CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 7 février 2013, n° 11-19893
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Desboyaux
Défendeur :
SDD (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sadot
Conseillers :
Mmes Lefevre, Cléroy
Avocats :
Mes Bettinger, Denervaud, Levin, Bernabe
Le 22 mars 2010, M. Franck Desboyaux, skieur nautique de haut niveau, et la société SDD signaient une convention de partenariat pour la période du 1er mars 2010 au 28 février 2011, la SARL SDD devant verser une somme de 8 000 euro HT, en quatre échéances en mars, juin, septembre et décembre 2010.
La SARL SDD n'ayant réglé que l'échéance de mars 2010, M. Franck Desboyaux l'a, en vain, mise en demeure de respecter les termes du contrat puis a engagé une action en paiement devant le Tribunal d'instance de Melun.
Par jugement en date du 4 octobre 2011, ce tribunal a débouté M. Franck Desboyaux de l'intégralité de ses demandes, le condamnant à payer à la SARL SDD une somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
M. Franck Desboyaux a relevé appel de cette décision, le 7 novembre 2011. Dans le dernier état de ses conclusions du 10 décembre 2012, il demande à la cour infirmant le jugement déféré, de condamner la SARL SDD au paiement de la somme de 6 500 euro avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2010 ainsi que deux indemnités de 2 500 euro, l'une pour résistance abusive et l'autre au titre de ses frais irrépétibles. Il sollicite également la condamnation de l'intimée aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il rappelle que la convention du 22 mars 2010 faisait suite à un précédent partenariat couvrant la période du 1er août 2009 au 30 novembre 2009, qui a été exécuté sans difficulté particulière. Il affirme, qu'en vertu de l'article 9.2.0 du contrat, la SARL SDD ne pouvait sanctionner un éventuel manquement contractuel, qu'il nie, qu'après l'avoir mis en demeure de respecter ses obligations. Il soutient que la SARL SDD qui lui oppose une exception d'inexécution supporte la charge de la preuve de ses allégations et avance que l'argumentation développée par la SARL SDD pour justifier son attitude est tardive et opportuniste .Il dit qu'il a exécuté ses obligations à l'exception de la mise en place d'un lien hypertexte, la SARL SDD ne disposant pas de site Internet. Enfin, il affirme l'existence d'un préjudice consécutif au non-paiement des sommes dues en période de compétition.
Dans ses dernières conclusions du 11 octobre 2012, la SARL SDD demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de M. Franck Desboyaux et de l'infirmer en ce qu'il la déboute de sa demande reconventionnelle, sollicitant l'allocation d'une somme de 2 000 euro pour procédure abusive et de celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle se prévaut de l'inexécution par l'appelant de ses obligations contractuelles justifiant l'arrêt du versement des sommes dues. Elle dit que M. Franck Desboyaux n'a jamais cherché à entretenir de relation privilégiée avec elle et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté ses obligations, ce qu'il ne fait pas. Elle ajoute qu'il n'a jamais, alors qu'il s'y était engagé, communiqué son calendrier ou fourni des photographies, affirmant que son site ne reprend ni son logo et ni les dates des compétitions de l'année 2010.
SUR CE, LA COUR
Considérant que l'article 1315 du Code civil dispose que "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation" ; qu'il s'ensuit que M. Franck Desboyaux ayant prouvé l'obligation dont il allègue en produisant la convention du 22 mars 2010 , la SARL SDD qui réclame l'exécution, par M. Franck Desboyaux, des obligations résultant de la convention, doit établir la nature de ces obligations particulières dont elle poursuit l'exécution ;
Considérant que la convention litigieuse, qui fait la loi des parties :
- expose, en préambule, que la SARL SDD souhaite à des fins de communication et de promotion, d'une part, obtenir le droit d'utiliser le nom, l'image, la voix et la notoriété de M. Franck Desboyaux et d'autre part, être associée à ses performances sportives ;
- stipule qu'en contrepartie des droits que ce dernier lui concède et des obligations qu'il contracte, M. Franck Desboyaux recevra une rémunération hors taxes de 8 000 euro (article 3.1.1) payable en quatre échéances ;
- prévoit une clause d'exclusivité, M. Franck Desboyaux s'interdisant d'associer son nom, son image, sa notoriété à une entreprise ou une marque concurrente pendant la durée de la convention (soit entre le 1er mai 2010 et le 28 février 2011) ;
Que les articles 4 et 6 du contrat fixent les obligations de M. Franck Desboyaux et prévoient que celui-ci doit communiquer son programme d'entraînement et de compétition et de faire connaître ses disponibilités (et ce avant, le 31 mai 2010 pour la seconde obligation) les autres prestations supposant une demande ou une initiative de la SARL SDD ;
Qu'ainsi M. Franck Desboyaux devait, à la demande de la SARL SDD, participer à des actions de relations publiques, à des compétitions ou exhibitions, animer une session de formation (articles 4.2.0, 4.3.0 et 4.7.0) et reproduire son logotype sur des sites Internet (article 4.5.0) ; que contrairement à ce que dit la SARL SDD, les autres prestations supposaient également une initiative de sa part ainsi :
- la création de lien hypertexte entre le site de l'athlète et celui de la société (article 4.5.1) doit être rapprochée de l'obligation pour M. Franck Desboyaux de réserver des espaces aux actions organisées par l'entreprise (article 4.5.3), étant relevé que la SARL SDD ne prouve pas qu'elle disposait d'un site Internet pour assurer la promotion de ses produits, le nom de domaine cité au contrat (www.la société.fr) permettant d'exclure son existence ;
- l'article 4.2.0 en prévoyant la remise de cinq photographies libres de droit et la participation à une séance de photos (article 4.2.0) organise la production de supports aux opérations de promotion ou communication de l'entreprise, la fourniture des photographies supposant l'organisation (par la SARL SDD) de la séance de photographies, l'entreprise n'ayant aucun intérêt à diffuser des photographies auxquelles ses actions, son activité ou ses marques ne seraient pas associées
Considérant en conséquence, qu'à l'exception de l'exclusivité concédée et de l'accès à une information (donnée sur le site de l'athlète), la convention n'obligeait M. Franck Desboyaux que dans la mesure où il était sollicité par son cocontractant ; qu'il s'en évince que la SARL SDD entendait se réserver la possibilité d'organiser sa communication et des manifestations autour des succès sportifs de M. Franck Desboyaux, dont elle se réservait l'exclusivité, cette exclusivité prenant tout son sens, dans l'hypothèse où M. Franck Desboyaux confirmait les performances réalisées l'année précédente ;
Que dès lors, le grief tiré du défaut de communication du calendrier d'entraînement et de compétition et des disponibilités de l'athlète paraît opportuniste ; que de plus, il n'est étayé, par aucune pièce du dossier, le conseil de la SARL SDD ne l'ayant pas évoqué dans son courrier du 11 octobre 2011 en réponse à la mise en demeure de régler les mensualités de juin et septembre 2011, préférant dire, sans plus de précision que "la convention de partenariat sans cause n'a pas de légitimité et doit être annulée" ;
Que la SARL SDD doit donc la part du prix convenu restée impayée soit la somme non contestée de 6 500 euro, celle-ci portant intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2010 ;
Considérant que M. Franck Desboyaux réclame des dommages et intérêts pour résistance abusive sans caractériser le préjudice qu'il aurait subi du fait de l'abus de droit qu'il impute à la SARL SDD ; qu'il sera débouté de ce chef de demande ;
Considérant que la SARL SDD partie perdante sera condamné aux dépens de l'instance ; qu'en équité, elle devra rembourser les frais irrépétibles exposés par M. Franck Desboyaux en première instance et en cause d'appel ;
Par ces motifs : Infirme le jugement du Tribunal d'instance de Melun du 4 octobre 2011, statuant à nouveau ; Condamne la SARL SDD à payer à M. Franck Desboyaux la somme 6 500 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2010 ; Condamne la SARL SDD à payer à M. Franck Desboyaux la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.