CA Reims, ch. civ. sect. 1, 8 février 2011, n° 10-00164
REIMS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cate Bini
Défendeur :
Desceveux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maunand
Conseillers :
Mme Jarry, M. Ciret
Avoués :
SCP Thoma-Delaveau-Gaudeaux, SCP Six-Guillaume-Six
Avocats :
Mes Bacquet, Honnet
Le 23 septembre 2007, Mme Patricia Cate Bini a acquis auprès de M. Pascal Desceveux, éleveur spécialisé exerçant sous l'enseigne Dedicat's, un chat de race abyssin moyennant le prix de 1 000 euros, comprenant à hauteur de 60 euros les frais de rappel de primo-vaccination.
Le chaton va rapidement présenter un problème locomoteur et les examens pratiqués vont conclure à l'existence d'une luxation patellaire bilatérale. Une intervention chirurgicale sera faite le 6 mars 2008.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 mai 2008, Mme Cate Bini a mis en demeure M. Desceveux d'avoir à lui régler la somme totale de 2 240 euros correspondant au coût de l'opération chirurgicale et à la moitié du prix d'achat du chat.
Se prévalant du fait que le chat qu'elle avait acheté était atteint d'une tare congénitale, Mme Cate Bini a fait assigner M. Desceveux devant le Tribunal d'instance de Troyes afin de voir juger, au visa des articles L. 211-15 du Code de la consommation et 1641 du Code civil, que le bien vendu n'était pas conforme et voir condamner le défendeur à lui payer une somme correspondant à la moitié du prix d'achat de l'animal et celle de 1 770 euros au titre des frais vétérinaires.
M. Desceveux s'est opposé à la demande en faisant valoir que le chat avait été vendu en parfaite santé et que Mme Cate Bini avait admis qu'il avait fait une mauvaise chute.
Par jugement prononcé le 15 novembre 2009, le Tribunal d'instance de Troyes a :
- débouté Mme Cate Bini de l'intégralité de ses demandes ;
- débouté M. Desceveux de sa demande de dommages-intérêts ;
- rejeté les demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné Mme Cate Bini aux entiers dépens.
Mme Cate Bini a relevé appel de ce jugement le 20 janvier 2010.
Par dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2010, Mme Cate Bini poursuit l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :
- dire que le bien acquis par elle auprès de M. Desceveux le 23 septembre 2007 n'est pas conforme aux attentes légitimes d'un acheteur profane d'un chat de race ;
- dire que le défendeur reconnaît son entière responsabilité en ce qu'il ne défend pas une position contraire ;
- en conséquence, condamner M. Desceveux à lui payer la somme de 500 euros au titre du remboursement de la moitié du prix d'achat du chat abyssin n° 250 269 200 140 26 acquis le 23 septembre 2007 ;
- condamner M. Desceveux à lui payer la somme de 1 770 euros au titre du remboursement de l'ensemble des frais vétérinaires dépensés afin de soigner ledit animal ;
- condamner M. Desceveux à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2010, M. Desceveux poursuit la confirmation du jugement déféré, le débouté des prétentions de Mme Cate Bini et sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée et aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Attendu qu'à l'appui de ses prétentions tendant à la confirmation du jugement déféré, M. Desceveux fait valoir qu'aucune pièce ne justifie de l'existence de la tare congénitale alléguée par Mme Cate Bini alors que le scanner du 11 décembre 2007 n'a pas découvert une maladie congénitale, mais seulement une luxation patellaire ; qu'il rappelle qu'aucun trouble n'a été décelé au moment de la visite préalable à la vente et que les vétérinaires mandatés par l'acheteur et le vendeur n'ont relevé aucun signe clinique permettant de conclure à la présence d'un vice rendant le chat impropre à sa destination ; qu'il produit également une attestation du docteur vétérinaire Fabrice Feugeas qui a procédé à la castration du chat le 13 septembre 2007 et qui indique que, d'après son dossier médical, l'animal ne présentait aucun symptôme particulier et était dans un état général apparent de bonne santé ;
Que l'appelant estime qu'en l'absence d'expertise, désormais impossible en raison de l'intervention chirurgicale du 6 mars 2008, la preuve du caractère congénital de la maladie ne peut pas être rapportée ;
Qu'enfin, il se prévaut des courriers électroniques de Mme Cate Bini qui lui aurait indiqué que le chat avait fait une mauvaise chute peu de temps après son achat ;
Attendu qu'en application de l'article L. 211-4 du Code de la consommation, le vendeur, agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale, est tenu de livrer à l'acheteur, agissant en qualité de consommateur, un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance ;
Qu'en vertu de l'article L. 211-5 du Code de la consommation, pour être conforme au contrat, le bien doit être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable ; que, s'agissant d'un jeune animal de compagnie, ce dernier doit être conforme aux standards de sa race et notamment exempt de toute malformation ;
Attendu qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que, deux mois après l'acquisition du chat, Mme Cate Bini a fait part à M. Desceveux que ce dernier parvenait difficilement à sauter et qu'il présentait une boiterie intermittente ;
Que les examens vétérinaires pratiqués sur l'animal ont mis en évidence une luxation patellaire bilatérale qui a nécessité une intervention chirurgicale pratiquée le 6 mars 2008 ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 211-7 du Code de la consommation, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire ;
Attendu qu'en l'espèce, M. Desceveux ne renverse pas la présomption instituée à l'encontre du vendeur professionnel ;
Attendu, en effet, que l'attestation du docteur vétérinaire Fabrice Feugeas, qui indique que, d'après son dossier médical, l'animal ne présentait aucun symptôme particulier et qu'il était dans un état général apparent de bonne santé, n'est pas opérante dans la mesure où la malformation dont souffrait le chat n'était de toute évidence pas décelable au jour d'un examen de santé général ; que ce n'est qu'au bout de quelques mois que l'animal a présenté des troubles locomoteurs, que des investigations particulièrement poussées (tomodensitométrie) ont dû être pratiquées et que la malformation dont il était atteint a pu être découverte ;
Attendu que ne sont pas plus opérantes les attestations des personnes qui ont acheté un chat ayant la même origine que l'animal litigieux, Mme Cate Bini faisant pertinemment observer qu'une maladie congénitale n'est pas nécessairement une maladie héréditaire ;
Attendu que M. Desceveux soutient, enfin, en vain que Mme Cate Bini lui aurait dit que le chat avait fait une mauvaise chute ; que la lecture des nombreux courriers électroniques que les parties ont échangés à partir de novembre 2007 permet de constater qu'à aucun moment l'appelante n'a fait état d'une telle chute, mais que c'est l'intimé qui le mentionne en rapportant des propos que Mme Cate Bini lui aurait tenus, mais que cette dernière conteste ;
Qu'en toute hypothèse, la preuve d'une mauvaise chute n'est pas rapportée alors que la tomodensitométrie pratiquée le 11 décembre 2007 exclut expressément toute lésion osseuse, notamment traumatique, et que le docteur vétérinaire Michel Baron, chirurgien orthopédique, a indiqué, dans un certificat établi le 15 septembre 2009, que la luxation médiale des rotules explique l'incapacité au saut de l'animal depuis son plus jeune âge et que "la précocité des symptômes cliniques, le caractère bilatéral, symétrique des luxations, les incongruences anatomiques observées permettent évidemment de conclure au caractère congénital de ces anomalies sans écarter une héritabilité possible" ;
Attendu que, la réparation ou le remplacement du bien étant impossible, Mme Cate Bini exerce l'action prévue par l'article L. 211-10 du Code de la consommation lui permettant de garder le bien et de se faire rendre une partie du prix ; que cette disposition ne fait pas obstacle à l'allocation de dommages-intérêts conformément à l'article L. 211-11 du même Code ;
Attendu qu'il convient, dès lors, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. Desceveux à restituer à Mme Cate Bini la somme de 500 euros correspondant à la moitié du prix d'acquisition du chat et à l'indemniser des frais qu'elle a dû engager pour remédier à la maladie congénitale dont l'animal était atteint et obtenir un chat conforme aux standards de sa race et exempt de toute malformation, soit la somme de 1 770 euros dont elle justifie ;
Attendu que Mme Cate Bini ne justifie pas du préjudice moral dont elle sollicite la réparation dans le dispositif de ses conclusions ; qu'elle n'indique notamment pas en quoi consisterait ce préjudice pour lequel elle ne forme aucun développements dans le corps de ses conclusions ;
Attendu que, ses prétentions étant rejetées, M. Desceveux ne peut pas prétendre à la condamnation de l'appelante à des dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que, succombant dans ses prétentions, M. Desceveux sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
Attendu que l'équité commande sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau ; Condamne M. Pascal Desceveux à payer à Mme Patricia Cate Bini les sommes de : - 500 euros (cinq cents euros) au titre du remboursement de la moitié du prix d'achat du chat abyssin n° 250 269 200 140 26 acquis le 23 septembre 2007 ; - 1 770 euros (mille sept cent soixante-dix euros) au titre du remboursement de l'ensemble des frais vétérinaires dépensés afin de soigner ledit animal ; - 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Condamne M. Pascal Desceveux aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP Thoma Delaveau Gaudeaux, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.