CA Basse-Terre, 1re ch. civ., 29 janvier 2007, n° 05-01687
BASSE-TERRE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Média Tropical (SARL)
Défendeur :
Comité Régional de cyclisme de la Guadeloupe, Association Baie-Mahault En Eveil - Radio Media Tropical Guadeloupe
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Parneix
Conseillers :
MM. Martin, Salvatico
Avocats :
Mes Democrite, Houda, Delumeau
FAITS ET PROCÉDURE :
Vu le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Pointe à Pitre le 9 juin 2005 entre d'une part le Comité Régional de Cyclisme de la Guadeloupe (CRCG) et la SARL Média Tropical et Média Tropical Guadeloupe, d'autre part.
Vu l'appel régulièrement interjeté par la SARL Média Tropical le 4 octobre 2005.
Vu l'assignation devant la cour de céans à défaut de constitution d'avocat par les intimés (article 908 du Nouveau Code de procédure civile) en date du 9 juin 2006.
Vu les conclusions de la SARL Média Tropical déposées le 3 février 2006.
Vu les conclusions du CRCG déposées le 3 octobre 2006.
Vu l'ordonnance de clôture du 4 octobre 2006.
Liminairement il convient d'observer que l'association Baie-Mahault En Eveil Radio Média Tropical Guadeloupe a constitué avocat en la personne de Maître Claudel Delumeau par acte remis au greffe de la cour le 18 juillet 2006, mais n'a pas conclu.
Le CRCG a conclu un contrat de sponsoring (non daté) avec Média Tropical Guadeloupe, radio mise en service par l'association Baie-Mahault En Eveil, dans le cadre de l'organisation du 51ème tour cycliste de la Guadeloupe, édition 2001.
Au terme de ce contrat, Média Tropical Guadeloupe devait apporter au CRCG une somme de 410 000 francs HT, savoir 62 504, 10 euros ; laquelle somme devant être réglée de la façon suivante :
- 20 % le 13/03/2001,
- 20 % le 13/04/2001,
- 20 % le 13/05/2001,
- 20 % le 13/06/2001 et le solde à 90 jours ;
Une facture n° 01/Tour 2001 a été établie par le comité le 24/01/2001 pour un montant de 444 850 francs TTC, soit 67 816,95 euros.
Média Tropical Guadeloupe n'a jamais respecté le contrat précité, seul un virement de 100 000 francs (15 245 euros) a été effectué le 11 juin 2001 par la SARL Média Tropical dont le siège social est à Paris.
Le solde d'un montant de 52 572,04 n'a jamais été payé malgré mise en demeure et c'est en l'état que le CRCG s'est résolu à attraire en justice la SARL Média Tropical et Média Tropical Guadeloupe aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de cette somme ainsi qu'à des dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice financier, outre 3 000 en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et les entiers dépens.
Le jugement entrepris a considéré, au visa notamment des articles 1315 et 1347 du Code civil, que Média Tropical Guadeloupe dont il n'est pas établi qu'elle serait libérée de son obligation, devait être condamnée au paiement de la somme réclamée par le CRCG.
Cette même décision a estimé, nonobstant la contestation par la SARL Média Tropical de l'existence d'un quelconque engagement de sa part à l'égard de CRCG, que cette société devait, en l'état d'un ensemble de faits établissant son engagement solidaire au côté de Média Tropical Guadeloupe, être condamnée solidairement avec cette dernière au paiement des sommes dues.
La SARL Média Tropical, appelante, demande à la cour :
- d'infirmer totalement le jugement querellé,
- de la mettre purement et simplement hors de cause,
- de condamner le CRCG à lui payer 4 500 euros de dommages et intérêts pour action abusive,
- de condamner le même à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Daniel Democrite, pour ceux dont il a fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient :
- Qu'elle a son siège social à Paris, émet exclusivement sur la capitale et n'a aucun "lien de parenté ou d'alliance" avec Média Tropical Guadeloupe,
- Que ce n'est qu'à la suite d'un hasard lié à la défection de la station qui lui servait de "fournisseur de programme", que Radio Energy FM diffusant en Guadeloupe a sollicité en 2000 l'accord de la SARL Média Tropical et celui du CSA pour pouvoir diffuser à titre gratuit les flashes d'information et journaux parlés produits par la première et a choisi dans la foulée d'utiliser l'appellation rapprochante de "Média Tropical Guadeloupe"
- Que cette entité et précédemment Radio Energy FM n'ont aucune personnalité juridique et émanent de l'association Baie-Mahault En Eveil.
- Que le CRCG n'a pas assigné cette association laquelle est pourtant le véritable bénéficiaire des autorisations d'émettre délivrées par le CSA, ladite association n'ayant fait l'objet que d'une demande par voie de conclusions, demande qui a notamment été écartée motif pris de ce qu'elle n'était pas partie au contrat litigieux et n'était, de surcroît, pas dans la cause.
- Que l'ordre de virement en date du 31/05/2001 d'un montant de 100 000 francs soit 15 245 euros ne saurait constituer un commencement de preuve par écrit d'un contrat aux termes duquel la SARL Média Tropical serait engagée solidairement au côté de Média Tropical Guadeloupe vis à vis du CRCG.
- Qu'en tout état de cause la solidarité ne se présume pas, il faut qu'elle soit expressément stipulée ; étant encore observé que les premiers juges n'expliquent nullement en vertu de quelle disposition de la loi il pourrait y avoir en l'espèce 'solidarité de plein droit' en défaveur de la SARL Média Tropical ;
- Qu'au surplus cette dernière n'est pas partie au contrat litigieux et l'ordre de virement susmentionné ne précise pas non plus l'existence d'un lien de droit avec la débitrice principale, cette dernière n'étant au demeurant même pas mentionnée.
- Que Média Tropical Guadeloupe n'a, apparemment, pas la moindre personnalité juridique et qu'ainsi le contrat de base, dit de "sponsoring" n'a aucune valeur juridique, à défaut de ratification par l'association Baie-Mahault En Eveil.
- Que partant le prétendu engagement solidaire de l'appelante au côté de Média Tropical Guadeloupe n'a pas de valeur puisqu'il est constant qu'un tel engagement, considéré comme accessoire, suppose une obligation principale valable.
- Qu'enfin le jugement en cause contrevient au principe de l'effet relatif des contrats tel que défini par l'article 1165 du Code civil puisqu'il est incontestable que l'appelante est un tiers par rapport au contrat dit de 'sponsoring' intéressant le CRCG et Média Tropical Guadeloupe.
Le CRCG, intimé, demande à la cour :
- de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
- de rejeter les prétentions sans fondement de l'appelante,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- de condamner 'conjointement et solidairement' la SARL Média Tropical et Média Tropical Guadeloupe à lui payer :
* la somme de 52 572,04 euros en règlement du solde du contrat de sponsoring litigieux,
* la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice financier subi ; outre 2 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Il fait valoir :
- Que la liberté contractuelle entraîne l'absence de formalisme et qu'il n'est pas nécessaire que le lien d'obligation entre Média Tropical Guadeloupe et la SARL Média Tropical soit formalisé dans une convention écrite.
- Que ce lien n'en existe pas moins en l'état des relations d'affaires étroites qui unissent les deux entités et de la participation directe de Média Tropical dans l'exécution du contrat de sponsoring litigieux.
- Qu'en effet la SARL Média Tropical est bien intervenue dans l'exécution dudit contrat :
* en diffusant la retransmission des reportages radio en Ile de France,
* en payant de ses deniers un acompte de 100 000 francs selon ordre de virement donné à UPB le 31 mai 2001.
- Que cet ordre de virement constitue bien un commencement de preuve par écrit puisqu'il émane de celui contre lequel la demande est formée et rend ainsi vraisemblable l'engagement de l'appelante à l'égard de l'intimé.
- Que les premiers juges, en statuant comme ils l'ont fait, n'ont nullement violé les dispositions de l'article 1315 al 1er du Code civil en inversant la charge de la preuve au détriment de la SARL Média Tropical.
- Qu'en toute hypothèse cette dernière, conformément aux dispositions de l'article 9 du Nouveau Code de procédure civile ne prouve pas que le règlement de la somme de 100 000 francs a été fait à une autre fin que celle évoquée par l'intimé.
- Qu'en outre, il est vain pour cette société de tenter de tirer argument de l'absence de mention dans l'ordre de virement, de la cause et de l'objet de l'acompte versé puisqu'il est admis qu'en cette absence les juges peuvent estimer que les présomptions tirées du comportement d'une des parties rendent vraisemblable l'existence d'un contrat entre elles.
- Qu'enfin et en toute hypothèse la SARL Média Tropical est une société par la forme et accomplit des actes de commerce.
- Qu'il est constant que la preuve peut être établie par tous moyens à l'égard des commerçants et qu'ainsi, au cas particulier, Média Tropical Guadeloupe a prouvé qu'il existe un contrat avec l'appelante et que celle-ci a payé, au titre de ce contrat, un acompte de 100 000 francs (15 245 euros).
- Que ce début de paiement par une société commerciale est de nature à établir la responsabilité solidaire de cette dernière dans le règlement.
ET SUR CE,
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office,
Par des motifs exacts en fait et fondés en droit, les premiers juges ont répondu de manière pertinente aux moyens invoqués devant eux par les parties et repris par celles-ci en cause d'appel.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé par adoption de ces motifs, étant en outre relevé que :
- l'obligation principale de Média Tropical Guadeloupe telle qu'elle résulte du contrat dit de "sponsoring" ne saurait être considérée à priori comme non valable puisque non contestée par cette entité qui par lettre en date du 30 septembre 2003, signée par son président, a réclamé une réduction de 40% du montant dû, avec paiement en 48 mensualités.
- la SARL Média Tropical qui conteste que l'ordre de virement du 31 mai 2001 puisse constituer un commencement de preuve par écrit de son engagement solidaire avec Média Tropical Guadeloupe ne prouve pas, conformément aux dispositions de l'article 9 du Nouveau Code de procédure civile que le règlement de 100 000 francs (15 245 euros) aurait été fait à une autre fin que celle retenue par les premiers juges ; alors et surtout de plus fort que cet ordre, dans le contexte de l'affaire, ne saurait être qualifié d'équivoque, puisqu'il est difficile de considérer que la société appelante aurait accepté de payer une telle somme pour seulement pouvoir distribuer des tee-shirts alors qu'une telle distribution est libre et gratuite et que les entreprises commerciales ne se privent pas de le faire pendant le tour cycliste considéré.
- la solidarité qui ne se présume effectivement point, résulte au cas particulier de l'existence de l'engagement de la SARL Média Tropical tel qu'il appert de la convention entre l'appelante et Média Tropical Guadeloupe dont la preuve est avérée et établie par le virement sus-évoqué.
- le fait que la SARL Média Tropical n'est pas partie au contrat de 'sponsoring' litigieux n'a aucune incidence sur son engagement solidaire au côté de Média Tropical Guadeloupe, la règle de l'effet relatif des contrats ne pouvant utilement être invoquée en l'espèce.
La SARL Média Tropical dont les prétentions sont écartées n'est pas fondée à demander paiement de dommages et intérêts.
Elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer au CRCG une indemnité supplémentaire que l'équité commande de fixer à 1 500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
L'intimé ne justifiant pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par la reconnaissance de ses droits sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice financier subi alors et surtout qu'aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de l'appelante dans l'exercice de sa voie de recours.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et dernier ressort, Déclare l'appel recevable en la forme, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. Y ajoutant, Condamne la SARL Média Tropical à payer au Comité Régional du cyclisme de la Guadeloupe la somme supplémentaire de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. Condamne la même aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.