CA Lyon, 3e ch. A, 4 avril 2013, n° 12-07062
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Borreani
Défendeur :
Asutex (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Selarl Quadratur, Selarl de Fourcroy, Me Garcia-Bayat
Faits, procédure, prétentions des parties :
Patrick Borreani a assigné devant le Tribunal de commerce de Lyon la société de droit espagnol Asutex pour la voir condamnée :
- sous astreinte à communiquer un état exhaustif des ventes sur le territoire français du 22 juin 2001 au 21 octobre 2009,
- à lui payer la somme de 197 080,99 euro au titre de sommes indument retenues,
- à lui payer la somme de 84 433,63 euro au titre de l'indemnité de rupture du contrat.
Le Tribunal de commerce de Lyon a, le 19 septembre 2012 :
- rejeté l'exception de nullité invoquée par la société Asutex,
- déclaré l'exception d'incompétence soulevée par la même recevable et bien fondée,
- s'est déclaré territorialement incompétent au profit du Tribunal de commerce de Vienne,
- réservé l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.
Par déclaration enregistrée le 3 octobre 2012, Patrick Borreani a formé contredit contre cette décision.
Dans ce contredit, comme dans ses dernières conclusions du 14 février 2013, Patrick Borreani considère que le Tribunal de commerce de Lyon était compétent et conclut :
- à l'infirmation du jugement du 19 septembre 2012,
- à la condamnation de la société Asutex à lui payer la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Il fait notamment valoir que :
- le Tribunal de commerce de Lyon a fait une interprétation inexacte de l'article 46 du Code de procédure civile en considérant que seul le Tribunal de commerce de Vienne, lieu du siège social de la société Asufrance et du domicile de Patrick Borreani était compétent, alors qu'en matière d'agence commerciale le lieu de la prestation de service correspond au territoire confié à son agent,
- en l'espèce son contrat d'agent commercial prévoit que le territoire confié à l'agent est la " France continentale ",
- en outre la majeure partie de ses clients était située dans le Rhône et non dans l'Isère, qu'il en est notamment ainsi de la société Plymouth située à Feyzin, ce dont il justifie.
Pour sa part, la société Asutex, dans ses dernières conclusions du 17 décembre 2012, demande de :
- confirmer le jugement dont contredit,
- condamner Patrick Borreani à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le condamner aux dépens avec distraction.
Elle expose notamment que :
- L'arrêt de la Cour de cassation dont se prévaut Patrick Borreani (celui du 3 octobre 2006), s'il retient la compétence d'une juridiction française, ne précise pas le tribunal français territorialement compétent,
- L'article 46 du Code de procédure civile permet seul de déterminer le tribunal français territorialement compétent et le Tribunal de commerce de Lyon en a fait une juste interprétation en disant que Patrick Borreani ne prouvait pas avoir effectivement réalisé une prestation de service dans son ressort.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant la cour ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision :
Sur le contredit :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 5-1 du règlement communautaire 44-2001 du 22 décembre 2000 qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, en matière contractuelle, devant le tribunal d'un autre Etat membre où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée et que, sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est, pour une fourniture de services, le lieu de l'Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;
Qu'en l'espèce, le contrat d'agent commercial liant Patrick Borreani à la société Asutex, société de droit espagnol, prévoit expressément que le territoire confié à l'agent et sur lequel ce contrat avait donc vocation à s'appliquer correspond à la "France continentale", c'est-à-dire la France métropolitaine ; Qu'ainsi le règlement communautaire donne compétence en l'espèce à la juridiction française, dans les formes de la procédure française ;
Que, pour connaître le tribunal français territorialement compétent, il convient donc de se reporter à l'article 46 du Code de procédure civile qui dispose " le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service " ;
Attendu que, se fondant sur ce texte, le Tribunal de commerce de Lyon s'est déclaré territorialement incompétent au profit du Tribunal de commerce de Vienne, qui est le lieu du siège social de la société Asufrance et le lieu du domicile de Monsieur Borreani ;
Attendu que cependant, en appel, Patrick Borreani démontre que la société Plymouth, dont le siège social est situé 21, allée du Rhône à Feyzin, est un des clients de la société Asutex et qu'il n'est pas contesté que cette société était devenue " au fil du temps, l'un des principaux clients " ; Qu'il est également non contesté que la société Decotec, sise 5, rue du 8 mai 1945 à Millery, était une cliente de la société Asutex ; Qu'ainsi, au moins pour ces deux sociétés, le lieu de la livraison effective de la chose ou de l'exécution de la prestation de service était dans le ressort du Tribunal de commerce de Lyon ; Que Patrick Borreani a donc bien le choix, au regard des critères de l'article 46 du Code de procédure civile, de saisir le Tribunal de commerce de Lyon ;
Attendu qu'en tout état de cause, la simple lecture du jugement du Tribunal de commerce de Lyon permet de constater que Patrick Borreani invoque la rupture abusive de la relation contractuelle ; Que les procédures fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce sont dérogatoires du droit commun et imposent la compétence du Tribunal de commerce de Lyon ;
Qu'il conviendra donc d'infirmer la décision entreprise et de dire le Tribunal de commerce de Lyon territorialement compétent ;
Sur l'article 700 :
Attendu qu'en l'espèce il paraît équitable de laisser aux parties la charge des frais irrépétibles qu'elles ont engagés ;
Qu'il y aura donc lieu de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 19 septembre 2012, Et, statuant à nouveau, Dit que le Tribunal de commerce de Lyon est territorialement compétent, Y Ajoutant, Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Asutex aux entiers dépens.