainsi que de celle de 50 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées par la société Overlap (nouvelle dénomination de Ovesys Group Overlap) le 11 février 2013 afin que le jugement entrepris soit infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il débouté la société Sun de ses demandes, que la société Oracle France soit déboutée de l'ensemble de ses demandes, et qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 4 518 991,46 euro au titre de divers préjudices, et au paiement de la somme de 80 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société Sun Microsystems France (ci-après Sun), devenue la société Oracle France, est un producteur de matériels et logiciels informatiques, qui a choisi, en raison de la haute technicité de ses produits, de les distribuer par un réseau de distribution sélective.
La société IB Solutions, devenue MIBS Infrastructures et Services, puis Ovesys Group Overlap, et enfin Overlap, a pour activité la vente de produits et la prestation de services informatiques.
Le 19 mai 1998, la société Sun a conclu avec la société Group IB, agissant pour le compte de ses filiales, dont la société IB Solutions, un contrat de revendeurs agréés.
Le contrat, prévu pour une durée d'un an, s'est renouvelé annuellement par tacite reconduction jusqu'à une modification du contrat en 2000. Par lettre du 2 décembre 2003, la société Sun a proposé un nouveau contrat à la société Group IB au terme d'un délai de 90 jours à compter de la réception dudit courrier, sauf renonciation immédiate au préavis. La société Group IB, titulaire du précédent contrat, n'a pas souhaité renoncer au préavis. Mais la société IB Solutions, sa filiale, a souscrit un nouveau contrat le 5 décembre 2003, prenant effet au 31 octobre précédent.
Ce contrat, signé entre les sociétés Sun et IB Solutions, comprenait un accord-cadre sur les conditions générales, des conditions particulières et une "lettre d'autorisation aux Solution Associates, Solution Providers et System Providers" en addendum aux conditions particulières ¡Force. Celles-ci disposent à la rubrique "D. Provenance et distribution de produits/services" : "Il est interdit à la société : (a) d'acquérir des Produits et des Services ailleurs qu'auprès de Sun ou d'un Partenaire agréé Sun ¡Force habilité à commercialiser des Produits et Services dans la zone Emea ; et (b) de fournir des Produits et des Services à un tiers entendant revendre lesdits Produits et Services sans être lui-même Partenaire agréé Sun ¡Force. Le non-respect de ces restrictions sera présumé constituer une infraction grave à l'Accord, autorisant Sun à résilier immédiatement la présente Lettre d'Autorisation sur notification écrite adressée à la société, dont les coordonnées figurent au paragraphe E ci-dessous" ;
Dans le cadre d'un appel d'offres de la société Dexia, la société Sun s'est aperçue que la société IB Solutions proposait de fournir des serveurs de marque Sun à des prix largement inférieurs à ceux auxquels lesdits serveurs lui étaient vendus dans le cadre de l'accord de distribution avec la société Sun, ce qui lui laissait supposer que ces serveurs avaient été acquis par la société IB Solutions par d'autres voies, et pourraient donc provenir du "marché gris".
Après l'envoi d'une lettre en date du 15 décembre 2003, dans laquelle elle menaçait la société IB Solutions de résiliation en cas de réitération de l'infraction présumée, la société Sun a, par lettre du 23 mars 2004, en application des dispositions contractuelles précitées, résilié l'accord conclu avec la société IB Solution pour manquement grave à ses obligations contractuelles, cette société s'étant, d'après elle, approvisionnée auprès de la société de droit néerlandais Remarkable Systems, qui ne faisait pas partie des distributeurs agréés Sun.
Par lettre du 5 avril 2004, la société IB Solutions protestait contre cette résiliation, puis, par exploit en date du 16 juin 2004, a assigné la société Sun devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir dire et juger abusive la rupture du contrat par la société Sun et demander près de 4 000 000 euro à titre de dommages-intérêts. Par conclusions récapitulatives en date du 22 février 2007, la société Sun a demandé au Tribunal, à titre principal, de débouter la société IB Solutions de l'intégralité de ses demandes et, à titre reconventionnel, de la condamner au paiement de la somme de 93 110 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation, notamment, du préjudice subi du fait de la vente, par IB Solutions, de produits Sun après la résiliation du contrat.
Par un jugement en date du 28 juin 2007, le tribunal a jugé que la société IB Solutions avait commis une faute, ne faisant pas la preuve d'un approvisionnement régulier, que la société Sun était en droit de résilier le contrat et a débouté la société IB Solutions de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions. Le tribunal a également condamné la société IB Solutions à payer à la société Sun la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. En revanche, le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de la société Sun, en considérant que les éléments versés aux débats pour justifier de son préjudice n'étaient pas suffisants.
Le 31 juillet 2007, la société IB Solutions a interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment que la rupture des relations commerciales établies et anciennes entre les parties au litige aurait été "brutale et abusive", et aurait "causé à la société IB Solutions, un important préjudice dont la société Sun doit réparation".
Par arrêt du 21 octobre 2010, la cour d'appel de céans a confirmé le jugement du 28 juin 2007 en toutes ses dispositions et a par ailleurs condamné la société IB Solutions à payer à la société Sun la somme de 63 110 euro à titre de dommages et intérêts, dont 33 110 euros au titre des remises perdues sur le matériel vendu, et 30 000 euros pour concurrence déloyale à l'égard des autres revendeurs agréés Sun. La société IB Solutions a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 14 février 2012, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2010, sur deux moyens. Elle a jugé, d'une part, que la cour d'appel n'avait pas pris en compte le courrier adressé le 15 décembre 2003 par la société Sun à la société IB Solutions, dans lequel cette société signalait à celle-ci qu'elle avait connaissance d'un approvisionnement irrégulier, mais sans en tirer de conséquence juridique immédiate : " Attendu qu'après avoir retenu la faute de la société IB Solutions pour avoir acquis deux serveurs auprès d'un fournisseur non agréé, l'arrêt, pour estimer justifiée la résiliation immédiate et écarter le moyen pris par la société Ovesys groupe Overlap, venant aux droits de la société IB Solutions, de ce que la société Sun avait renoncé à la résiliation puisque, bien qu'informée de ce manquement, elle s'était bornée à lui adresser, le 15 décembre 2003, un simple avertissement, retient que, dans cette lettre, la société Sun interrogeait la société IB Solutions à propos des conditions de vente des matériels litigieux et n'a pas exprimé la volonté de renoncer à se prévaloir de la clause résolutoire prévue au contrat ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans la lettre du 15 décembre 2003, la société Sun, qui faisait état de l'approvisionnement, qu'elle présumait irrégulier, des matériels litigieux, ne posait aucune question à la société IB Solutions et se bornait à la mettre en garde pour l'avenir, précisant qu'en cas de répétition d'un tel comportement, elle pourrait être conduite à résilier le contrat, la cour d'appel, qui a méconnu le sens et la portée de ce document, a violé le texte susvisé".
L'arrêt de la cour d'appel était, d'autre part, critiqué, pour avoir retenu cumulativement la responsabilité contractuelle et délictuelle de la société IB Solutions, en la condamnant à des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, après avoir caractérisé une faute contractuelle.
C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est née la présente instance.
Sur la résiliation
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qu'"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas" ;
Considérant que si la société Sun, en prononçant la résiliation du contrat de distributeur agréé de la société IB Solutions, n'a fait que mettre en œuvre les stipulations du "D. Provenance et distribution de produits/services" de la "lettre d'autorisation aux Solution Associates, Solution Providers et System Providers", en addendum aux Conditions Particulières de ce contrat, permettant de résilier sans préavis le contrat de distribution des distributeurs qui s'approvisionnent auprès d'opérateurs non agréés ou encore qui vendent le matériel Sun à des revendeurs non agréés, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; qu'en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil, aux termes desquelles les conventions légalement formées "doivent être exécutées de bonne foi", que la faculté de résiliation d'un contrat ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le partenaire d'une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues ;
Considérant que la société Overlap soutient que la résiliation a été abusive et brutale ; que le manquement prétendument commis, au demeurant non démontré, ne pouvait en aucun cas présenter un degré de gravité suffisant pour autoriser une rupture sans préavis, que la société IB n'a commis aucune faute de nature à justifier la résiliation du contrat, la société Sun étant défaillante dans l'administration de la preuve, et la société IB Solutions ayant démontré qu'elle s'était approvisionnée auprès d'un revendeur agréé ;
Considérant que, par lettre en date du 15 décembre 2003, la société Sun a signalé à la société IB Solutions le problème survenu avec la société Dexia, "cette non-communication sur le dossier Dexia nous a amené à nous interroger sur vos agissements. En effet, ce client n'était pas dans vos forecasts et la proposition faite nous a laissé peu de doute sur la provenance du matériel vraisemblablement en dehors d'un canal de vente autorisé (cf article D de la lettre d'autorisation du nouveau contrat)" ; qu'elle s'inquiétait, dans ce courrier, de la répercussion possible auprès de Dexia et rappelait IB Solutions à ses obligations : "Nous attendons de nos revendeurs un respect de l'éthique, une communication et une confiance mutuelle sur la conduite des affaires afin de développer au travers d'un business plan des projets profitables à la stratégie de nos deux sociétés" ; que la société Sun demandait donc pour l'avenir à la société IB Solutions de "prendre sans délai toutes mesures appropriées afin de nous assurer à l'avenir que le comportement commercial de votre société n'est pas de nature à remettre en cause l'éthique du contrat de partenariat. La répétition sur d'autres dossiers d'un tel comportement pourrait nous amener à reconsidérer le business plan et les actions engagés ensemble, voire à résilier votre contrat" ;
Considérant que, quelques mois plus tard, le 23 mars 2004, se prévalant du même incident relatif à l'appel d'offres de Dexia, la société Sun résiliait le contrat sans préavis ;
Considérant que, dans sa lettre du 15 décembre 2003, la société Sun ne demande aucune explication à la société IB Solutions sur ses sources d'approvisionnement dans le cadre de l'appel d'offres litigieux ; qu'elle ne rapporte aucunement la preuve que la société IB Solutions lui aurait alors oralement indiqué qu'elle s'engageait à s'approvisionner régulièrement pour honorer le marché litigieux et à ne pas offrir de remises spéciales ; que ce courrier ne contenait aucune mise en demeure ; que l'incident qui avait eu lieu en novembre, était connu de Sun ; que cette société ne formulait qu'une mise en garde pour l'avenir à la société IB Solutions ; que la conclusion d'un nouvel accord de distribution avec son partenaire, en décembre, démontre que la société Sun n'entendait pas, à l'époque, se prévaloir de l'incident litigieux ; qu'en toute hypothèse, cette prétendue violation des obligations de la société IB Solutions n'avait pas constitué à ses yeux, à ce moment, une infraction grave, autorisant la résiliation immédiate dudit contrat, puisque Sun insiste sur la nécessaire communication entre partenaires et non sur la violation de l'étanchéité du réseau Sun ; que la lettre de résiliation n'apporte aucun nouveau motif de résiliation justifiant son changement de position ;
Considérant au surplus que la société Sun ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que l'approvisionnement de la société IB Solutions se soit déroulé hors réseau ; que la société Sun allègue à tort dans sa lettre de résiliation que la société IB Solutions aurait acheté les deux serveurs litigieux auprès de la société Remarkable Systems ; qu'en effet, il apparaît que la société IB Solutions s'est approvisionnée auprès de la société IB Remarketing, filiale de Groupe IB, titulaire, pour ses filiales, d'un contrat de distribution sélective, qui n'avait pas encore expiré en novembre 2004 ; qu'en effet, la société IB Remarketing était une filiale du Groupe IB, et était donc encore distributeur de Sun, Groupe IB étant elle-même encore liée par le contrat de distribution Sun jusqu'à l'expiration du préavis de 90 jours proposé à Groupe IB dans le courrier de Sun du 2 décembre 2003 ; que la société IB Solutions verse aux débats plusieurs factures de mai et août 2003 et janvier et février 2004 de matériels livrés par la société Access Graphics, revendeur agréé du réseau Sun à la société IB Remarketing, démontrant que ce distributeur était effectivement approvisionné en produits contractuels ; que le bon de livraison, édité par la société IB Remarketing, du matériel vendu par IB Solutions à Dexia porte sur le même matériel qui celui commandé par la société IB Solutions auprès de la société IB Remarketing et facturé par elle, ainsi qu'en atteste la référence commune qui figure sur les deux documents : "n° 03120033" ; que la circonstance que les appareils aient porté un numéro de série différent ne suffit pas à démontrer un approvisionnement illicite ; que la société IB Solutions n'avait pas à vérifier que son fournisseur, IB Remarketing, s'était lui-même approvisionné régulièrement ; qu'enfin, à supposer même le grief constitué, il ne saurait en soi, en l'absence de preuves d'autres approvisionnements hors réseau, revêtir un caractère de gravité tel qu'il dispenserait la société Sun du respect de tout préavis ; que la rupture intervenue, non justifiée par une inexécution des obligations de IB Solutions, et après une lettre qui semblait conforter le maintien des relations contractuelles ainsi que la conclusion d'un nouveau contrat de distribution entre les partenaires, s'avère donc brutale ;
Sur le préjudice
Considérant que le préjudice qui découle d'une rupture brutale de relations commerciales établies est constitué de la perte subie ou du gain dont la victime a été privée ; que l'indemnité qui tend à réparer ce type de préjudice correspond à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires qui aurait dû être perçue si un préavis conforme aux usages du commerce avait été consenti ;
Considérant que la société IB Solutions expose que, compte tenu de la durée des relations entre les parties, d'une durée de 6 ans, des investissements engagés et du temps nécessaire pour remédier à la désorganisation de l'entreprise, un délai de 12 mois de préavis aurait dû lui être octroyé ; que la société Sun prétend que l'article 5.2 b de l'accord-cadre sur les conditions générales exclut expressément l'indemnisation des pertes d'exploitation ;
Mais considérant qu'aucune disposition contractuelle ne saurait déroger à une règle d'ordre public ; que l'article 5.2 b est donc inopposable à la demande de réparation du préjudice basée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'ordre public ; que n'est établie aucune situation de dépendance économique de la société IB Solutions, à l'égard de Sun, IB Solutions ayant toujours pu vendre d'autres produits que les produits Sun ; qu'eu égard à l'ancienneté de leurs relations, une durée de 6 mois de préavis sera suffisante ; qu'il convient d'allouer à la société IB Solutions la marge brute qu'elle aurait perçue pendant ces six mois, qui sera calculée sur la base de la moyenne de la marge brute constatée par le commissaire aux comptes perçue au titre des trois derniers exercices clos 2001-2002 (4 029 896 euros) ; 2002-2003 (1 305 960 euros) et 2003-2004, en prenant en compte le fait que le dernier exercice traduit 9 mois d'activité et qu'il faut donc restituer sa valeur sur 12 mois, soit 847 850 euros, soit 2 061 235 euros par an ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Oracle à payer à la société Overlap la somme de 1 030 617 euros ;
Considérant que la société IB Solutions demande également la condamnation de la société Sun à lui verser la somme de 139 965,20 euro au titre de l'indemnisation des coûts de formation engagés par elle ;
Mais considérant que la société IB Solutions aurait réalisé, au cours de la période pendant laquelle son personnel aurait reçu des formations concernant les produits et services Sun, une marge de plus de 15 millions d'euros sur ces mêmes produits et services ; que ces frais lui ont donc bénéficié et ne peuvent être considérés comme irrécupérables ; qu'enfin, les coûts de formation engagés par la société IB Solutions ne sauraient être considérés comme un préjudice découlant de la brutalité de la rupture, mais de la rupture elle-même ;
Considérant que si la société appelante demande à la cour de l'indemniser au titre des immobilisations réalisées et non amorties, telles les travaux d'aménagement et de mise aux normes de la salle informatique du pôle de compétence Sun, estimées par elle à un montant de 37 367,26 euros, elle ne démontre pas que ces immobilisations auraient été acquises à la demande de Sun et représenteraient des coûts irrécupérables ; qu'elle sera donc déboutée de cette demande ;
Considérant que la société IB Solutions demande la condamnation de la société Sun à la reprise de divers matériels et au paiement de la somme de 339 000 euros ; que cependant l'article 11.2. des Conditions Particulières stipule que, en cas de résiliation, la société IB Solutions devait notifier à Sun, "dans les meilleurs délais, les produits en stock, leur montant de facturation et une estimation de la valeur marchande exacte dudit stock" et que la société IB Solutions ne justifie pas s'être conformée à cette procédure ; que sa demande sera donc rejetée ; que sa demande pour perte de clientèle sera de même, rejetée, la clientèle n'étant pas la propriété du distributeur agréé et les dommages subis ayant d'ores et déjà été indemnisés par l'indemnité de résiliation ;
Considérant que la société IB Solutions ne démontre l'existence d'aucun autre préjudice, qui serait relatif à sa perte d'image, ou de notoriété, les éléments produits aux débats étant relatifs à l'information donnée à certains clients de la société IB Solutions que cette société n'était plus distributeur agréé Sun ; qu'aucune mesure d'expertise ne saurait venir suppléer la carence des parties dans la charge de la preuve ;
Sur l'illicéité du réseau
Considérant que la société IB Solutions prétend que la société Sun participerait à l'approvisionnement du marché parallèle, en ne poursuivant pas les sociétés telles qu'Access Graphics et Kender qui vendraient des matériels de démonstration sans respecter les délais contractuels et à des prix très bas ; que ce comportement serait aussi discriminatoire, seuls certains revendeurs étant bénéficiaires de cette faculté spéciale de vendre des matériels de démonstration ;
Mais considérant qu'elle ne verse aux débats aucune preuve de ces discriminations, qui démontrerait que des opérateurs placés dans des situations identiques seraient traités de façon différente et au surplus, ne formule aucune demande de ce chef ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Sun
Considérant que n'ayant commis aucune faute, ni au titre de l'exécution du contrat de distribution sélective, ni à quelque titre que ce soit pendant ou après le contrat, la société IB Solutions ne saurait se voir condamner pour contrefaçon ou pour concurrence déloyale à l'égard des membres du réseau Sun, la seule certification Sun de la société après la résiliation du contrat ne pouvant en soi constituer une telle faute et la société Sun ne rapportant pas la preuve que IB Solutions aurait commercialisé des produits Sun après la rupture contractuelle ; que le fait de proposer des produits HP à ses anciens clients ne saurait en soi caractériser une pratique de concurrence déloyale à la charge de IB Solutions ;
Considérant que le jugement entrepris sera donc entièrement infirmé et la société Sun condamnée à payer à la société IB Solutions la somme de 1 030 617 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, lesdits intérêts capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris, Et, statuant à nouveau, Déclare brutale la rupture intervenue, Condamne la société Oracle France (aux droits de la société Sun Microsystems France) à payer à la société Overlap (venant aux droits de la société IB Solutions) la somme de 1 030 617 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2007, lesdits intérêts échus étant capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société Oracle France (aux droits de la société Sun Microsystems France) aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Oracle France (aux droits de la société Sun Microsystems France) à payer à la société Overlap (venant aux droits de la société IB Solutions) la somme 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.