Livv
Décisions

Commission, 8 mai 2012, n° 2013-126

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

Relative à l'aide d'État SA.22668 [C 8/08 (ex NN 4/08)] accordée par le Royaume d'Espagne à la société Ciudad de la Luz SA

Commission n° 2013-126

8 mai 2012

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter des observations en application des articles susvisés (1), et au vu desdites observations,

considérant ce qui suit :

I. PROCÉDURE

(1) Le 22 février 2007, la Commission a été saisie d'une plainte en matière d'aides d'État émanant du plaignant A (2), concernant la prétendue aide accordée par la Comunitat Valenciana (région de Valence) en faveur du complexe cinématographique de Ciudad de la Luz. Le 15 mars 2007, le plaignant A a confirmé que sa plainte pouvait être transmise aux autorités espagnoles.

(2) Le 10 avril 2007, la Commission a transmis la totalité de la plainte susvisée aux autorités espagnoles, avec une demande de renseignements concernant la prétendue aide. En effet, aucune mesure d'appui en faveur du cinéma à Valence n'avait été notifiée à la Commission, en vue de l'obtention d'une autorisation, conformément à la réglementation relative aux aides d'État.

(3) Après avoir sollicité, le 18 avril 2007, une prorogation du délai (accordée le 24 avril), les autorités espagnoles ont répondu le 15 juin 2007 à la demande de renseignements de la Commission.

(4) Le 30 avril 2007, le plaignant A a mis à disposition des liens hypertexte vers des articles publiés dans Variety, dans lesquels étaient prétendument expliquées les subventions accordées au tournage de films dans la Comunitat Valenciana, et où l'on confirmait que Ciudad de la Luz attirait des productions cinématographiques à haut budget (3).

(5) Le 13 juillet 2007, la Commission a demandé de renseignements complémentaires aux autorités espagnoles. Après avoir sollicité, le 18 juillet 2007, une prorogation du délai (accordée le 19 juillet), les autorités espagnoles ont répondu, le 8 octobre 2007, à la demande de renseignements de la Commission.

(6) Le 15 juillet 2007, la Commission a été saisie d'une plainte émanant du plaignant B (4). Une fois obtenu l'accord de ce plaignant, la Commission a transmis la plainte, le 2 août 2007, aux autorités espagnoles.

(7) Par lettre du 13 février 2008, la Commission a notifié aux autorités espagnoles sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, concernant l'aide susmentionnée. Les autorités espagnoles y ont répondu le 28 avril 2008.

(8) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure susvisée a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (5). La Commission a invité les tiers intéressés à présenter leurs observations sur l'aide.

(9) La Commission a reçu des observations émanant de tiers intéressés, et elle les a transmises au Royaume d'Espagne le 3 octobre 2008. Elle a reçu les commentaires des autorités espagnoles le 21 novembre et le 29 décembre 2008.

(10) À la suite d'une réunion qui s'est tenue le 11 février 2009 entre la Commission et les autorités espagnoles, le Royaume d'Espagne a mis à disposition des renseignements complémentaires, le 30 mars 2009.

(11) Le 26 août 2009, la Commission a adressé une nouvelle demande de renseignements au Royaume d'Espagne, demande à laquelle les autorités espagnoles ont répondu le 20 octobre 2009, en apportant des informations complémentaires le 1 er février 2010.

(12) Le 24 mai 2011, la Commission a adressé une nouvelle demande de renseignements, par laquelle elle informait le Royaume d'Espagne de la désignation dans le dossier d'un consultant économique indépendant (Ecorys). Le Royaume d'Espagne a répondu le 7 juin 2011. La Commission a, quant à elle, répondu au Royaume d'Espagne le 22 juillet 2011.

(13) Le 1 er août 2011, la Commission a adressé aux autorités espagnoles sa dernière demande de renseignements, en y joignant le rapport d'Ecorys. Le Royaume d'Espagne a présenté ses observations concernant le rapport d'Ecorys le 3 octobre 2011. Le 11 avril 2012, le Royaume d'Espagne a mis à disposition de nouvelles informations concernant l'investissement public dans Ciudad de la Luz SAU.

II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA MESURE

(14) Située en banlieue de la ville d'Alicante (Comunitat Valenciana), Ciudad de la Luz est un grand complexe de studios cinématographiques. La Generalitat Valenciana (gouvernement régional de Valence) a adopté la décision initiale d'investir dans le projet Ciudad de la Luz le 24 octobre 2000.

(15) Ciudad de la Luz SA a été constituée le 2 novembre 2000. Elle avait pour objet de mener les activités nécessaires en vue de la promotion, de l'organisation et de la gestion du complexe Ciudad de la Luz, y compris la construction, la gestion et l'exploitation d'installations audiovisuelles et cinématographiques, ainsi que toutes autres activités analogues de loisirs et d'hébergement.

(16) 75 % du capital social initial (de 600 000 EUR) de Ciudad de la Luz SA appartenait à la société Parque Temático de Alicante SAU, laquelle est devenue, par la suite, Sociedad Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana SAU (ou Société des projets à thèmes de la Communauté valencienne) (ci-après "SPTCV"). SPTCV est une société de droit public qui réalise des activités d'investissement au nom et pour le compte de la Generalitat Valenciana. 25 % du capital restant appartenait à Producciones Aguamarga SL, une société privée chargée de la réalisation des autres travaux de construction, ainsi que de la promotion de Ciudad de la Luz et de la gestion des studios.

(17) En novembre 2001, le capital social a fait l'objet d'une augmentation, pour atteindre un montant de 9 millions d'EUR. SPTCV a acquis la totalité des nouvelles actions ainsi émises, de sorte que sa participation dans la société a atteint 98,4 % du capital social. SPTCV a augmenté à nouveau sa participation dans la société en février 2003 et en mai 2004, par des acquisitions similaires de nouvelles participations dans le capital social. En juillet 2004, Producciones Aguamarga a vendu sa participation de 0,2 % dans Ciudad de la Luz SA (6) à SPTCV (pour un montant de 139 059 EUR). Depuis lors, la Generalitat Valenciana détient 100 % du capital social de Ciudad de la Luz SAU, à travers SPTCV. C'est donc depuis cette date que Ciudad de la Luz SAU est devenue une société publique, puisqu'elle appartient dans sa totalité à SPTCV. Elle relève ainsi du droit public en matière de passation de marchés publics et de contrôle financier. Pourtant, Producciones Aguamarga a continué de se charger de la gestion de Ciudad de la Luz.

(18) Le complexe de studios cinématographiques a ouvert ses portes aux activités de tournage de films en août 2005 et a été conçu afin d'accueillir les plus grandes productions cinématographiques. Les travaux de construction ont débuté en 2002, et se sont déroulés en trois phases :

- phase 1 (achevée) : 6 plateaux de tournage climatisés, d'une surface totale de 11 000 m 2 , des bâtiments d'appui à la production, 15 050 m 2 d'ateliers et d'entrepôts et 2 zones de tournage en extérieurs (back lots) pour un total de 14 hectares,

- phase 2 (achevée après l'ouverture de la procédure d'enquête formelle) : des installations de restauration, un bâtiment administratif, un laboratoire de post- production et une troisième zone de tournage en extérieurs de 5 hectares, avec un bassin aquatique de tournage,

- phase 2B (non entamée) : un grand étang aux eaux profondes, avec un horizon naturel,

- phase 3 (non entamée) : un plateau de tournage de 5 000 m 2 (qui serait le plus grand du monde), ainsi qu'une autre zone de tournage et 4 studios de télévision.

(19) Le complexe accueille également un centre de formation universitaire consacré à la production audiovisuelle (cinéma, TV, radio et Internet) où des cours de niveau Master sont impartis. Ceux-ci englobent tous les aspects de la production (artistique, marketing technique et communication). Dans les plans initiaux de 2000, des investissements complémentaires étaient également prévus pour des centres commerciaux, des hôtels et un complexe sportif y attenants, qui devaient pouvoir générer un flux de trésorerie positif pour le complexe, mais qui, à ce jour, n'ont pas encore été réalisés. Bien que la Generalitat Valenciana ait apporté les terrains nécessaires au projet en 2004 et, qu'en 2005, des appels d'offres en vue de l'exploitation des activités susvisées dans le cadre de contrats de concession ont été lancés, les offres reçues ne se sont pas avérées suffisamment intéressantes. En conséquence, ces investissements additionnels n'ont pas été réalisés.

(20) Certains aspects des installations avant-gardistes de Ciudad de la Luz ont permis à ce complexe cinématographique d'occuper une position privilégiée par rapport aux quelques grands studios cinématographiques qui sont ses concurrents, en termes de capacité d'accueil de films à haut budget. C'est ainsi, par exemple, que dans les plans d'origine de Ciudad de la Luz, le plateau de tournage de 5 000 m 2 aurait été le plus grand du monde (7). La Commission souligne, sur ce point, que les grands plateaux de tournage ne revêtent d'intérêt que pour les grandes productions cinématographiques.

(21) Jusqu'à récemment, le studio cinématographique était géré par Aguamarga Gestión de Estudios SL, qui intervenait en tant que mandataire, moyennant le versement d'une rémunération, conformément au contrat de gestion pluriannuel que la société avait conclu avec l'actionnaire.

Investissements publics réalisés par SPTCV et plans d'activité de Ciudad de la Luz

(22) Avant que les travaux de construction ne débutent, entre 1999 et 2000, plusieurs consultants indépendants avaient analysé la faisabilité, la portée et les lignes stratégiques pour le développement de Ciudad de la Luz, dans quatre études mises à disposition par les autorités espagnoles dans le cadre de la procédure d'enquête formelle.

(23) Ces études se penchaient sur les perspectives d'augmentation du nombre de productions cinématographiques (8), comparaient des emplacements alternatifs, dans la Comunitat Valenciana, pour la construction de studios cinématographiques (9) et présentaient une analyse préliminaire (10) et un plan d'activité (11) concernant un complexe de studios cinématographiques. Les autorités espagnoles ont mis ces études à disposition après que la Commission a rendu sa décision d'ouvrir une procédure d'enquête formelle en matière d'aides d'État concernant le projet en cause. Les informations figurant dans la décision d'ouverture de la procédure du 22 février 2008 provenaient d'une étude (rédigée par Consultia) qui, ainsi que les autorités espagnoles l'avaient affirmé à la Commission, avait été réalisée en 2002. Pourtant, à la suite de la décision d'engager la procédure, le Royaume d'Espagne a indiqué à la Commission que ladite étude avait été réalisée en 2004.

(24) Les conclusions du plan d'activité de 2000 rédigé par Arthur Andersen (12) étaient positives, ainsi que les perspectives de rentabilité, à moyen et à long terme. Des flux de trésorerie positifs concernant le projet de création d'un studio cinématographique pour une période de cinq ans (2002-2006) ont été documentés, à la suite de la finalisation des travaux de construction des bâtiments des studios, d'une salle de conférences et du centre de formation aux techniques cinématographiques et télévisuelles.

(25) Les coûts de construction correspondant à ces phases étaient estimés à 16,9 milliards de pesetas (101,7 millions d'EUR). Ce montant ne tenait pas compte du prix des terrains, et le plan d'activité précisait que les coûts pouvaient varier de +/- 30 %. Les coûts afférents aux phases postérieures, jusqu'à la finalisation du projet, n'étaient pas quantifiés.

(26) Sur la base du plan d'activité susvisé, SPTCV a consenti, ou s'est engagée à consentir, entre 2000 et 2004, des investissements dans Ciudad de la Luz, au moyen d'augmentations du capital social de l'entreprise et de l'acquisition de terrains, pour un montant total de 104 259 759 EUR. Pour des informations détaillées sur ce point, voir le considérant 53.

(27) Les travaux de construction ayant duré deux ans de plus que prévu à l'origine et le calendrier d'investissements ayant été modifié considérablement à la hausse, Ciudad de la Luz/SPTCV a commandé, en 2004, une nouvelle étude et un nouveau plan d'activité à Consultia (13). L'étude de Consultia a, elle aussi, dégagé des conclusions positives quant à la rentabilité du projet, puisque le plan d'activité pour la période 2004-2014 présentait une rentabilité positive de l'investissement consenti par SPTCV jusqu'en 2014, voire à plus long terme.

(28) Le paquet d'actions de Ciudad de la Luz SA, propriété de Producciones Aguamarga SL, a été acquis par SPTCV en juillet 2004, pour un montant de 139 059 EUR. Contrairement à SPTCV, à la suite de son investissement initial de 150 000 EUR en novembre 2000, Producciones Aguamarga SL n'avait pas réalisé d'autre investissement dans les studios cinématographiques. Par conséquent, la participation de Producciones Aguamarga SL dans Ciudad de la Luz SA avait diminué jusqu'à atteindre 0,2 % à la date à laquelle ce pourcentage a été acquis par SPTCV. À la suite de la conclusion de cette opération, l'entreprise est devenue une société publique à 100 %, ayant pour dénomination Ciudad de la Luz SAU.

(29) Sur la base du calendrier de travaux et du plan d'activité modifiés, SPTCV a accordé, en sa qualité d'actionnaire unique, deux prêts participatifs de 95 millions d'EUR en 2005 et de 20 millions d'EUR en 2007. La comptabilité de Ciudad de la Luz SAU jusqu'au 31 décembre 2010, présentée par les autorités espagnoles en avril 2012, met en évidence que SPTCV a investi un montant total de 45 829 840 EUR en prêts convertibles en actions entre 2008 et 2010. Ladite comptabilité mentionne également que des intérêts restaient dus à SPTCV correspondant aux prêts participatifs accordés en 2005 et en 2009, d'un montant total de 7 222 160 EUR en 2009 et en 2010. Par ailleurs, au 31 décembre 2010, les intérêts impayés s'élevaient à 1 814 187 EUR, correspondant aux prêts convertibles en actions. Dès lors, les investissements de fonds publics consenti par SPTCV dans Ciudad de la Luz, y compris les intérêts à régler sur les prêts accordés, atteignent 274 125 946 EUR fin 2010.

Stratégie et résultats commerciaux de Ciudad de la Luz

(30) Dans le plan d'activité de l'année 2000, Ciudad de la Luz se donnait pour mission de devenir le deuxième plus grand complexe de studios cinématographiques d'Europe (après Pinewood), et d'attirer les productions espagnoles (cinéma, TV et publicité). Le projet se fixait, en outre, l'objectif d'atteindre seize productions par an (de l'Union européenne et des États-Unis). Le plan d'activité révisé de 2004 estimait que l'objectif stratégique de Ciudad de la Luz consistait à faire en sorte que les grandes productions cinématographiques et télévisuelles deviennent ses principaux clients.

(31) Le plan d'activité de 2004 estimait que les principaux concurrents internationaux de Ciudad de la Luz étaient les grands studios situés en dehors des États-Unis, et notamment ceux qui présentaient des caractéristiques similaires, en particulier, Pinewood-Shepperton (Royaume-Uni), Cinecittà (Italie), Barrandov (République tchèque), Babelsberg (Allemagne), Cinécité Montréal & Lions Gate (Canada) et Warner Roadshow & Fox (Australie).

(32) Dans le plan d'activité initial de 2000, les tarifs prévus des services fournis par le studio (par exemple, la location des zones de tournage ou d'atelier) correspondaient à la fourchette des prix appliqués par des studios comparables dans l'Union européenne (comme Shepperton et Elstree au Royaume-Uni, ou Babelsberg en Allemagne). Le plan d'activité révisé de 2004 présente, lui aussi, un modèle de prix stratégiques par rapport aux tarifs appliqués par les studios de renommée internationale : environ de 15 % à 20 % inférieurs à ceux des leaders établis (États-Unis, et Pinewood au Royaume-Uni), mais 50 % à 100 % supérieurs à ceux appliqués par les studios dans l'Union (Barrandov en République tchèque et Babelsberg en Allemagne).

(33) Dans les faits, ni les objectifs nationaux ni les objectifs internationaux de la stratégie commerciale de Ciudad de la Luz n'ont été atteints. Sur les 33 longs-métrages tournés dans ces studios entre 2005 et 2009, 28 étaient des productions espagnoles, et seulement cinq étaient des coproductions avec d'autres États membres de l'Union (Grèce et France). Au-delà des succès occasionnels remportés par de grandes coproductions européennes, comme "Astérix aux Jeux Olympiques" et plus récemment une coproduction hispano-nord-américaine, en pratique les films tournés à Ciudad de la Luz, depuis son ouverture en août 2005, ont été pour la plupart des productions nationales.

(34) En dépit des perspectives évoquées dans le plan d'activité de 2004, qui fixait 2010 comme le premier exercice au cours duquel des résultats positifs seraient obtenus (bien que modestes), l'exploitation commerciale de Ciudad de la Luz s'est avérée déficitaire à ce jour. Ciudad de la Luz enregistrait des pertes cumulées de 84 millions d'EUR fin 2010, alors que ce plan prévoyait des bénéfices cumulés de 12 millions d'EUR, pour la même période. En comparaison aux studios mentionnés ci-dessus, Ciudad de la Luz n'est pas parvenue à attirer le nombre prévu de productions non espagnoles et, même pour ce qui est de la demande nationale, les résultats enregistrés se situent bien en dessous de ceux escomptés. Les pertes d'exploitation sont, elles aussi, supérieures à celles envisagées.

Raisons de l'ouverture de la procédure

(35) L'enquête menée par la Commission a débuté en 2007, à la suite de la plainte engagée par le plaignant A, ainsi que d'une plainte ultérieure présentée par le plaignant B, tous deux étant des opérateurs importants du secteur cinématographique de différents États membres. Les plaintes invoquaient l'existence d'une aide d'État illégale pour ce qui est du financement public de Ciudad de la Luz, et notamment des mesures d'incitation à la production de certains films mises en place par Ciudad de la Luz.

(36) Comme dit précédemment, lorsque la Commission a ouvert la procédure d'enquête formelle, en février 2008, le seul élément qui fondait la décision d'investissement fourni par les autorités espagnoles était le plan d'activité rédigé par Consultia, lequel aurait été réalisé en 2002. Après un premier examen, la Commission doutait sérieusement qu'un investisseur privé dans l'économie de marché se serait lancé dans ce type de projet aux mêmes conditions et à la même échelle que la Generalitat Valenciana.

(37) Pour ce qui est de la conformité éventuelle de l'aide, la Commission ne disposait pas d'informations lui permettant de vérifier si les conditions prévues par les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale applicables à la Comunitat Valenciana à l'époque (2000- 2004) étaient satisfaites. La Commission doutait également sérieusement que la dérogation culturelle prévue à l'article 107, paragraphe 3, point d), du traité, ait pu s'appliquer en l'espèce, car Ciudad de la Luz n'encourageait pas la culture ou la conservation du patrimoine, pouvait être utilisée en vue de la réalisation de toutes sortes d'activités audiovisuelles, y compris des annonces publicitaires, et concurrençait d'autres opérateurs dans le but d'attirer des productions commerciales.

(38) La Commission a également souligné l'existence de possibles aides d'État dans les mesures d'incitation au tournage dans Ciudad de la Luz et identifié en tant que bénéficiaires de ces dernières les différents producteurs cinématographiques. Les mesures d'incitation à la production de certains longs métrages visaient à soutenir des activités particulières dans un lieu déterminé, sur la base de critères non définis, de sorte qu'il était permis d'imaginer que les règles prévues par la communication de la Commission sur le cinéma n'étaient pas respectées.

III. OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES

(39) La Commission a reçu, en tout, des observations de la part de dix tiers intéressés. Quatre d'entre eux opèrent dans le secteur de l'exploitation de studios de tournage situés dans des États membres de l'Union autres que l'Espagne, à savoir : le plaignant A, le plaignant B, Barrandov Studio et Mediterranean Film Studios Limited ; cinq opèrent au sein du secteur cinématographique espagnol : la Federación de asociaciones de productores audiovisuales españoles (FAPAE, ou Fédération d'associations de producteurs audiovisuels espagnols), l'Associació de directors de cinema valencians (l'Association de réalisateurs de cinéma valenciens), Empreses audiovisuals valencianes federades (EAVf, ou Entreprises audiovisuelles valenciennes fédérées), l'association Productors audiovisuals valencians (Association de producteurs audiovisuels valenciens) et la Sociedad Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana (SPTCV SAU) ; le dernier est un organisme national de financement et de politique cinématographique (UK Film Council).

Observations présentées par les studios cinématographiques en activité

(40) Dans son document confidentiel du 25 juin 2008, le plaignant B fait part de sa préoccupation concernant l'aide grâce à laquelle Ciudad de la Luz s'est développé et fonctionne à l'heure actuelle. Il y indique que les mesures adoptées par la Commission à la suite de l'ouverture de la procédure sont essentielles pour son entreprise et le secteur dans son ensemble.

(41) Dans son document confidentiel du 30 juin 2008, le plaignant A limite ses observations concernant l'enquête approfondie à quatre questions : i) le coût du financement des studios, ii) l'approche relative au financement d'une "entreprise nouvelle", iii) la valeur de cession finale, et iv) les autres mesures d'incitation accordées par Ciudad de la Luz. De l'avis du plaignant A, "un investisseur privé aurait estimé que même une affaire établie et rentable dans le secteur des studios constituait un investissement pour le moins moyennement risqué. [...] Cela se base sur le fait que, bien qu'un studio puisse compter sur un soutien sous la forme d'actifs [...], il est probable que le levier financier dont il aura besoin s'avère élevé, ce qui rend malaisée la prévision des profits. D'autres facteurs, comme la nature cyclique du secteur de la production cinématographique, font que les prévisions sont encore plus incertaines".

(42) Aux dires du plaignant A, un coût moyen pondéré du capital (CMPC, ou WACC en anglais) proche de 15 % pourrait être considéré approprié pour une entreprise de studios cinématographiques consolidée, bien que "le rendement escompté par les investisseurs privés (du plaignant A) était supérieur". Un investisseur privé estimerait qu'une entreprise de studios cinématographiques nouvellement créée constitue un "investissement à risque moyen à élevé, et par voie de conséquence, il attendrait d'une telle entreprise un rendement considérablement supérieur (tout en acceptant qu'un certain délai devrait s'écouler avant d'atteindre une telle rentabilité). Sachant qu'en règle générale les nouvelles sociétés disposent d'une capacité d'emprunt limitée (sinon inexistante) auprès des sources conventionnelles, le CMPC pour ce type de sociétés est généralement plus élevé, aussi bien en raison d'une plus grande rentabilité exigée du capital que de l'absence de dette à faible coût".

(43) Pour ce qui est de la valeur de la cession finale de Ciudad de la Luz évoquée dans la décision d'ouverture de la procédure, le plaignant A la considère irréaliste. Il soutient de même qu'un investisseur privé estimerait, en général, qu'il n'est pas habituel de considérer un multiple de revenus avant intérêts et impôts supérieur à 12-15 comme une valeur de remplacement appropriée dans le cadre d'une évaluation.

(44) En dernier lieu, et s'agissant des mesures d'incitation accordées afin d'attirer des productions, le plaignant A a invoqué qu'il semblerait que les maisons de production aient reçu en fait une subvention couvrant les frais afférents au transfert sur place d'un personnel technique et d'appui qualifié, qui ferait prétendument défaut dans la Comunitat Valenciana. Le plaignant A estime que ces mesures d'incitation ont des effets extrêmement négatifs sur la concurrence, dans la mesure où sans ces mesures d'incitation, les nouveaux studios auraient eu plus de difficultés à attirer des productions cinématographiques.

(45) Dans son document initial du 25 juin 2008, Barrandov Studio soulignait que la prétendue aide fausse le marché de référence et qu'elle porte atteinte aux autres concurrents Ainsi, et face à la complexité de l'affaire, Barrandov Studio a demandé un délai supplémentaire pour formuler de nouvelles observations, que la Commission a reçues le 15 septembre 2008. Barrandov Studio fait siennes les raisons invoquées par le plaignant A, et souligne que la taille des plateaux de tournage et leur nombre indiquent que Ciudad de la Luz entend attirer des films nord-américains à budget élevé, et non pas des films espagnols. Le manque de professionnels et d'infrastructures cinématographiques à Alicante, par rapport à Madrid ou Barcelone, ne reflète pas un choix logique du lieu. Du point de vue stratégique, toute entreprise qui investirait dans le secteur des studios cinématographiques diviserait en principe sa clientèle entre les clients locaux (qui seraient une source de revenus stables) et les clients étrangers (qui réalisent de grandes productions). Or, Ciudad de la Luz adopte la stratégie inverse, à savoir, la prestation de services de studios à des prix très bas, sans tenir compte des frais d'établissement. Par ailleurs, au vu de l'incertitude générée par la difficulté de prévoir les revenus au-delà d'un horizon de 3 à 5 ans, un investisseur privé aurait exigé une rentabilité bien plus rapide. De l'avis de Barrandov, cette affirmation se verrait confirmée par un plan d'activité confidentiel qui présente son investissement récent dans de nouveaux studios, un investissement effectué en partant de l'hypothèse de dégager des bénéfices nets à compter de la deuxième année d'exploitation, avec une durée d'amortissement inférieure à 8 ans. Par ailleurs, Barrandov ne considère pas non plus qu'il existe une explication rationnelle au montant des bénéfices (341 millions d'EUR) prévus par les autorités espagnoles pour 2014.

(46) Dans son document du 27 juin 2008, Mediterranean Film Studios Limited limite ses observations à la zone des étangs que Ciudad de la Luz avait annoncée. Cette dernière soutient que ses plans d'eau sont uniques en Europe et qu'ils ne sauraient être comparés qu'à ceux de Fox, en Baja California (Mexique). Au vu du faible taux d'occupation annuel de ses installations, l'entreprise indique qu'à son avis, ainsi que de l'avis généralisé du secteur, dans la région méditerranéenne, voire en Europe, il existe déjà une capacité suffisante pour le tournage sur des plans d'eau.

Observations des parties intéressées opérant dans le secteur cinématographique espagnol

(47) Dans ses observations du 30 juin 2008, la Federación de asociaciones de productores audiovisuales españoles (FAPAE) estime que Ciudad de la Luz a apporté une plus grande concurrence sur le marché des grandes structures de production, et que les plaignants n'ont d'autre but que de tenter de maintenir leur position sur le marché, en empêchant l'entrée de concurrents qui proposent des services crédibles à des prix raisonnables, autres que ceux pratiqués par ces studios qui ont une position dominante sur le marché européen. La FAPAE soutient également que des studios comme Barrandov, Cinecittà, Babelsberg ou Mafilms ont consolidé leur position sur le marché, ainsi que leur réputation, grâce au soutien public qu'ils ont reçu sous diverses formes, y compris une participation publique dans leur capital social. Plus généralement, la FAPAE souligne que la préservation de la diversité culturelle justifie une intervention publique ferme dans ce secteur. C'est ainsi notamment que Ciudad de la Luz fournirait aux producteurs espagnols des services sophistiqués de dernière génération, qui, s'ils n'étaient pas rendus par celle-ci, devraient être trouvés à l'étranger à des prix plus élevés. Afin de réfuter l'argument selon lequel Ciudad de la Luz entendrait attirer les superproductions, la FAPAE soutient que Ciudad de la Luz comporte énormément d'avantages pour les productions espagnoles à faible budget et qu'elle concentre ses efforts sur la culture nationale et locale, en contribuant ainsi à ce que les objectifs culturels prévus par l'ancien article 87, paragraphe 3, point d) [actuellement l'article 107, paragraphe 3, point d)], soient atteints. Les observations du 21 mai 2008 d'Empreses audiovisuals valencianes federades (EAVf), ainsi que celles du 16 mai 2008 de l'association Productors audiovisuals valencians, reprennent pour la plupart, parfois textuellement, les commentaires formulés par la FAPAE.

(48) Dans ses observations du 5 juin 2008, l'Associació de directors de cinema valencians souligne que la position dominante de l'industrie cinématographique nord-américaine marginalise les productions européennes, par toute une série de pratiques prétendument abusives. À son avis, il y a lieu d'adopter des mesures correctrices, pour que la création culturelle européenne puisse participer au libre jeu de la concurrence à armes égales. Selon cette association, l'intervention publique dans Ciudad de la Luz s'avère essentielle concernant ce point et profite aux productions européennes, espagnoles et valenciennes, en défendant leurs identités culturelles respectives.

(49) Les observations de la Sociedad Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana SAU (actionnaire à 100 % de Ciudad de la Luz SAU, détenue, à son tour, par la Comunitat Valenciana) du 23 juin 2008 reprennent, en essence, les mêmes arguments subsidiaires et se fondent sur les éléments de preuve présentés par les autorités espagnoles. Certains aspects auxquels les observations de cette dernière société accordent une attention toute particulière sont analysés plus bas. Premièrement, le fait qu'un investisseur privé ait partiellement financé le projet lors de sa phase initiale, en 2000, en se basant sur les études disponibles, vient démontrer que l'investissement réalisé par les autorités publiques suivait la même logique que celle d'un investisseur privé. L'étude de 2000 et celle de 2004 concluaient toutes deux, sans réserves, que le projet était rentable. Deuxièmement, les mesures d'incitation proposées à certains films sont justifiées du point de vue commercial, pour une nouvelle entreprise, et sont accordées dans le cadre de "contrats de parrainage", en échange d'activités de promotion qui génèrent une rentabilité en termes de renommée des studios, tout en constituant de frais de publicité pour les bénéficiaires. Une étude réalisée sur ce point estime que la rentabilité économique des contrats de parrainage en faveur de Ciudad de la Luz s'élève à [...] (*) millions d'EUR.

(*) Les informations couvertes par l'obligation de confidentialité sont indiquées entre crochets.

Observations des organismes nationaux de financement des productions cinématographiques

(50) Dans son document du 25 juin 2008, l'UK Film Council affirme qu'il convient de donner une réponse aux questions posées dans la décision d'ouverture d'une procédure d'enquête formelle.

IV. OBSERVATIONS DES AUTORITÉS ESPAGNOLES

(51) À la suite de l'ouverture de l'enquête formelle, les autorités espagnoles ont fait savoir que la décision initiale d'investissement se fondait sur un plan d'activité rédigé en 2000, et non pas sur celui qu'elles avaient mis à disposition auparavant. Ledit plan d'activité concentrait son analyse sur une étude réalisée en 2004, et non pas en 2002, contrairement à ce que les autorités espagnoles avaient indiqué antérieurement à la Commission.

(52) Lors de la rédaction de l'étude de 2004, plus de 90 millions d'EUR avaient déjà été investis dans le projet. Aussi, les autorités espagnoles affirment-elles que deux décisions d'investissement ont été adoptées : la première en 2000, concernant la première phase du projet, et la deuxième en 2004, en vue de l'extension prévue.

(53) Le calendrier des investissements dans Ciudad de la Luz, à la suite de sa dernière actualisation présentée par les autorités espagnoles en avril 2012, était le suivant :

Date / Description / Investissement public (en EUR)

24.10.2000 / La Comunitat Valenciana décide de procéder à la création de Ciudad de la Luz / -

2.11.2000 / Création de Ciudad de la Luz SA (propriété à hauteur de 75 % de Parque Temático de Alicante SAU, et à hauteur de 25 % de Producciones Aguamarga SL) / 450 000 [75 % de 600 000]

21.11.2001 / Parque Temático de Alicante SAU investit seul dans l'augmentation du capital à hauteur de 9 millions d'EUR dans Ciudad de la Luz SA (en portant ainsi sa participation dans cette société à 98,4 %) / 9 000 000

6.2.2003 / Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana SAU (1) investit seul dans l'augmentation du capital à hauteur de 30 millions d'EUR dans Ciudad de la Luz SA (en portant ainsi sa participation dans cette société à 99,6 %) / 30 000 000

4.5.2004 / Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana SAU investit seul dans l'augmentation du capital à hauteur de 54 870 660 EUR dans Ciudad de la Luz SA (en portant ainsi sa participation dans cette société jusqu'à 99,8 %) / 54 870 660

23.7.2004 / Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana SAU acquiert, pour 139 059 EUR, la participation de 0,2 % de Ciudad de la Luz SA qui était demeurée jusqu'alors entre les mains de Producciones Aguamarga SL (prix dans l'acte sous seing public : 150 000 EUR), en portant ainsi sa participation dans Ciudad de la Luz SA à 100 % du capital social. / 139 059

9.3.2005 / Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana SAU cède à Ciudad de la Luz SA les terrains sur lesquels les studios ont été construits, en augmentant ainsi le capital de la société à hauteur de 9 800 040 EUR (et cela alors même que lesdits terrains avaient été évalués à 1 030 856 EUR dans les livres comptables de Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana SAU). Avant cette date, le projet avait déjà été autorisé par la Generalitat Valenciana, pour ce qui est de la construction des studios sur ces terrains. / 9 800 040

Été 2005 / Ciudad de la Luz SA démarre ses activités en tant que studio cinématographique / -

28.4.2005 / Prêt participatif de 95 millions d'EUR / 95 000 000

26.12.2007 / Prêt participatif de 20 millions d'EUR / 20 000 000

30.6.2008 / Prêt convertible en actions émis avec une option de conversion en actions avant le 31 décembre 2008 / 10 000 000

2.1.2009 / Prêt convertible en actions émis avec une option de conversion en actions avant le 30 juin 2009 / 10 000 000

17.3.2009 / Prêt convertible en actions avec un plafond autorisé de 30 millions d'EUR, émis avec une option de conversion en actions avant le 30 décembre 2009 / 25 829 840

31.12.2010 / Intérêts impayés sur les prêts participatifs en 2009 et en 2010 / 7 222 160

31.12.2010 / Intérêts impayés sur les prêts non convertis en 2009 et en 2010 / 1 814 187

Total / 274 125 946

(1) Précédemment "Sociedad Parque Temático de Alicante SAU".

(54) Dans leurs réponses, les autorités espagnoles ont tenté essentiellement de démontrer que l'investissement en cause ne constituait pas une aide d'État, puisqu'un investisseur privé aurait investi dans le projet de la même manière et dans les mêmes conditions (en application du principe de l'investisseur privé en économie de marché). Pour appuyer leurs arguments, les autorités espagnoles ont produit des rapports rédigés par la société de conseil économique LECG.

(55) Les autorités espagnoles soutiennent que, même dans l'hypothèse où la Commission estimerait qu'au moins une partie de l'investissement constituait une aide d'État, tous les films tournés à Ciudad de la Luz remplissaient les critères culturels requis pour pouvoir bénéficier des mesures d'incitation proposées par la Comunitat Valenciana pour la production de films, qui avaient été autorisées par la Commission en avril 2008, en décembre 2008 et en juillet 2009 (14). De l'avis des autorités espagnoles, la dérogation culturelle prévue à l'article 107, paragraphe 3, point d), du TFUE, est susceptible d'être appliquée aux aides à l'investissement accordées tant lors de la phase ascendante que descendante de la production cinématographique.

(56) Les autorités espagnoles soulignent également que toute aide contenue dans le financement public de Ciudad de la Luz, ainsi que les mesures d'incitation proposées pour la production de films, doivent être considérées dans le contexte des effets de distorsion de la concurrence entraînés par les régimes nationaux de soutien aux productions cinématographiques autorisés par la Commission dans d'autres États membres, qui permettent aux concurrents de Ciudad de la Luz d'attirer de grandes productions cinématographiques (15).

(57) Les autorités espagnoles soutiennent également que les lignes directrices en matière d'aides d'État à finalité régionale applicables à l'époque (1998) auraient permis une intensité de l'aide pour le projet d'investissement en cause de 36 %. De même, les conditions supplémentaires introduites par la suite dans l'encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement de 2002 se trouveraient remplies, avec une part de marché inférieure à 25 % et une augmentation de la capacité de 5 %.

(58) Les autorités espagnoles ont présenté un deuxième rapport rédigé par LECG Inc, dans lequel l'analyse du plan d'activité de 2004 réalisée par les services de la Commission était critiquée. LECG Inc remettait en cause cette analyse et proposait des valeurs alternatives pour les données et les facteurs de risque, ainsi que des évaluations rétrospectives des terrains sur lesquels le complexe Ciudad de la Luz a été bâti.

(59) Une deuxième analyse économique réalisée par les services de la Commission étudiait le plan d'activité de 2000, ainsi que les évaluations rétrospectives des terrains fournies par le Royaume d'Espagne. En outre, un cabinet de conseil indépendant s'est livré, à la demande de la Commission, à une évaluation économique du principe de l'investisseur privé en économie de marché. Ce rapport indépendant a été envoyé aux autorités espagnoles le 30 septembre 2011.

(60) Ainsi qu'elles l'avaient déjà fait dans leurs observations concernant la décision d'ouverture de la procédure, les autorités espagnoles ont réitéré leur avis selon lequel les perspectives de rentabilité de Ciudad de la Luz devaient être comparées à celles de ses principaux concurrents du secteur des studios cinématographiques dans l'Union européenne (par exemple, Babelsberg et Pinewood), et non pas, comme l'a fait Ecorys (16), à celles des conglomérats audiovisuels diversifiés existant aux États-Unis (Time Warner et Disney) (17). Les autorités espagnoles soutiennent qu'une telle évaluation comparative devrait se fonder sur des informations se trouvant dans le domaine public (par exemple, Bloomberg) existant lors de l'adoption de la décision d'investissement (c'est-à-dire en 2000 et en 2004, et non pas en 2008). Enfin, elles invoquent également que toute une série de malentendus et de défaillances techniques infirment les conclusions de l'étude réalisée par Ecorys (18). Les autorités espagnoles ont déclaré que si lesdites défaillances étaient corrigées et si une évaluation comparative appropriée avec les concurrents était réalisée, la rentabilité des perspectives de la décision d'investissement adoptée sur la base des informations disponibles à l'époque passerait avec succès le test de l'investisseur privé en économie de marché.

V. APPRÉCIATION DE L'AIDE

(61) Conformément aux dispositions de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, "sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions". Il y a lieu d'en déduire que pour qu'elle puisse être considérée comme une aide d'État, celle-ci doit simultanément remplir les conditions suivantes : 1) la mesure doit être accordée au moyen de ressources d'État, 2) elle doit accorder un avantage économique aux entreprises, 3) ledit avantage doit être sélectif et fausser ou menacer de fausser la concurrence, et 4) elle doit affecter les échanges entre les États membres.

Avantage économique

(62) Comme dit précédemment, les autorités espagnoles ont affirmé que la mesure ne constitue pas une aide d'État, en ce qu'elle se conforme au principe de l'investisseur privé en économie de marché. Le test permet de savoir si un investisseur aurait investi dans un projet de la même manière et aux mêmes conditions que l'investisseur public, lors de l'adoption de la décision d'investissement public. Sur ce point, il est significatif qu'à l'origine un investisseur privé ait participé au projet (19) et que les autorités espagnoles aient commandé plusieurs études ayant conclu que le projet donnerait lieu à un flux de trésorerie positif (voir le considérant 22).

(63) Comme dit au considérant 17, dans le cas de Ciudad de la Luz, dans un premier temps, un investisseur privé (la société de gestion) détenait 25 % du projet (c'est-à-dire 150 000 EUR du capital social initial de 600 000 EUR). Cet investisseur privé s'est toutefois retiré du projet avant d'y avoir engagé des fonds additionnels (il a été absorbé par SPTCV en 2004). Aucun autre investisseur privé n'a investi par la suite dans le projet.

(64) Le fait que le seul investisseur privé disposé à investir dans le projet n'y ait engagé qu'une somme peu significative à la date où devait être effectuée la plus grande partie de l'investissement pourrait être interprété, de prime abord, comme une preuve qu'un investisseur privé n'aurait pas mené à bien un projet présentant de telles caractéristiques dans les conditions existantes à ce moment-là. Par ailleurs, la situation de cet investisseur privé était très particulière (de sorte qu'il ne s'agissait pas d'un investisseur privé au sens de la jurisprudence), dans la mesure où il assumait également la responsabilité du démarrage du projet, la supervision des travaux de construction et la gestion et de la promotion des studios, moyennant le versement d'honoraires administratifs. Cela implique que son investissement initial pouvait être fondé sur des motifs autres que sa simple rentabilité, s'il est considéré séparément.

(65) En l'absence d'un actionnaire privé, l'autorité régionale a fondé sa décision d'investissement sur les résultats des études rédigées par les cabinets de conseil. Pourtant, la simple existence de ces études ne saurait suffire pour réussir le test de l'investisseur privé en économie de marché. Avant de réaliser des investissements de cette importance, il aurait été logique qu'un investisseur privé analyse en profondeur le plan d'activité y afférent, ainsi que les hypothèses sur lesquelles se fondaient les études susvisées. N'importe quel investisseur privé devrait parvenir à ses propres conclusions quant à savoir si les hypothèses spécifiques utilisées pour justifier le plan d'activité étaient appropriées en l'espèce. Par ailleurs, il y a lieu de s'attendre à ce qu'un investisseur privé compare la rentabilité prévue du projet Ciudad de la Luz avec celle d'autres projets. Pourtant, une telle analyse n'a pas été effectuée à l'époque. En outre, il ne s'avérait même pas possible de se livrer à une telle comparaison en se fondant sur les flux de trésorerie positifs évoqués dans ces études.

(66) Dans le cadre des enquêtes relatives aux aides d'État, la jurisprudence exige que la Commission se livre à sa propre appréciation des faits (20). Ainsi, il y a lieu d'apprécier la validité des rapports rédigés à l'époque de la réalisation de l'opération.

(67) Au vu des rapports produits par les autorités espagnoles depuis la date de la décision d'ouverture de la procédure, il y a lieu de constater que deux décisions d'investissement ont été adoptées dans le cadre du projet en cause. La première décision a été adoptée en 2000, sur la base du plan d'activité rédigé cette année-là par le cabinet Arthur Andersen (qui portait sur les investissements afférents à la période 2002-2006). En 2004, et dans le but d'évaluer s'il s'avérait opportun de consentir de nouveaux investissements dans le projet, un rapport a été commandé au cabinet Consultia (qui portait tant sur les investissements effectivement effectués pendant la période 2002-2004 que sur ceux prévus pour la période 2004-2014). Par conséquent, il y a lieu d'appliquer le principe de l'investisseur privé en économie de marché aux deux décisions d'investissement susvisées.

(68) La Commission a analysé si un hypothétique investisseur privé aurait investi dans le projet de constitution de la société Ciudad de la Luz. Au sens du principe de l'investisseur privé, l'investissement réalisé doit être considéré comme constitutif d'une aide d'État si le retour que l'État escompte recevoir est inférieur à celui qu'un investisseur privé aurait exigé dans les circonstances propres au projet spécifique.

(69) Pour financer un projet, les investisseurs doivent investir un certain capital. Ce capital a un coût : il s'agit du coût du capital. En général, les sources les plus habituelles des capitaux servant à financer un projet sont au nombre de deux : le capital social et l'endettement financier. Le coût total du capital est le coût moyen pondéré du capital (CMPC), qui tient compte tant de la part du capital social que de celle de l'endettement financier. Le coût de l'endettement financier et celui du capital social constituent les coûts prévus, et non pas les coûts historiques. Dans le cas particulier de Ciudad de la Luz, le plan d'activité prévoyait que le projet serait entièrement financé par le capital social, de sorte que le coût total du capital est constitué par le capital social.

(70) Un investisseur de capitaux privés aurait été disposé à investir dans Ciudad de la Luz si le taux de rentabilité interne (21) escompté avait été supérieur ou égal au coût d'opportunité du capital social (22) (c'est-à-dire à la rentabilité qu'il aurait pu dégager dans le cadre d'un projet similaire).

(71) Pour calculer le coût du capital social, la Commission a évalué le modèle de fixation du prix des actifs financiers (CAPM en anglais). Le coût du capital social reflète le coût d'opportunité de l'investissement pour les actionnaires d'entreprises ou de projets présentant un risque commercial et financier identique (ou similaire) à celui de l'espèce. Selon le CAPM, le coût du capital social, K e , doit être calculé en appliquant la formule suivante :

K e = R f + ß(R m - R f)

dans laquelle R f est le taux libre de risque, (R m - R f) est la prime de risque du marché, et ß, "bêta", est une mesure du risque systématique (non diversifiable) associé aux actions de Ciudad de la Luz, qui reflète tant le risque commercial que le risque financier.

(72) S'agissant du taux libre de risque, R f , la pratique du marché (23) suggère de prendre en compte le taux des obligations d'État à long terme (en général, 10 ans) du pays dont il est question (cet investissement étant considéré comme celui présentant le risque le plus faible). En Espagne la rentabilité moyenne annuelle des obligations d'État sur 10 ans s'élevait à 4,1 % en 2004 (24). Pour ce qui est de la prime de risque du marché, il convient de considérer la prime historique de risque du marché pendant une période raisonnablement prolongée. Il est habituel, sur ce point, de tenir compte de la différence existant entre la rentabilité historique d'un indice boursier diversifié du pays dans lequel a lieu l'opération, d'une part, et le taux libre de risque, d'autre part. Selon Fernández (2004) (25), en Espagne, la prime historique de risque du marché concernant les obligations d'État (pendant la période allant de 1991 à 2003) s'est située entre 6,8 % et 9,3 %. La Commission a adopté une position conservatrice lors du calcul de la prime de risque du marché, et a pris en considération la fourchette inférieure, à savoir, 6,8 %. Dans une autre étude plus récente, ce même auteur (26) renforce la validité de cette valeur, en situant la prime de risque exigée pendant la période 2000-2004 dans une fourchette allant de 6 % à 7 %.

(73) Pour le calcul de "bêta", la Commission s'est fondée sur les informations se trouvant dans le domaine public concernant des entreprises considérées par les autorités espagnoles comme les concurrentes directes de Ciudad de la Luz, et notamment Carrère Group (27) et Babelsberg. Ces chiffres ont été fournis par des analystes financiers qui ont effectué une étude approfondie des deux entreprises. Une moyenne des deux bêtas, pondérée afin de s'adapter au profil de risque financier de Ciudad de la Luz, permet de dégager une valeur d'environ 1,5. Il s'agit là d'une vision très conservatrice, dans la mesure où l'investissement dans Ciudad de la Luz comporte, très probablement, un risque idiosyncrasique plus élevé que les deux autres studios, déjà bien établis. Ciudad de la Luz est un investissement nouveau, dans une région dans laquelle ne sont pas implantées d'autres sociétés de production cinématographique, espagnoles ou internationales. Autrement dit, le bêta de Ciudad de la Luz est probablement plus élevé que celui de ses deux concurrents susvisés.

(74) En appliquant la formule précitée (voir le considérant 71), la Commission a conclu que le coût prévu du capital social devait être d'environ 14,9 %.

(75) À des fins de comparaison, et comme analysé à l'annexe 1, les autorités espagnoles ont évoqué que l'application du modèle CAPM indiquerait qu'un investisseur "aurait exigé" une prime de risque (et non pas une rentabilité) de 3,75 % en 2000 et de 2,07 % en 2004. Ce calcul se fonde sur un coefficient bêta de ß = 0,395. Un bêta de 1 représenterait le portefeuille contenant l'ensemble des actions, c'est-à-dire l'action "moyenne". Un bêta significativement inférieur à 1 supposerait, par conséquent, un investissement caractérisé par un risque particulièrement peu élevé. Les autorités espagnoles n'ont fondé ni étayé leurs affirmations sur ce point sur aucune information solide et vérifiable.

(76) Comme dit précédemment (voir le considérant 70), un investisseur privé n'accepterait d'investir dans un projet que si ce dernier présentait un taux de rentabilité interne supérieur au coût d'opportunité du capital. La Commission constate que le plan d'activité de 2000 n'a évalué en détail que les phases initiales du projet. L'analyse de la Commission (voir l'annexe II) a permis de dégager une valeur actuelle nette négative, en se fondant sur le plan d'activité de 2000, et en prenant en considération la valeur nominale des flux de trésorerie évoqués dans celui-ci. Sur la base de ces éléments, un investisseur privé n'aurait pas investi dans le projet.

(77) En évaluant le taux interne de rendement, la Commission choisit une fois de plus d'adopter une vision très conservatrice, sans remettre en cause les prémisses et les suppositions sur lesquelles se fondait le plan d'activité, et en particulier en ce qui concerne les flux de trésorerie calculés pour le projet. Il convient toutefois de signaler que les flux de trésorerie envisagés dans le plan d'activité de 2004 semblent optimistes, à tort, en particulier lorsqu'on tient compte des pertes essuyées par la société au cours de la période 2002-2004 (28). Au vu des informations dont dispose la Commission, il y a lieu d'estimer que les flux de trésorerie envisagés dans le plan d'activité de 2004 constituaient des attentes maximales (29). Les flux de trésorerie déterminent la rentabilité escomptée. La Commission ne se penche pas non plus sur la question relative à la rentabilité escomptée en ce qui concerne Ciudad de la Luz. Elle estime néanmoins le coût du capital, ce que tout investisseur privé et rationnel aurait fait.

(78) Si l'on se fonde sur le plan d'activité de 2004 proposé par Ciudad de la Luz, le taux de rentabilité interne de ce projet est de 5,74 % (voir annexe I). Au vu de l'existence d'un coût d'opportunité du capital d'au moins 14 % (calculé selon les modalités exposées au considérant 73), un investisseur privé n'aurait pas investi dans Ciudad de la Luz, dans la mesure où le taux de rentabilité interne de ce projet est inférieur au coût d'opportunité du capital.

(79) En outre, la Commission a calculé la valeur actuelle nette (VAN) de l'investissement dans Ciudad de la Luz, afin d'estimer l'importance de l'évaluation du projet pour un investisseur privé. Toute décision d'investissement vise à trouver des actifs réels dont la valeur est supérieure au coût, ou, autrement dit, des investissements présentant une rentabilité escomptée supérieure au coût d'opportunité du capital. À défaut, et comme c'est le cas pour Ciudad de la Luz, la valeur du projet s'avère négative, et par voie de conséquence, l'investissement n'est pas viable pour un investisseur privé rationnel. La VAN d'un projet mesure la valeur de l'investissement lors de l'adoption d'une décision, et est calculée en décomptant les flux de trésorerie prévus dans le plan d'activité, au moyen du taux d'actualisation qui est le coût du capital. De manière intuitive, plus le coût du capital sera élevé, plus la VAN sera faible.

(80) Dans le cas de Ciudad de la Luz, si l'on tient compte du coût d'opportunité du capital de 14 % et des flux de trésorerie envisagés dans le plan d'activité de 2004 rédigé par Consultia (considérés selon leur valeur nominale par la Commission, voir le considérant 76), la VAN de l'investissement est d'environ moins 130 millions d'EUR (voir l'annexe). Par conséquent, cette opportunité d'investissement ne s'avère pas intéressante pour un investisseur privé.

(81) La Commission s'est livrée également à un contrôle de la fiabilité, ce qui lui a permis de constater que le résultat obtenu est extrêmement solide. Au-dessus d'un seuil raisonnable, le résultat est à peine sensible à la valeur du coût d'opportunité du capital calculé par la Commission. Autrement dit, le résultat n'est pas altéré par des modifications significatives des paramètres mesurés par la Commission dans le calcul du coût du capital. Le graphique ci-dessous représente les valeurs approximatives de la VAN par rapport à différentes valeurs du coût du capital (CMPC) de 5 % à 20 %. Le graphique permet de constater que la VAN devient négative pour un CMPC de 5 % à 6 %. Par conséquent, si le coût du capital était supérieur à 6 %, un investisseur privé ne mènerait pas à bien le projet. En outre, pour des valeurs du CMPC supérieures à 10 %, la valeur de la VAN n'est quasiment pas affectée. La Commission a établi un CMPC d'environ 14 %, c'est-à-dire, dans une fourchette dans laquelle on peut conclure, avec un degré élevé de confiance, que le projet n'est pas rentable.

<Emplacement graphique 1>

(82) En réponse à l'évaluation de la Commission et en se fondant sur un rapport rédigé par un cabinet de conseil (30), les autorités espagnoles ont affirmé que l'analyse de la Commission était erronée. Premièrement, tout en reconnaissant que l'analyse du CMPC, en tant que telle, constitue l'approche appropriée à adopter en l'espèce, le rapport du cabinet de conseil remettait en cause les valeurs utilisées par la Commission pour certains paramètres. En particulier, des valeurs inférieures auraient dû être utilisées pour la prime de risque du marché et les "bêtas". Deuxièmement, pour fixer la valeur de référence, la Commission n'aurait pas dû utiliser uniquement, le plan d'activité rédigé par Consultia IT, mais également celui d'Arthur Andersen de 2000. Troisièmement, la Commission n'a pas utilisé les ratios financiers appropriés pour évaluer la rentabilité escomptée du projet Ciudad de la Luz. Enfin, la Commission n'a pas tenu compte des prévisions de revenus dérivés des promotions hôtelières et des locaux de bureaux.

(83) La Commission a réfuté ces arguments. En ce qui concerne la prime de risque du marché, l'annexe II expose, avec un certain degré de détail, les raisons pour lesquelles les valeurs englobées dans l'intervalle proposé par le Royaume d'Espagne ne peuvent pas être appropriées. Avant toute chose, les valeurs proposées pour la prime sont des estimations pour 2009, et elles diffèrent de celles applicables en 2000 et en 2004. Il est évident qu'afin d'estimer le CMPC, on doit utiliser les valeurs existantes à la date à laquelle la décision commerciale a été adoptée. En fait, l'auteur cité par les autorités espagnoles fournit lui-même des estimations, pour la période pertinente, qui coïncident avec celles de la Commission. L'annexe II expose également les raisons pour lesquelles le postulat des autorités espagnoles d'utiliser des "bêtas" inférieurs est erroné. La Commission utilise des valeurs provenant d'études publiques et connues, qui calculaient des bêtas pour des concurrents proches de Ciudad de la Luz. Les experts financiers récusent l'utilisation de bêtas historiques, allant ainsi à l'encontre de ce que proposent les autorités espagnoles.

(84) En réponse à l'invitation des autorités espagnoles à utiliser le plan d'activité de 2000, l'annexe II présente un calcul sur ladite base. Comme on peut le constater, du fait d'une prime de risque plus élevée et d'un taux libre de risque supérieur, dans un tel cas de figure, le CMPC serait encore plus important qu'en 2004. Ce calcul aboutit aussi à une VAN négative. Enfin, pour ce qui est des revenus éventuels susceptibles d'être générés par les promotions hôtelières et les locaux de bureaux, les affirmations avancées par les autorités espagnoles se fondaient sur de nouveaux éléments de preuve, concrètement sur six rapports d'évaluation d'expert rédigés postérieurement. Or, lesdits éléments ne font pas partie intégrante des informations dont aurait pu disposer un investisseur privé au moment opportun. Bien que le rapport rédigé par Arthur Andersen mentionne la possibilité de créer un complexe hôtelier, il ne comporte aucune information concernant la rentabilité éventuelle d'un tel complexe et aucun plan d'activité n'a été établi évoquant une promotion immobilière. Néanmoins, l'annexe II analyse en détail les rapports rédigés postérieurement relatifs à la promotion immobilière. Or, ces rapports posent des problèmes de taille. Par exemple, les prix de référence indiqués pour les locaux de bureaux situés dans Ciudad de la Luz sont les prix des artères commerciales les plus prestigieuses du centre-ville d'Alicante. Or, dans la mesure où le complexe Ciudad de la Luz se trouve en périphérie de la ville d'Alicante et à proximité d'une zone industrielle, les prix de référence ainsi retenus sont largement exagérés. De même, le rapport tient compte, comme prix de référence, ceux des hôtels 4 et 5 étoiles. Il n'existe aucune indication concernant une demande suffisante d'hôtels en dehors de la ville d'Alicante pour lesdites catégories d'établissements, qui se trouveraient en outre à proximité d'une autoroute et d'une zone industrielle.

(85) Outre sa propre évaluation interne, la Commission a commandé une étude indépendante devant répondre à la question de savoir si un investisseur privé aurait réalisé dans Ciudad de la Luz un investissement présentant ces caractéristiques à ces mêmes conditions (31). Le rapport Ecorys analyse plusieurs hypothèses, qui estiment que le coût du capital se situe entre 12,5 % et 21,4 % pour l'investissement de 2000, et entre 10,9 % et 15,9 % pour l'investissement additionnel de 2004. Par conséquent, le résultat de l'étude de la Commission se situe dans la fourchette calculée par Ecorys. En revanche, le taux de rentabilité interne calculé sur la base du plan d'activité se situe très en deçà du coût minimal du capital estimé par Ecorys.

(86) Par conséquent, la conclusion générale d'Ecorys est qu'il ne semble pas probable que les investissements consentis en 2000 et en 2004 correspondent à la conduite d'un investisseur privé diligent en économie de marché. S'agissant du plan d'investissements de 2000, Ecorys estime que le cas commercial reconstitué permet de dégager une VAN négative de 9,3 milliards de pesetas. Un investissement sur le marché boursier se serait avéré bien plus intéressant pour un investisseur privé prudent en économie de marché. Pour ce qui est du plan d'investissement de 2004, Ecorys conclut ce qui suit : "le plus probable, c'est qu'un investisseur privé prudent en économie de marché aurait décidé de ne pas mener à bien la totalité du projet CDL, et qu'il aurait préféré exploiter les six plateaux de tournage dans lesquels il aurait déjà investi, ou abandonner le projet et en assumer les pertes" (32). Enfin, Ecorys estime qu'un prêteur privé n'aurait pas accordé de prêt participatif, ni aucun autre crédit, au projet, dans la mesure où le flux de trésorerie de ce dernier était insuffisant pour faire face au remboursement de la dette.

(87) Le rapport Ecorys conclut donc que tant les investissements réalisés dans Ciudad de la Luz entre 2000 et 2004 que ceux intervenus par la suite ne se conforment pas au principe de l'investisseur privé en économie de marché, raison pour laquelle ils constituent un avantage en faveur de la société Ciudad de la Luz SAU. Le test de l'investisseur privé en économie de marché n'ayant pas été réussi, il ressort qu'un tel investisseur n'aurait pas investi en 2000 dans le projet et qu'il n'aurait pas continué de le faire en se fondant sur le plan d'activité de 2004.

(88) Dès lors, la Commission estime que l'avantage économique en cause est constitué par la totalité du montant de l'investissement. Les prêts accordés à Ciudad de la Luz par SPTCV étaient des prêts subordonnés, ce qui signifie qu'ils ont été inclus dans le compte de résultats d'une manière semblable à l'"equity" (fonds propres). Conformément à la décision d'ouverture de la procédure de la Commission, l'intérêt des prêts a été calculé à partir d'un taux fixe et d'un taux variable. Le taux d'intérêt fixe était très bas, et il n'aurait pas été acceptable pour un prêteur privé en économie de marché. Cette partie du prêt à taux fixe avec un intérêt remarquablement bas aurait pu, en principe, se voir compensée par la perspective d'une rémunération appropriée du prêt participatif, grâce à la partie variable, liée à la rentabilité du projet, mais il ne pouvait pas en être ainsi pour le projet dont il est ici question (voir les propos ci-dessus concernant le principe de l'investisseur privé en économie de marché). Par ailleurs, les prévisions de bénéfices et les comptes mis à la disposition de la Commission par les autorités espagnoles pour la période 2002-2014 n'incluaient pas les coûts financiers. Enfin, il était prévu qu'en théorie les prêts seraient remboursés en avril 2015, c'est-à-dire, une fois le projet bouclé (et probablement vendu), ce qui était envisagé pour 2014. Un prêteur privé n'aurait pas accepté de telles conditions. Dans leur réponse du 20 avril 2009 à la décision d'ouverture de la procédure, les autorités espagnoles expliquaient que les crédits devaient être considérés, du point de vue économique, comme des injections de capital, dans la mesure où le prêteur et l'actionnaire sont la même entité (c'est-à-dire la société SPTCV). En effet, aucun des prêts accordés en 2005, 2007, 2008 et 2009 n'ayant été remboursé (ni même partiellement) et le bénéficiaire n'ayant pas réglé les intérêts de ces emprunts, il y a lieu de considérer que ces prêts constituent, de facto, un "equity investment" (investissement en fonds propres). Selon les informations fournies par les autorités espagnoles en avril 2012, le montant total s'élevait à 265 089 599 EUR, fin 2010 (33).

Caractère sélectif de l'aide

(89) L'aide est également sélective, car les bénéfices qui en découlent ne confèrent un avantage qu'aux entreprises qui opèrent dans le secteur et, en réalité, uniquement à certaines d'entre elles.

Ressources d'État

(90) La Commission tient à souligner que la Generalitat Valenciana a financé l'investissement par l'intermédiaire de la société SPTCV, véhicule d'investissement qui détient 100 % du capital du projet, et que les études qui ont débouché sur l'investissement public dans Ciudad de la Luz ont été menées par la Generalitat Valenciana. Par conséquent, ces allocations peuvent être considérées comme des ressources de l'État.

Distorsion de la concurrence

(91) Dans les cas où les aides d'État renforcent la position d'une entreprise par rapport à ses concurrentes, il y a lieu de considérer que ces dernières sont affectées par les aides en question. Le soutien accordé en l'espèce vient renforcer la position de Ciudad de la Luz par rapport à ses concurrentes, en ce qu'il permet à la première d'entrer sur le marché des studios cinématographiques. La concurrence entre les entreprises qui bénéficient de la mesure et celles qui n'en jouissent pas s'en trouve faussée. Même si l'on suppose qu'il existe des aides à la production cinématographique dans d'autres États membres dans lesquels se trouvent d'autres studios de cinéma, ce n'est pas un argument susceptible d'être invoqué pour contester que l'aide en cause fausse la concurrence. Une mesure ne pourrait pas échapper à cette qualification d'aide du seul fait que d'autres États membres de l'Union aient pu introduire leurs propres mesures visant à fausser la concurrence. Il n'y a pas lieu d'effectuer une "compensation" de ce type lors de l'examen de la condition relative à la distorsion de la concurrence.

Effets sur les échanges commerciaux

(92) La Commission estime que la mesure en cause affecte les échanges entre les États membres. Les studios cinématographiques proposent leurs infrastructures à une échelle internationale. Les producteurs cinématographiques négocient régulièrement les prix et les conditions avec toute une série de studios cinématographiques situés dans différents États membres. La Commission a autorisé en Espagne et dans d'autres États membres, des régimes d'aide qui apportent un soutien à la production d'œuvres audiovisuelles et qui, par voie de conséquence, font la promotion indirecte de l'utilisation d'infrastructures techniques nationales, y compris des studios cinématographiques. Néanmoins, le quatrième critère présenté dans la communication sur le cinéma de 2001 exclut les suppléments d'aides destinés à des activités spécifiques de production de films, y compris l'utilisation des studios cinématographiques.

Conclusion

(93) Au vu de ce qui précède, la Commission considère que le projet en cause accorde un avantage économique sélectif à Ciudad de la Luz. Le projet est financé au moyen de ressources publiques, fausse la concurrence et a des effets sur les échanges commerciaux entre les États membres. Dès lors, la Commission estime que la mesure notifiée constitue une aide d'État, au sens des dispositions de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Compatibilité

(94) La Commission doit garantir, Premièrement, que l'aide en cause ne va pas à l'encontre des dispositions du TFUE dans des domaines autres que ceux des aides d'État. En l'espèce, l'évaluation de la Commission s'entend sans préjudice de toute autre conclusion relative à la compatibilité de l'aide avec la réglementation de l'Union relative aux marchés publics. L'aide ne comporte aucun élément susceptible de présenter des problèmes par rapport au critère de la légalité générale de l'aide.

(95) Comme indiqué dans la décision d'ouverture de la procédure, et à titre de moyen subsidiaire pour le cas où la Commission estimerait que les mesures en cause constituent des aides d'État, les autorités espagnoles ont fait valoir que lesdites mesures seraient compatibles avec l'article 107, paragraphe 3, soit en tant qu'aide régionale, soit en tant qu'aide destinée à promouvoir la culture.

Aides d'État à finalité régionale

(96) Les aides d'État à finalité régionale accordées en vue de la construction de Ciudad de la Luz peuvent trouver leur justification en argumentant que l'investissement a été réalisé dans une région assistée. Les autorités espagnoles ont avancé que les réglementations relatives aux aides à finalité régionale applicables à la date de l'adoption de la décision initiale d'investissement, en 2000-2006, autoriseraient une intensité de l'aide de 36 %.

(97) S'agissant d'une aide non notifiée, les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale pour la période 2000-2006 (ci-après les "lignes directrices") s'appliquent en l'espèce (34). Or, le point 4.2 des lignes directrices dispose que : "afin de garantir que les investissements productifs aidés soient viables et sains, l'apport du bénéficiaire destiné à leur financement doit atteindre au minimum 25 %". La note en bas de page 20 des lignes directrices précise que cet apport minimal de 25 % doit être exempté de toute aide. Bien qu'au début il y a eu un investisseur privé qui détenait 25 % du capital social initial de 600 000 EUR, il n'en demeure pas moins que cet investisseur privé était la société chargée de la gestion du projet en contrepartie du versement d'honoraires, et qu'il n'a consenti aucun autre investissement dans le projet équivalant à l'investissement majoritaire du secteur public. Dès lors, le premier investissement ne saurait être considéré comme étant autonome par rapport à l'investissement public, puisqu'il ne s'agit pas d'un investissement indépendant. Par ailleurs, la société SPTCV a absorbé, en juillet 2004, l'investisseur privé, de sorte qu'à compter de ce moment-là, la participation de ce dernier dans la société a chuté pour atteindre 0,2 %.

(98) Les autorités espagnoles invoquent que l'investissement à hauteur de 25 % de la société SPTCV elle-même pouvait être considéré comme l'apport du bénéficiaire. La Commission estime qu'une telle approche, selon laquelle l'apport de 25 % exigé est couvert par un organisme à capital public qui ne se comporte pas en investisseur privé (voir plus haut, section V, sous-section "Avantage économique") et l'apport de 75 % restant émane également de ressources étatiques, ne permet pas de garantir que l'investissement productif aidé soit viable et sain.

(99) Comme l'investissement réalisé dans Ciudad de la Luz a été intégralement financé au moyen de fonds publics apportés par la société SPTCV, cette condition ne se trouve pas remplie.

Aide sectorielle au profit du secteur de l'audiovisuel

(100) Dans certains cas, la Commission a autorisé des aides au profit du secteur de l'audiovisuel, conformément aux dispositions de l'article 107, paragraphe 3, sous c), du TFUE, en tenant compte des objectifs culturels évoqués à l'article 167 du TFUE. La dérogation culturelle peut être invoquée aux côtés d'autres fondements juridiques de la compatibilité de l'aide, tels que les aides destinées à certaines activités économiques conformément à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE (35). Bien que la question afférente au fondement juridique de l'aide n'ait pas été évoquée par les autorités espagnoles, et à la lumière des observations présentées par des tiers intéressés, ladite question sera abordée plus bas.

(101) L'appréciation par rapport à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE est réalisée en appliquant un critère qui comporte trois phases, qui met en balance les avantages et les inconvénients de la mesure en cause.

(102) Lorsqu'elle applique ledit critère de la mise en balance, la Commission évalue les aspects suivants :

a) la mesure d'aide vise-t-elle un objectif d'intérêt commun bien défini (c'est-à-dire vise-t-elle à remédier une défaillance du marché ou à atteindre un autre objectif) ?

b) l'aide est-elle correctement conçue pour réaliser l'objectif d'intérêt commun ? Et notamment :

i) une aide d'État constitue-t-elle un moyen d'action adapté, c'est-à-dire existe-t-il d'autres moyens d'action plus appropriés ?

ii) l'aide a-t-elle un effet d'incitation, c'est-à-dire modifie-t-elle le comportement des entreprises ?

iii) la mesure d'aide est-elle proportionnelle, c'est-à- dire le même changement de comportement pourrait-il être obtenu avec moins d'aides d'État ?

c) les distorsions de concurrence et l'effet sur les échanges sont-ils limités, de sorte que le bilan global est positif ?

Objectif de la mesure

(103) On considère qu'il existe une "défaillance du marché" lorsque le marché seul ne parvient pas à atteindre un résultat optimal en matière de bien-être social. Un résultat de marché non efficient peut être constaté également en ce qui concerne les biens publics ou biens méritoires (36). Ces biens génèrent des effets externes positifs lorsque le bénéfice pour la société dépasse le bénéfice privé. De ce fait, la quantité proposée de ce type de biens se situe en dessous du niveau optimal, ce qui justifie, à son tour, l'intervention publique (et probablement, les subventions publiques).

(104) Dans l'Union européenne, il existe un marché commercial hautement concurrentiel, sur lequel intervient une série de grands studios cinématographiques. En outre, en ce qui concerne les grandes productions cinématographiques, les studios européens doivent faire face à une concurrence notable de la part des studios situés en dehors de l'Union. Par conséquent, au premier abord, il n'existe pas d'éléments de preuve fondés de l'existence d'une défaillance du marché sur la base d'une insuffisance de l'offre et du montant élevé des coûts d'entrée. Dans sa réponse à la décision d'ouverture de la procédure, les cinéastes espagnols affirment que, avant la construction de Ciudad de la Luz, le marché espagnol ne disposait pas de services similaires de haute qualité. Les cinéastes valenciens ont souligné notamment qu'un accès à des studios cinématographiques situés à proximité leur permettrait de réduire leurs coûts de production (frais de transport plus bas, proximité d'autres services nécessaires pour la production de films, etc.).

(105) Néanmoins, le fait que les producteurs de cinéma nationaux bénéficient des services fournis par Ciudad de la Luz ne suffit pas à établir l'existence d'une "défaillance du marché", telle qu'elle a été définie plus haut. Premièrement, le fait de considérer que Ciudad de la Luz compense une défaillance du marché en ce qui concerne la production locale de films en Espagne irait à l'encontre de l'objectif déclaré par les autorités espagnoles. Le rapport de Consultia de 2004 estime que les studios locaux ne sont que des concurrents "indirects", tandis que Ciudad de la Luz serait en concurrence pour attirer les grandes productions cinématographiques.

(106) Deuxièmement, afin de déceler une défaillance du marché chez les producteurs espagnols, il conviendrait d'analyser si le bénéfice social généré par des studios de cinéma tels que Ciudad de la Luz est supérieur à leur coût. Cela nécessiterait, entre autres, qu'on estime que les installations existantes sont insuffisantes, c'est-à-dire que les cinéastes espagnols ne seraient pas en mesure d'utiliser les studios fonctionnant actuellement en Espagne (comme Video Planning, Cartuja Producciones et Loasur Audiovisual en Andalousie, MEDIA Park en Catalogne, Platós Valencia à Valence, et Estudios Barajas, Estudios El Álamo, Estudios Los Angeles et Flash Estudio à Madrid) ou dans d'autres États membres. Bien que les producteurs de cinéma espagnols aient signalé certains avantages en termes de coûts (sans les quantifier) générés par Ciudad de la Luz, ils n'ont pas soutenu que des studios locaux présentant de telles caractéristiques s'avéreraient essentiels pour la production cinématographique locale.

Une aide bien conçue

(107) Dans la mesure où il n'existe pas de défaillance du marché bien définie à laquelle la mesure aurait eu pour but remédier, on ne saurait considérer davantage que l'aide est adaptée et proportionnelle pour combler une telle défaillance. Si la finalité des studios cinématographiques en cause était de promouvoir la production locale, il aurait été nécessaire, entre autres, de comparer l'investissement réalisé avec d'autres mesures susceptibles d'atteindre une efficacité comparable du point de vue des producteurs de cinéma. Les autorités espagnoles n'ont pas fourni une telle comparaison.

Distorsion de la concurrence et des échanges commerciaux

(108) Le critère de la mise en balance exige, par ailleurs, une évaluation des effets négatifs de la mesure en termes de distorsion de la concurrence et des échanges. Sa production s'étant située très en dessous des attentes initiales et ayant attiré, principalement, des productions locales, il y a lieu de considérer que, à ce jour, la distorsion de la concurrence provoquée par les studios Ciudad de la Luz aura été très limitée. Toutefois, le nombre de productions cinématographiques réalisées à Ciudad de la Luz ne constitue pas un bon indicateur des effets en termes de distorsion de la concurrence. L'entrée de Ciudad de la Luz sur le marché européen des studios cinématographiques a fait augmenter les capacités globales de ce marché. La logique économique de base implique qu'une telle augmentation de l'offre entraîne une diminution généralisée des prix, et cela indépendamment du nombre de productions que Ciudad de la Luz aurait été en mesure d'attirer. Étant donné qu'elle affecterait les prix du marché global, une telle diminution des prix ne saurait être constatée en comparant les tarifs de Ciudad de la Luz avec ceux de ses concurrents. Par ailleurs, il est possible que la construction de Ciudad de la Luz incite d'autres États membres à réaliser des investissements similaires. Enfin, et au vu de la modernité de ses installations, il se pourrait que la position de Ciudad de la Luz change à l'avenir.

(109) Au vu de ce qui précède, la mesure ne saurait être considérée comme une mesure compatible au sens des dispositions de l'article 107, paragraphe 3, point c), dans la mesure où elle ne vise pas à remédier à une défaillance du secteur et qu'elle menace d'affecter de manière négative la concurrence et les échanges.

Aide culturelle - Investissement dans la construction de studios

(110) Les autorités espagnoles n'ont invoqué aucun moyen pour modifier le point de vue de la Commission, exprimé dans la décision d'ouverture de la procédure, selon lequel cette institution "estime qu'il n'existe aucun élément permettant de supposer qu'il y a lieu d'appliquer la dérogation [culturelle] à des aides d'État qui couvrent les coûts de construction et de fonctionnement d'un complexe de studios cinématographiques de nouvelle construction et de grande taille". La décision d'ouverture de la procédure partait du principe que les studios de cinéma peuvent être considérés comme des "infrastructures culturelles", dans la mesure où il s'agit d'établissements hautement spécialisés dont l'utilisation est cantonnée au secteur de l'audiovisuel (tournage de films, de productions télévisuelles et de publicités).

(111) Pour que la dérogation culturelle prévue à l'article 107, paragraphe 3, point d), du TFUE s'applique au financement exclu par la communication sur le cinéma, l'aide en cause aurait dû être non seulement nécessaire, proportionnelle et appropriée [ainsi que cela est évoqué dans l'évaluation ci-dessus au sens de l'article 107, paragraphe 3, point c)], mais elle aurait dû viser également la réalisation d'un objectif culturel. Dans la mesure où il a été conclu que ces critères n'ont pas été rempli conformément à l'article 107, paragraphe 3, point c), il en va de même en ce qui concerne l'article 107, paragraphe 3, point d).

Aide culturelle - Incitations en faveur des producteurs de cinéma

(112) En décembre 2008, la Commission a autorisé les incitations au cinéma proposées par la Comunitat Valenciana en application de la communication sur le cinéma (37). Avant cette date, toute incitation accordée par la Comunitat Valenciana pour le tournage de films à Ciudad de la Luz ne peut pas être considérée compatible, lorsque le tournage à Ciudad de la Luz aurait constitué une condition pour l'octroi de l'aide (en allant ainsi à l'encontre du quatrième critère prévu par la communication sur le cinéma, qui exclut les suppléments d'aides destinés à des activités spécifiques de production de films).

(113) Enfin, il n'est pas nécessaire d'analyser plus en détail, dans le cadre de la présente décision, si des aides ont été accordées au profit des producteurs cinématographiques.

VI. CONCLUSION

(114) La Commission est tenue de conclure que le Royaume d'Espagne a accordé une aide d'État à la société Ciudad de la Luz SA, en allant ainsi à l'encontre des dispositions de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Un investisseur privé n'aurait pas consenti, aux mêmes conditions, à l'investissement réalisé par la Comunitat Valenciana dans Ciudad de la Luz. Il s'ensuit que la Commission doit considérer que la totalité de l'investissement public réalisé dans le cadre du projet en cause constitue une aide illégale.

(115) Par voie de conséquence, le montant de l'aide accordée jusqu'au mois de décembre 2010 s'élève à 265 089 599 EUR d'investissement public réalisé dans Ciudad de la Luz SA, auxquels s'ajoute toute mesure d'incitation accordée aux producteurs cinématographiques à condition que leur film soit tourné à Ciudad de la Luz.

(116) Conformément aux dispositions du TFUE, et à une jurisprudence constante de la Cour de justice, la Commission est compétente pour obliger un État membre à supprimer ou à modifier une aide (38), lorsqu'elle aura conclu que celle-ci est incompatible avec le marché intérieur. La Cour a également eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises que l'obligation pour l'État de supprimer ou de modifier une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure (39). Dans ce contexte, la Cour de justice a jugé que l'objectif ainsi visé est atteint une fois que le bénéficiaire a remboursé les montants reçus par ses soins au titre de l'aide illégale, en renonçant ainsi à l'avantage dont il a bénéficié par rapport à ses concurrents, et en rétablissant, de la sorte, la situation antérieure au versement de l'aide (40).

(117) Conformément à ladite jurisprudence, l'article 14 du règlement (CE) n o 659/1999 du Conseil (41) dispose ce qui suit : "en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire",

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION

Article premier

Le capital social initial et les augmentations de capital social à hauteur de 94 459 719 EUR, les terrains attribués à Ciudad de la Luz d'une valeur de 9 800 040 EUR, les prêts participatifs d'un montant de 115 millions d'EUR et les prêts convertibles en actions émis depuis 2008, pour un montant de 45 829 840 EUR, accordés de manière illégale par le Royaume d'Espagne à Ciudad de la Luz SA avant le 31 décembre 2010, ainsi que toute mesure d'incitation octroyée à des producteurs cinématographiques, conditionnée au tournage de leurs films au sein de Ciudad de la Luz, allant à l'encontre des dispositions de l'article 108, paragraphe 3, du traité, constituent des aides d'État incompatibles avec le marché intérieur.

Article 2

1. Le Royaume d'Espagne devra se voir restituer par le bénéficiaire l'aide incompatible visée à l'article 1 er .

2. Les sommes à recouvrer produiront des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à disposition du bénéficiaire, et jusqu'à leur remboursement effectif.

3. Les intérêts seront calculés sur une base établie, conformément aux dispositions du chapitre V du règlement (CE) n o 794/2004 du Conseil (42).

4. Le Royaume d'Espagne procédera à l'annulation de l'ensemble des règlements non encore intervenus de l'aide visée à l'article 1 er , et cela à compter de la date d'adoption de la présente décision.

Article 3

1. La restitution de l'aide visée à l'article 1 er interviendra de manière immédiate et effective.

2. Le Royaume d'Espagne veillera à ce que la présente décision soit appliquée dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification.

Article 4

1. Dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, le Royaume d'Espagne mettra à disposition les informations suivantes :

a) le montant total (principal et intérêts) à recouvrer auprès de chaque bénéficiaire ;

b) une description détaillée des mesures déjà adoptées, ainsi que de celles prévues, afin de se conformer à la présente décision ;

c) toutes pièces susceptibles d'établir que la restitution de l'aide a été ordonnée au bénéficiaire.

2. Le Royaume d'Espagne tiendra la Commission informée de l'avancement des mesures nationales adoptées en application de la présente décision, jusqu'à ce qu'intervienne le recouvrement total de l'aide visée à l'article 1 er . Il produira sans délai, à la demande de la Commission, toutes les informations relatives aux mesures déjà adoptées et prévues pour se conformer à la présente décision. De même, il mettra à disposition des informations détaillées sur les montants de l'aide et sur les intérêts déjà recouvrés auprès du bénéficiaire.

Article 5

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 8 mai 2012.

Par la Commission Joaquín ALMUNIA Vice-président

ANNEXE A

Informations concernant les montants de l'aide, à recouvrer et déjà recouvrés Identité du bénéficiaire

Montant total de l'aide reçue dans le cadre du régime (*) / Montant total de l'aide à recouvrer (*) (Principal) / Montant total déjà recouvré (*) : Principal / Intérêts

(*) Millions en devise nationale.

ANNEXE I

Ciudad de la Luz (CDL) - Approche de calcul appropriée du coût du capital dans les décisions budgétaires d'investissement - Juillet 2009

Objet

Le présent rapport a pour objet de déterminer si l'investissement dans le projet de constitution de la société Ciudad De la Luz (CDL) est susceptible d'être qualifié d'aide d'État. Conformément au principe de l'investisseur en économie de marché, l'investissement réalisé est considéré comme une aide d'État dans le cas où la compensation économique que l'État escompte recevoir est inférieure au montant qu'un investisseur privé aurait requis dans des circonstances analogues à celles du projet en cause.

Un investisseur privé de capitaux (43) aurait été disposé à investir dans le projet CDL si le taux de rentabilité interne escompté (44) avait été supérieur ou égal au coût d'opportunité du capital social (45) (c'est-à-dire à la rentabilité qu'il aurait pu dégager dans le cadre d'un projet similaire).

L'analyse qui suit se fonde sur le modèle d'évaluation d'actifs financiers, afin de dégager le coût du capital social. Il s'agit là de la variable qui permet de déterminer si un investisseur privé a décidé d'investir dans le projet CDL.

Ci-après, la fourchette résultante en ce qui concerne ladite variable est comparée aux résultats obtenus ex post pour un échantillon représentatif de concurrents du projet CDL. Il s'agit là de l'approche adoptée par la société de conseil LECG, dans son rapport, à savoir, l'exploitation des résultats ex post afin d'établir un critère de comparaison pour le coût d'opportunité du capital pour ce type de projets. Comme évoqué plus bas, la mesure des résultats ex post retenue par LECG n'est pas la plus appropriée pour établir un critère de comparaison. Qui plus est, il convient de signaler que n'importe quel indicateur des résultats ex post constitue une variable de remplacement imparfaite de la rentabilité ex ante requise.

Nous en concluons donc que le coût d'opportunité du capital dans le cadre du projet en cause se situerait autour de 14,91 %. Par conséquent, un investisseur privé aurait exigé un taux de rentabilité interne supérieur à 14,91 %. Or, au sens du plan d'activité proposé pour le projet CDL en 2004 (qui constitue l'information financière la plus récente sur laquelle se fonde le présent projet), le taux de rentabilité interne de l'investissement dans CDL était de 5,74 % (46).

Il apparaît par conséquent qu'un investisseur privé n'aurait pas investi dans le projet CDL, le taux de rentabilité interne de celui-ci étant inférieur au coût d'opportunité du capital.

Le coût du capital social (47)

Le coût du capital social est le taux de rentabilité minimum que le projet CDL doit apporter à ses actionnaires, et cela en contrepartie des postes suivants :

- la valeur temps de l'argent,

- le risque associé à l'investissement dans le projet CDL.

Il importe de souligner que le taux de rentabilité pertinent constitue une rentabilité future escomptée, et non pas une rentabilité historique. Le coût du capital social reflète le coût d'opportunité de l'investissement pour les actionnaires dans des entreprises ou dans des projets présentant le même risque financier et commercial (ou un niveau de risque similaire) que le projet en cause.

Ci-après, nous appliquons une méthode d'évaluation du coût du capital social qui est largement acceptée, à savoir, le modèle d'évaluation des actifs financiers :

K e = R f + ß(R m - R f)

dans lequel :

- K e désigne le coût du capital social, exprimé en pourcentage,

- R f désigne le taux sans risque, exprimé en pourcentage,

- (R m - R f) désigne la prime de risque du marché, exprimée en pourcentage,

- ß es le "Bêta", une mesure du risque systématique (non diversifiable) associé aux valeurs de CDL, qui reflète tant le risque financier que le risque commercial.

En ce qui concerne le taux sans risque, la pratique sur le marché consiste à prendre en compte le taux d'intérêt des obligations d'État à long terme (en général, 10 ans) du pays dans lequel les opérations sont réalisées.

Pour ce qui est de la prime de risque, il y a lieu de tenir compte de la prime de risque historique du marché, pendant une période raisonnablement longue. Il est très courant d'utiliser les écarts existants entre la rentabilité historique d'un indice d'actions diversifié dans le pays dans lequel sont réalisées les opérations, d'une part, et le taux sans risque, d'autre part.

Application au projet Ciudad De La Luz

En 2004, la rentabilité moyenne annuelle des obligations d'État à 10 ans en Espagne était de 4,1 % (48).

R f = 4,1 %

Selon Fernández (2004) (49), la prime de risque historique du marché pour les obligations d'État espagnoles (pendant la période 1991-2003, qui coïncide à peu près avec la période antérieure à notre investissement) se situe entre 6,8 % et 9,3 % (l'écart tenant à la méthode de calcul de la moyenne utilisée - arithmétique ou géométrique). Dans notre estimation de la prime de risque du marché, nous tiendrons compte de la limite inférieure de cette fourchette.

(R m - R f) = 6,8 %

Enfin, afin d'estimer la valeur du bêta, nous utiliserons des informations publiques pour des entreprises identifiées par les autorités espagnoles comme étant des concurrentes directes de CDL.

En 2001, KBC Securities a rédigé un rapport comportant les informations nécessaires au calcul de la valeur actuelle nette d'un investissement sur 10 ans concernant le Groupe Carrere. Il convient de noter que tant la date que la durée d'amortissement de l'investissement coïncident à peu près avec celles de l'espèce. Le taux d'escompte utilisé dans le rapport de KBC était égal à 12 %, alors que la valeur retenue pour le bêta était de 1,8. Si l'on tient compte du fait que le profil du risque financier de Carrere est différent de celui de CDL (la structure du capital de Carrere incluant la dette), il y a lieu, en l'espèce, d'ajuster ladite valeur, et de calculer le bêta sans tenir compte de la dette, afin de dégager le profil de risque commercial. La formule qui permet d'obtenir la valeur du bêta, une fois la dette retirée, est la suivante :

Bêta sans dette = Bêta avec dette /[1 + (1 - T) D/E]

où T désigne le taux d'imposition applicable. En France, où se trouve le siège social de Carrere, le taux d'imposition se situe à environ 33 %, et les données relatives au taux d'endettement peuvent être consultées dans le rapport original de KBC. À la date de l'émission des actions, le taux d'endettement était égal à 10 %. Cette valeur a été confirmée par les données de Bloomberg.

Si l'on utilise lesdites valeurs pour les différents paramètres, on obtient la valeur ci-dessous pour le bêta sans dette :

Bêta sans dette = 1,68

En Allemagne, Der Spezialist fur Finanzaktien a réalisé une analyse similaire en 2008, pour Studio Babelsberg, une autre société désignée, par les autorités espagnoles comme un concurrent direct de CDL. Ledit rapport fondait son analyse sur l'hypothèse selon laquelle le coût du capital était de 12 %, et la valeur obtenue pour le bêta y était égale à 1,5. Au moment de la publication dudit rapport, Studio Babelsberg n'était pas endetté, ce qui signifie que la structure de son capital était identique à celle de CDL. Dès lors, dans ce cas de figure, il n'est nécessaire de se livrer à aucun ajustement en ce qui concerne le bêta.

Ces éléments de preuve, issus de rapports détaillés concernant deux concurrents directs, indiquent que le bêta applicable à CDL se situe (au moins) dans une fourchette de 1,5 à 1,68. Par ailleurs, et pour les raisons d'ores et déjà exposées par la Commission, il est probable que l'investissement dans CDL comporte un degré de risque idiosyncrasique plus élevé. Autrement dit, la valeur du bêta applicable à CDL est probablement supérieure à celle applicable à ses concurrents.

Nous prenons ensuite la moyenne arithmétique de ces deux valeurs et assignons le résultat à CDL (bien qu'il soit probable que CDL présente un degré de risque idiosyncrasique plus élevé). Il convient de garder à l'esprit que ces informations proviennent d'analystes financiers qui ont réalisé une étude en profondeur concernant Carrere et Studio Babelsberg.

Ainsi, le seuil inférieur de rentabilité escompté de l'investissement pour un investisseur privé serait égal à :

K e = 4,1 + 1,59 * 6,8 = 14,91 %

L'obtention de ce chiffre est utile, en ce qu'il implique qu'une valeur du coût moyen pondéré du capital (CMPC, ou WACC en anglais) très inférieure à 14,91 % peut être écartée d'emblée.

Faiblesses de la méthodologie utilisée par LECG

L'estimation utilisée dans le cadre de l'étude réalisée par le cabinet de conseil LECG, qui a conduit à un facteur d'escompte de 5,15 %, présente d'importantes lacunes méthodologiques. LECG affirmait que la variable de remplacement appropriée pour le coût moyen pondéré du capital était la rentabilité des actifs dégagée par un ou peut-être deux concurrents (Pinewood et Babelsberg).

D'une manière générale, les mesures comptables de la rentabilité, telles que la rentabilité des actifs, ne sauraient être considérées comme étant des mesures appropriées de la rentabilité moyenne escomptée par un investisseur. Il y a au moins trois raisons à cela (50) : du point de vue comptable, la rentabilité est calculée sur une base annuelle, alors qu'un investisseur rationnel tiendra compte de la rentabilité tout au long de la durée de vie du projet dont il s'agit. Les informations comptables sont des informations historiques sur une entreprise, de sorte qu'elles s'avèrent plus appropriées pour évaluer ex post les résultats de ladite entreprise, plutôt que le rendement ex ante escompté des investissements. Les investisseurs ne sont pas vraiment intéressés par les gains comptables, mais par les gains monétaires, c'est-à-dire par les flux d'espèces qu'ils obtiennent de leurs investissements.

En outre, LECG aurait dû comparer le coût moyen pondéré du capital avec le rendement dégagé sur le capital investi, et non pas avec la rentabilité des actifs. La mesure du coût moyen pondéré du capital a trait au capital total, c'est-à-dire au capital social et à la dette financière. Toutefois, le passif d'un bilan de situation typique ne comporte pas uniquement le capital social et la dette financière, mais aussi le passif courant, c'est-à-dire les dettes envers les fournisseurs. Ainsi, l'actif total est égal ou supérieur au capital total, et à un niveau de rentabilité donné, la rentabilité des actifs est égale ou inférieure au rendement dégagé par le capital investi (51). Dès lors, la variable à comparer avec le coût moyen pondéré du capital est le rendement du capital investi, et non pas la rentabilité des actifs. Un projet atteint une valeur positive si (et seulement si) le rendement obtenu sur le capital investi est égal ou supérieur ou égal au coût moyen pondéré du capital.

Informations concernant les concurrents

Avant de procéder à l'analyse des informations du marché, il convient d'insister sur le fait que le critère de comparaison approprié est le coût ex ante du capital social. Les niveaux de rentabilité constatés ex post constituent uniquement une variable de remplacement imparfaite des attentes ex ante, dans la mesure où la rentabilité obtenue ex post n'est pas forcément identique à celle requise ex ante. Si les investisseurs s'intéressent aux résultats antérieurs d'un secteur donné, ils doivent analyser le rendement du capital investi, une mesure de la rentabilité ex post relativement neutre par rapport à la structure du capital des différentes entreprises, puisqu'elle tient compte tant du capital que de la dette. À mesure qu'augmente le niveau d'endettement d'une entreprise, le rendement du capital pour les actionnaires augmente également, par rapport au rendement du capital investi.

Dans l'analyse ci-dessous, il sera procédé à l'étude de données concernant le rendement du capital investi, par rapport à un groupe représentatif de concurrents. Ces données sont issues de sources diverses, et comme nous verrons plus bas, les résultats ainsi obtenus ne diffèrent pas de ceux dégagés dans notre exercice comparatif.

1. Données Amadeus

Amadeus est une base de données paneuropéenne complète, qui contient des informations financières concernant plus de 11 millions d'entreprises publiques et privées, dans 41 pays européens, élaborée par Bureau van Dijk (BvD) Electronic Publishing. BvD est l'un des principaux fournisseurs mondiaux de données concernant les bilans d'entreprises. L'Europe est la région pour laquelle elle dispose du plus grand nombre de données.

La médiane est le nombre qui sépare la moitié supérieure d'un échantillon de la moitié inférieure. Si les valeurs observées sont classées de manière ascendante ou descendante, la médiane est la valeur qui se situe au centre du classement.

La moyenne arithmétique est l'addition de toutes les observations, divisée par le nombre des observations.

Dans un grand nombre de distributions, la moyenne et la médiane coïncident. Néanmoins, du point de vue empirique, les deux mesures peuvent enregistrer des différences importantes si, bien qu'on dispose d'un échantillon de grande taille, la distribution constatée est asymétrique (en raison, par exemple, du fait qu'elle comporte plusieurs valeurs discordantes, connues sous le nom d'observations extrêmes).

Les données exposées ci-dessous présentent des valeurs de la moyenne supérieures à celles de la médiane (connues sous le nom d'asymétrie positive). La moyenne étant sensible aux valeurs discordantes, nous concentrerons notre analyse sur la médiane. Il convient de tenir compte du fait qu'un tel choix aboutit, en conclusion, à un niveau de rentabilité inférieur à celui qu'on pourrait obtenir en utilisant la moyenne de l'échantillon.

Analyse du groupe d'homologues

En employant un très large échantillon qui englobe l'ensemble des activités incluses dans la classe 921 de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE) (activités cinématographiques et vidéo), plus de 11 000 observations sont générées pour la période 1994-2008.

Rendement du capital investi / Médiane / 13,56 %

Pinewood-Shepperton, le Groupe-Carrere et Barrandov Studio relèvent du code NACE 9211 à quatre chiffres, plus restreint, (production de films et édition et distribution vidéo). Outre les classifications de la NACE, Amadeus fournit une définition plus précise de la notion d'homologues, en regroupant les entreprises qui ont le même code NACE en fonction de leur taille. Pinewood-Shepperton, le Groupe-Carrere et Barrandov Studio font partie du groupe dénommé "très grandes entreprises", sous le code NACE 9211 (l'expression "très grandes" ne constitue pas une mesure absolue, mais relative, par rapport à d'autres entreprises relevant de la classe 9211 de la NACE). Pour ce groupe de 45 entreprises homologues, la médiane (52) correspondant à la période 2000-2006, dans les cas où des données sont disponibles, est :

Rentabilité du capital investi / Médiane / 10,1 %

Dans Amadeus, Studio Babelsberg figure dans le même code NACE que les trois entreprises précitées, mais elle y est considérée uniquement comme étant une "grande entreprise". Le groupe des "grandes entreprises" homologues relevant dudit code est constitué pour 133 sociétés au total. La médiane du groupe, pour la même période (2000-2006) est :

Rentabilité du capital investi / Médiane / 10,1 %

Cinecittà Studios s'y voit assigner un code NACE de "publicité", ce qui signifie que le groupe des homologues s'avère inapproprié aux fins d'une comparaison. CDL a elle aussi été assignée à un groupe d'homologues dont le code NACE est 7413 (Études de marché et sondages), lequel, à notre avis, n'est pas pertinent dans le cadre de la présente évaluation.

2. Données de ORBIS (53)

Afin d'obtenir des données concernant les entreprises mentionnées dans les informations présentées par les autorités espagnoles, il a été nécessaire de recourir à ORBIS. Cette base de données contenait des informations concernant les sociétés ci-dessous :

- Pinewood Shepperton

- Studio Babelsberg

- Groupe Carrere

- Cinecittà

- Ealing Studios

- Barrandov

- Prime Focus

- Ray Corp

- Europacorp

La médiane pour ces entreprises pendant la période 2002-2007 est :

Rentabilité du capital investi / Médiane / 10,82 %

Dans la mesure où ce groupe d'entreprises se compose de concurrents clairement identifiés, on écarte le risque d'y inclure des valeurs discordantes qui ne seraient pas réellement actives dans le même segment que CDL (ce qui pourrait être le cas des groupes homologues créés sur Amadeus). Dès lors, la médiane correspondant à ce groupe tout au long de la période 2000-2007 est également présentée.

Rentabilité du capital investi / Moyenne / 12,26 %

Conclusion

Notre analyse permet de dégager un coût d'opportunité du capital de 14,91 %, en ce qui concerne l'investissement dans CDL. Si l'on considère que le plan d'activité de 2004 proposé par CDL et l'analyse réalisée par le cabinet de conseil LECG sont corrects, le taux de rentabilité interne de ce projet s'élève à 5,74 %. Il convient toutefois de souligner que les flux de trésorerie prévus dans les plans d'activités de 2004 semblent optimistes, et cela sans justification, notamment si l'on tient compte des pertes réelles essuyées par l'entreprise tout au long de la période 2002-2004 (54). Au vu des informations dont nous disposons, il est permis de supposer que les flux de trésorerie escomptés exposés dans le plan d'activité de 2004 représentaient un plafond.

Comme dit précédemment dans l'introduction, un investisseur n'accepterait d'investir dans un projet que si ce dernier lui permettait d'obtenir un taux de rentabilité interne supérieur au coût d'opportunité du capital. En conséquence, dans le cadre du projet CDL, un investisseur aurait exigé un taux de rentabilité interne nettement supérieur (c'est-à-dire au moins 14,91 %) pour investir dans ledit projet. Il y a donc lieu de conclure que l'investissement réalisé dans le cadre du projet CDL ne satisfaisait pas au principe de l'investisseur privé en économie de marché.

Avec un coût moyen pondéré du capital égal à 14,91 %, et en partant du principe que les prévisions concernant les flux de trésorerie pour 2004 représentent un plafond, nous calculons la valeur actuelle nette du projet comme étant la somme des flux de trésorerie escomptés. Si nous nous basons sur les informations fournies par les autorités espagnoles, il ressort que l'investissement de 199 millions constitue la somme des flux de trésorerie pour la période 2005-2007. Le flux de trésorerie afférent à la dernière période comporte la valeur résiduelle, calculée en utilisant le modèle d'escompte du dividende suivant :

V t 1/4 D t ð1 þ gÞ r - g

dans lequel, D t désigne le dividende à régler dans l'année t, g est le taux d'augmentation des dividendes, et r désigne le taux d'escompte.

Cette expression présente une sensibilité élevée par rapport aux paramètres D t et g. Le calcul précis de D t et g n'entre pas dans l'objet du présent article. De ce fait, nous utilisons comme critère de comparaison les valeurs proposées par les autorités espagnoles, à savoir, D t = 8 651 (flux de trésorerie de la dernière période) et g = 2,553 % (taux d'inflation). Nous appliquons, néanmoins, notre taux d'escompte estimé à 14,91 %. Sur la base des valeurs de ces paramètres, il apparaît que le projet génère une valeur actuelle nette négative de -131,65 millions.

2002 / 2003 / 2004 / 2005 / 2006 / 2007 / 2008

Flux de trésorerie / - 884 / - 1 792 / - 2 601 / - 118 177 / - 55 813 / - 25 088 / 4 462

Escompte / (1 + CMPC)^2 / 1 + CMPC / 1 / 1/(1 + CMPC) / 1/(1 + CMPC)^2 / 1/(1 + CMPC)^3 / 1/(1 + CMPC)^4

14,91 % / 1,3204 / 1,1491 / 1,0000 / 0,8702 / 0,7573 / 0,6591 / 0,5735

Flux de trésorerie avec escompte / - 1 167,26 / - 2 059,19 / - 2 601,00 / - 102 843,09 / - 42 268,78 / - 16 534,56 / 2 559,16

2009 / 2010 / 2011 / 2012 / 2013 / 2014 / Valeur actuelle nette

Flux de trésorerie / 5 526 / 6 561 / 6 842 / 8 057 / 8 307 / 80 447

Escompte / 1/(1 + CMPC)^5 / 1/(1 + CMPC)^6 / 1/(1 + CMPC)^7 / 1/(+ CMPC)^8 / 1/(1 + /CMPC)^9 / 1/(1 + CMPC)^10

14,91 % / 0,4991 / 0,4344 / 0,3780 / 0,3290 / 0,2863 / 0,2491

Flux de trésorerie avec escompte / 2 758,17 / 2 849,86 / 2 586,30 / 2 650,40 / 2 378,07 / 20 041,62 / - 131,65

Observations sur les dernières informations présentées (25 mars)

Les informations fournies le 25 mars dernier manquent de rigueur méthodologique et comportent une série d'affirmations de grande portée qui, dans le meilleur des cas, sont totalement infondées. Il y est affirmé que :

[...]"Afin de quantifier une telle rentabilité, et surtout, la prime de risque qu'un investisseur privé aurait exigée dans le cadre d'un projet, différents modèles sont utilisés. Le modèle utilisé le plus fréquemment est le modèle d'évaluation des actifs financiers. C'est ainsi, par exemple, que si l'on applique ce modèle au cas d'espèce, il apparaît qu'un investisseur privé "aurait exigé" une prime de risque (et non pas un taux de rentabilité) de 3,75 % en 2000, et de 2,07 % en 2004".

Le tableau ci-dessous est présenté :

Tableau 1

Estimation de la prime de risque exigée de CDL, conformément au modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF, ou CAPM en anglais)

Prime de risque du marché / 2000 : 9,49 % / 2004 : 5,25 %

Bêta pour Ciudad de la Luz / 2000 : 0,395 / 2004 : 0,395

Prime de risque exigée de Ciudad de la Luz / 2000 : 3,75 % / 2004 : 2,07 %

Autrement dit, les informations fournies soutiennent que le bêta de CDL est ß = 0,395. Or, il s'agit là d'une conjecture infondée et qui ne repose sur aucune donnée fiable ou vérifiable. Elle n'est pas non plus aisément défendable sur le plan du bon sens.

Nous citons ci-dessous littéralement Brealey et Myers, référence centrale utilisée dans les informations présentées par le cabinet de conseil LECG.

"[...] le bêta mesure le degré de sensibilité d'une valeur par rapport aux fluctuations du marché. Les actions présentant un bêta supérieur à 1,0 tendent à amplifier les mouvements globaux du marché. Celles dont le bêta se situe entre 0 et 1,0 tendent à aller dans la même direction que le marché, bien que dans une moindre mesure. Bien entendu, le marché est le "portefeuille de toutes les actions", de sorte que l'action "moyenne" présente un bêta égal à 1,0" (chapitre 7, page 174).

Autrement dit, les actions ayant un bêta supérieur présentent également une volatilité plus importante et, par voie de conséquence, un risque plus élevé.

Le risque de l'investissement dans CDL est, pour le moins, aussi élevé que celui d'un investissement dans ses concurrents bien établis, dont les bêtas sont significativement supérieurs à 1 (voir les évaluations réalisées par KBC Securities et par Spezialist fur Finanzaktien).

Enfin, en ce qui concerne le taux sans risque, il semble très opportuniste de faire allusion à la crise financière actuelle, qui est une situation temporaire, pour réfuter la valeur retenue par la Commission, qui correspond au taux sans risque de la période à laquelle l'investissement dans le projet CDL a été réalisé.

Addenda

Afin de financer un projet, les investisseurs doivent injecter des capitaux. Lesdits capitaux ont un coût, connu sous le nom de coût du capital.

En général, le capital provient de deux sources principales, à savoir :

- le capital social (E),

- le capital financier (la dette) (D).

La somme du capital social et de la dette est le capital total (C), exprimé en euros. Chacune de ces deux sources de capital a un coût déterminé. Dans cette formule :

- K e est le coût du capital social, exprimé en pourcentage, et

- K d est le coût du capital financier (c'est-à-dire de la dette), exprimé en pourcentage.

Le coût total du capital est donc constitué par le coût moyen pondéré du capital, en tenant compte du pourcentage représenté par le capital social et celui représenté par la dette. Dans ces conditions, on obtient ce qui suit : WACC 1/4 K e E C þ K d D C

Il convient par ailleurs de garder à l'esprit que K d , et K e sont le coût escompté du capital financier et du capital social, et non pas le coût historique.

Si l'on tient compte des avantages fiscaux associés au financement par le biais de la dette, et en partant du principe que T est le taux d'imposition applicable au projet CDL, on obtient ce qui suit : WACC 1/4 K e E C þ K d D C ð1 - TÞ

Dans le cas concret du projet CDL, le plan d'activité de l'année 2000 ne fait pas état de la dette. Dans la mesure où le projet est financé exclusivement au moyen du capital social, on obtient ce qui suit :

WACC = K e

ANNEXE II

[adaptation du document du mois de mars 2010]

Réponse à l'information préparée par le cabinet de conseil LECG et présentée le 19 octobre 2009

La réponse du cabinet de conseil LECG à l'analyse effectuée par les services de la Commission est axée sur quatre points :

1) l'utilisation, prétendument erronée, du modèle d'évaluation des actifs financiers (CAPM, en anglais, ou Capital Asset Pricing Model).

Bien que LECG reconnaisse qu'il est correct de se livrer à une analyse fondée sur le modèle d'évaluation des actifs financiers, ce cabinet conteste les valeurs des paramètres utilisées par la direction générale de la concurrence. LECG affirme que :

- la prime de risque du marché retenue devrait être inférieure,

- les valeurs des bêtas devraient, elles aussi, être inférieures ;

2) les services de la Commission n'auraient pas dû se fonder uniquement sur le plan d'activité de Consultia IT et auraient dû également prendre en considération le plan d'activité établi par Arthur Andersen, pour 2000, afin d'arrêter le critère de comparaison approprié ;

3) les services de la Commission n'ont pas utilisé les ratios financiers appropriés pour l'évaluation de la rentabilité escomptée du projet Ciudad de la Luz (CDL) ;

4) les services de la Commission n'ont pas non plus tenu compte des revenus prévus dérivés de la construction d'hôtels et de locaux de bureaux.

1. Paramètres du modèle d'évaluation des actifs financiers CAPM (Capital Asset Pricing Model)

1.1. Prime de risque du marché

Le cabinet de conseil LECG conteste notre choix d'utiliser des données historiques concernant les primes, fondé sur les travaux de Fernández (2004), pour estimer la prime de risque du marché en Espagne pour les années 2000 et 2004. Au lieu de cela, ledit cabinet de conseil suggère d'utiliser les informations contenues dans un article postérieur du même auteur (55).

Comme dit plus loin, le rapport de LECG cite ledit article de manière extrêmement sélective.

Dans son rapport, LECG soutient qu'il conviendrait de faire usage de la prime exigée, et non pas de la prime historique. Pourtant, Fernández (2009) affirme ce qui suit :

"Il est facile de conclure qu'il n'existe pas d'estimation ponctuelle généralement acceptée de la prime de risque du marché, ou encore une méthode commune pour estimer ladite prime. [...]

Les recommandations relatives à la prime de risque du marché contenues dans 150 manuels consacrés aux finances et à l'évaluation publiés entre 1979 et 2009, oscillent entre 3 % et 10 %. Plusieurs ouvrages utilisent des primes de risque diverses au gré des pages, et la plupart d'entre eux n'opèrent pas de distinction entre les quatre notions désignées par l'expression "prime de risque du marché", c'est-à-dire : la prime de risque historique, la prime de risque escomptée, la prime de risque exigée et la prime de risque implicite. [...]

Dans 129 desdits ouvrages, prime de risque escomptée et prime de risque exigée sont considérées comme des synonymes, et dans 82 cas, il n'est fait aucune distinction entre la prime de risque escomptée et la prime historique".

En outre, en ce qui concerne sa valeur concrète, l'étude de LECG propose l'utilisation d'une prime de risque du marché récemment présentée par Fernández (2009), qui suggère une prime de risque exigée dans la fourchette comprise entre 3,8 % et 4,3 %. Il existe au moins deux raisons qui expliquent qu'une telle classification ne soit pas valable en l'espèce. Premièrement, elle présente des limitations intrinsèques, car il s'agit d'une évaluation subjective de la part d'un seul individu. Il convient de garder à l'esprit que Fernández présente également une valeur moyenne obtenue à partir de 150 ouvrages (voir le graphique ci-dessous). Deuxièmement, et c'est ce qui est le plus important, la suggestion avancée par cet auteur consistant à utiliser une valeur comprise entre 3,8 % et 4,3 % constitue une estimation de la prime de risque actuelle, et non pas de la prime enregistrée en 2000 et en 2004. Les valeurs des paramètres à utiliser dans le modèle de l'évaluation des actifs financiers doivent être contemporaines à la date de la décision d'investissement (c'est-à-dire ex ante, et non ex post). Autrement dit, la prime de risque appropriée est celle enregistrée en 2000 (ou en 2004), et non en 2009. Sur ce point, l'article de Fernández (2009) propose bel et bien des estimations consensuelles de la prime de risque exigée en 2000 et en 2004. C'est ainsi que concrètement la valeur de la prime de risque exigée en 2004 était supérieure à 6 %, alors qu'en 2000 elle se situait à environ 7 %. Notre estimation, élaborée avant la publication de l'article susvisé, était correcte et se situait dans cette fourchette, c'est-à-dire 6,8 %.

"Le graphique suivant illustre l'évolution de la mesure de la moyenne mobile (au cours de ces cinq dernières années) de la prime de risque exigée utilisée ou recommandée par 150 manuels financiers et actuariels".

1.2. Bêta

Pour ce qui est du bêta, le rapport de LECG sème le doute quant à l'utilisation des estimations fournies par des entreprises privées spécialisées dans l'évaluation. Nous citons ci-dessous les liens internet vers les études auxquelles nous faisons référence :

Carrere (les informations utilisées peuvent être consultées en page 5 du rapport ci-dessous) :

http://www.carreregroup.com/fr/documents/financials/Etude_Financiere_13062001.pdf

Studio Babelsberg (voir page 10)

http://www.studiobabelsberg.com/uploads/media/Studio_Babelsberg__14May08.pdf

De l'avis des auteurs du présent rapport, un investisseur privé aurait précisément recours à ce type de sources pour se procurer des informations lui permettant de déterminer la valeur du bêta ex ante. Ces analystes possèdent des connaissances spécifiques dans le domaine de l'évaluation ex ante.

Ces deux études fournissent les bêtas concernant toute une série de concurrents proches du projet Ciudad de la Luz.

Pablo Fernández, l'auteur cité de manière extensive, bien que sélective, dans l'étude de LECG, a consacré une bonne partie de ses travaux à démontrer que les bêtas historiques (comme ceux proposés par LECG) sont quasiment dépourvus de toute pertinence.

Dans son article intitulé "Are calculated betas worth for anything ?" (Les bêtas calculés servent-ils à quelque chose ?) (2008, document de travail de l'école de commerce IESE), Pablo Fernández expose de solides arguments à l'encontre du recours aux bêtas calculés dans les évaluations :

"Il convient de signaler, d'une manière générale, que l'utilisation du bêta historique en tant que variable de remplacement du bêta escompté constitue une grave erreur. Il en est ainsi, premièrement, parce qu'il est quasiment impossible de calculer un bêta cohérent, dans la mesure où les bêtas historiques varient de manière drastique d'un jour à l'autre ; Deuxièmement, parce que, fréquemment, on ne peut pas affirmer avec un degré de confiance statistique significatif que le bêta d'une entreprise sera supérieur ou inférieur à celui d'une autre ; en troisième lieu, car nombreux sont les cas dans lesquels les bêtas historiques n'ont pas beaucoup de sens, les entreprises qui ont un profil de risque élevé présentant, souvent, des bêtas historiques inférieurs à ceux des entreprises à bas profil de risque, et en quatrième lieu, parce que les bêtas historiques dépendent, dans une bonne mesure, de l'indice utilisé pour les calculer. [...] (56)" (soulignement ajouté).

Le troisième argument avancé par Fernández (2008) sert également à illustrer que les bêtas présentés par LECG ne peuvent pas être corrects. En outre, Fernández affirme que les entreprises à haut risque présentent aussi un bêta d'une valeur élevée. Il s'agit là d'un résultat très intuitif : la rentabilité exigée pour un projet à haut risque (comme le projet CDL) devrait être supérieure à celle proposée par un portefeuille de valeurs diversifiées (comme, par exemple, l'IBEX 35).

Dans un autre article consacré au cas de l'Espagne ["On the instability of betas : the case of Spain" (Sur l'instabilité des bêtas : le cas de l'Espagne], 2008, document de travail de l'école de commerce IESE), Pablo Fernández démontre à nouveau que l'utilisation de bêtas calculés à partir des données historiques pour le calcul de la rentabilité exigée des actions constitue une grave erreur.

"Il s'agit là d'une erreur, et cela pour sept raisons :

1) parce que les bêtas calculés à partir de données historiques changent énormément d'un jour à l'autre ;

2) parce que les bêtas calculés dépendent, dans une grande mesure, de l'indice boursier utilisé en tant que référence du marché ;

3) parce que les bêtas calculés dépendent, dans une grande mesure, de la période historique prise en considération pour les calculer (cinq ans, trois ans, etc.) ;

4) parce que les bêtas dépendent du type de rentabilité (mensuelle, annuelle, etc.) utilisée pour les calculer ;

5) parce que, très fréquemment, nous ignorons si le bêta d'une entreprise est supérieur ou inférieur à celui d'une autre entreprise ;

6) parce que les bêtas calculés présentent une faible corrélation par rapport à la rentabilité des actions ;

7) parce que les coefficients de corrélation (ainsi que la dispersion) des régressions utilisées pour calculer les bêtas sont très faibles".

Ledit article propose de nombreux exemples à l'appui des sept affirmations ci-dessus.

2. Horizon temporel pertinent

Dans notre précédente analyse, nous avons pris 2004 comme année de référence pour calculer la valeur actuelle nette, puisqu'il s'agit là de l'année au cours de laquelle la totalité de l'investissement de 199,4 millions d'EUR a été engagée. Nous pourrions toutefois aisément doubler notre analyse pour l'année 2000. Le coût moyen pondéré résultant du capital (WACC en anglais) serait plus élevé qu'en 2004 (57), du fait que la prime de risque du marché était plus élevée (et qui, au vu des informations recueillies par Fernández, devrait se situer autour de 7 %, voir la section 1.1) et à cause d'un taux sans risque [lequel se situait, en Espagne, à 5,53 % en 2000 (58) ], également plus élevé. Par conséquent, le taux de rentabilité interne (8,84 %) serait toujours très inférieur au coût du capital (et plus précisément : WACC = 5,53 % + 1,59 * 7 % = 16,66 %).

Nous pouvons aller plus loin, en calculant la valeur actuelle nette du projet en 2000. Si nous tenons compte de l'ensemble des mises en garde exposées dans notre précédente analyse (c'est-à-dire l'utilisation des flux de trésorerie selon leur valeur nominale et les paramètres utilisés pour le calcul de la valeur finale, à l'exception, bien entendu, du coût moyen pondéré du capital), nous obtenons la valeur actuelle négative indiquée ci-dessous :

2000 / 2001 / 2002 / 2003 / 2004 / 2005 / 2006 / Valeur actuelle nette

Flux de trésorerie / - 46 479 / - 69 719 / 9 005 / 12 616 / 6 930 / 7 710 / 68 698

Escompte / 1 / 1/(1 + WACC) / 1/(1 + WACC)^2 / 1/(1 + WACC)^3 / 1/(1 + WACC)^4 / 1/(1 + WACC)^5 / 1/(1 + WACC)^6

16,66 % / 1 / 0,8572 / 0,7348 / 0,6298 / 0,5399 / 0,4628 / 0,3967

Flux de trésorerie avec escompte / - 46 479 / - 59 762,56 / 6 616,67 / 7 946,13 / 3 741,50 / 3 568,16 / 27 252,87 / - 57 116,22

3. Ratios financiers

Le rapport de LECG partage notre point de vue selon lequel le modèle d'évaluation d'actifs financiers constitue l'instrument approprié pour l'évaluation du coût du capital ex ante. De plus, il n'avance aucun argument pour contester le recours au rendement du capital investi (RCI) en tant que variable de remplacement du coût moyen pondéré du capital (CMPC). Dès lors, il n'est pas nécessaire de répéter ici le raisonnement déjà exposé dans notre précédent rapport. Néanmoins, il pourrait être utile de rappeler les raisons pour lesquelles le rendement du capital investi constitue le ratio le plus approprié. Dans la mesure où la rentabilité économique d'une entreprise est mesurée ex post, en tenant compte de la différence existant entre la rentabilité du capital employé et le coût de ce dernier, on peut supposer que si l'on souhaite établir un critère de comparaison fondé sur les données antérieures des concurrents afin de déterminer la rentabilité minimale exigée par les investisseurs, la variable de remplacement la plus appropriée serait le rendement moyen du capital investi enregistré dans le secteur.

4. Extension de l'investissement à la construction d'hôtels et de locaux de bureaux

Les affirmations avancées à ce propos se fondent sur de nouveaux éléments de preuve, c'est-à-dire sur six rapports d'évaluation de terrains. Il convient de signaler sur ce point, à titre liminaire, que lesdits éléments de preuve ont été produits ex post, de sorte qu'ils ne faisaient pas partie intégrante des informations que les investisseurs potentiels avaient à leur disposition à l'époque (59). Ensuite, nous souhaitons souligner également que le rapport établi par Arthur Andersen se limite à évoquer la possibilité de procéder à la construction d'un complexe hôtelier (lors de la phase III) et de locaux de bureaux (lors de la phase IV). Le rapport comporte une estimation des coûts associés à la construction des hôtels et des locaux de bureaux, mais il n'inclut aucune évaluation des revenus y afférents. Dès lors, il apparaît que ledit rapport ne contient pas les informations nécessaires pour évaluer la rentabilité de telles constructions sur les terrains. Il ne fournit pas non plus de plan d'activité concernant le développement des phases III et IV. Le plan d'activité établi par Consultia IT ne contient qu'une référence indirecte aux hôtels, lorsqu'il fait mention d'une zone de services complémentaires. Le plan ne fait cependant pas référence à des locaux de bureaux. Par ailleurs, la section consacrée aux prévisions économiques et financières ne tient pas compte de ces activités. Autrement dit, à aucun moment un plan d'activité concernant la construction sur les terrains n'aurait été présenté à des investisseurs privés. Cela signifie que l'évaluation ex ante du projet n'aurait pas pu se fonder que sur le plan d'activité afférent aux studios cinématographiques. En outre, l'ensemble des éléments de preuve pertinents indique que le plan d'activité d'origine n'envisageait pas de construction sur les terrains. Et le rapport présenté par LECG en avril 2008 affirmait expressément, dans sa section 5 (La valeur de l'exploitation d'un complexe hôtelier et d'une zone commerciale dans Ciudad de la Luz), que les détails afférents à l'investissement dans le complexe de services (hôtels et zone commerciale) n'étaient analysés dans aucun des deux plans d'activités, parce que : i) les services précités seraient construits, dans tous les cas, après les studios cinématographiques, et ii) la rentabilité des studios était suffisamment élevée, de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'analyser à ce moment-là les flux de trésorerie additionnels que le projet Ciudad de la Luz serait susceptible de générer.

La seule information pertinente en vue de l'évaluation des terrains est apportée par les offres reçues par Ciudad de la Luz en 2005 en vue de la construction et l'exploitation des hôtels et d'une zone commerciale, comme exposé dans ladite section 5. Il s'agit d'une évaluation, de la part du marché à une période contemporaine de la décision d'investissement, période caractérisée, en outre, par le boom immobilier. Comme dit dans la section suivante, les évaluations d'Euroval ne fournissent pas d'orientations appropriées quant à la valeur des terrains en cause.

Pour le calcul de la valeur actuelle nette, en y incluant cette construction additionnelle sur les terrains, il peut être fait usage du prix du marché (le fait que ledit prix soit relativement bas, comme le reconnaissent les autorités espagnoles, démontrant une fois de plus que les investisseurs privés ne considéraient pas que cette construction était excessivement attirante).

Le tableau ci-dessous présente les calculs de la valeur actuelle nette, qui tiennent compte de la construction sur la base des offres réellement soumises en 2005 (560 000 EUR par an, pondérés en fonction de l'inflation, comme l'indique LECG). Comme on peut le constater, la valeur actuelle nette continue d'être négative.

2002 / 2003 / 2004 / 2005 / 2006 / 2007 / 2008

Flux de trésorerie / - 884 / - 1 792 / - 2 601 / - 118 177 / - 55 813 / - 25 088 / 4 462

IPC hôtels / 2005 : 1,000 / 2006 : 1,021 / 2007 : 1,042 / 2008 : 1,064

Hôtels / 2005 : 560 / 2006 : 572 / 2007 : 584 / 2008 : 596

Total / - 884 / - 1 792 / - 2 601 / - 117 617 / - 55 241 / - 24 504 / 5 058

Escompte / (1 + WACC)^2 / 1 + WACC / 1 / 1/(1 + WACC) / 1/(1 + WACC)^2 / 1/(1 + WACC)^3 / 1/(1 + WACC)^4

2002 / 2003 / 2004 / 2005 / 2006 / 2007 / 2008

14,91 % / 1,3204 / 1,1491 / 1,0000 / 0,8702 / 0,7573 / 0,6591 / 0,5735

Flux de trésorerie avec escompte / - 1 167,26 / - 2 059,19 / - 2 601,00 / - 102 355,76 / - 41 835,77 / - 16 149,82 / 2 901,01

2009 / 2010 / 2011 / 2012 / 2013 / 2014 / Valeur actuelle nette

5 5261 /6 561 / 6 842 / 8 057 / 8 307 / 80 447

1,087 / 1,110 / 1,133 / 1,157 / 1,181 / 1,206

609/ 621 / 634 / 648 / 661 / 9 401

6 135 / 7 182 /7 476 / 8 705 / 8 968 / 89 848

1/(1 + WACC)^5 / 1/(1 + WACC)^6 / 1/(1 + WACC)^7 / 1/(+ WACC)^8 / 1/(1+/WACC)^9 / 1/(1 + WACC)^10

0,4991 / 0,4344 / 0,3780 / 0,3290 / 0,2863 / 0,2491

3 061,91 / 3 119,74 / 2 826,09 / 2 863,46 / 2 567,38 / 22 383,73 / - 126 445,48

Euroval a préparé une série de rapports concernant l'évaluation des terrains. Ceux-ci ont été commandés par Sociedad Proyectos Temáticos de la Comunitat Valenciana, l'entreprise qui a investi dans le projet Ciudad de la Luz (CDL). Ces rapports visent à proposer une évaluation objective des terrains qui seraient destinés à la construction des hôtels et des bureaux du complexe CDL. L'évaluation a trait aux années 2000, 2002 et 2009. Pour chacune de ces années, deux parcelles de terrain ont été évaluées : la première destinée à la construction du complexe hôtelier et la deuxième à celle de bâtiments de bureaux. Au total, six rapports d'évaluation ont été rédigés.

Dans la mesure où lesdits rapports utilisent, grosso modo, les mêmes méthodes, certains de nos commentaires revêtiront un caractère général. Lorsque nous ferons allusion à des affirmations concrètes, nous citerons le rapport dans lequel figurent ces affirmations.

Le présent mémorandum décrit les limitations des rapports précités, et conclut que leurs évaluations sont dépourvues de toute fiabilité. Par ailleurs, le mémorandum souligne que le rapport d'évaluation est incompatible avec certaines des affirmations contenues dans les documents précédemment présentés par les autorités espagnoles. Enfin, il indique les types de preuves qui auraient pu être utilisés pour estimer la valeur des terrains.

4.1. Rapports

On peut constater qu'Euroval n'a ni signé ni cacheté ses rapports, de sorte qu'il n'a pas été démontré que ladite entité assume la responsabilité des évaluations.

Les autorités espagnoles affirment que les rapports d'évaluation des terrains rédigés en 2000 et en 2002 ne sont pas conformes aux exigences prévues dans le décret ministériel ECO 805/2003 relatif à l'évaluation des bâtiments (Orden Ministerial ECO 805/2003 relativa a la valoración de edificios), "car leur finalité est différente de celle visée par le champ d'application dudit texte" (par exemple, page 3 du rapport d'évaluation des locaux de bureaux relatif à l'année 2000). Les raisons pour lesquelles ledit décret ministériel ne doit pas s'appliquer ne sont pas expliquées. Ledit décret ministériel est également mentionné en même temps que la loi 6/1998 relative au régime applicable au sol et aux évaluations (page 13 du rapport précité). Les autorités espagnoles soutiennent que, dans la mesure où il est question d'une évaluation rétrospective pour 2000 effectuée en 2002, "l'équipe technique opérante est libre d'appliquer les pondérations et les hypothèses de calcul qu'elle estimera les plus appropriées par rapport au but poursuivi". Toutefois, il n'est pas indiqué quelles sont ces pondérations et ces hypothèses. Les raisons pour lesquelles la législation en vigueur n'aurait pas à s'appliquer ne semblent pas claires non plus, surtout en ce qui concerne l'évaluation des terrains. Il n'est pas non plus justifié pourquoi les lois en vigueur à l'époque n'ont pas été appliquées.

Le rapport qui contient l'évaluation actuelle (2009) du terrain destiné à la construction des bâtiments de bureaux comporte une affirmation encore plus surprenante. En effet, il y est indiqué que les méthodes d'évaluation applicables en vertu de la législation actuellement en vigueur peuvent être adaptées, dans la mesure où : "s'agissant, en l'espèce, d'une évaluation à des fins non monétaires à ce jour, l'équipe technique opérante est libre d'appliquer les pondérations et les hypothèses de calcul qu'elle estimera les plus appropriées par rapport au but poursuivi". Autrement dit, dans la mesure où l'évaluation ne va pas aboutir à une transaction monétaire, les méthodes d'évaluation dont l'application est imposée par la législation peuvent être modifiées. Plus précisément, dans la mesure où il n'est question d'aucune opération réelle/monétaire, l'équipe technique reconnaît qu'elle estime être en droit d'introduire les pondérations qu'elle estimera les plus appropriées par rapport au "bout poursuivi".

Il n'est donc pas étonnant qu'Euroval ne souhaite pas assumer officiellement de responsabilité au sujet de ses six rapports.

4.1 a) Rapports relatifs à la construction des locaux de bureaux (parcelle NNT)

Les rapports auraient dû également exposer plus clairement les implications de la qualification des terrains en tant que terrains à "usage tertiaire".

La limitation la plus flagrante de ces rapports réside dans la manière dont ils établissent les prix de référence comparatifs pour les surfaces de bureaux du complexe de Ciudad de la Luz. À la page 18 du rapport afférent à l'année 2000, sont énumérées neuf opérations immobilières, avec mention du prix payé au mètre carré. Lesdites opérations ont eu lieu entre décembre 1999 et septembre 2000, et le prix moyen au mètre carré s'est élevé à 1 111,70 EUR. Il s'agit là de la valeur prise comme référence comparative en ce qui concerne les surfaces de bureaux du complexe Ciudad de la Luz.

Le complexe Ciudad de la Luz se trouve en périphérie de la ville d'Alicante, à proximité d'une zone industrielle. Pourtant, les neuf opérations immobilières mentionnées plus haut concernent des bureaux (d'une surface moyenne de 115,26 mètres carrés) situés dans les rues commerçantes les plus prestigieuses de la ville d'Alicante. Le fait de se fonder sur de telles transactions pour établir un point de comparaison pour les 66 576,54 m 2 dont la construction était envisagée dans Ciudad de la Luz n'a, purement et simplement, aucun sens.

Le rapport est basé sur l'indice des prix à la consommation (IPC) espagnol pour déflater les valeurs courantes. C'est ainsi notamment, que l'IPC est utilisé pour déflater une évaluation courante des terrains jusqu'en 2000 (page. 24). Il convient de garder à l'esprit que, comme son nom l'indique, l'IPC n'englobe pas l'inflation du prix des actifs. Cet indice est calculé sur la base d'un panier de biens de consommation. Pour les raisons exposées ci-dessous, le fait d'utiliser ledit indice afin de déflater les valeurs des terrains et/ou des biens immobiliers est loin d'être anodin.

Il est de notoriété publique que l'Espagne a connu un fort boom immobilier, qui a duré plus de dix ans (les problèmes macroéconomiques qui affectent le pays à l'heure actuelle sont en grande partie liés à cette bulle immobilière). Ce boom a eu pour conséquence que les prix des terrains ont augmenté beaucoup plus vite que l'IPC général.

D'après les statistiques compilées par le ministère du logement du gouvernement espagnol (http ://www.mviv.es/es/), le prix des logements dans la province d'Alicante a augmenté de 122,2 % entre le premier trimestre de 2000 et le troisième trimestre de 2009 (cette période a été choisie car elle coïncide avec celle utilisée dans le rapport rédigé par Euroval en 2000 : janvier 2000 à août 2009). Il suffit de parcourir rapidement la liste chronologique en cause pour constater que le rythme auquel augmente le prix des logements a atteint un pic maximal au début de la période considérée.

Cette même source statistique fournit, en outre, des informations concernant le prix des terrains, mais, malheureusement, la liste ne débute qu'en 2004. Au cours du premier trimestre de cette année-là, le prix moyen au mètre carré des terrains urbains dans la province d'Alicante était de 234,3 EUR/m 2 . Pendant cette même période, le prix moyen au mètre carré des terrains urbains dans les localités de plus de 50 000 habitants de la province d'Alicante s'élevait à 464,9 EUR/m 2 .

Dans la mesure où le prix des terrains susceptibles d'être utilisés pour la construction en zone urbaine est hautement corrélé au prix du logement, il est possible d'obtenir une valeur approximative par rapport au déflateur des prix du logement pour la période comprise entre le premier trimestre de 2000 et le quatrième trimestre de 2003, en se fondant sur l'inflation subie par le prix du logement à cette période. Selon le ministère espagnol du logement, entre le premier trimestre 2000 et le troisième trimestre 2003, le prix du logement à Alicante a augmenté de 80,1 %.

Dès lors, qu'on tienne compte du prix moyen des terrains dans l'ensemble de la province (234 EUR/m 2 au cours du premier trimestre 2004) ou du prix moyen des terrains dans les localités de plus grande taille (464,9 EUR/m 2 , pour cette même période), l'application d'un déflateur d'une telle importance (+/- 80 % environ) a comme résultat, pour le premier trimestre 2000, un prix des terrains très inférieur à celui indiqué dans le rapport d'Euroval.

Il convient par ailleurs de signaler également que, en ce qui concerne l'évolution des prix, les rapports présentent des contradictions. Comme dit précédemment, à la page 18 du rapport afférent à l'année 2000, sont énumérées neuf transactions immobilières, en mentionnant le prix payé au mètre carré. Lesdites transactions ont eu lieu entre décembre 1999 et septembre 2000, et le prix moyen au mètre carré s'est élevé à 1 111,7 EUR. Il s'agit là de la valeur prise comme référence comparative en ce qui concerne les surfaces de bureaux du complexe Ciudad de la Luz.

Le rapport de 2009 fait usage de la même méthode. À la page 18 du rapport sont énumérées sept transactions immobilières intervenues entre avril 2007 et décembre 2008. La valeur moyenne desdites transactions est de 2 736,22 EUR par mètre carré. Ainsi, le rapport de 2009 prouve de manière indiscutable que l'inflation du prix des immeubles dépassait largement le taux de 33,5 % utilisé dans le rapport afférent à l'année 2000. Si l'on compare les deux rapports, on obtient une inflation de 146,1 %, ce qui correspond parfaitement aux rapports du Ministère espagnol du logement : entre le premier trimestre 2000 et le deuxième trimestre 2008 (période pendant laquelle sont intervenues la plupart des transactions évoquées dans le rapport de 2009), le prix du logement dans la province d'Alicante a augmenté de 152,1 %.

Le fait que les informations qui figurent dans le rapport de 2009 aient fait l'objet d'une déflation de 15 %, afin d'établir les prix courants, ne modifie en rien la situation générale, au vu de l'importance des chiffres en cause.

Il convient de noter à titre complémentaire, que le fait de se fonder sur les prix des bureaux de petites surfaces situés au centre-ville d'Alicante pour établir la référence de comparaison pour le complexe Ciudad de la Luz n'a absolument aucun sens.

Deux autres éléments méritent d'être pris en considération. Premièrement, en période d'essor du marché immobilier, le prix des terrains augmente en général plus rapidement que le prix final du logement. En tout état de cause, l'indice des prix du logement sous-estime l'inflation du prix des terrains. Deuxièmement, il est probable que le prix moyen des terrains situés dans les localités de plus grande taille ne soit pas représentatif des prix des terrains situés dans des emplacements tels que celui de CDL. Par ailleurs, la plupart des informations utilisées en vue de l'établissement de ce prix moyen concernent des terrains situés en ville, ou en proche banlieue (comme les résidences de banlieue). Or, CDL se trouve en dehors de la ville, dans une zone ayant une présence faible (voire inexistante) d'habitations.

Enfin, les données sur l'inflation du prix du logement peuvent être consultées dans les supports utilisés pour la formation des étudiants de deuxième année de l'Université Carlos III de Madrid, disponibles sur : http ://www.eco. uc3m.es/~ricmora/ee/, supports, Thème I, diapositive 67, reproduite ci-dessous. Ce graphique vient confirmer, s'il en était besoin, que le prix du logement a augmenté à une vitesse bien supérieure que l'IPC.

<Emplacement graphique 2>

Dans tous les rapports, les arguments défendant la nullité des coûts d'urbanisation s'avèrent peu solides, dans la mesure où il est nécessaire de prendre en charge certains frais additionnels.

Enfin, dans le cas du complexe de locaux de bureaux (NNT), un écart de 35 % (2002), ou supérieur à 50 % (2000) entre les valeurs obtenues en appliquant les deux méthodes d'évaluation (la méthode résiduelle dynamique et l'augmentation de l'IPC) met en évidence le caractère fortement spéculatif de l'exercice.

4.1 b) Rapports relatifs à l'évaluation du terrain destiné à la construction d'un complexe hôtelier (parcelle NNH)

Les rapports de 2000 et de 2002 relatifs au deuxième terrain (NNH) présentent les mêmes limitations (recours à un déflateur inapproprié, absence de justification du défaut d'application des méthodes d'évaluation prévues par la législation espagnole, etc.). Comme dit précédemment, aucun de ces rapports n'est signé ou cacheté.

Il convient néanmoins d'ajouter quelques observations. Les rapports de 2000 et de 2002 établissent des prix de référence pour les chambres d'hôtel à l'aide de prix moyens. Cependant, la source de ces informations n'est pas mentionnée, et il n'est pas non plus clairement établi si elles ont trait à la province d'Alicante (rapport de 2002) ou à la Comunitat Valenciana dans son ensemble (rapport de 2000).

Les prix moyens qui en résultent sont de 44,95 EUR/nuit dans le rapport de 2000, et de 47,65 EUR/nuit dans celui de 2002. Bien que la source à l'appui de ces valeurs n'ait pas été fournie, elles semblent coïncider avec les précédentes.

Par ailleurs, le rapport de 2009 comporte une liste de six hôtels qui jouissent d'une bonne situation (tous ont quatre ou cinq étoiles), afin d'établir un prix servant de référence pour la comparaison. Ledit prix est fixé à 104 EUR/nuit. On n'explique pas la raison pour laquelle la méthode utilisée pour établir les prix de référence pour la comparaison diffère de celle appliquée dans les rapports de 2000 et de 2002.

Et, qui plus est, il n'est pas facile de comprendre les raisons pour lesquelles l'analyse se concentre exclusivement sur des hôtels quatre et cinq étoiles. Existe-t-il un quelconque indice d'après lequel il y aurait une demande pour des hôtels de ces catégories à la périphérie d'Alicante, à proximité d'une autoroute et d'une zone industrielle ?

Dans le même ordre d'idées, il est révélateur de constater que le seul hôtel situé à proximité du complexe CDL n'a pas été mentionné. Il s'agit d'un hôtel de la chaîne IBIS, qui pratiquait des prix à partir de 49 EUR/nuit au cours de l'été 2010 (http ://www.ibishotel.com/gb/reservation/multirates.jshtml, consultation du 24 février 2010). Une autre preuve mérite d'être mentionnée : des appartements de luxe situés près d'un terrain de golf (et relativement proches de CDL) appliquaient un tarif de 80 EUR/nuit en août 2010 (haute saison, voir http ://www.hotelesoasis.com/ WebOasis/EN/ficha_hotel/plantio_golf/descripcion.jsp, consultation du 24 février 2010).

Le rapport de 2009 relatif à la parcelle NNH comporte également certaines affirmations étonnantes. Il apparaît pour le moins surprenant et positif de découvrir d'emblée que la méthode utilisée pour l'évaluation est conforme à la législation (à la page 13 du rapport, il est indiqué ce qui suit : "Sont utilisés, en tant que référence méthodologique, d'une part, les critères stipulés par le décret ministériel espagnol ECO 805-2003 relatif à l'évaluation des biens immeubles, ainsi que la loi 6/1998, du 13 avril 1998, relative à l'évaluation du sol, puisqu'il s'agit, en l'espèce, d'effectuer une évaluation à des fins de connaissance de la valeur à ce jour"), pour constater ensuite, à la page 25 du même rapport que, après tout, le rapport d'évaluation ne satisfait pas aux exigences prévues par le décret ministériel précité : "conformément aux dispositions de l'article 61, paragraphe 1, point b), du décret ECO 805/2003 du mois de mars, relatif à la réglementation concernant l'évaluation de biens immeubles, il convient de signaler que le présent rapport d'évaluation ne se conforme pas formellement à ladite réglementation, dans la mesure où il vise une finalité autre que celle faisant l'objet de ladite réglementation".

Il est de même intéressant de souligner qu'il existe une énorme différence entre les estimations du prix au mètre carré pour les deux parcelles évaluées (NNH et NNT). S'il est vrai que les usages prévus (bureaux ou hôtels) peuvent expliquer, en partie, une telle différence, il n'en demeure pas moins qu'elle reste, malgré tout, étonnante. S'agissant de la parcelle destinée à la construction des hôtels, les valeurs retenues oscillent entre 144,12 EUR/m 2 en 2000 et 188,35 EUR/m 2 en 2009. Toutefois, pour les surfaces de bureaux, les ampleurs respectives varient entre 491,64 EUR/m 2 en 2000 et 800 EUR/m 2 en 2009. Comment expliquer une différence aussi importante dans l'évolution des prix (inflation) de ces deux parcelles contiguës ? Comment peut-on justifier un tel écart, supérieur à 300 % ?

Doit-on conclure qu'une telle différence tient au fait que la méthodologie utilisée pour l'évaluation de la parcelle destinée à la construction des hôtels se rapproche davantage des règles prévues par la loi en la matière ? Ou doit-on imputer un tel état de fait à la plus grande transparence du prix d'une nuit d'hôtel ?

Il est également affirmé que les coûts variables représentent 50 % des revenus (par exemple, aux pages 18-19 du rapport de 2009). D'où vient l'estimation de marges aussi larges ?

Les coûts de construction sont calculés en appliquant un module de prix de référence. Dans les rapports de 2000 et 2002, on utilise les données correctes, mais dans celui de 2009, on a recours aux informations de l'année 2006. Pourquoi ?

4.2. Primes de risque

On constate également que les rapports reconnaissent que l'investissement dans des installations hôtelières présente un niveau de risque plus élevé que l'investissement dans des locaux de bureaux (voir, par exemple, les pages 12 et 26 du rapport de 2000). Les autorités espagnoles avaient prévu, depuis l'origine, la construction d'un complexe hôtelier.

Dans le même ordre d'idées, le rapport indique que le type d'escompte ou d'actualisation découle de l'application de la formule ci-dessous (page 16 du rapport de 2000) :

i = Taux sans risque + prime de risque.

Sur cette même page du rapport, un tableau présente les primes minimales de risque à appliquer. Les primes pertinentes dépassent la rentabilité ex ante escomptée sur l'investissement dans Ciudad de la Luz.

Enfin, la prime de risque utilisée dans les calculs mentionnés à la page 21 du rapport de 2000 (10 %) est inférieure à celle qui figure dans le tableau correspondant de la page 16 (11 %).

4.3. Évaluations crédibles

Afin d'obtenir une évaluation crédible des terrains, il aurait été nécessaire de fournir des évaluations proches de 2000 concernant plusieurs parcelles présentant des caractéristiques similaires en termes de superficie et de situation (à proximité de la zone industrielle Aguas Amargas), destinées à des usages tertiaires ou hôteliers.

Notes

(1) JO C 134 du 31.5.2008, p. 21.

(2) Le plaignant A est un grand studio cinématographique européen. Il a souhaité que son identité ne soit pas dévoilée.

(3) New Valencia studio offers film rebates (Les nouveaux studios valenciens proposent des remises pour le tournage de films) (http ://www. variety.com/article/VR1117958591.html?categoryid=19&cs=1 ; Polanski's Pompeii takes shape (La Pompéi de Polanski prend forme) http ://www.variety.com/article/VR1117963040?refcatid= 19&printerfriendly=true.

(4) Le plaignant B fait partie des grands opérateurs du secteur cinématographique européen. Il a, lui aussi, souhaité que son identité ne soit pas dévoilée.

(5) Voir la note 1 de bas de page.

(6) À la suite de la cession du capital social du 7 octobre 2004, Ciudad de la Luz SA est devenue Ciudad de la Luz SAU, une société anonyme unipersonnelle dont la totalité du capital social appartenait à SPTCV.

(7) Source : article Let there be light (Et la lumière fut), publié dans Hollywood Reporter, le 31 octobre 2006 : http ://www. hollywoodreporter.com/news/let-be-light-141371

(8) Annexe I à la réponse du Royaume d'Espagne du 28 avril 2008 : L'industrie audiovisuelle : une croissance permanente (Estudios e Investigaciones Audiovisuales [Études et recherches audiovisuelles] - janvier 1999).

(9) Annexe IV à la réponse du Royaume d'Espagne du 28 avril 2008 : Étude concernant les différents emplacements envisageables pour un centre de production audiovisuelle de haute technologie dans la Comunitat Valenciana - Résumé exécutif (PriceWaterhouseCoopers - 30 janvier 2000).

(10) Annexe II à la réponse du Royaume d'Espagne du 28 avril 2008 : Cité audiovisuelle de la Comunitat Valenciana - Analyse préliminaire concernant la faisabilité du projet (Arthur Andersen - document non daté).

(11) Annexe III à la réponse du Royaume d'Espagne du 28 avril 2008 : plan d'activité et de faisabilité de la cité audiovisuelle de la Comunitat Valenciana (Arthur Andersen - document non daté).

(12) Voir la note 10 de bas de page.

(13) Annexe VI à la réponse du Royaume d'Espagne du 28 avril 2008 : Lignes stratégiques et plan d'activité 2004-2014 (Consultia IT - 7 mai 2004).

(14) Décisions relatives à des aides d'État N 379-07 (2 avril 2008), N 309-08 (15 décembre 2008) et N 108-09 (30 juillet 2009).

(15) La subvention nationale peut atteindre jusqu'à 24 % des frais de production au Royaume-Uni, et 20 % en Allemagne. Dans sa révision de la communication sur le cinéma, la Commission tente de mettre un frein à la course aux subventions entre les régimes nationaux de soutien aux productions cinématographiques, qui visent à attirer les investissements des grandes sociétés de production cinématographique étrangères.

(16) Le cabinet de conseil économique Ecorys a rédigé une étude indépendante concernant cette affaire. Voir la section V pour plus de détails.

(17) Néanmoins, Ecorys a également inclus les studios européens Babelsberg dans sa comparaison, ainsi que d'autres entreprises du monde entier.

(18) Study on applying the market economy investor principle to the public investment in Ciudad de la Luz (Étude relative à l'application du principe de l'investisseur privé en économie de marché à l'investissement public dans Ciudad de la Luz), rapport final (Ecorys - 19 juillet 2011).

(19) C'est ainsi par exemple que dans l'affaire Citynet Amsterdam, la Commission a estimé que le principe de l'investisseur privé en économie de marché avait été respecté, dans la mesure où l'investisseur public avait investi dans le projet dans des conditions comparables à celles dans lesquelles aurait investi un investisseur privé. Décision C 53-2006 du 11 décembre 2007.

(20) Dans l'affaire Valmont, le Tribunal a estimé que la Commission n'aurait pas dû se fonder simplement sur l'existence du rapport d'un expert indépendant pour déterminer si la vente du terrain dont il était question emportait la concession d'une aide d'État. C'est ainsi que le Tribunal a exigé que la Commission aurait dû également vérifier la valeur du marché, évaluation à laquelle s'est livré le Tribunal lui-même (affaire T-274/01). Dans les affaires Hamsa (C-316-02) et Lenzing (C-525-04), la Cour de justice a reconnu que si la Commission dispose d'une marge d'appréciation en matière économique, il n'en demeure pas moins que "le juge communautaire doit [...] vérifier l'exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence [...]".

(21) Par définition, le taux de rentabilité interne équivaut au taux d'escompte, ce qui a pour conséquence que la valeur actuelle nette de l'investissement soit égale à zéro.

(22) Brealey et Myers, 2000, Principles of Corporate Finance (Principes de gestion financière), sixième édition (chapitre 5, p. 100).

(23) Voir, à titre d'exemple, Brealey et Myers, 2000, Principles of Corporate Finance (Principes de gestion financière), sixième édition (chapitre 8).

(24) http ://www.tradingeconomics.com/spain/government-bond-yield

(25) Pablo Fernández, 2004, "Market risk premium : required, historical and expected" (Prime de risque du marché : nécessaire, historique et escomptée), document de recherche rédigé pour l'IESE Business School.

(26) Pablo Fernández (2009) : "The equity premium in 150 textbooks" (La prime de risque dans 150 manuels), document de recherche rédigé pour l'IESE Business School.

(27) http ://www.carreregroup.com/fr/documents/financials/Etude_ Financiere_13062001.pdf

(28) Source : Rapport de gestion ORBIS.

(29) Le rapport indépendant rédigé par Ecorys va plus loin et analyse également les prémisses du plan d'activité, et critique certaines d'entre elles. Par exemple, il est indiqué dans ledit rapport que "le choix de l'emplacement géographique ne semble pas évident du point de vue stratégique, dans la mesure où nulle synergie n'y a pu être identifiée avec une industrie cinématographique située à proximité. Il existe d'autres régions en Espagne dans lesquelles on trouve des lieux semblables, mais qui sont également plus proches des noyaux de l'industrie cinématographique déjà existante" (p. 30). Le rapport indique plus loin que : "(i)l convient d'attirer l'attention, à ce propos, sur le fait qu'en particulier pendant les premières années d'exploitation du studio et de l'établissement de formation, des ressources humaines locales dûment formées et qualifiées feront défaut. Dans ces conditions, un investisseur privé prudent aurait probablement préféré un autre endroit pour l'implantation d'un studio de tournage cinématographique" (p. 31). En ce qui concerne l'investissement de 2004, le rapport indique ce qui suit : "(i)l est permis de douter qu'un investisseur privé aurait choisi de construire, en partant de zéro, des studios cinématographiques dans une zone dans laquelle les ressources humaines appropriées auraient fait défaut pendant les premières années de fonctionnement tant des studios que de l'établissement de formation" (p. 39).

(30) Référence au deuxième rapport de LECG.

(31) Ecorys, Study on applying the market economy investor principle to the public investment in Ciudad de la Luz (Étude relative à l'application du principe de l'investisseur privé en économie de marché à l'investissement public dans Ciudad de la Luz), 19 juillet 2011.

(32) Pages 30 et 39 du rapport Ecorys.

(33) Comme indiqué aux considérants 29 et 53. Si l'on considère que les crédits sont des "equity investments", il n'y a pas lieu de tenir compte des intérêts.

(34) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.

(35) Voir, notamment, la décision dans l'affaire NN 84/04 du 22 mars 2006, France - Régimes d'aide au cinéma et à l'audiovisuel. Dans le cadre de cette affaire, la Commission avait autorisé, a posteriori, en se fondant sur les dispositions de l'article 107, paragraphe 3, point c) ou d), du TFUE, des mesures d'aide destinées au soutien, entre autres, de la distribution de films, de la création, de la rénovation ou de la modernisation de salles de cinéma, de la distribution de vidéos musicales ou de vidéos, des activités de recherche et de développement et du développement de technologies de postproduction. Voir également la décision dans l'affaire N 192-08 du 11 avril 2008, Espagne - Promotion du doublage et du sous- titrage de films en langue basque.

(36) Les biens publics existent pour le cas où il ne serait pas possible de fournir un bien ou un service à une personne sans en exclure, pour cela, d'autres personnes, ou encore lorsqu'il n'existe pas de rivalité dans la consommation (par exemple, pour l'éclairage public ou le réseau routier). Les biens d'intérêt général ou méritoires sont constitués par les biens et les services que les administrations publiques estiment que les citoyens ne consommeront pas suffisamment, de sorte qu'ils doivent faire l'objet de subvention ou être mis à disposition à titre gratuit (par exemple, l'enseignement ou les bibliothèques publiques).

(37) La communication sur le cinéma de 2001 arrête les critères d'application de la dérogation culturelle prévue à l'article 107, paragraphe 3, point d), aux régimes d'aides destinées à promouvoir la production d'œuvres audiovisuelles.

(38) Affaire C-70-72, Commission/Allemagne, point 13.

(39) Affaires jointes C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Espagne/ Commission, point 75.

(40) Affaire C-75-97, Belgique/Commission, points 64 et 65.

(41) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(42) JO L 125 du 28.4.2004, p. 4.

(43) À défaut de dette.

(44) Par définition, le taux de rentabilité interne correspond au taux d'escompte, ce qui fait que la valeur actuelle nette de l'investissement est égale à zéro.

(45) Brealey et Myers (2000), Principles of Corporate Finance (Principes de gestion financière), sixième édition (chapitre 5, p. 100).

(46) Le recours à cette référence ne saurait être interprété comme valant considération que ce chiffre est correct. Il apparaît compliqué de déterminer avec exactitude les prévisions des flux de trésorerie. Il est ainsi probable que, dans le meilleur des cas, le taux de rentabilité interne indiqué de 5,74 % constitue un plafond.

(47) La définition générale du coût moyen pondéré du capital, qui inclut tant le capital que la dette, figure dans l'annexe.

(48) Global Insight.

(49) Pablo Fernández (2004). Market risk premium : required, historical and expected, document de travail de l'école de commerce IESE.

(50) Hans W. Friederiszick et Michael Troge, DG COMP, CET, "Applying the MEIP to State Owned Companies - Lessons learned from the German Landesbanken Cases", Competition Policy Newsletter, n o 1, printemps 2006.

(51) Cette confusion apparaît souvent, car dans les manuels financiers, certains auteurs partent d'un bilan de situation simplifié, qui ne comporte que le capital social et la dette financière, en faisant ainsi abstraction du passif courant. En fait, dans de tels cas de figure, la rentabilité des actifs est égale au rendement du capital investi. Il n'en est toutefois pas souvent ainsi dans la vie réelle.

(52) Comme dit précédemment, la médiane pour ce groupe est inférieure à la médiane arithmétique. Pour cette analyse de groupe d'homologues, Amadeus fournit la médiane annuelle du rendement du capital investi correspondant au groupe des homologues dans son ensemble. Pour agréger les informations obtenues dans la durée (les données figurant dans le texte), on calcule la "médiane des médianes annuelles".

(53) ORBIS est une base de données mondiale qui comporte des informations sur plus de 50 millions d'entreprises du monde entier (Bureau van Dijk Electronic Publishing).

(54) Source : Rapport sur les entreprises ORBIS.

(55) Pablo Fernández (2009) : "The Equity Premium in 150 Textbooks", document de travail de l'école de commerce IESE.

(56) Damodaran (Damodaran, Aswath (1994), Damodaran on Valuation. New York : John Wiley and Sons) adopte également cette approche pour calculer le bêta pour Disney. À partir des données journalières, il obtient un bêta de 1,33 ; avec les données hebdomadaires, un bêta de 1,38 ; avec les données mensuelles, un bêta de 1,33 ; avec les données trimestrielles, un bêta de 0,44, et avec les données annuelles, il obtient un bêta de 0,77. Sur une période de trois ans, il obtient une valeur de 1,04, qui est portée à 1,13 si la période est de cinq ans, ou encore à 1,18 si la période est de 10 ans. Le bêta dépend également de l'indice pris comme critère de comparaison. C'est ainsi que pour le Dow 30, on obtient un bêta de 0,99, pour l'indice S&P 500, un bêta de 1,13, et enfin, pour le Wilshire 5000, on obtient une valeur de 1,05.

(57) D'après nos calculs, le coût moyen pondéré du capital en 2004 était de 14,91, si l'on part d'un taux sans risque de 4,1 % et d'une prime de risque du marché de 6,8.

(58) Voir les statistiques de l'OCDE.

(59) Le rapport de LECG du 25 avril 2008 adopte cette même ligne, en affirmant, d'emblée (au début de la section 2.1) que la question pertinente qui se pose pour ce qui est de l'application du principe de l'investisseur en économie de marché est : "au vu des informations disponibles au moment de la réalisation de l'investissement, le projet offrait-il une rentabilité telle qu'un investisseur privé aurait également décidé de participer à l'investissement concerné ?[...] La décision d'investissement doit être analysée en adoptant une approche ex-ante".