Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 avril 2013, n° 10-04855

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Flèche (SAS)

Défendeur :

Sibell (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Pomonti

Avocats :

Mes Lallement, Leonard, Baechlin, Lafon

CA Paris n° 10-04855

17 avril 2013

Vu le jugement en date du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal de commerce de Marseille a, sous le régime de l'exécution provisoire, débouté la société La Flèche de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales, invoquant un cas de force majeure, mais a fait droit à sa demande de condamnation de la société Sibell à lui payer les sommes demandées au titre de factures et de la surtaxe gasoil impayées, ainsi que la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 5 mars 2010 par la société La Flèche et ses conclusions enregistrées du 20 septembre 2011, tendant à faire infirmer ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Sibell au paiement de la somme de 15 940,14 euros pour rupture abusive et brutale des relations commerciales et à faire confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sibell à lui payer les sommes de 775,38 € et 4 167,34 € au titre de deux factures impayées et celle de 4 119,56 € au titre de la surtaxe gasoil ;

Vu les conclusions de la société Sibell enregistrées le 8 décembre 2011 tendant à ce que celle-ci se déclare incompétente au profit de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Vu l'arrêt de la cour de céans du 27 juin 2012, par lequel la cour s'est déclarée compétente pour connaître de l'appel interjeté contre le jugement entrepris, et a invité les parties à conclure sur le fond ;

Vu les conclusions de la société Sibell en date du 10 septembre 2012 tendant au débouté de la société La Flèche et à sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ainsi que celle de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société La Flèche a accompli, depuis 2004 au moins, des opérations de transport pour le compte de la société Sibell, en acheminant des marchandises et en lui fournissant des supports de transport, tels que des palettes, sans qu'aucune convention écrite n'ait été formalisée entre les parties.

La société La Flèche reproche à son cocontractant d'avoir cessé de lui confier toute prestation à compter du mois de novembre 2008 et, ainsi, d'avoir rompu sans préavis leurs relations commerciales. La société Sibell justifie cette rupture par le fait qu'elle a subi un incendie au mois d'août 2008, qui a gravement perturbé son exploitation.

En outre, la société Sibell ne se serait pas acquittée de la totalité des factures émises à son encontre par la société La Flèche.

C'est dans ces conditions de fait et de droit que la société La Flèche a, par acte du 7 janvier 2009, assigné la société Sibell devant le Tribunal de commerce de Marseille afin d'obtenir d'une part, le paiement d'une somme de 15 940,14 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, correspondant à trois mois de chiffre d'affaires dont la société La Flèche aurait dû bénéficier si elle avait disposé d'un délai de préavis régulier et, d'autre part, des sommes de 775,38 € et 4 167,34 € au titre de deux factures impayées, ces sommes étant assorties d'une pénalité équivalente à une fois et demi le taux légal à compter de la date d'échéance des factures, et celle de 4 119,56 € avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, au titre de la surtaxe gasoil dont la société Sibell ne s'est pas acquittée.

Par le jugement entrepris, le Tribunal de commerce de Marseille a débouté la société La Flèche de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales, mais a fait droit à sa demande en ce qui concerne les factures et la surtaxe gasoil impayées.

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Considérant que si la société La Flèche expose que la société Sibell a cessé, sans motif, de lui remettre des marchandises à compter de novembre 2008, alors que leurs relations commerciales perduraient depuis 2004, ce qui constituerait une rupture brutale de celles-ci, justifiant l'allocation de trois mois de préavis, il convient de rappeler que l'article L. 442-6-I-5 dispose qu'"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) . Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...)" ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Sibell justifie avoir subi un incendie de l'ensemble de son usine de fabrication à Aubagne le 7 août 2008 ; que cet incendie a entraîné le chômage technique de 70 de ses salariés, la réouverture ayant eu lieu en mars 2009, mais avec une délocalisation de la production ; qu'à la suite de cet incendie, la société a modifié son approvisionnement, désormais effectué auprès de sociétés situées dans le nord de la France et en Italie ; que la société La Flèche ne pouvait plus assurer les transports de ces marchandises dans ces zones géographiques à un coût raisonnable, étant elle-même située à Cavaillon ; que si l'incendie est constitutif de force majeure, étant à la fois imprévisible et irrésistible, la délocalisation de la production qui s'en est suivie n'est pas constitutive d'une telle circonstance ; que toutefois, la société La Flèche avait connaissance du sinistre et avait ainsi pu se préparer à la fin des relations commerciales durant la période d'août à octobre 2008 ; que la société Sibell lui a encore confié l'exécution de prestations de transport, en septembre et octobre 2008, pour acheminer les stocks restant dans l'usine ; qu'un préavis de trois mois a donc été implicitement octroyé à la société La Flèche ; qu'ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société La Flèche de sa demande d'indemnité pour rupture brutale des relations commerciales ;

Sur les demandes en paiement de sommes :

Sur la facture n° 081100019

Considérant que cette facture, d'un montant de 775,38 euros augmenté d'intérêts à un taux équivalent à une fois et demi le taux d'intérêt légal à compter du 10 décembre 2008, comporte les jours de réalisation des prestations, le nom des destinataires, le nombre de colis et leur poids ; que la période de novembre 2008 mentionnée sur la facture n'est pas surprenante, la société Sibell ayant eu recours à la société La Flèche après l'incendie, jusqu'en octobre, pour acheminer les stocks ; qu'en l'absence de preuve de paiement, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur la facture n° 081100271

Considérant que la société La Flèche sollicite le paiement de la somme de 4 167,34 euros TTC, au titre de palettes non restituées ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société Sibell s'est abstenue de restituer 562 palettes ; que la facture émise est suivie de la fiche "suivi des emballages" mentionnant un solde de palettes commençant au 31 juillet 2008, les mouvements ayant eu lieu du 4 août au 5 novembre 2008, puis le solde au 5 novembre 2008 ; que le jugement entrepris sera aussi confirmé sur ce point ;

Sur le poste de facturation "surtaxe gasoil"

Considérant que la société Sibell a déduit de ses règlements, de juillet à novembre 2008, le poste de facturation "surtaxe gasoil", pour un montant global de 4 119,56 euros ; que ce poste a été décompté à la société Sibell de janvier à avril 2008 et réglé par elle, ainsi qu'en attestent les pièces versées aux débats, et le tableau d'indexation gasoil a été communiqué, avec les tarifs de la société La Flèche, en janvier 2008, sans qu'elle émette la moindre protestation ; que cette répercussion du gasoil sur les tarifs de transport est prévue à l'article 24 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, sous peine de sanction pénale ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Sibell au paiement de cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

Sur la demande de la société Sibell pour procédure abusive

Considérant que cette société ne démontre pas en quoi l'exercice des voies de recours par la société La Flèche aurait dégénéré en abus de droit ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Rejette la demande de la société Sibell pour procédure abusive, Condamne la société La Flèche aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, La Condamne à payer à la société Sibell la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.