CA Colmar, ch. soc. C, 30 novembre 2007, n° 06-00169
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Thomann
Défendeur :
Fellmann Cartonnages (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M Die
Conseillers :
Mmes Wolf, Weber
Avocats :
Mes Tabak, Loew
La société Cartonnages Fellmann embaucha successivement M. Stephen Thomann comme suit :
- en qualité de préparateur "autoplatine" par contrat à durée déterminée du 7 octobre au 31 décembre 2002 ;
- en la même qualité de préparateur "autoplatine" par contrat à durée déterminée du 1er janvier au 31 mars 2003 ;
- en qualité de préparateur "colleuse" par contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2003.
Le 15 octobre 2003, par un acte sous seing privé intitulé "contrat de sponsoring", la société Cartonnages Fellmann s'engagea à parrainer les activités sportives de M. Stephen Thomann en lui fournissant une motocyclette de marque Kawasaki, modèle KX 125, à charge pour lui de représenter l'entreprise dans des compétitions et d'arborer des supports publicitaires.
Le 7 juillet 2004, elle le convoqua à un entretien préalable fixé au 12 juillet.
Le 15 juillet 2004, elle lui adressa une lettre recommandée pour lui notifier son licenciement en raison de ses absences répétées et prolongées pour maladie rendant nécessaire le remplacement définitif du salarié pour assurer un fonctionnement normal de l'entreprise.
Le 9 février 2005, M. Stephen Thomann saisit la juridiction prud'homale en contestant la légitimité de son licenciement.
Le 16 décembre 2005, par jugement de sa section de l'industrie, le Conseil de prud'hommes de Guebwiller dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et il débouta le salarié de ses prétentions.
Le 5 janvier 2006, M. Stephen Thomann interjeta régulièrement appel de ce jugement.
A l'audience, M. Stephen Thomann fait oralement développer ses conclusions déposées le 18 octobre 2007 au soutien de son appel. Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner l'employeur à verser 12 500 euros à titre de dommages et intérêts et 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Cartonnages Fellmann fait oralement reprendre ses conclusions de réplique déposées le 28 mars 2007 pour solliciter la confirmation du jugement entrepris et la condamnation du salarié appelant à verser 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il est référé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
Sur quoi, la cour :
Au premier soutien de son appel, M. Stephen Thomann invoque vainement la nullité de son licenciement comme étant intervenu en violation des dispositions de l'article 122-45 du Code du travail qui prohibent tout licenciement en raison de l'état de santé du salarié, sauf inaptitude médicalement et régulièrement constatée.
En réalité, si la société Cartonnages Fellmann a évoqué les arrêts de travail pour maladie de M. Stephen Thomann, elle n'a pas prononcé le licenciement en raison de l'état de santé du salarié, mais à raison de ses absences répétées et prolongées rendant nécessaire son remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de son entreprise, notamment pour la gestion des caisses d'emballage et de leur approvisionnement sur ses lignes de pliage et de collage, comme elle l'a expressément indiqué dans la lettre de licenciement.
En tout cas, le salarié appelant ne demande pas l'annulation de son licenciement.
Au second soutien de son appel, le salarié appelant critique avec plus de pertinence la cause de son licenciement.
En application des articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail, il revient à la cour d'apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement et ce dans les limites de la lettre de licenciement qui en a énoncé le motif, et au vu des éléments apportés aux débats par l'une et l'autre des parties.
Il est constant que comme l'a rappelé la société intimée dans la lettre de licenciement du 15 juillet 2004, le salarié appelant a observé des arrêts de travail pour maladie du 18 mai au 8 juillet 2003, du 1er août au 18 août 2003, du 16 décembre au 20 décembre 2003, du 3 mars au 17 mars 2004, du 24 mai au 28 mai 2004, et du 14 juin au 1er août 2004.
Il n'est pas établi pour autant que ces absences, certes prolongées et répétées, aient perturbé le fonctionnement de l'entreprise et, comme l'a prétendu la société intimée, qu'elles aient rendu nécessaire le remplacement du salarié appelant.
La société intimée fait valoir qu'elle a affecté M. Stephen Fellmann au poste spécifiquement créé le 27 février 2003 pour l'alimentation des ses lignes en emballages dits "caisses américaines".
Mais rien n'est produit aux débats ni sur les perturbations de l'entreprise pendant les arrêts de travail salarié appelant, ni sur les difficultés rencontrées pour pallier ses absences temporaires, ni sur la nécessité du procéder à son remplacement définitif.
Le motif énoncé dans la lettre de licenciement n'a donc pas de caractère réel.
Au surplus, le salarié appelant avance, sans être contesté, que tous ses arrêts de travail ont été médicalement prescrits pour soigner les blessures qu'il avait subies lors de compétitions motocyclistes.
La société appelante ne peut dès lors sérieusement se plaindre des conséquences des accidents dont M. Stephen Thomann a été victime sous les couleurs et dans l'intérêt de l'entreprise, en exécution d'engagements contractuels portant sur des activités sportives dont elle ne pouvait méconnaître les risques.
Le motif énoncé manque donc aussi de caractère sérieux.
Il en résulte que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail, le salarié appelant est fondé obtenir l'indemnisation du préjudice que lui a fait subir le licenciement abusivement prononcé.
Au vu des éléments lacunaires qu'il produit sur l'étendue de son préjudice, il lui en sera fait une intégrale indemnisation par l'octroi d'un montant de 4 000.
Il est équitable qu'en sus et en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'employeur contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint le salarié à exposer.
En application de l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, il échet de mettre les dépens à la charge de l'employeur qui succombe.
Par ces motifs : LA COUR, Déclare recevable l'appel interjeté ; Infirme le jugement entrepris ; Déclare le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Condamne la société Cartonnages Fellmann à payer à M. Stephen Thomann : - la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail ; - la somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la société Cartonnages Fellmann à supporter les dépens d'appel et de première instance.